Les Parques (Ernest Dupuy)/Dédicace

À MONSIEUR SULLY-PRUDHOMME
DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE


 Monsieur,

Je me serais abstenu, par déférence, de vous dédier cet opuscule, si je n’avais eu qu’à vous remercier d’un accueil plein de bienveillance, ou de conseils et d’encouragements très précieux. Mais, en matière d’art, quelque obscur que soit l’ouvrier, on lui pardonne de se rattacher à un maître. Si les Parques ont, par aventure, d’autres lecteurs que vous, ils ne pourront me savoir mauvais gré d’avoir voulu rappeler, en tête de cet essai, les œuvres dont il procède. Dans les Destins, dans la Justice et dans tant de pièces d’abord aimées du petit nombre, puis adoptées du grand public, vous avez retrouvé une source de poésie très pure, et vos écrits philosophiques, d’un caractère Lucrétien, sont déjà pour plus d’un d’entre nous des modèles nouveaux.

Il ne m’appartient pas de dire si, préoccupé de vos inventions ou dégagé de votre manière, je me suis borné ou non au rôle d’imitateur ; mais ce mot même ne m’effraie pas, quelque défaveur qui s’y attache. Les sculpteurs grecs, dont vous avez noblement parlé, composaient des dessins de prix d’après lesquels les potiers réglaient la forme et fixaient l’ornementation de leurs vases d’argile. Si humble que fût la matière, si rudes que fussent les doigts, l’amphore, le lécythos, l’urne, l’œnochoé empruntaient quelque grâce à l’inspiration primitive, et gardaient, en dépit de tout, le reflet d’un art élevé.


E. D.