Les Pensées d’une reine/La Vertu
XI
LA VERTU
Ne vous croyez pas avili pour avoir connu la tentation. Socrate était deux fois grand, pour avoir dompté l’autre.
La patience n’est pas passive ; au contraire, elle est active, elle est la force concentrée.
Il faut une délicatesse infinie pour répondre à une confession sans envenimer le mal.
Une conscience tranquille aime la solitude ; une âme coupable n’y voit qu’une prison cellulaire.
La pureté est comme l’opale : elle est prise pour de l’insignifiance par ceux qui n’aperçoivent pas ses feux.
Si les joies de ce monde ne sont pas pures, c’est que nous ne le sommes pas.
Le devoir ne fronce les sourcils que tant que vous le fuyez. Suivez-le, il vous sourit.
Comme l’on serait patient avec tous, si l’on prenait leurs défauts pour de la folie !
La bêtise se met au premier rang, pour être vue ; l’intelligence se met en arrière, pour voir.
La pureté peut exister sans la candeur ; mais la candeur ne peut pas être sans la pureté.
Nous luttons contre les défauts qui nous font souffrir nous-mêmes et nous caressons ceux qui font seulement souffrir les autres.
Ce sont surtout nos mauvaises habitudes qui sont désagréables ; tandis que nos défauts paraissent parfois aimables.
Soyez puritain en principe, mais indulgent dans la pratique.