Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France/M. MAINE DE BIRAN

Librairie de L. Hachette ET Cie (p. 49-78).
CHAPITRE III


M. MAINE DE BIRAN.


I


Pendant que M. Royer-Collard du haut de sa chaire dénonçait pour la première fois le danger des doctrines régnantes, un penseur solitaire, opiniâtrement absorbé dans la contemplation de lui-même, s’écartait peu à peu de la philosophie sensualiste par l’effort répété de son propre esprit. Quoiqu’il fût entré dans l’administration et les affaires, il avait toujours réservé à la psychologie une part de lui-même. « Il avait, dit-il lui-même, une pente naturelle vers les choses d’observation intérieure » … Il suivait « une lumière intérieure, un esprit de vérité qui luit dans les profondeurs de l’âme et dirige l’homme méditatif appelé à visiter ces galeries souterraines… Cette lumière n’est pas faite pour le monde, car elle n’est appropriée ni au sens externe ni à l’imagination ; elle s’éclipse ou s’éteint même tout à fait devant cette autre espèce de clarté des sensations et des images ; clarté vive et souvent trompeuse qui s’évanouit à son tour en présence de l’esprit de vérité. »

Ainsi occupé, et ses regards concentrés sur lui-même, il avait fini, comme les philosophes indiens, par isoler et constituer à part, du moins à ses propres yeux, son être intérieur et sa volonté active. Des sentiments platoniciens et même chrétiens avaient fortifié les secrètes dispositions que l’abstraction psychologique et la retraite en soi avaient formées. Faute d’écho parmi les compatriotes de Cabanis, de M. de Tracy et de Laromiguière, il avait envoyé ses idées en pays germanique. Après avoir écrit pour notre Académie des sciences morales, il adressait ses mémoires aux Académies de Copenhague et de Berlin. De Condillac, il passait à Descartes, à Leibnitz, Platon, Plotin lui-même, admirait M. Royer-Collard, inspirait le brillant jeune homme qui, la trompette à la main, parcourant la contrée philosophique déployait la variété, l’agrément et l’agilité de ses fanfares, pour attirer la foule autour des nouveaux dogmes. Pour lui, enfermé dans son œuvre, il s’enfonçait toujours plus avant dans sa psychologie des forces, de là dans une métaphysique subtile, plus loin encore jusqu’aux confins du mysticisme, laborieux, abstrait, obscur dans son style, sorte d’oracle visité par quelques chercheurs, mais reculé dans les hauteurs, voilé de nuages, entouré de broussailles, inaccessible au vulgaire. Encore aujourd’hui, il rebute, et si on le donne à lire à des gens versés dans les sciences expérimentales, amateurs d’idées claires, accoutumés aux faits précis et prouvés, il n’est pas sûr qu’ils lisent un de ses volumes jusqu’au bout.

J’habitais porte à porte avec un jeune médecin rue Mazarine, et depuis six mois, presque tous les soirs, nous philosophions ensemble. Mon impétueux ami avait le tempérament de Broussais, et couvrait ma table de physiologistes auxquels je répondais par des métaphysiciens. Un jour je lui apportai les œuvres de Maine de Biran et je lui dis en empruntant les paroles de M. Cousin :

« Prenez et lisez. Voici la pierre angulaire du temple ; le premier maître du spiritualisme, le révélateur de la force libre, le plus grand métaphysicien de notre temps. »

Il tourna et retourna les quatre volumes, les ouvrit, fronça les sourcils, gronda un peu, me prit par la main, et me poussant dans ma chambre, me pria de le laisser seul. Après quoi il s’installa dans un grand fauteuil, s’accouda sur la table, apprêta des plumes, remplit l’encrier, fit tous ses préparatifs exactement comme un brave cheval qui va traîner une poutre de trois mille livres, et tend d’avance son harnais et ses jarrets.

Deux heures après, je le retrouvai rouge, les veines du front gonflées, entouré de pages raturées, les volumes de M. de Biran honteusement jetés par terre, et de très-mauvaise humeur.

« Ah ! c’est vous ! Le beau livre ! Et clair surtout ! Un galimatias, un fouillis d’abstractions, un fourré de chardons métaphysiques ! Vous y êtes à votre aise, n’est-ce pas ? Et l’on rit des Allemands ! Je voudrais être à Berlin et subir le récit des évolutions de la substance. Ils sont lucides, légers, agréables en comparaison. Ni faits précis, ni exemples distincts, jamais d’exordes nets, des courses à droite et à gauche à travers des citations inutiles et des questions accessoires, de grands mots qui semblent des vessies enflées d’air. Qu’est-ce que l’immédiation, les modes mixtes de l’existence sensitive, l’absolu de la substance ? Le beau style ! Cet homme met des barbarismes jusque sur ses titres. Regardez : comme celui-ci est clair ! comme on entre vite dans le dessein de l’auteur ! quelles expressions simples et engageantes ! Réponse aux arguments contre l’aperception immédiate d’une liaison causale entre le vouloir primitif et la motion, et contre la dérivation d’un principe universel et nécessaire de cette source. Y a-t-il un jargon plus rude chez Duns Scot, Albert le Grand, chez les plus hérissés des docteurs du moyen âge ! Voici, au dix-neuvième siècle, un abstracteur de quintessence qui les rappelle et les dépasse tous.

— Vous exagérez.

— Laissez-moi dire ; j’en ai le cœur plein. Vous subirez les phrases de M. de Biran. À votre tour, je veux les lâcher sur vous : « Si la collection de tous les modes, de toutes les qualités sensibles, étant brisée par l’abstraction, la substance imaginaire n’est plus rien ou n’a qu’une valeur nominale, la substance abstraite du mode, dans ce point de vue intellectuel, conserve encore la réalité qui lui appartient, à l’exclusion de toutes les apparences sensibles qui n’existent qu’en elle et par elle[1] » Osez dire que vous comprenez ce jargon. Et c’est avec ces phrases qu’il prétend réfuter le charmant Laromiguière ! Osez dire que vous entendez celle-ci : « Chacun peut observer en lui-même que les perceptions directes des sens externes, comme les images ou intuitions du sens interne, et les idées mêmes, produits élaborés de l’intelligence, venant à être réfléchis ou contemplés successivement par le moi sous des modifications sensitives diverses, ou avec un sentiment variable de l’existence, triste ou pénible, agréable ou facile, se proportionnent jusqu’à un certain point à ces variations, quant aux degrés de clarté ou d’obscurité, de mobilité ou de persistance, de confiance ou de doute, qui impriment à ces idées un caractère particulier et comme une physionomie propre[2]. » Voilà un fait bien désigné, n’est-ce pas ? l’écriteau est clair ? on découvre du premier coup de quel phénomène il a parlé ? Indiquez-le-moi, si vous pouvez. Et je ne vous ai cité que son meilleur ouvrage. Si je vous mettais les autres devant les yeux, que serait-ce ? Tenez, débrouillez ce grimoire : « Il y a immédiation entre l’aperception immédiate de la force constitutrice du moi et l’idée de la notion de mon être au titre de force absolue, par la raison que je pense et entends la réalité absolue de mon être, de la même manière que j’aperçois ou sens immédiatement l’existence individuelle et actuelle du moi[3]. » Savez-vous ce que c’est que cette philosophie ? Un charivari métaphysique, où les abstractions s’entre-choquent comme des cymbales pour assourdir et hébéter les cerveaux.

— Je crois, avec tout le public, qu’il a pensé.

— Croyez, et grand bien vous fasse ! Est-ce que vous ne voyez pas comment sa gloire s’est forgée ? Son mauvais style l’a érigé grand homme ; il a réussi par ses défauts. S’il n’eût point été obscur, on ne l’eût pas cru profond. C’est pour cela que M. Cousin l’a promu au grade de « premier métaphysicien du temps. » Autour du berceau du spiritualisme, il fallait des nuages. Personne n’en a plus fourni que M. de Biran. Je vois d’ici la scène ; les gens frappaient à la porte de M. Cousin : « Daignez, monsieur, nous expliquer ce qu’est l’âme ; pourquoi vous la nommez une force libre ; comment une force qui est une qualité peut être le moi qui est un être. » Et M. Cousin répondait : « Passez, messieurs, dans l’arrière-cave ; c’est le domicile de M. de Biran, un bien grand philosophe ; il vous donnera tous les éclaircissements nécessaires. Suivez ce couloir sombre ; au bout vous trouverez l’escalier. » Beaucoup de gens s’en allaient, croyant sur parole. D’autres, arrivés au bord, n’osaient descendre ; le trou leur semblait trop noir ; mieux valait accepter la doctrine que tenter l’aventure. Les obstinés descendaient, se meurtrissant les membres, donnant du nez contre les murs, et tâtonnant sur la terre humide : le premier soin de M. de Biran avait été de boucher toutes les fentes et tous les soupiraux. Ils regardaient avec attention, et continuaient à voir les plus parfaites ténèbres. Au retour, quand on les priait de raconter leur voyage, ils n’osaient, par amour-propre, avouer qu’ils s’étaient salis et froissés en pure perte, et confesser qu’ils étaient descendus dans une basse-fosse bien bouchée pour y mieux distinguer les objets. « Oh ! M. de Biran est un grand maître ; allez le trouver, il éclaircira tous vos doutes. » On n’y allait pas. Je suis sûr que de tous ceux qui le citent, il n’y en a pas cent qui l’aient lu, et que des cent qui l’ont lu, il n’y en a pas dix qui l’aient pesé. Voilà comme on fabrique la gloire. Celle-là est la plus solide ; on n’a point d’adversaires quand on n’a point de lecteurs.

— Là, vous voilà calme ; vous avez jeté votre colère. M. de Biran fait cette impression agréable sur tous ceux qui le lisent. Permettez-moi maintenant de prendre une plume et d’écrire la traduction des phrases que vous m’avez citées ; elles ont un sens. Le style de M. de Biran n’est pas le galimatias double ; ce n’est que le galimatias simple. Les lecteurs n’entendent pas l’auteur, mais l’auteur s’entend. C’est un grand mérite ; tous les philosophes ne l’ont pas. Il y a une clef pour ses énigmes. Il n’est obscur que parce que ses phrases sont générales : remplacez-les par des exemples particuliers. Il nous échappe, parce qu’il habite dans l’abstraction pure, à cinq cents pieds au-dessus de la terre ; faites l’en descendre, et ramenez-le au détail des circonstances précises, aux cas singuliers et distincts, aux événements visibles et palpables. Il est Allemand, rendez-le Français. Ses livres sont des partitions écrites une octave trop haut pour la voix humaine ; transposez et baissez chaque note de six tons. Vous aurez besoin à chaque instant de cette opération dans la philosophie moderne. Vous la ferez sur M. Cousin, sur M. Jouffroy, sur bien d’autres ; ils chantent trop haut et d’ordinaire se cassent la voix. Celui-ci avait le gosier solide ; quoique ses airs soient très-monotones et souvent faux, ils valent la peine d’être déchiffrés.

Voici d’abord ce que vous appeliez son grimoire : « Il y a immédiation entre l’aperception immédiate de la force constitutrice du moi et l’idée de la notion de mon être au titre de force absolue, par la raison que je pense et entends la réalité absolue de mon être de la même manière que j’aperçois ou sens immédiatement l’existence individuelle et actuelle du moi. »

La phrase est rude : Force constitutrice du moi, idée de la notion de mon être au titre de force absolue, réalité absolue de mon être, immédiation entre l’aperception et l’idée ; ce sont là autant de broussailles qui arrêtent l’esprit tout court. Substituons des équivalents et traduisons :

« Apercevant la volonté, force efficace qui est moi-même, je sais directement et sans raisonnement qu’il existe une force, laquelle est moi. »

L’idée ne vaut pas grand’chose, mais elle est intelligible, et M. de Biran s’entendait, puisque nous l’entendons.

Voyons la seconde obscurité :

« Si la collection de tous les modes, de toutes les qualités sensibles étant brisée par l’abstraction, la substance imaginaire n’est plus rien ou n’a plus qu’une valeur nominale, la substance abstraite du mode dans ce point de vue intellectuel conserve encore la réalité qui lui appartient, à l’exclusion de toutes les apparences sensibles qui n’existent qu’en elle et par elle. »

Je traduis :

« Enlevez toutes les qualités sensibles de cette pierre, la couleur, la dureté, l’étendue, la porosité, la pesanteur, etc., et essayez de concevoir la substance intime : par l’imagination vous ne le pouvez, car la substance n’a rien de sensible ; par la raison vous le pouvez, car la substance est indépendante de ces qualités et leur survit. »

L’idée est fausse, mais qu’importe ? On peut tout à la fois se comprendre et se tromper.

Je reprends votre dernière phrase : permettez-moi de la copier tout au long. « Chacun peut observer en lui-même que les perceptions directes des sens externes, comme les images ou intuitions du sens interne, et les idées mêmes, produits élaborés de l’intelligence, venant à être réfléchies ou contemplées successivement par le moi sous des modifications sensitives diverses, ou avec un sentiment variable de l’existence, triste ou pénible, agréable ou facile, etc., se proportionnent jusqu’à un certain point à ces variations, quant aux degrés de clarté ou d’obscurité, de mobilité ou de persistance, de confiance ou de doute, qui impriment à ces idées un caractère particulier et comme une physionomie propre. »

Cette période effaroucherait Hegel ou Duns Scot lui-même. Et cependant, après avoir lu tout le passage, on trouve qu’elle renferme un sens très-simple et très-vrai que voici :

« Quand vous avez la colique ou la migraine, vos raisonnements ont moins de clarté, votre attention moins de durée, vos conclusions moins d’assurance que lorsque vous êtes en bonne santé. »

M. de Biran parle comme l’étudiant de Rabelais qui « pindarisait en latin » devant Panurge : mais vous savez le latin, même pindarique. Quand vous voudrez comprendre celui-ci, traduisez-le. »

Là-dessus, il prit le livre, relut le passage, vérifia mot à mot la traduction. Un instant après, il fourra les quatre volumes dans ses poches, boutonna son paletot sans mot dire et s’en alla courant. Pendant dix jours, on ne le vit plus. Son portier, par ordre, annonçait qu’il était en voyage.


II


Au bout de ce temps, il vint chez moi avec les quatre volumes, cette fois muni d’un cahier : « Voilà l’homme ! je l’ai traduit. Mais c’est un terrible homme. Quelle besogne ! il y a telle phrase qui m’a coûté deux heures. Écoutez-moi sans m’interrompre, et dites si vous l’entendez comme moi.

Vous n’aviez pas tort. Il a pensé. C’est un esprit vigoureux, très-vigoureux, puisque avec ce style il n’est pas devenu imbécile. J’estime un homme qui ayant un boulet aux jambes se met à marcher. Il a creusé profondément, il a saisi dans un recoin obscur une idée singulière, il l’a pressée dans ses mains tenaces, il l’a gardée sous sa prise, toute glissante qu’elle fût, il en a exprimé tout le suc, et, avec cette liqueur étrange, il est venu tout dissoudre, psychologie, logique, métaphysique, pour tout recomposer par de nouvelles règles et sur un nouveau plan. Je reconnais le philosophe, logicien intraitable, qui, emprisonné dans une idée, pioche le roc, perce le granit, creuse un abîme où l’univers pourrait s’engloutir. Ainsi faisait Fichte. M. de Biran est un Fichte français, plus mesuré et plus faible, moins visionnaire et moins inventeur. Bien plus, il a fait des découvertes. Son premier livre est beau et restera. Contenu par Condillac, de Tracy, amateurs de faits et écrivains précis, il a commencé par l’étude des faits et le style précis. Son Traité de l’habitude est sensualiste et vrai. Des médecins pourraient le lire ; les physiologistes devraient le lire. C’est livré à lui-même qu’il s’est gâté. Et s’il s’est gâté, c’est que cela était nécessaire. Là-dessus, regardez mon raisonnement et jugez.

Il y a des gens qui fabriquent une philosophie pour gagner une place ou de la gloire ; mettez de côté ces flatteurs du gouvernement ou du public : M. de Biran n’en était pas. Mais il y a des gens qui fabriquent une philosophie pour traduire au dehors leur genre d’esprit et se faire plaisir ; considérez ces solitaires : M. de Biran en était. Ceux-ci inventent pour eux-mêmes. Ils ne profitent pas des vérités ni des méthodes acquises. Ils n’ont qu’une philosophie personnelle. Leur doctrine porte l’empreinte de leurs facultés ; leur méthode manifeste leur genre d’esprit. Si leur esprit a un défaut, leur système a un défaut. Ils sont comme des miroirs courbes et prêtent leur courbure aux objets ; l’esprit de M. de Biran en avait une. Son style indique à chaque ligne la haine des faits particuliers et précis, l’amour de l’abstraction, l’habitude invincible de considérer uniquement et perpétuellement les qualités générales. On ne résiste pas à une inclination si forte, si continue, si universelle. Il n’y a pas résisté. Ne considérant que les abstractions, il a fini par prendre les abstractions pour des choses. Ne considérant que les facultés et les puissances, il a fini par prendre pour des êtres les facultés et les puissances. Platon, à force d’étudier le même, l’un, la différence, et toutes les qualités générales, avait fini par déclarer que ces qualités sont des substances. M. de Biran, à force d’étudier la volonté, a fini par déclarer qu’elle était l’âme et le moi lui-même, véritable substance indépendante des organes et distincte des opérations.

Cela est incroyable, n’est-ce pas ? La proposition est si énorme, qu’on croit d’abord n’avoir pas compris. On se frappe le front, comme en lisant Platon et les Alexandrins. On aime mieux accuser l’auteur d’obscurité que d’absurdité. On n’ose admettre qu’un grand nom couvre une fausseté éclatante. On ne veut pas qu’une vie entière ait été employée à développer les suites d’une bévue. On répugne à croire que tant de fortes facultés aient peiné si obstinément et si laborieusement pour creuser et fermer le cachot où il s’est enfoui. Attendez les preuves. Il a mis tous ses soins et toute son énergie à vous convaincre, et, bon gré, malgré, vous serez convaincu.

Posez d’abord avec lui qu’il y a deux psychologies : l’une analogue aux sciences physiques, ayant pour objet de constater, de décrire et de classer les plaisirs, les peines, les sensations, les idées, bref, toutes nos opérations passagères ; l’autre ne ressemblant à aucune des sciences physiques, unique en son genre, ayant pour objet d’observer et de définir le sujet permanent et la cause durable de ces opérations[4]. La première n’étudie que les modifications, les effets, les phénomènes ; la seconde étudie la substance et l’être qui sont l’âme et le moi, Il laisse la première et s’attache tout entier à la seconde. Il n’observe que le moi, l’âme, l’être, la substance. Où les trouve-t-il ? Dans la volonté. Cela est si étonnant, qu’il faut le laisser parler :

« Cette volonté n’est pas différente de moi. Le moi s’identifie de la manière la plus complète et la plus intime avec cette force motrice (sui juris) qui lui appartient[5]. » Ainsi le moi n’est plus ce tout indivisible et continu dont nos idées, nos plaisirs, nos peines sont les parties composantes, isolées par fiction et par analyse. C’est une force ou faculté, portion du tout, mise à part, élevée au-dessus de toutes les autres. Le reste est mon bien : celle-ci est moi.

« Le moi identique et constant s’attribue à lui-même les modes variables et successifs de l’activité qui le constitue. Personne une, individuelle et libre, je ne suis pour moi-même ni un pur abstrait, ni un assemblage de sensations, quand j’aperçois et juge la sensation, quand je fais sa part et la mienne propre[6]. »

Et cent autres phrases pareilles. Vous voyez que pour lui la volonté est un être persistant et distinct. Cet être est une force qui agit sur les idées et sur les mouvements, les continue, les suspend, les répète et les reprend par elle-même et par elle seule. Ainsi fait un bâton d’ambre. Portez-le sur un duvet de plumes légères ; elles s’attachent à lui et il s’en couronne ; tout à l’heure elles tomberont ; d’autres prendront leur place. Seul le bâton subsiste avec sa force attractive, et il est la seule chose solide dans tout le bouquet.

De là mes obscurités et mes difficultés. Je ne pouvais m’habituer à considérer la volonté comme un être réel et solide. C’est une plume. En dépit du sens commun, M. de Biran en a fait un bâton. N’importe ; nous l’admettons, puisqu’il le veut : en philosophie on admet tout. Reste un point : comment connaissons-nous cette force ? Je veux mouvoir mon bras, et je le meus. Il y a là, dit-il, une résolution de l’âme, un mouvement du corps, et une force qui attache le mouvement du corps à la résolution de l’âme ; j’aperçois à la fois et directement ces deux faits et leur rapport. Ce rapport n’est point connu par raisonnement, au moyen d’un axiome étranger. Ce rapport n’est point connu par expérience répétée, au moyen d’une généralisation préalable. Il est aperçu en lui-même, et il est aperçu du premier coup. Nous ne le déduisons pas, en posant l’axiome de raison suffisante. Nous ne l’induisons pas, en notant les cas nombreux où le mouvement suit la résolution. Nous l’observons dès l’abord, en face, par la conscience, comme un plaisir, une idée ou tout autre fait intérieur. Le cas est unique. Partout ailleurs nous ne faisons que deviner la force : ici nous apercevons la force ; partout ailleurs, quand deux faits s’accompagnent, nous n’observons que les deux faits et leur concours ; ici, par une exception merveilleuse, nous découvrons encore « ce je ne sais quoi qui s’applique aux corps, pour les mouvoir, les pousser, « les attirer[7], » élément ou ingrédient particulier, vraiment « inexplicable ou ineffable, lorsqu’on veut chercher des exemples et des moyens d’explications hors du fait même de la conscience. » Il n’y a point d’autre vue semblable ; et quand vous concevez d’autres forces, c’est d’après la vôtre et sur ce modèle que vous en formez la notion.

Une fois la force constatée et comprise, la nature s’ouvre et les sciences entrent en révolution. Par-dessous les faits et les lois que découvre l’expérience, se développe un monde. Les physiciens et les naturalistes, dit M. de Biran, ne font qu’effleurer la superficie des choses ; le fond leur échappe. Souverains des phénomènes, ils n’ont point de prise sur les substances ni sur les causes[8]. Ni le scalpel ni le thermomètre n’atteignent les forces productives, sources inconnues et profondes desquelles jaillit le flot brillant et changeant des apparences. Ce qu’ils appellent une loi n’est qu’un fait fréquent et vaste. Quoi qu’ils découvrent, ils ne font que passer du phénomène particulier au phénomène général. Tout leur effort est de réduire le nombre des faits, et leur science sera parfaite quand, au lieu de cent mille phénomènes, ils en auront un. Pour nous, nous pénétrons et nous percevons plus loin. Nous entrevoyons cet univers secret, le seul stable, au-dessus duquel l’autre luit et s’agite. Nous avons touché la terre solide au-dessous des vapeurs trompeuses qui éblouissent les yeux vulgaires. Nous avons saisi un de ses hôtes, et nous savons comment elle est habitée. En observant notre force, nous savons ce que sont les siennes, et notre première découverte est qu’elles sont spirituelles. « Car nulle cause ou force ne peut se représenter sous une image qui ressemble à l’étendue ou à ce que nous appelons matière. » « Toute cause efficiente dans l’ordre physique même est une force immatérielle. » « Les êtres sont des forces, les forces sont des êtres : il n’y a que les êtres simples qui existent réellement à leur titre de forces ; ce sont aussi les véritables substances existantes. » « Aussi les esprits conséquents et qui pensent comme il faut, se trouvent-ils econduits au point de spiritualiser le monde, comme a fait Leibnitz, en n’admettant d’autre réalité que celle des êtres simples dont toute l’essence est la force active. Dès lors l’étendue n’est qu’un pur phénomène relatif à notre manière de nous représenter les existences autres que la nôtre par le sens de l’intuition[9]. » La psychologie ainsi maniée devient une métaphysique. L’observation du moi a restauré la doctrine des monades. La connaissance du petit monde a donné la connaissance du grand monde. En découvrant la nature du moi, M. de Biran a révélé la nature du tout.

Voilà sa construction ; elle est vaste. Mais elle repose sur un seul pilier. Si le pilier est vermoulu, tout l’édifice croule. Si la force n’est pas un être, le monde n’est plus un système de forces. Touchons ce pilier, examinons cette force. J’ai exposé assez longtemps ; à présent je vais réfuter.


III


Vous voilà assis dans un fauteuil ; la chambre est fraîche ; il y a des fleurs auprès de vous ; vous êtes à votre aise. Mais vous vous ennuyez, vous voyez le beau temps par les fenêtres, et vous songez à sortir. Les fleurs, la fraîcheur de la chambre, l’ennui de bâiller seul, la gaieté du ciel, toutes ces idées, avec tous leurs détails, passent et reviennent dans votre tête, agréables ou fâcheuses, avec des commencements et des chocs de désirs contraires ; tout à coup vous apercevez un volume nouveau, les Contemplations de Victor Hugo. Voilà une raison majeure, une idée prépondérante, une tendance décisive. Vous vous renfoncez dans votre fauteuil, vous croisez les jambes, et vous lisez. Qu’y a-t-il de nouveau en vous ? Au lieu de tendances flottantes et contraires, une tendance finale et fixée ; au lieu d’efforts ébauchés et suspendus par d’autres, un effort définitif et unique. Vous couriez à droite, à gauche, entre deux partis contraires ; vous voilà arrêté. Vous erriez à l’aventure, hors de toutes limites ; vous voilà déterminé. C’est une détermination, en d’autres termes une résolution. La résolution est la tendance arrêtée, fixée, finale, prépondérante, définitive. Qui osera dire qu’elle est un être ? Qui ne voit qu’elle est un fait passager, momentané, périssable ? Pendant la délibération elle ne pouvait point être. Par définition et par nature, elle suppose un moment qui la précède et où elle n’existe pas. Elle est l’extrémité d’une action, et les extrémités supposent un commencement où elles manquent. C’est une fleur portée au bout d’une tige, et qui n’est pas la tige. Elle est une action isolée, un état partiel du tout continu et persistant qui est l’âme. Dire qu’elle est l’âme, c’est dire que l’arbre est la fleur.

Répondrez-vous que ce n’est pas la résolution, mais la volonté ou pouvoir de se résoudre qui est un être ? On vous renverra à l’idéologie, et on vous prouvera par l’analyse que le mot pouvoir n’est rien qu’une expression générale. J’ai vu plusieurs fois cette pierre tomber : donc elle peut tomber ; donc elle a le pouvoir de tomber. J’ai remarqué plusieurs fois que je me souvenais : donc je puis me souvenir ; donc j’ai le pouvoir ou la faculté de me souvenir, ou la mémoire. J’ai remarqué plusieurs fois que je prenais une résolution : donc je puis me résoudre ; donc j’ai le pouvoir ou la faculté de me résoudre, c’est-à-dire la volonté. Le mot pouvoir n’est qu’un moyen de grouper ensemble une multitude indéfinie d’opérations semblables. Il exprime que la chute n’est pas contradictoire à la notion de la pierre, que le souvenir et la résolution ne sont pas contradictoires à la notion du moi. Il n’ajoute rien de nouveau ni de réel au moi ni à la pierre. Il ne fait qu’analyser l’expérience. Il constate que deux faits étant liés, cette liaison n’est pas absurde. Il extrait une vérité contenue dans l’enceinte du fait, et n’extrait rien au delà. Il ne désigne donc point un être continu et stable, situé en dehors du fait, et qui dure auparavant et après. Il ne désigne point le moi ou l’âme, mais une classe d’opérations de l’âme. Le moi n’est point la volonté, non plus que la volition.

Répondra-t-on enfin que la force efficace par laquelle la résolution contracte le muscle est un être ? Ici l’adversaire se contredit par sa propre réponse. Quand on dit : force efficace de la résolution, on entend que cette force efficace est une qualité ou propriété de la résolution. Or, la beauté, la grandeur, la force, toutes les qualités, toutes les propriétés périssent, dès que périt le fait ou l’être dont elles sont les qualités et les propriétés. Quand un beau tableau est brûlé, sa beauté ne subsiste plus. Quand une résolution capable de contracter le muscle s’est évanouie, sa force de contraction ne subsiste plus. Quand elle n’est pas née, sa force n’existe pas encore. Cette force est donc caduque, momentanée, intermittente, comme la résolution dont elie fait partie. Je dis trop peu. Elle est plus périssable qu’elle, puisqu’elle périt dans la paralysie, la résolution restant intacte. Bien loin d’être une substance, elle est la propriété d’une propriété, le phénomène d’un phénomène. Choisissez à présent. Voilà les trois sens entre lesquels vous avez flotté. Si vous dites que la résolution est le moi, vous prononcez qu’un simple fait est l’âme. Si vous dites que le pouvoir de se résoudre est le moi, vous prononcez qu’une simple qualité commune à plusieurs faits est l’âme. Si vous dites que l’efficacité de la résolution est le moi, vous prononcez que la qualité passagère d’un fait passager est l’âme. Vous roulez dans une cascade d’absurdités.

Monsieur de Biran, vous avez été sous-préfet ; voici des factieux, dispersez-les ; je vous donne des forces, trois cents soldats et un capitaine. Pour ne pas vous embarrasser, je retiens la partie inutile, le pur phénomène, l’étendue, c’est-à-dire les habits, les gibernes, les fusils et les corps. Il vous reste les forces. Marchez avec elles, et faites triompher la loi.

Comprenons donc que ni la volonté, ni la résolution, ni son efficacité, ni aucune force ne sont des êtres. Avant de chercher si loin et avec tant de peine la nature de la force et l’origine de son idée, il fallait analyser le sens du mot qui l’exprime. Cette analyse que vous avez abandonnée et maudite est le seul salut en métaphysique. Quand je dis qu’un ressort a la force de soulever un poids de dix livres, je veux dire seulement que le ressort étant placé sous le poids, il est nécessaire que le poids soit soulevé. Quand je dis que la vapeur comprimée est une force, j’entends simplement que le corps qui la comprime sera nécessairement poussé ou brisé. Quand je dis que ma résolution a la force de contracter mes muscles, j’entends simplement que, dans l’état de santé, si je prends la résolution de contracter un muscle, il est nécessaire, qu’il soit contracté. Un fait étant donné, un autre fait devient nécessaire, et l’on dit que le premier a la force de produire l’autre. La seconde phrase n’est qu’une traduction figurée de la première. Lorsqu’on a de l’imagination comme M. de Biran et les scolastiques, on suppose que cette force est quelque chose « d’ineffable, d’immatériel, d’hyperorganique, qui sort du premier fait, ainsi qu’un fluide subtil, et va s’infiltrer dans le second, s’y appiquer, le tirer, le pousser, » y créer des modifications et des formes nouvelles. C’est là de la philosophie fantastique. Quand un corps en choque un autre, il y a simplement rapprochement, mouvement, et nécessité d’un mouvement. Lorsque la résolution contracte le muscle, il y a simplement résolution, contraction et nécessité de la contraction. Quant au mot nécessaire, rien de plus clair : il signifie ce dont le contraire est absurde. Par exemple, il serait absurde ou contradictoire que la résolution ayant contracté le muscle une première fois, elle ne pût le contracter une seconde fois, toutes les circonstances étant exactement semblables. Il serait absurde que la vapeur d’eau ayant poussé le piston une première fois, elle ne pût le pousser une seconde fois, toutes les conditions étant exactement les mêmes. Il serait absurde qu’une loi de la nature étant donnée, cette loi fût démentie. Il n’y a dans le monde que des faits et des rapports nécessaires ; quand on transforme ces relations et ces nécessités en petits êtres, on fabrique des entités à la façon des scolastiques ; on voit quelque chose de vague et d’abstrait qu’on déclare spirituel ; on finit par soutenir que le monde réel n’est qu’une apparence. On s’infatue de ces monades chimériques jusqu’à en peupler l’univers. On devient un homme du moyen âge. On a commencé, avec Duns Scot, par métamorphoser les rapports en substances, et l’on finit, comme les mystiques, par fabriquer des théories de la grâce et de l’illumination[10].

On fait plus, on devient visionnaire. M. de Biran l’a été jusqu’à soutenir qu’il aperçoit la force, exactement comme on aperçoit le plaisir ou toute autre sensation. Il a vu la monade spirituelle appliquée sur le muscle et occupée à le contracter. Plotin prétendait avoir vu Dieu quatre fois. Les femmes de la Salpêtrière en disent autant. Pour nous qui croyons aux faits et à l’expérience, nous leur répondrons, avec les physiologistes, que la résolution n’a pas sur le muscle la moindre action directe. La résolution produit une certaine modification dans le cerveau : voilà toute son œuvre. Celle-ci en produit une dans la moelle, la moelle dans le nerf, le nerf sur le muscle ; c’est le nerf qui agit sur le muscle et ce n’est pas la volonté. Coupez la moelle ou le nerf, à tous les commandements de la volonté le muscle reste inerte ; touchez la moelle ou le nerf, contre tous les commandements de la volonté le muscle se contracte. La volonté est séparée du muscle par deux ou trois barrières ; elle agit sur lui comme l’ingénieur du télégraphe de Vienne agit sur l’aiguille du télégraphe de Paris. — Nous répondrons enfin avec les psychologues que la volonté, bien loin de remuer le muscle, ne tend pas même à le remuer. Son objet n’est point la contraction du muscle, mais la sensation musculaire. Vous avez beau regarder votre bras, connaître les muscles convenables, leur donner ordre, vouloir atteindre le but, si vous ne voulez rien d’autre, vous n’atteindrez pas le but avec cette pierre. Il faut encore que, par expérience fréquente et tâtonnements répétés, vous découvriez l’espèce et le degré exact de sensation musculaire dont vous aurez besoin pour l’atteindre avec la pierre. Il faut aussi que par des comparaisons nombreuses vous ayez distingué cette sensation de tous les autres, et que vous en considériez l’idée précise. Il faut enfin que vous vouliez éprouver cette sensation ; ce n’est point le mouvement qui est l’objet propre de votre volonté, c’est elle. Alors seulement le cerveau agit, la moelle communique l’action, le nerf la transmet, le muscle se contracte, le tendon tire, l’os se déplace, le membre se meut, et la pression des chairs vous donne la sensation commandée. Vous êtes comme un joueur de billard qui vise la bande pour toucher une bille par ricochet ; vous avez visé à la sensation du nerf pour atteindre la contraction du muscle. Partout, au moral et au physique, vous ne commandez qu’à des intermédiaires. L’action de la volonté ne porte point sur le muscle, mais sur le cerveau ; l’objet de la volonté n’est point le mouvement du muscle, mais la sensation musculaire. Nous n’opérons et nous ne voulons le mouvement que par contre-coup. Nous n’avons qu’une puissance dépendante et indirecte. Nous ne tenons que trois rouages d’une machine compliquée, qui se meut en nous et sans nous. Dites maintenant si la monade s’applique au muscle. Dites surtout si la conscience aperçoit cette application. Dites si M. de Biran a pu voir ce qui manifestement n’est pas. Ce n’est point par une vue directe et subite, c’est par une induction lente que nous découvrons la liaison de nos résolutions morales et de nos mouvements physiques. Nous constatons une coïncidence et une dépendance pareille à celle que nous observons entre la vibration et le son. Nous érigeons cette dépendance en loi générale ; nous sentons que toutes les conditions restant les mêmes, il serait absurde que cette loi fût démentie ; nous prévoyons que la résolution étant donnée, le mouvement se fera ; nous jugeons nécessaire qu’il se fasse, et transportant cette nécessité dans la résolution, nous disons que la résolution est une force et produit le mouvement. Voilà tout l’artifice. Mais ce jugement n’est point une vue spontanée, il n’est qu’une croyance acquise. La preuve en est qu’il est faux quelquefois ; car une croyance peut l’être, et une vue ne peut pas l’être. On peut croire ce qui n’est pas ; mais on ne peut point voir ce qui n’est pas. Que le nerf moteur soit blessé, engourdi ou subitement paralysé, l’homme qui n’est point prévenu juge que sa force est encore efficace, et s’étonne en éprouvant qu’elle ne l’est plus. Votre jugement est le même que le sien : donc, comme le sien, votre jugement n’est qu’une croyance. Il n’a formé le sien que par induction ; donc vous n’avez formé le vôtre que par expérience. M. de Biran prétend que la résolution agit directement, et que directement nous apercevons son œuvre. La physiologie et la psychologie répondent qu’ici rien n’est direct, ni l’œuvre, ni l’apereeption.

C’est maintenant qu’on voit disparaître le monde imaginaire, fondé sur trois erreurs d’expérience et d’analyse, sur la transformation des qualités en substances, sur l’invention des efficacités et des aperceptions directes, sur le mépris des sciences positives, du sens commun et du bon sens. Les entités s’en vont, les monades s’évaporent, les petits être immatériels se réfugient auprès des sylphes et des gnomes ; la matière cesse d’être une apparence, les sciences d’observation regagnent leur dignité, les forces redeviennent des qualités dérivées de rapports nécessaires. La nature apparaît telle qu’elle est, comme un ensemble de faits observables, dont le groupement fait les substances, dont les rapports fondent les forces ; et la science, ramenée dans le lit où elle coule depuis deux siècles, se porte entière et d’un élan vers son terme unique et magnifique, la connaissance des faits et des lois.

— Nous dirons pas plus loin, s’il vous plaît. J’ai promis de vous écouter sur M. de Biran, non sur voire théorie métaphysique. Rengainez-la, mon cher ami, comme une épée ; la mode est passée d’emporter. Bon pour nos grands-pères. Puis, outre le mauvais goût, il y a le péril. C’est une arme, et les passants s’effarouchent vite. Si vous en avez une, cachez-la sous triple serrure ; sinon, vous êtes un homme dangereux, c’est-à-dire un homme en danger. Vous avez, comme tout le monde, une canne à la main, la critique : qu’elle vous suffise. Quand vous aurez envie ou besoin de l’autre chose, prenez un port d’armes, et faites écrire en tête, en bien grosses lettres : Par permission de l’autorité. »

  1. t. Tome IV, p. 20.
  2. . Tome IV, p. 136.
  3. De L’aperception immédiate, p. 18.
  4. Tome IV, p. 180.
  5. Ibid., p. 244, 245.
  6. Tome IV, p. 207, 208 et 211.
  7. Rapports du physique et du moral, p. 24.
  8. Ibid., p. 26, 27.
  9. Tome IV, Examen des leçons de M. Laromiguière, p. 281 et 398 ; tome III, p. 14, 16,56.
  10. Tome IV, p. 147, note.