Les Poètes du terroir T I/Béarn, Poésies et chansons

Béarn, Poésies et chansonsLibrairie Ch. Delagrave Tome premier (p. 131-134).

POÉSIES ET CHANSONS DIVERSES


LA CAPTIVITÉ DE FRANÇOIS Ier

Quand le roi partit de France,
Conquérir d’autres pays,
À l’entrée de Pavie
Les Espagnols l’ont pris.

— Rends-toi, rends-toi, roi de France,
Sans cela, tu es mort ou pris.
— Comment serais-je le roi de France,
Quand jamais je ne l’ai vu ?

On lui leva l’aile du manteau,
On y vit la fleur de lis ;
On le prend, on le lie,
Dans la prison on l’a mis.

Dedans une tour obscure
Où jamais ne se vit soleil ni lune,

Sinon par une petite fenêtre,
Un postillon vit venir.

— Postillon, quelles lettres tu portes ?
Que raconte-t-on à Paris ?
— La nouvelle que je porte,
Le roi est mort ou pris.

Reviens-t’en, postillon, en poste,
Reviens-t’en à Paris ;
Recommande-moi à ma femme
Ainsi qu’à mes enfants petits.

Qu’ils fassent battre monnaie,
Celle qui se trouve à Paris,
Qu’on m’en envoie une charge
Pour me racheter au pays !

(Poésies béarnaises ; Pau, Vignancour, 1860.)

LA CAPTIVITAT DE FRANÇOIS Ier

Quoan lou rey parti de France,
Counqueri d’autes pays,
A l’entrade de Pavie
Lous Espagnols bé l’han pris.

— Reu-té, reu-té, rey de France !
Que si nou, qu’és mourt ou pris.
— Quoan seri lou rey de France ?
Que jamey jou nou l’hey bis.

Qu’eÜ lheban l’aie deü mantou,
Trouban l’y la flou de lys ;
Qu’eü me prenen, qu’eü liguen
Dens la prisou que l’han mis.

Dehens ie tour escure
Jamey sou ni lue s’y ha bis,

Si nou, per ûe frinestote,
U postilhou bet béni.

— Postilhou, qué lettres portos ?
Qué s’y counte tà Paris ?
— La nouvelle que jou porti,
Lou rey qu’es mort ou bien pris.

— Tourne-t’en, postilhou, en poste !
Tourne-t’en en tà Paris !
Arrecoumendem à ma féme
Tabé mous infants petits !

Que hassen batte mounède,
La que sie dens Paris ;
Que m’en embien üe cargue
Per rachetam’ aü pays !

CHANSON DE GASTON-PHEBUS[1]

Ces montagnes, qui sont si hautes,
M’empêchent de voir où sont mes amours,
Dériton, ton, ton, déritaine,
Où sont mes amours.

Si je savais les voir ou les rencontrer,
Je passerais l’eau sans peur de me noyer.
Dériton, ton, ton, déritaine,
Sans peur de me noyer.

Ces montagnes s’abaisseront.
Et mes amourettes alors paraîtront
Dériton, ton, ton, déritaine,
Alors paraîtront.


CANSOU DE GASTOU FEBUS

Aquères mountines qui ta haütes soun
M’empèchen de bédé mas amouis oun soun,
Deritoun, toun, toun, deriténe,
Mas amous oun soun.

Si saby las bédé ou las rencountra,
Passeri l’ayguette chens poü d’em néga,
Deritoun, toun, toun, deriténe,
Chens poü dé’m néga.
 
Aquères moutines que s’abacheran,
Et mas amourettes que parécherau,
Deritoun, toun, toun, deriténe,
Que parécherau.

CHANSON[2]

Maudit soit l’amour,
La nuit comme le jour,

Mon Dieu !
Que de larmes me coûte
Cet adieu !

Ne cherche pas à me consoler,
Laisse-moi dans la tristesse
Pleurer ;
Ma volage maîtresse
Vient de me quitter.

Un nouvel amant,
Lorsqu’elle était la plus aimée
D’amour,
L’a fait changer ;
Pauvre de moi !

Ne m’en parle plus,
De cette malheureuse,
Jamais :
La vie m’est plus affreuse
Quand je la vois.


CANSOU

Maüdit sie l’amour,
La noueyt coume lou dié,

Moun Diü !
Quoand dé larmes mé coste
Aquét adiü !

Nou’m boulhes counsoula,
Lèche’m dens la tristesse
Ploura ;
Ma boulatgé mestresse
Bien dé’m quitta.

U nabèt aymadou
Quoand plus ère bésiade
D’amou,
Que la’m a capbirade ;
Praübé dé you !
 
Nou’m en parlés pas mey,
D’aquère malurouse,
Ya mey :
La bite m’ey affrouse
Quoand you la bey.



  1. Cette pièce, la plus populaire sans aucun doute des chants béarnais, a été attribuée à Gaston-Phebus. (Voir notre notice.) Le texte que nous en donnons ici est extrait du recueil de Rivarès : Chansons et Airs populaires du Béarn, Pau, 1814.
  2. Frédéric Rivarès, Chansons et airs populaires, etc.. 1844.