Les Pleurs/Le Crieur de nuit

Pour les autres éditions de ce texte, voir Le Crieur de nuit.

Les PleursMadame Goullet, libraire (p. 315-320).
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LE
CRIEUR DE NUIT.

Éveillez-vous, gens qui dormez,
Priez Dieu pour les trépassés.

Cri de minuit, ancienne coutume. —

LVI.

Éveillez-vous, gens qui dormez ;
Sur vos toits minuit passe et pleure :
Priez Dieu, s’il vous plaît ! c’est l’heure,
Pour les morts qui vous ont aimés ;
Éveillez-vous ! gens qui dormez.


« Toi qui ne pleures rien encore,
Ô mon ange ! ne tremble pas !
Viens verser un secret, tout bas,
Dans un cœur vivant qui t’adore,
Toi qui ne pleures rien encore. »

Éveillez-vous, gens qui dormez ;
Sur vos toits minuit passe et pleure :
Priez Dieu, s’il vous plaît ! c’est l’heure,
Pour les morts qui vous ont aimés ;
Éveillez-vous ! gens qui dormez.

« Sous les jasmins de ta fenêtre,
Nul passant ce soir ne me nuit :
J’ai gagné le crieur de nuit ;
Descends donc pour me reconnaître
Sous les jasmins de ta fenêtre ! »

Éveillez-vous, gens qui dormez ;
Sur vos toits minuit passe et pleure :
Priez Dieu, s’il vous plaît ! c’est l’heure,
Pour les morts qui vous ont aimés ;
Éveillez-vous ! gens qui dormez.


« Sans laisser tomber une rose
Sur le front de ton fiancé,
Minuit s’en va triste et lassé ;
Et ta blanche fenêtre est close,
Sans laisser tomber une rose ! »

Éveillez-vous, gens qui dormez ;
Sur vos toits minuit passe et pleure :
Priez Dieu, s’il vous plaît ! c’est l’heure,
Pour les morts qui vous ont aimés ;
Éveillez-vous ! gens qui dormez.

« Minuit fera lever l’aurore ! »
Dit l’ange qui se dévoila.
« Ô mon fiancé, me voilà :
Si vous sonnez long-temps encore,
Minuit fera lever l’aurore ! »

Éveillez-vous, gens qui dormez ;
Sur vos toits minuit passe et pleure ;
Priez Dieu, s’il vous plaît ! c’est l’heure,
Pour les morts qui vous ont aimés ;
Éveillez-vous ! gens qui dormez.


« Dieu ! dit la mère de famille,
Jamais pour les morts mécontens
Minuit n’a pleuré si long-temps ;
Il aura fait peur à ma fille :
Paix dans les cieux à ma famille ! »

Éveillez-vous, gens qui dormez ;
Sur vos toits minuit passe et pleure ;
Priez Dieu, s’il vous plaît ! c’est l’heure,
Pour les morts qui vous ont aimés ;
Éveillez-vous ! gens qui dormez.

Des petits enfans et des mères,
Racontèrent, le lendemain,
À l’ange riant sous sa main,
Qu’un mort prolongeait les prières
Des petits enfans et des mères !