Livre I
XXIX. Une Rencontre
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Comme nous l’avons expliqué au début d’un précédent chapitre, les scènes que nous venons de retracer se passèrent le matin du jour où le chevalier de Pardaillan sortit de la Bastille avec la complicité… involontaire du gouverneur, M. de Guitalens.

Nous avons vu à la suite de quels raisonnements le jeune chevalier avait pris la résolution de ne plus s’occuper désormais que de lui-même, et, comment, ayant en son pouvoir la lettre de Jeanne de Piennes à François de Montmorency, il s’était décidé à ne pas la faire arriver à son adresse.

Certain non seulement de ne pas être aimé de Loïse, mais encore d’en être détesté, convaincu d’ailleurs que même s’il n’était pas haï, un mariage entre Loïse et lui devenait un rêve irréalisable, du fait que sa jeune et jolie voisine se trouvait être la fille d’un haut et puissant seigneur, Pardaillan s’était dit :

« Je serais bien bête après tout de m’occuper d’affaires qui ne me regardent pas… Pourquoi porterais-je cette lettre ? Qu’y a-t-il de commun entre moi et les Montmorency ? »

Malgré ses belles résolutions, le chevalier avait glissé la missive dans son pourpoint et était sorti de la Devinière — pour s’étourdir au grand air, se disait-il.

En réalité, par maint tour et détour et après mainte station en divers cabarets plus ou moins mal famés, il se dirigea vers l’hôtel de Montmorency, et tout en s’affirmant qu’il n’y entrerait pas, heurta le marteau de la grande porte.

Ce pauvre chevalier de Pardaillan semblait poussé par quelque mauvais génie à toujours faire le contraire de ce qu’il avait résolu.

Ayant frappé avec une sorte de colère — colère contre qui ? contre lui-même, sans doute ! —, le chevalier attendit quelques minutes en maugréant.

Et comme on ne venait pas assez vite, il se mit à faire un vacarme à effrayer le voisinage.

Ce ne fut pas la grande porte qui s’ouvrit, mais la porte bâtarde.

Il en sortit un suisse gigantesque armé d’une trique.

— Que voulez-vous ? ronchonna ce colosse en agitant son bâton de l’air le moins pacifique du monde.

Il tombait bien. Le chevalier de Pardaillan, furieux contre les Montmorency de France, furieux contre lui-même, était en excellente disposition. Le ton rogue, l’habit étincelant de broderies et surtout la trique du suisse changèrent en exaspération sa mauvaise humeur.

À l’instant même, sa physionomie prit cette impassibilité au vinaigre et cette froideur de lame tranchante qui lui étaient particulières. Seul le sourire qui frémissait sous sa moustache hérissée eût indiqué, à qui l’eût bien connu, cet état spécial de l’homme qui éprouve le besoin de briser n’importe quoi, fût-ce une échine, et qui trouve tout à coup à portée de sa main de quoi se satisfaire.

— Que voulez-vous ? répéta rudement le géant.

Le chevalier examina le suisse depuis ses larges pieds jusqu’à son toquet garni de plumes ; mais pour apercevoir ce toquet, il dut lever la tête.

Ce fut dans cette position de pygmée contemplant un colosse qu’il répondit de sa voix la plus mielleuse, la plus aiguë, la plus froide et la plus polie :

— Mon enfant, je voudrais parler à ton maître…

Rien ne saurait dépeindre la stupeur, l’effarement et l’air de majesté offensée du digne suisse en s’entendant appeler « mon enfant » par cette sorte de gamin au regard glacé, à la rapière en bataille dans les mollets, le poing sur la hanche dans une attitude de matamore à froid.

— Vous dites ? bégaya-t-il.

— Je dis : mon enfant, je voudrais parler à ton maître, le maréchal.

Le suisse regarda autour de lui comme pour bien s’assurer que c’était bien à lui que s’adressait ce discours.

— C’est à moi que vous parlez ? demanda-t-il.

— Oui, mon enfant, à toi-même.

Alors, le suisse éclata d’un si formidable éclat de rire que les vitraux de l’hôtel en tremblèrent dans leurs châssis de plomb doré.

Mais il n’eût pas plutôt commencé cette tonitruante symphonie qu’il lui sembla qu’un écho répondait à son rire par un rire strident, aigre, un rire à perforer les oreilles les plus robustes.

Il s’arrêta soudain. Et ayant incliné la tête vers le gamin, ou du moins celui que dans son esprit il appelait ainsi, il vit que c’était le chevalier qui riait, mais qui riait des lèvres seulement et du gosier, tandis que son regard demeurait glacial.

Le suisse laissa retomber ses bras qu’il avait croisés sur son ventre pour mieux rire. D’un coup de poing, il rejeta de travers son toquet et se gratta la tête.

Pourquoi se gratte-t-on la tête quand on est embarrassé ?

Tout à coup, grâce à cet énergique grattage, le géant eut une inspiration. Il devint pourpre, soit sous le coup de l’inspiration elle-même, soit par l’effort intellectuel qu’il venait d’accomplir. Il se baissa donc en ployant sur les genoux, et en plaçant ses mains sur ses genoux, de façon que son visage se trouvât à la hauteur du visage de Pardaillan. Et il gronda furieusement :

— Ah çà ! mais dites donc ! Vous vous moquez de moi, vous !

Pardaillan venait d’exécuter le mouvement contraire ; c’est-à-dire que, s’étant haussé sur la pointe des pieds en même temps que le suisse se baissait, il se trouva dominer le géant. Et il répondit simplement :

— Oui, mon enfant !…

Le suisse demeura abasourdi, assommé par la réponse, embarrassé de sa trique, et placé comme l’âne de Buridan à égale distance de deux sentiments : rire ou se fâcher.

Le rire ne lui avait pas réussi. Il résolut de se fâcher. Il se redressa donc de toute sa hauteur, tandis que Pardaillan reprenait sa grandeur naturelle en retombant sur ses talons. Et ayant froncé ses sourcils, gonflé ses joues et croisé ses bras sur son vaste thorax, il vociféra :

— Et vous avez l’audace de me dire cela en face !

— Autant qu’on puisse te causer en face, mon enfant !

— Et c’est pour cela que vous essayez de démolir la grande porte à force de heurter !…

— Non, pas pour cela : pour être introduit auprès de ton maître, mon enfant…

— Son enfant ! son enfant ! rugit le colosse exaspéré par cette dénomination obstinée. Or ça, mon petit homme, que l’on décampe à l’instant, ou gare la trique !

— Prends garde, grand enfant, dit le chevalier avec sa politesse la plus raffinée, tu vas te faire mal avec ce joujou… Crois-moi, réserve-le pour ta femme, quand tu seras en âge d’être marié. Grâce à ce bâton, tu obtiendras la paix dans ton petit ménage. Tu n’éviteras pas, il est vrai, les cornes auxquelles aspire ton front raisonnable, mais tu trouveras au moins ta soupe chaude et ton vin frais. Donc, mon enfant, conserve précieusement ta trique pour ta chaste moitié quand l’heure aura sonné pour toi de prendre rang parmi la foule immense des cocus ; mais, de grâce, ne t’agite pas ainsi pour l’instant, songe que tu pourrais te crever la panse…

Pendant ce discours méthodiquement débité, le suisse écumait, trépignait, roulait des yeux et poussait des soupirs de fureur.

— Il insulte ma femme ! hurla-t-il à la fin. Mort-dieu ! Tête-Gris ! Tripes et cornes ! Tu vas en tâter !

— De ta femme, interrogea le chevalier avec une ingénuité féroce.

— De ma trique ! tonitrua le géant.

Et il s’élança, la trique haute, avec un rugissement de vengeance.

Pardaillan, souple et léger comme une tige d’acier, fit un bond de côté.

Emporté par l’élan, le suisse administra dans le vide un formidable coup de bâton. Mais il n’avait pas plutôt exécuté ce mouvement qu’il sentit que la trique lui était arrachée des mains avec une irrésistible puissance ; en même temps, Pardaillan la lui plaçait en travers des jambes ; le géant trébucha, trembla sur ses assises, battit l’air de ses bras et finalement s’étala de son long en travers de la rue…

— Mon nez saigne ! vociféra-t-il.

Au même instant, il entendit un aboi sonore, et il sentit deux crocs s’enfoncer dans le bas de son dos…

— Est-ce bien ton nez qui saigne ? fit Pardaillan.

— Au meurtre ! clama le suisse sur lequel Pipeau venait de s’élancer en toute conscience.

— Ici, Pipeau ! commanda sévèrement le chevalier. Lâche ça ! C’est un mauvais morceau !

Le chien obéit. Et Pardaillan, la trique dans la main gauche offrit la droite au géant consterné pour l’aider à se relever.

Le suisse hésita une seconde, mais il réfléchit sans doute qu’il n’était pas de force à lutter contre un pareil adversaire. Car, tout en gémissant, il accepta l’aide de Pardaillan, et perclus, confus, saignant par le haut, saignant par le bas, il se releva.

— J’ai tout de suite vu que cette affaire se terminerait mal pour l’un de nous deux, dit froidement Pardaillan.

— Malpeste et fièvre quartaine ! grommela le suisse qui, pour marcher, dut s’appuyer sur l’épaule de son adversaire.

Et, malgré ses gémissements, il n’en constata pas moins avec une respectueuse admiration que sous son poids énorme, ladite épaule demeurait ferme comme un rocher.

— Mes compliments, monsieur ! ne put-il s’empêcher de dire en s’asseyant dans sa loge où Pardaillan venait de le conduire.

— Ah çà ! fit le chevalier surpris d’une pareille exclamation, seriez-vous homme d’esprit, par hasard ?

Le malheureux suisse n’eut pas le temps de s’arrêter à ce que cette félicitation pouvait avoir de vexant. En s’asseyant, il venait d’éprouver une double douleur aiguë et lancinante.

— Me voilà condamné à ne pas m’asseoir, de huit jours au moins ! fit-il en se redressant subitement.

— Ce n’est rien, dit Pardaillan consolateur.

— Je voudrais vous y voir, parbleu !

— Je veux dire que vous en guérirez promptement si vous voulez bien suivre mon remède.

— Voyons le remède, Aie !… Puisse-t-il être bon !

— Il n’est que trop juste que je vous le donne, après vous avoir donné le mal.

— Eh ! ce n’est pas vous… c’est votre chien… un beau chien, d’ailleurs.

— C’est la même chose… Voici l’affaire : vous faites bouillir ensemble du vin, de l’huile, du miel, en saupoudrant le tout d’une pincée de gingembre. Et vous vous frottez deux fois par jour avec ce baume ; vous m’en direz merveilles… Et maintenant que je suis céans, mon cher Monsieur, voudriez-vous avoir la politesse de prévenir M. le maréchal que le chevalier de Pardaillan désire l’entretenir pour affaire grave ?

— M. le maréchal n’est pas en son hôtel, dit le suisse.

— Diable ! Et quand y sera-t-il ? Parlez sans crainte, mon brave maintenant que vous paraissez disposé à répondre. Dites-moi, quand y sera-t-il ?

— Voilà ce que j’ignore. Peut-être demain, peut-être dans huit jours.

— Diable ! Diable ! Il n’est donc pas à Paris ?

— Mais non, monsieur. Aïe !…

— Diable ! Diable ! Diable ! fit Pardaillan, qui, tout en paraissant désespéré, n’en éprouvait pas moins une sorte de joie amère au fond de lui-même. Je reviendrai donc… mais j’espère que notre prochaine entrevue se distinguera par cette courtoisie qui orne vos discours en ce moment.

— Soyez sans crainte, monsieur, répondit le géant flatté. Vous disiez donc… du vin…

— De l’huile, du miel et du gingembre. Le tout doit mijoter deux bonnes heures. Adieu, mon cher. Dites bien à M. le maréchal, dès qu’il y sera, que je reviendrai, qu’il s’agit pour lui, pour lui seul et non pour moi, d’une affaire de haute importance.

Sur ces mots, Pardaillan appela Pipeau, et, ayant salué le suisse d’un geste affable, se retira.

« Par Pilate ! songeait-il en remontant à grandes enjambées le cours de la Seine, j’ai fait ce que j’ai pu, moi !… Qu’elles se débrouillent maintenant !…Où diable sont-elles ?… M. le maréchal n’est pas à Paris… bon ! Quand il y sera, on lui remettra la lettre ; je puis bien aller jusque-là… Mais pour le reste, je m’en lave les mains ! Que M. le maréchal les sauve, puisqu’elles sont de sa famille ! Mais moi… ah ! moi, je n’en ai pas de famille. »

Le soir venait. En face de Pardaillan, de l’autre côté de l’eau, se dressaient dans la brume les constructions inachevées du palais que maître Delorme élevait pour Catherine de Médicis sur l’emplacement du clos aux Tuileries ; plus loin, c’étaient les tourelles menaçantes du vieux Louvre, plus loin, le clocher de Saint-Germain-l’Auxerrois, puis cette confusion de toits aigus, là-bas, vers la grève, c’était l’Hôtel de Ville.

Le chevalier s’arrêta sous un bouquet de hauts peupliers que le mois d’avril couvrait déjà de frondaisons ténues, d’un vert délicat. Il s’assit sur une large pierre de la grève, et, la tête dans ses deux mains, regarda couler les eaux couleur d’absinthe claire, occupation chère à ceux qui ne savent que faire de l’heure qui sonne, et, dans cette foule, particulièrement, à la tribu des amoureux.

Un amoureux est toujours enclin à philosopher. Seulement, pour les uns —les heureux — cette philosophie est riante et leur montre le monde sous les couleurs du prisme le plus étincelant ; pour les autres — les malheureux — elle est amère et ne leur laisse voir que tristesse et noirceurs sur cette pauvre planète. En sorte qu’à chaque seconde qui s’écoule, le monde est béni et maudit par deux catégories d’êtres qui puisent à la même source malédictions et bénédictions.

Patience, lecteur !… Pardaillan se mit donc à philosopher en regardant couler la Seine, et, comme de juste, il philosopha le plus amèrement du monde. Il accusa le ciel et la terre de conspirer à son malheur.

Or ça, le jeune chevalier était donc malheureux ? Malgré sa résolution de ne plus songer à Loïse ?

Nous sommes forcés d’en convenir : au moment même où il s’était assis sur la pierre de la grève, Pardaillan se faisait à lui-même une déclaration très grave :

« Tout ce que je viens de dire n’est qu’hypocrisie et mensonge. Je ne puis me dissimuler que j’aime Loïse plus que ma vie, que je l’aime sans espoir, et… »

À ce moment, Pipeau qui s’était allongé sur le sable tiède, bâilla longuement, ce qui ne signifiait pas du tout que la philosophie de son maître l’ennuyait, mais simplement qu’il avait faim.

Pardaillan lui jeta un regard de travers. Pipeau comprit qu’il venait de commettre une inconvenance, et se croisa les pattes comme pour dire qu’il était décidé à la patience.

« Je l’aime sans espoir, continua le chevalier, et je suis malheureux du mal qui lui arrive. Je sais parfaitement que si j’arrive à la délivrer, un autre sera récompensé par son amour… car une Montmorency peut-elle aimer un pauvre hère tel que moi ? Et pourtant l’idée de ne pas la secourir m’est insupportable. Il faut donc que je me mette à sa recherche. Il faut que je la trouve ! Et que je la délivre, ou j’y laisserai la vie ! Et alors je lui dirai… ou plutôt non, je ne lui dirai rien… trouvons-la seulement, et puis nous verrons… »

Par les fluctuations de ce discours, on remarquera que le pauvre chevalier était fort hésitant.

Malgré lui, son esprit aboutissait toujours à ce dilemme qui n’était guère encourageant :

Ou il délivrerait Loïse, et la jeune fille était alors bien perdue pour lui, puisqu’il n’osait même pas concevoir la possibilité d’une union avec l’héritière d’une riche et puissante famille. Ou il ne la délivrerait pas, et elle était encore perdue à bien plus forte raison.

Cependant, le résultat de cette méditation au bord de la Seine sous les grands peupliers qu’agitait la brise du soir, fut que le chevalier résolut d’écarter de son esprit tout espoir de récompense amoureuse, et de se dévouer pour Loïse, quoi qu’il dût en advenir.

Quelques années plus tard, Cervantès devait publier son immortel Don Quichotte. Nous ignorons si le romancier espagnol connut notre héros dans quelque visite qu’il aura faite à Paris. C’est bien possible. Pardaillan, comme don Quichotte, passa son existence à se dévouer pour des Princesses opprimées, à courir sus aux oppresseurs. Il ne serait donc pas surprenant que le chevalier de Pardaillan ait servi de prototype à Cervantès. Mais pourquoi en a-t-il fait un fou ?

Pardaillan, après avoir pris cette grande résolution de se dévouer au bonheur de Loïse — ce qui en fait un type à part dans la catégorie des amoureux, gens fort égoïstes — se trouva comme soulagé d’un grand poids, et annonça à son chien qu’il était temps d’aller dîner.

Il se leva tout aussitôt, et prit le chemin de la Devinière.

Il marchait de ce pas tranquille et souple qui est l’indice de la robustesse, et venait d’entrer dans la rue Saint-Denis, lorsqu’il entendit qu’on courait derrière lui.

Bien qu’il fît nuit noire et que la rue fût déserte, Pardaillan dédaigna de se retourner.

Au même instant, l’inconnu qui courait fut sur lui.

Il y eut un choc violent.

Bousculé à l’improviste, le chevalier chancela ; il se remit aussitôt, et tirant furieusement son épée, il s’apprêtait à provoquer de la belle façon le malappris trop pressé, lorsqu’il fut cloué sur place par ces paroles que grommela l’inconnu :

— Par Barabbas ! On se range, au moins !…

Lorsque le chevalier revint à lui, l’inconnu, toujours courant, avait disparu.

— Cette voix ! murmura Pardaillan, ce juron… Oh ! mais, on dirait que c’est lui ! mon père !…

Et il se mit à courir, lui aussi. Mais il était trop tard. Il ne vit plus personne dans la rue Saint-Denis.

Lorsqu’il entra à la Devinière, sa première question à dame Huguette fut pour s’informer si par hasard quelqu’un ne serait pas venu le demander depuis dix minutes.

Sur la réponse négative de l’hôtesse, il fut convaincu qu’il s’était trompé et regretta dès lors d’avoir laissé fuir le personnage qui l’avait bousculé.

Ayant copieusement dîné — autre particularité qui lui donne une place spéciale dans la tribu des amoureux, gens de peu d’appétit —, le chevalier reboucla son ceinturon, compléta son armement au moyen d’un court poignard à lame solide, et, par les rues silencieuses, noires et désertes, se rendit à l’hôtel de l’amiral Coligny.

Comme le lui avait recommandé Déodat, il frappa trois coups légers à la petite porte bâtarde.

Presque aussitôt, il vit le judas s’entrouvrir. Évidemment, quelqu’un devait veiller en permanence derrière cette porte.

Pardaillan approcha son visage du judas et prononça à voix basse les deux mots convenus :

— Jarnac et Moncontour…

Aussitôt, la porte s’ouvrit et un homme parut, couvert d’une cuirasse de cuir, un pistolet à la main.

— Qui demandez-vous ? questionna-t-il d’une voix assez rude.

— Je voudrais voir mon ami Déodat, fit Pardaillan qui se demandait déjà s’il n’allait pas mieux réussir à l’hôtel Coligny qu’à l’hôtel Montmorency.

— Excusez-moi, monsieur, reprit l’homme qui s’adoucit aussitôt : voulez-vous me dire votre nom ?

— Je suis le chevalier de Pardaillan.

L’homme étouffa un cri de joie, ouvrit la porte toute grande et attira le jeune homme dans l’intérieur d’une cour.

— Monsieur de Pardaillan, s’écria-t-il alors. Ah ! soyez le bienvenu ! Je désirais tant vous connaître !…

— Pardonnez-moi, fit le chevalier interloqué, mais…

— Vous ne me connaissez pas, n’est-ce pas ? Eh bien, nous ferons connaissance… je suis M. de Téligny.






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