Les Papiers posthumes du Pickwick Club/Tome II/XXV.

Traduction par Pierre Grollier.
Hachette (2p. 354-370).


CHAPITRE XXV.

Contenant quelques détails relatifs aux coups de marteau, ainsi que diverses autres particularités, parmi lesquelles figurent, notablement, certaines découvertes concernant M. Snodgrass et une jeune lady.


L’objet qui se présenta aux yeux du clerc, était un jeune garçon prodigieusement gras, revêtu d’une livrée de domestique, et se tenant debout sur le paillasson, mais avec les yeux fermés comme pour dormir. Lowten n’avait jamais vu un jeune garçon aussi gras, et sa corpulence extraordinaire, jointe au repos complet de sa physionomie, si différente de celle qu’on aurait dû raisonnablement attendre d’un si intrépide frappeur, le remplirent d’étonnement.

« Que voulez-vous ? demanda le clerc. »

L’enfant extraordinaire ne répondit point un seul mot, mais il baissa la tête, et Lowten s’imagina l’entendre ronfler faiblement.

« D’où venez-vous ? » reprit le clerc. Le gros garçon respira profondément, mais il ne bougea point.

Le clerc répéta trois fois ses questions, et ne recevant aucune réponse, il se préparait à fermer la porte, quand tout à coup le jeune garçon ouvrit les yeux, les cligna plusieurs fois, éternua et étendit la main, comme pour recommencer à frapper. S’apercevant que la porte était ouverte, il regarda autour de lui avec stupéfaction, et, à la fin, fixa ses gros yeux ronds sur le visage de Lowten.

« Pourquoi diable frappez-vous comme cela ? lui demanda le clerc avec colère.

— Comme quoi ? répondit le gros garçon d’une voix endormie.

— Comme quarante cochers de place.

— Parce que mon maître m’a dit de ne pas arrêter de frapper jusqu’à ce qu’on ouvre la porte, de peur que je m’endorme.

— Eh bien ! quel message apportez-vous ?

— Il est en bas.

— Qui ?

— Mon maître ; il veut savoir si vous êtes à la maison. »

En ce moment, M. Lowten imagina de mettre la tête à la fenêtre. Voyant dans son carrosse ouvert un vieux gentleman qui regardait en l’air avec anxiété, il lui fit signe, et le vieux gentleman descendit immédiatement.

— C’est votre maître qui est dans la voiture, je suppose, dit Lowten. »

Le gros garçon baissa la tête d’une manière affirmative.

Toute autre question fut rendue inutile par l’apparition du vieux Wardle, qui, ayant monté lestement l’escalier et reconnu Lowten, passa immédiatement dans la chambre de Perker.

« Pickwick ! s’écria-t-il, votre main, mon garçon. C’est d’hier seulement que j’ai appris que vous vous étiez laissé mettre en cage. Comment avez-vous souffert cela, Perker ?

— Je n’ai pas pu l’empêcher, mon cher monsieur, répliqua le petit avoué avec un sourire et une prise de tabac. Vous savez comme il est obstiné.

— Certainement, je le sais, mais je suis enchanté de le voir malgré cela. Ce n’est pas de sitôt que je le perdrai de vue. »

Ayant ainsi parlé, Wardle serra de nouveau la main de M. Pickwick, puis celle de Perker, et se jeta dans un fauteuil, son joyeux visage brillant plus que jamais de bonne humeur et de santé.

« Eh bien ! dit-il, voilà de jolies histoires ! Une prise de tabac, Perker mon garçon. Avez-vous jamais rien vu de pareil, hein ?

— Que voulez-vous dire ? demanda M. Pickwick.

— Ma foi ! je pense que toutes les filles ont perdu la tête. Vous direz peut-être que cela n’est pas bien nouveau, mais c’est vrai néanmoins.

— Eh ! mon cher monsieur, dit Perker, est-ce que vous êtes venu à Londres tout exprès pour nous apprendre cela ?

— Non, non, pas tout à fait ; quoique ce soit la principale cause de mon voyage. Comment va Arabelle ?

— Très-bien, répondit M. Pickwick ; et elle sera charmée de vous voir, j’en suis sûr.

— La petite coquette aux yeux noirs ! J’avais grandement idée de l’épouser moi-même un de ces beaux jours, mais néanmoins je suis charmé de cela, véritablement.

— Comment l’avez-vous appris ? demanda M. Pickwick.

— Oh ! par mes filles naturellement. Arabelle leur a écrit avant-hier qu’elle s’était mariée sans le consentement du père de son mari, et que vous étiez allé pour le lui demander, quand son refus ne pourrait plus empêcher le mariage, et tout cela. J’ai pensé que c’était un bon moment pour donner une petite leçon à mes filles, pour leur faire remarquer quelle chose terrible c’était quand les enfants se mariaient sans le consentement de leurs parents, et le reste. Mais baste ! je n’ai pas pu faire la plus légère impression sur elles. Elles trouvaient mille fois plus terrible qu’il y eût eu un mariage sans demoiselles d’honneur, et j’aurais aussi bien fait de prêcher Joe lui-même. »

Ici le vieux gentleman s’arrêta pour rire, et quand il s’en fut donné tout son content, il reprit en ces termes :

« Mais ce n’est pas tout, à ce qu’il paraît. Ce n’est là que la moitié des complots et des amourettes qui se sont machinés. Depuis six mois nous marchons sur des mines, et elles ont éclaté à la fin.

— Qu’est-ce que vous voulez dire, s’écria M. Pickwick, en pâlissant. Pas d’autre mariage secret, j’espère.

— Non ! non ! pas tout à fait aussi mauvais que cela ; non.

— Quoi donc alors ! suis-je intéressé dans l’affaire ?

— Dois-je répondre à cette question, Perker ?

— Si vous ne vous compromettez pas, en y répondant, mon cher monsieur.

— Eh bien ! alors, dit M. Wardle en se tournant vers M. Pickwick ; eh bien alors, oui, vous y êtes intéressé.

— Comment cela, demanda celui-ci avec anxiété. En quelle manière ?

— Réellement, vous êtes un jeune gaillard si emporté, que j’ai presque peur de vous le dire. Néanmoins, si Perker veut s’asseoir entre nous, pour prévenir un malheur, je m’y hasarderai. »

Ayant fermé la porte de la chambre, et s’étant fortifié par une autre descente dans la tabatière de Perker, le vieux gentleman commença sa grande révélation en ces termes :

« Le fait est que ma fille Bella… Bella qui a épousé le jeune Trundle, vous savez ?

— Oui, oui, nous savons, dit M. Pickwick avec impatience.

— Ne m’intimidez pas dès le commencement. Ma fille Bella, l’autre soir, s’assit à côté de moi lorsque Émilie fut allée se coucher, avec un mal de tête, après m’avoir lu la lettre d’Arabelle ; et commença à me parler de ce mariage. « Eh bien ! papa, dit-elle, qu’est-ce que vous en pensez. — Ma foi, ma chère, répondis-je, j’aime à croire que tout ira bien. » Il faut vous dire que j’étais assis devant un bon feu, buvant mon grog paisiblement, et que je comptais bien, en jetant de temps en temps un mot indécis, l’engager à continuer son charmant petit babil. Mes deux filles sont tout le portrait de leur pauvre chère mère et plus je deviens vieux, plus j’ai de plaisir à rester assis en tête à tête avec elles. Dans ces moments-là, leur voix, leur physionomie, me reportent au temps le plus agréable de ma vie, me rendent encore aussi jeune que je l’étais alors, quoique pas tout à fait aussi heureux. « C’est un véritable mariage d’inclination, dit Bella après un moment de silence. — Oui, ma chère, répondis-je ; mais ce ne sont pas toujours ceux qui réussissent le mieux… »

— Je soutiens le contraire ! interrompit M. Pickwick avec chaleur.

— Très-bien ; soutenez ce que vous voudrez, quand ce sera votre tour à parler, mais ne m’interrompez pas.

— Je vous demande pardon.

— Accordé. « Papa, dit Bella en rougissant un peu, je suis fâchée de vous entendre parler contre les mariages d’inclination. — J’ai eu tort, ma chère, répondis-je en tapant ses joues aussi doucement que peut le faire un vieux gaillard comme moi. J’ai eu tort de parler ainsi, car votre mère a fait un mariage d’inclination, et vous aussi. — Ce n’est pas là ce que je voulais dire, papa, reprit Bella ; le fait est que je voulais vous parler d’Émilie. »

M. Pickwick tressaillit.

« Qu’est-ce qu’il y a maintenant ? lui demanda M. Wardle en s’arrêtant dans sa narration.

— Rien, répondit le philosophe ; continuez, je vous en prie.

— Ma foi ! Je n’ai jamais su filer une histoire, reprit le vieux gentleman brusquement. Il faut que cela vienne tôt ou tard, et ça nous épargnera beaucoup de temps, si ça vient tout de suite. Le fait est qu’à la fin Bella se décida à me dire qu’Émilie était fort malheureuse ; que depuis les dernières fêtes de Noël elle avait été en correspondance constante avec notre jeune ami Snodgrass ; qu’elle s’était fort sagement décidée à s’enfuir avec lui, pour imiter la louable conduite de son amie ; mais qu’ayant senti quelques retours de componction, à ce sujet, attendu que j’avais toujours été passablement bien disposé pour tous les deux, elle avait pensé qu’il valait mieux commencer par me faire l’honneur de me demander si je m’opposerais à ce qu’ils fussent mariés de la manière ordinaire et vulgaire. Voilà la chose ; et maintenant, Pickwick, si vous voulez bien réduire vos yeux à leur grandeur habituelle, et me conseiller, je vous serai fort obligé. »

Cette dernière phrase, proférée d’une manière bourrue par l’honnête vieillard, n’était pas tout à fait sans motifs, car les traits de M. Pickwick avaient pris une expression de surprise et de perplexité tout à fait curieuse à voir.

« Snodgrass !… Depuis Noël… » murmura-t-il enfin, tout confondu.

— Depuis Noël, répliqua Wardle. Cela est clair, et il faut que nous ayons eu de bien mauvaises bésicles, pour ne pas le découvrir plus tôt.

— Je n’y comprends rien, reprit M. Pickwick en ruminant. Je n’y comprends rien.

— C’est pourtant assez facile à comprendre, rétorqua le colérique vieillard. Si vous aviez été plus jeune, vous auriez été dans le secret depuis longtemps. Et de plus, ajouta-t-il après un peu d’hésitation, je dois dire que ne sachant rien de cela, j’avais un peu pressé Émilie, depuis quatre ou cinq mois, afin qu’elle reçût favorablement un jeune gentleman du voisinage ; si elle le pouvait, toutefois, car je n’ai jamais voulu forcer son inclination. Je suis bien convaincu qu’en véritable jeune fille, pour rehausser sa valeur et pour augmenter l’ardeur de M. Snodgrass, elle lui aura représenté cela avec des couleurs très-sombres, et qu’ils auront tous deux fini par conclure qu’ils sont un couple bien persécuté, et qu’ils n’ont pas d’autre ressource qu’un mariage clandestin, ou un fourneau de charbon. Maintenant voilà la question : Qu’est-ce qu’il faut faire ?

— Qu’est-ce que vous avez fait, demanda M. Pickwick ?

— Moi ?

— Je veux dire qu’est-ce que vous avez fait, quand vous avez appris cela de votre fille aînée ?

— Oh ! J’ai fait des sottises, naturellement.

— C’est juste, interrompit Perker, qui avait écouté ce dialogue en tortillant sa chaîne, en grattant son nez et en donnant divers autres signes d’impatience. Cela est très-naturel. Mais quelle espèce de sottises ?

— Je me suis mis dans une grande colère, et j’ai si bien effrayé ma mère qu’elle s’en est trouvée mal.

— C’était judicieux, fit remarquer Perker. Et quoi encore, mon cher monsieur ?

— J’ai grondé et crié toute la journée suivante ; mais à la fin, lassé de rendre tout le monde, et moi-même, misérable, j’ai loué une voiture à Muggleton, et je suis venu ici sous prétexte d’amener Émilie pour voir Arabelle.

— Miss Wardle est avec vous, alors ? dit M. Pickwick.

— Certainement, elle est en ce moment à l’hôtel d’Osborne à moins que votre entreprenant ami ne l’ait enlevée depuis que je suis sorti.

— Vous êtes donc réconciliés ? demanda Perker.

— Pas du tout ; elle n’a fait que languir et pleurer depuis ce temps-là, excepté hier soir ; entre le thé et le souper ; car alors elle a fait grande parade d’écrire une lettre, ce dont j’ai fait semblant de ne point m’apercevoir.

— Vous voulez avoir mon avis dans cette affaire, à ce que je suppose ? dit Perker en regardant successivement la physionomie réfléchie de M. Pickwick, et la contenance inquiète de Wardle, et en prenant plusieurs prises consécutives de son stimulant favori.

— Je le suppose, répondit Wardle, en regardant M. Pickwick.

— Certainement, répliqua celui-ci.

— Eh bien ! alors, dit Perker en se levant et en repoussant sa chaise, mon avis est que vous vous en alliez tous les deux vous promener, à pied ou en voiture, comme vous voudrez ; car vous m’ennuyez ; vous causerez de cette affaire-là ensemble. Et si vous n’avez pas tout arrangé la première fois que je vous verrai, je vous dirai ce que vous avez à faire.

— Voilà quelque chose de satisfaisant, dit Wardle, qui ne savait pas trop s’il devait rire ou s’offenser.

— Bah ! bah ! mon cher monsieur, je vous connais tous les deux, beaucoup mieux que vous ne vous connaissez vous-mêmes. Vous avez déjà arrangé tout cela dans votre esprit. »

En parlant ainsi, le petit avoué bourra sa tabatière dans la poitrine de M. Pickwick et dans le gilet de M. Wardle ; puis tous les trois se mirent à rire ensemble, mais surtout les deux derniers gentlemen, qui se prirent et se secouèrent la main sans aucune raison apparente.

« Vous dînez avec moi aujourd’hui ? dit M. Wardle à Perker, pendant que celui-ci le reconduisait.

— Je ne peux pas vous le promettre, mon cher monsieur ; je ne peux pas vous le promettre. En tout cas, je passerai chez vous ce soir.

— Je vous attendrai à cinq heures.

— Allons, Joe ! » Et Joe ayant été éveillé, à grand’peine, les deux amis partirent dans le carrosse de M. Wardle. Joe monta derrière et s’établit sur le siége que son maître y avait fait placer par humanité ; car s’il avait dû rester debout, il aurait roulé en bas et se serait tué, dès son premier somme.

Nos amis se firent conduire d’abord au George et Vautour. Là ils apprirent qu’Arabelle était partie avec sa femme de chambre, dans une voiture de place, pour aller voir Émilie ; dont elle avait reçu un petit billet. Alors, comme Wardle avait quelques affaires à arranger dans la cité, il renvoya la voiture et le gros bouffi à l’hôtel, afin de prévenir qu’il reviendrait à cinq heures avec M. Pickwick pour dîner.

Chargé de ce message, le gros bouffi s’en retourna, dormant sur son siége aussi paisiblement que s’il avait été sur un lit soutenu par des ressorts de montre. Par une espèce de miracle, il se réveilla de lui-même lorsque la voiture s’arrêta, et se secouant vigoureusement, pour aiguiser ses facultés, il monta l’escalier, afin d’exécuter sa commission.

Mais, soit que les secousses que s’était données le gros joufflu eussent embrouillé ses facultés, au lieu de les remettre sur un bon pied ; soit qu’elles eussent éveillé en lui une quantité d’idées nouvelles, suffisantes pour lui faire oublier les cérémonies et les formalités ordinaires ; soit (ce qui est encore possible) qu’elles n’eussent pas été suffisantes pour l’empêcher de se rendormir en montant l’escalier, le fait est qu’il entra dans le salon, sans avoir préalablement frappé à la porte, et aperçut ainsi un gentleman, assis amoureusement sur le sofa, auprès de miss Émilie, en tenant un bras passé autour de sa taille, tandis qu’Arabelle et la jolie femme de chambre feignaient de regarder attentivement par une fenêtre, à l’autre bout de la chambre. À cette vue le gros joufflu laissa échapper une exclamation, les femmes jetèrent un cri, et le gentleman lâcha un juron, presque simultanément.

« Qui venez-vous chercher ici, petit misérable ? » s’écria le gentleman, qui n’était autre que M. Snodgrass.

Le gros joufflu, prodigieusement épouvanté, répondit brièvement : « Maîtresse. »

« Que me voulez-vous, stupide créature ? lui demanda Émilie, en détournant la tête.

— Mon maître et M. Pickwick viennent dîner ici à cinq heures.

— Quittez cette chambre ! reprit M. Snodgrass, dont les yeux lançaient des flammes sur le jeune homme stupéfié.

— Non ! non ! non ! s’écria précipitamment Émilie. Arabelle, ma chère, conseillez-moi. »

Émilie et M. Snodgrass, Arabelle et Mary tinrent conseil dans un coin, et se mirent à parler vivement, à voix basse, pendant quelques minutes, durant lesquelles le gros joufflu sommeilla.

« Joe, dit à la fin Arabelle, en se retournant avec le plus séduisant sourire ; comment vous portez-vous, Joe ?

— Joe, reprit Émilie, vous êtes un bon garçon. Je ne vous oublierai pas, Joe.

— Joe, poursuivit M. Snodgrass, en s’avançant vers l’enfant étonné, et en lui prenant la main, je ne vous avais pas reconnu. Voilà cinq shillings pour vous, Joe.

— Je vous en devrai cinq aussi, ajouta Arabelle, parce que nous sommes de vieilles connaissances, vous savez, » et elle accorda un second sourire, encore plus enchanteur, au corpulent intrus.

Les perceptions du gros bouffi étant peu rapides, il parut d’abord singulièrement intrigué par cette soudaine révolution qui s’opérait en sa faveur, et regarda même autour de lui, d’un air très-alarmé. À la fin, cependant, son large visage commença à montrer quelques symptômes d’un sourire proportionnellement large, puis, fourrant une demi-couronne dans chacun de ses goussets, et, ses mains et ses poignets par-dessus, il laissa échapper un éclat de rire enroué. C’est la première et ce fut la seule fois de sa vie qu’on l’entendit rire.

« Je vois qu’il nous comprend, dit Arabelle.

— Il faudrait lui faire manger quelque chose sur-le-champ, » fit observer Émilie.

Il s’en fallut de peu que le gros bouffi ne rît encore en entendant cette proposition. Après quelques autres chuchotements, Mary sortit lestement du groupe et dit :

« Je vais dîner avec vous aujourd’hui, monsieur, si vous voulez bien ?

— Par ici, répondit le jeune garçon avec empressement. Il y a un fameux pâté de viande en bas ! »

À ces mots, le gros joufflu descendit l’escalier pour conduire Mary à l’office, et le long du chemin sa jolie compagne captivait l’attention de tous les garçons, et mettait de mauvaise humeur toutes les femmes de chambre.

Le pâté, dont le gros joufflu avait parlé avec tant de tendresse, se trouvait effectivement encore dans l’office ; on y ajouta un bifteck, un plat de pommes de terre, et un pot de porter.

« Asseyez-vous, dit Joe. Quelle chance ! Le bon dîner ! Comme j’ai faim ! »

Ayant répété cinq ou six fois ces exclamations avec une sorte de ravissement, le jeune garçon s’assit au haut bout de la petite table, et Mary se plaça au bas bout.

« Voulez-vous un peu de cela ? dit le gros joufflu, en plongeant dans le pâté son couteau et sa fourchette jusqu’au manche.

— Un peu, s’il vous plaît. »

Joe ayant servi à Mary un peu du pâté, et s’en étant servi beaucoup à lui-même, allait commencer à manger, quand, tout à coup il se pencha en avant sur sa chaise, en laissant ses mains, avec le couteau et la fourchette, tomber sur ses genoux, et dit très-lentement :

« Vous êtes gentille à croquer, savez-vous ? »

Ceci était dit d’un air d’admiration très-flatteur, mais cependant il y avait encore, dans les yeux du jeune gentleman, quelque chose qui sentait le cannibale plus que l’amour passionné.

— Eh ! mais, Joseph, s’écria Mary, en affectant de rougir, qu’est-ce que vous voulez dire ? »

Le gros joufflu, reprenant graduellement sa première position, répliqua seulement par un profond soupir, resta pensif pendant quelques minutes, et but une longue gorgée de porter. Après quoi, il soupira encore, et s’appliqua très-solidement au pâté.

« Quelle aimable personne que miss Émilie ! dit Mary, après un long silence.

— J’en connais une plus aimable.

— En vérité ?

— Oui, en vérité, répliqua le gros joufflu, avec une vivacité inaccoutumée.

— Comment s’appelle-t-elle ?

— Comment vous appelez-vous ? »

— Mary.

— C’est son nom. C’est vous. »

Le gros garçon, pour rendre ce compliment plus incisif, y joignit une grimace, et donna à ses deux prunelles une combinaison de loucherie, croyant ainsi, selon toute apparence, lancer une œillade meurtrière.

« Il ne faut pas me parler comme cela, dit Mary. Vous ne me parlez pas sérieusement.

— Bah ! que si, je dis.

— Eh bien ?

— Allez-vous venir ici régulièrement ?

— Non, je m’en vais demain soir.

— Oh ! reprit le gros joufflu, d’un ton prodigieusement sentimental, comme nous aurions eu du plaisir à manger ensemble, si vous étiez restée !

— Je pourrais peut-être venir quelquefois, ici, pour vous voir, si vous vouliez me rendre un service, » répondit Mary, en roulant la nappe pour jouer l’embarras.

Le gros joufflu regarda alternativement le pâté et la grillade, comme s’il avait pensé qu’un service devait être lié en quelque sorte avec des comestibles ; puis, tirant de sa poche une de ses demi-couronnes, il la considéra avec inquiétude.

« Vous ne me comprenez pas ? » poursuivit Mary, en regardant finement son large visage.

Il considéra sur nouveaux frais la demi-couronne, et répondit faiblement : non.

« Les ladies voudraient bien que vous ne parliez pas au vieux gentleman du jeune gentleman qui était là-haut ; et moi je le voudrais bien aussi.

— C’est-il là tout ? répondit le gros garçon, évidemment soulagé d’un grand poids, et rempochant sa demi-couronne. Je n’en dirai rien, bien sûr.

— Voyez-vous, M. Snodgrass aime beaucoup miss Émilie ; et miss Émilie aime beaucoup M. Snodgrass ; et si vous racontiez cela, le vieux gentleman vous emmènerait bien loin à la campagne, où vous ne pourriez plus voir personne.

— Non, non, je n’en dirai rien, répéta le gros joufflu, résolûment.

— Vous serez bien gentil. Mais, à présent, il faut que je monte en haut, et que j’habille ma maîtresse pour le dîner.

— Ne vous en allez pas encore.

— Il le faut bien. Adieu, pour à présent. »

Le gros joufflu, avec la galanterie d’un jeune éléphant, étendit ses bras pour ravir un baiser ; mais comme il ne fallait pas grande agilité pour lui échapper, son aimable vainqueur disparut, avant qu’il les eût refermés. Ainsi désappointé, l’apathique jeune homme mangea une livre ou deux de bifteck, avec une contenance sentimentale, et s’endormit profondément.

On avait tant de choses à se dire dans le salon, tant de plans à concerter pour le cas où la cruauté de M. Wardle rendrait nécessaires un enlèvement et un mariage secret, qu’il était quatre heures et demie quand M. Snodgrass fit ses derniers adieux. Les dames coururent pour s’habiller dans la chambre d’Émilie, et le gentleman, ayant pris son chapeau, sortit du salon ; mais à peine était-il sur le carré, qu’il entendit la voix de M. Wardle. Il regarda par-dessus la rampe et le vit monter, suivi de plusieurs autres personnes. Dans sa confusion, et ne connaissant point les êtres de l’hôtel, M. Snodgrass rentra précipitamment dans la chambre qu’il venait de quitter, puis passant de là dans une autre pièce, qui était la chambre à coucher de M. Wardle, il en ferma la porte doucement, juste comme les personnes qu’il avait aperçues entraient dans le salon. Il reconnut facilement leurs voix : c’étaient M. Wardle et M. Pickwick, M. Nathaniel Winkle et M. Benjamin Allen.

« C’est très-heureux que j’aie eu la présence d’esprit de les éviter, pensa M. Snodgrass avec un sourire, en marchant, sur la pointe du pied, vers une autre porte, située auprès du lit. Cette porte-ci ouvre sur le même corridor, et je puis m’en aller par là tranquillement et commodément. »

Il n’y avait qu’un seul obstacle à ce qu’il s’en allât tranquillement et commodément, c’est que la porte était fermée à double tour et la clef absente.

« Garçon ! dit le vieux Wardle, en se frottant les mains ; donnez-nous de votre meilleur vin, aujourd’hui.

— Oui, monsieur.

— Faites savoir à ces dames que nous sommes rentrés.

— Oui, monsieur. »

M. Snodgrass aussi désirait bien ardemment faire savoir à ces dames qu’il était rentré. Une fois même il se hasarda à chuchoter à travers le trou de la serrure : « Garçon ! » Mais pensant qu’il pourrait évoquer quelque autre personne, et se rappelant avoir lu le matin, dans son journal, sous la rubrique Cours et Tribunaux, les infortunes d’un gentleman, arrêté dans un hôtel voisin, pour s’être trouvé dans une situation semblable à la sienne, il s’assit sur un porte-manteau, en tremblant violemment.

« Nous n’attendrons pas Perker une seule minute, dit Wardle en regardant sa montre. Il est toujours exact, il sera ici à l’heure juste s’il a l’intention de venir ; sinon il est inutile de nous en occuper. Ah ! Arabelle.

— Ma sœur ! s’écria Benjamin Allen, en l’enveloppant de ses bras d’une manière fort dramatique.

— Oh ! Ben, mon cher, comme tu sens le tabac ! s’écria Arabelle, apparemment suffoquée par cette marque d’affection.

— Tu trouves ? C’est possible… (C’était possible en effet, car il venait de quitter une charmante réunion de dix ou douze étudiants en médecine, entassés dans un arrière-parloir devant un énorme feu.) Combien je suis charmé de te voir ! Dieu te bénisse, Arabelle.

— Là, dit Arabelle, en se penchant en avant et en tendant son visage à son frère ; mais, mon cher Ben, ne me prends pas comme cela, tu me chiffonnes. »

En cet endroit de la réconciliation, M. Ben Allen se laissant vaincre par sa sensibilité, par les cigares et le porter, promena ses yeux sur tous les assistants à travers des lunettes humides.

« Est-ce qu’on ne me dira rien à moi ? demanda M. Wardle en ouvrant ses bras.

— Au contraire, dit tout bas Arabelle, en recevant l’accolade et les cordiales félicitations du vieux gentlemen ; vous êtes un méchant, un cruel, un monstre !

— Vous êtes une petite rebelle, répliqua Wardle du même ton ; et je me verrai obligé de vous interdire ma maison. Les personnes comme vous, qui se sont mariées en dépit de tout le monde, devraient être séquestrées de la société. Mais, allons ! ajouta-t-il tout haut, voici le dîner ; vous vous mettrez à côté de moi. — Joe, damné garçon, comme il est éveillé ! »

Au grand désespoir de son maître, le gros joufflu était effectivement dans un état de vigilance remarquable. Ses yeux se tenaient tout grands ouverts et ne paraissaient point avoir envie de se fermer. Il y avait aussi dans ses manières une vivacité également inexplicable ! Chaque fois que ses regards rencontraient ceux d’Émilie ou d’Arabelle, il souriait en grimaçant ; et une fois Wardle aurait pu jurer qu’il l’avait vu cligner de l’œil.

Cette altération dans les manières du gros joufflu naissait du sentiment de sa nouvelle importance, et de la dignité qu’il avait acquise en se trouvant le confident des jeunes ladies. Ces sourires et ces clins d’œil étaient autant d’assurances condescendantes qu’elles pouvaient compter sur sa fidélité. Cependant comme ces signes étaient plus propres à inspirer les soupçons qu’à les apaiser, et comme ils étaient, en outre, légèrement embarrassants, Arabelle y répondait de temps en temps par un froncement de sourcils, par un geste de réprimande ; mais le gros garçon ne voyant là qu’une invitation à se tenir sur ses gardes, recommençait à cligner de l’œil et à sourire avec encore plus d’assiduité, afin de prouver qu’il comprenait parfaitement.

« Joe, dit M. Wardle, après une recherche infructueuse dans toutes ses poches, ma tabatière est-elle sur le sofa ?

— Non, monsieur.

— Oh ! je m’en souviens ; je l’ai laissée sur la toilette ce matin. Allez la chercher dans ma chambre. »

Le gros garçon alla dans la chambre voisine, et après quelques minutes d’absence revint avec la tabatière, mais aussi avec la figure la plus pâle qu’ait jamais portée un gros garçon.

« Qu’est-ce qui lui est donc arrivé ? s’écria M. Wardle.

— Il ne m’est rien arrivé, répondit Joe avec inquiétude.

— Est-ce que vous avez vu des esprits ? demanda le vieux gentleman.

— Ou bien est-ce que vous en avez bu ? suggéra Ben Allen.

— Je pense que vous avez raison, chuchota Wardle à travers la table ; il s’est grisé, j’en suis sûr. »

Ben Allen répondit qu’il le croyait ; et comme il avait observé beaucoup de cas semblables, Wardle fut confirmé dans la pensée qui cherchait à s’insinuer dans son cerveau depuis une demi-heure, et arriva à la conclusion que le gros joufflu était tout à fait gris.

« Ayez l’œil sur lui pendant quelques minutes, murmura-t-il ; nous verrons bientôt s’il a réellement bu. »

Le fait est que l’infortuné jeune homme avait seulement échangé une douzaine de paroles avec M. Snodgrass ; que celui-ci l’avait supplié de s’adresser à quelque ami pour le faire mettre en liberté, puis l’avait poussé dehors avec la tabatière de peur qu’une absence trop prolongée n’éveillât des soupçons. Rentré dans la salle à manger, Joe était resté quelques instants à ruminer, avec une physionomie renversée, puis il avait quitté la chambre pour aller chercher Mary.

Mais Mary était retournée au Georges et Vautour, après avoir habillé sa maîtresse, et le gros joufflu était revenu, plus démonté qu’auparavant.

M. Wardle et Ben Allen échangèrent plusieurs coups d’œil.

« Joe, dit M. Wardle.

— Oui, monsieur.

— Pourquoi êtes-vous sorti ? »

Le gros joufflu regarda d’un air troublé chacun des convives, et bégaya qu’il n’en savait rien.

« Oh ! dit Wardle, vous n’en savez rien. Portez ce fromage à M. Pickwick. »

Or, M. Pickwick, se trouvant en parfaite santé et en parfaite humeur, s’était rendu universellement délicieux pendant tout le temps du dîner, et paraissait en ce moment, engagé dans une intéressante conversation avec Émilie et M. Winkle. Courbant gracieusement sa tête du côté de ses auditeurs, et tout rayonnant de paisibles sourires, il agitait doucement sa main droite, pour donner plus de force à ses observations. Il prit un morceau de fromage sur l’assiette et allait se retourner pour continuer sa conversation, quand le gros garçon se baissant de manière à amener sa tête au même niveau que celle de M. Pickwick, dirigea son pouce par-dessus son épaule comme pour lui montrer quelque chose, et fit en même temps la grimace la plus hideuse qu’on ait jamais vue.

« Eh mais ! s’écria M. Pickwick en tressaillant, voilà qui est… Eh… ? » il s’arrêta court, car Joe venait de se redresser, et était ou prétendait être profondément endormi.

« Qu’est-ce qu’il y a ? demanda M. Wardle.

— Votre jeune homme est si singulier, continua M. Pickwick en regardant Joe d’un air inquiet. Cela vous étonnera peut-être, mais sur ma parole, j’ai peur qu’il n’ait quelquefois l’esprit un peu dérangé.

— Oh ! monsieur Pickwick ne dites point cela, s’écrièrent ensemble Émilie et Arabelle.

— Je n’en répondrais pas, bien entendu, reprit le philosophe, au milieu d’un profond silence et d’une épouvante générale ; mais ses manières avec moi, en ce moment, étaient vraiment alarmantes ! Oh là là ! cria M. Pickwick en sautant sur sa chaise. Je vous demande pardon, mesdames ; mais il vient de m’enfoncer quelque chose de pointu dans la jambe… Réellement, il est très-dangereux.

— Il est soûl ! vociféra le vieux Wardle avec colère. Tirez la sonnette, appelez les garçons ! il est soûl !…

— Je ne suis pas soûl ! s’écria le gros bouffi en tombant à genoux, pendant que son maître le saisissait par le collet, je ne suis pas soûl !

— Alors vous êtes fou, ce qui est encore pis ; appelez les garçons !

— Je ne suis pas fou, je suis très-raisonnable, répliqua Joe en commençant à pleurer.

— Alors pourquoi diable piquez-vous la jambe de M. Pickwick ?

— Il ne voulait pas me regarder, j’avais quelque chose à lui dire.

— Que vouliez-vous lui dire ? » demandèrent une demi-douzaine de voix à la fois.

Joe soupira, regarda la porte de la chambre à coucher, soupira encore, et essuya ses larmes avec les jointures de ses deux index.

« Qu’est-ce que vous vouliez lui dire ? demanda M. Wardle en le secouant.

— Arrêtez ! dit M. Pickwick, laissez-moi lui parler. Qu’est-ce que vous désiriez me communiquer, mon pauvre garçon ?

— Je voulais vous parler tout bas.

— Vous vouliez lui mordre l’oreille, je suppose, interrompit M. Wardle ; ne l’approchez pas, Pickwick, il est enragé. Tirez la sonnette pour qu’on l’emmène en bas. »

À l’instant où M. Winkle prenait le cordon de la sonnette, il fut arrêté par d’universelles exclamations de surprise. L’amant captif, avec un visage pourpre de confusion, était soudainement sorti de la chambre à coucher, et faisait un salut général à toute la compagnie.

« Oh ! ah ! s’écria M. Wardle en lâchant le collet du gros joufflu et en reculant d’un pas, qu’est-ce que cela signifie ?

— Monsieur, répliqua M. Snodgrass, je suis caché dans la chambre voisine depuis votre retour.

— Émilie, ma fille, dit M. Wardle d’un ton de reproche, vous savez pourtant bien que je déteste les cachoteries et les mensonges. Ceci est tout à fait indélicat et inexcusable. Je ne méritais pas cela de votre part, Émilie, en vérité.

— Cher papa, dit Émilie, j’ignorais qu’il était là. Arabelle peut vous le dire, et Joe aussi, et tout le monde. Auguste, au nom du ciel, expliquez-vous ! »

M. Snodgrass, qui avait attendu seulement qu’on voulût bien l’entendre, raconta immédiatement comment il avait été placé dans cette position embarrassante ; comment la crainte d’exciter des dissensions domestiques l’avait seule engagé à éviter la rencontre de M. Wardle ; comment il voulait simplement s’en aller par une autre porte, et comment, la trouvant fermée, il avait été forcé de rester, contre sa volonté. Il termina en disant qu’il se trouvait placé dans une situation pénible ; mais qu’il le regrettait moins maintenant, puisque c’était une occasion de déclarer devant leurs amis communs qu’il aimait profondément et sincèrement la fille de M. Wardle ; qu’il était orgueilleux d’avouer que leur penchant était mutuel, et que, quand même il serait séparé d’elle par des milliers de lieues, quand même l’Océan roulerait entre eux ses ondes infinies, il n’oublierait jamais un seul instant cet heureux jour où, pour la première fois, etc., etc., etc.

Ayant péroré de cette manière, M. Snodgrass salua encore, regarda dans son chapeau, et se dirigea vers la porte.

« Arrêtez ! s’écria M. Wardle. Pourquoi, au nom de tout ce qui est…

— Inflammable, suggéra doucement M. Pickwick, pensant qu’il allait venir quelque chose de pis.

— Eh bien ! au nom de tout ce qui est inflammable, dit M. Wardle en adoptant cette variante, pourquoi ne m’avez-vous pas dit cela, à moi, en premier lieu ?

— Ou pourquoi ne vous êtes-vous pas confié à moi ? ajouta M. Pickwick.

— Voyons, dit Arabelle, en se chargeant de la défense, à quoi sert de faire tant de questions ; maintenant surtout, quand vous savez que vous aviez choisi, dans des vues intéressées, un beau-fils beaucoup plus riche, et que vous êtes si méchant et si emporté, que tout le monde a peur de vous, excepté moi ? Donnez-lui une poignée de mains, et faites-lui servir quelque chose à manger, pour l’amour du ciel ! Vous voyez bien son air affamé ! et, je vous en prie, faites apporter votre vin tout de suite, car vous ne serez pas supportable jusqu’à ce que vous ayez bu vos deux bouteilles, au moins. »

Le digne vieillard tira Arabelle par l’oreille, l’embrassa sans le plus léger scrupule, embrassa également sa fille avec une grande affection, et secoua cordialement la main de M. Snodgrass.

« Elle a raison sur un point, tout au moins, dit-il joyeusement ; sonnez pour le vin. »

Le vin arriva, et Perker entra en même temps. M. Snodgrass fut servi sur une petite table, et quand il eut dépêché son dîner, il tira sa chaise auprès d’Émilie, sans la plus légère opposition de la part du vieux gentleman.

La soirée fut charmante. Le petit Perker était tout à fait en train. Il raconta plusieurs histoires comiques, et chanta une chanson sérieuse qui parut presque aussi comique que ses anecdotes. Arabelle fut ravissante, M. Wardle jovial, M. Pickwick harmonieux, M. Ben Allen bruyant, les amants silencieux, M. Winkle bavard, et toute la société fort heureuse.