Les Pantins des boulevards, ou bordels de Thalie/01-2

Poulet-Malassis (1 et 2p. 5-35).

LES PANTINS
DES BOULEVARDS


PREMIÈRE CONFESSION




THÉATRE-FRANÇAIS ET LYRIQUE


LE COMPÈRE MATHIEU, DESPRÉS, DUFOREST, SAINT-RÉAL, SAINT-ALBIN, LA DEMOISELLE LACAILLE ET LA DAME BEAUPRÉ.
le compère mathieu.

Or çà ! vous autres, puisque le diable veut que j’entende vos confessions et l’amas volumineux de vos sottises, parlez, je suis prêt à vous écouter ; mais pour procéder avec ordre, voyons d’abord à qui j’ai affaire. (À Després.) Vous qui êtes un nouveau transplanté sur les boulevards, qu’étiez-vous avant votre réunion avec les mauvais sujets dont vous allez faire nombre ?

després.

Histrion méprisable à Genève, comédien sans mœurs dans la Champagne et dans la Picardie, et maintenant, comme vous le voyez, bateleur de rempart.

le compère mathieu.

Sous quelle direction étiez-vous dans la Champagne et dans la Picardie ?

després.

Sous celle d’une garce impudente, lascive et effrontée ; coquine au premier chef, gourgandine diffamée, vraie patronne de catins, le rebut de la province, et dont les lubricités surpassent celles de la femme de l’empereur Claude et celles d’un monstre couronné pour le malheur de la France.

le compère mathieu.

Jolie directrice !… et son nom ?

després.

Ribou, et femme de Naudet, acteur de ce nom au théâtre de la Nation.

le compère mathieu.

Çà ! contez-moi vos fredaines, je suis sûr que le détail en doit être intéressant, et nous verrons si vous êtes encore digne de la société.

després.

Cela ne me paraît guères possible ; mais quoi qu’il en soit, écoutez-moi, et vous allez entendre un détail de monstruosités.

Je suis né à Paris d’une famille honnête, mais avec les plus fortes inclinations pour le libertinage ; je ne vous entretiendrai pas des premières occupations de ma jeunesse : jouer au bordel le rôle d’escroc et de tapageur, friponner les marchands, entasser les mauvaises affaires les unes sur les autres, telles sont les peccadilles dont je fatiguerais vos oreilles ; je ne prendrai donc mon récit que de mon entrée à la comédie.

Je fus à peine arrivé à Genève, que je foutis l’épouse du directeur d’un consistoire. Ah ! compère, quelle délicieuse jouissance que celle que m’a procurée madame la Vallée ! (C’est le nom de la dame.) Si je me fusse borné au doux plaisir de la foutre, je n’aurais fait en cela que ce qu’ont fait bien d’autres ; mais, monstre d’ingratitude, je l’ai volée, diffamée, et lui ai emporté plus de six à sept mille livres d’argent et de bijoux, lorsque je fus contraint de m’éloigner après sa séparation avec son époux.

le compère mathieu.

Excellente conduite ! Et après ?

després.

Je revins à Paris, où j’entendis dire qu’il manquait un premier rôle dans la troupe de la Naudet, place vacante par la retraite de Dubois, qui se disposait à venir faire une cascade ou chute des plus complètes sur le théâtre de la Nation[1], et je rejoignis le tripot à Saint-Quentin, en Picardie.

le compère mathieu.

Fort bien ; continuez.

després.

Sans être interrompu davantage, voici toutes mes prouesses. Je devins d’abord amoureux fou de la Fusil, femme de l’acteur de ce nom, présentement aux Variétés ; je l’ajoutai au nombre de mes conquêtes, et le mari à la liste infiniment nombreuse des cocus du royaume. Or, vous saurez, compère, que cette Messaline, putain comme chausson, a plus foutu de fois en sa vie que le père Duchêne n’a juré, que cette intrépide fouteuse ne respire que la débauche, et qu’elle est capable de mettre sur les dents un détachement de grenadiers. Il n’est point de moyens qu’elle n’emploie pour faire bander son homme : foutre ou mourir ! c’est sa devise. Aussi, faisant votre tournée, vous l’examinerez sans doute sur le théâtre du bordel des Beaujolais, et à ses regards impudents, à ses discours obscènes, à ses couleurs fanées, à son teint flétri par la fouterie, vous reconnaîtrez ma coquine.

Notre commerce dura deux mois, sans que son époux, cocu débonnaire et pacifique en fût instruit : il est vrai que de son côté il courait les gredines de rempart, et qu’il se montrait très-indifférent sur la conduite de sa compagne.

Mais à la fin cela finit, la troupe se partagea, et mon infante fut du lot destiné pour Amiens, tandis que je fus de celui qui partait pour Reims. J’appris alors ce que j’avais ignoré jusque-là : je n’étais à peu près que le sixième qui avait recueilli le suc précieux de ses caresses lubriques, sans avoir été le tenant de son cœur ; ce n’était que par délassement qu’elle avait foutu avec moi et compagnie ! Dubois, qui venait de quitter la troupe, était le greluchon favori, et la friponne ne désirait que le moment de le rejoindre : ce qui se réalisa à la clôture de l’année comique, à Pâques 1789.

le compère mathieu.

Mais c’est la confession des autres que vous faites, et non la vôtre ; ces mêmes coquines auront leur tour : revenons à vous.

després.

Informé de ces circonstances et arrivé à Reims, je résolus de rendre à mon prédécesseur Dubois ce qu’il m’avait prêté à l’égard de Fusil, en un mot, de foutre sa femme, et de vivre avec elle sur le bon pied. Abandonnée de son mari, avec une charmante petite fille qu’il avait eue d’elle, ou qu’elle avait eue d’un autre que lui[2], elle jouait avec connaissance de cause les ingénuités dans la partie de troupe où j’étais demeuré. Nous habitâmes le même domicile chez un nommé Colson, cuisinier, et firent bourse commune. Vous ne sauriez vous imaginer, mon cher compère, les délices que j’éprouvai en foutant cette charmante petite coquine ; je croyais jusqu’à ce moment être un fouteur : toutes les garces de la capitale m’en avaient fait compliment ; coups de culs vifs et précipités, charnière mobile, élans passionnés, je croyais tout
savoir ; mais cependant cette nouvelle fouterie me fit voir du pays : elle ajouta infiniment à mon éducation foutative ; et ce n’est que d’après les charmantes leçons que j’ai reçues d’elle, que je puis me déclarer le paillasson et le roué le plus consommé de la fin de ce siècle.

le compère mathieu.

Foutre ! mon ami, je le croyais sans peine : je bande en vous écoutant ; que résulta-t-il de cette liaison ?

després.

Qu’elle finit à peu près comme toutes les intrigues d’histrions, sans en excepter nos confrères de l’hôtel de Condé : nous nous dégoûtâmes l’un de l’autre ; d’ailleurs, ni son intention ni la mienne n’étaient pas de déroger à la noble habitude, et parce que nous foutions ensemble, nous ne prétendions pas nous priver de foutre avec les naturels du pays ou avec nos camarades ; elle s’appliqua Dorgival sur l’estomac, et moi je foutis ma directrice ; j’en demande pardon à Naudet, qui rabattra sans doute de la bonne opinion qu’il a pour moi en apprenant par ma bouche que j’ai foutu sa femme ; mais il ne doit s’en prendre qu’à son étoile et à son mauvais choix : pourquoi épousait-il une putain ?

le compère mathieu.

Mais cette Ribou ou cette Naudet, comme vous prétendez l’appeler, est donc une garce avérée et une des plus fameuses putains des théâtres de l’Europe ?

després.

Ah ! compère ! telle idée que vous vous en formiez, je défie qu’elle soit précise. C’est en foutant qu’elle a payé les appointements de ses pensionnaires. Toujours le cotillon levé à la fin des mois, chacun de nous était libre de lui donner quittance ; les petits appointements de la troupe lui prenaient le cul pour le montant de leurs créances ; les matadors venaient ensuite, et foutraillaient pour faire accepter leurs mandats ; et lorsqu’après, à l’aide de Manon, de Lucien[3], la coquine avait fait bidet, elle faisait sa tournée par la ville, payait de cette manière les Maltot[4], les Ferrand, les Legris[5], et c’est de cette façon que nous quittions une ville pour aller procéder dans une autre à de nouveaux travaux.

le compère mathieu.

Venons à la conclusion ?

després.

Ou à une issue bien fâcheuse : la dame Naudet, devenue laide, vieille, malpropre, hargneuse, quinteuse, acariâtre, nous ne voulûmes plus foutre, et conséquemment être payés ; la bourgeoise leva le pied, et nous en fûmes pour nos malles ; nous nous en vengeâmes par des couplets ; et il en fut de cet événement comme des circonstances actuelles, et tel que dit Figaro : Tout finit par des chansons.

le compère mathieu.

Quoi ! vous vous êtes vengés par des couplets ? Chantez-les-moi ?

després.

Dans la quantité de ceux qui ont le plus couru, je ne puis vous citer que ceux-ci :

Couplets sur madame Naudet, femme de l’acteur de ce nom au théâtre de la Nation.

Cabotins, vous qui de Naudet
Ignorez la fâcheuse histoire,

Gravez-la dans votre mémoire :
Nous la chantons sans regret.
Il prit pour femme une coquine
Qui, du bordel ayant le ton,
Sut trop bien prêter son con (bis)
Pour causer notre ruine (bis).

Oui, sur son livre était écrit :
Si vous voulez me rendre heureuse,
Prenez-moi pour votre fouteuse,
Payez-vous avec un vit ;
Car c’est ainsi que je finance :
Ce fut toujours là ma façon ;
Je vous offre à tous mon con (bis) :
Ce sera ma quittance (bis).

Nous mordîmes à l’hameçon,
Jaloux d’engaîner notre pine ;
Cette gueuse de Messaline
Conserva toujours ce ton ;
Une infernale banqueroute,

Nous réduisit à l’union :
Ah ! que maudit soit son con (bis) !
Et que l’aze la foute (bis) !

le compère mathieu.

Fort bien ; et depuis ce temps vous baladinez au Théâtre-Lyrique et dans l’entrepôt des gourgandines que Clément leva aux dépens des dupes, pour les plaisirs du public, et que notre cousin Jacques, ce paillard si connu, rend célèbre par ses productions ?

després.

Hélas ! oui.

le compère mathieu.

Et qu’y faites-vous ?

després, montrant la demoiselle Lacaille.

Hélas ! je branle madame (montrant Saint-Réal), et quelquefois, par inadvertance, j’encule aussi monsieur.

le compère mathieu.

Ce que vous dites est horrible !…

després.

Et ne me fait pas peur. Quand vous enculâtes Inigo, et que le père Jean de Domfront vous foutis la pine au cul, en disiez-vous autant ?

le compère mathieu.

C’est un article à part ! mais j’aurais tort de me montrer rigoriste avec des gens de votre espèce : foutez et refoutez, puisque le sort ainsi l’ordonne, mais craignez de vous en repentir ; je ne doute pas que cela ne soit un jour ; et pour vous le prouver retenez ces paroles, auxquelles je borne votre pénitence :

Courage, ami Després, pour remplir ton destin,
Encule Saint-Réal et branle une putain.

(À Duforest.)

Et vous, mon ami, qui êtes-vous ?

duforest.

Un honnête homme.

le compère mathieu.

Je le sais, et vous êtes venu consommer votre probité dans un des cloaques du boulevard.

duforest.

Que voulez-vous ? N’était-ce pas là ma dernière ressource ? Voici mon histoire en deux mots. J’eus une femme (que dis-je ! pour mon malheur, je l’ai encore) fouteuse sans pareille ; elle fit les charmes des premiers moments de notre hyménée ; mais bientôt sa lubricité, son tempérament bouillant, ses inclinations perverses prirent le dessus ; j’en eus une fille, que j’élève ; mais les obligations impérieuses de la maternité ne la rendirent pas à ses devoirs ; elle me quitta pour foutre avec Martin, le maître de musique, qu’elle trompa pour Lucien, haute-contre vagabonde, et pour Fleury, ce scélérat qui chante les basses-tailles chez la Montansier. Abîmé de dettes et léger d’argent, suivant la coutume, je n’avais que la ressource du taudion : je m’y suis fourré ; j’y végète en attendant mieux.

le compère mathieu.

Je vous en félicite ; mais vous, de votre côté, n’avez-vous aucuns reproches à vous faire.

duforest.

Aucuns, quant à elle ; mais à présent je hurle avec les loups. Dans la pétaudière où mes péchés m’ont amené, chacun se fait un jeu de foutre, et pourquoi ne foutrais-je pas ? ce serait un ridicule de plus, et madame que voilà (montrant la Beaupré) veut bien, par habitude et par grâce spéciale, me servir aujourd’hui de monture.

le compère mathieu.

Mais elle est mariée !

duforest.

Bruit populaire… et quand cela serait ! De quel pays venez-vous pour ignorer que c’est, au théâtre, article de constitution, que la coutume doit être de ne pas s’en tenir à ce qu’on a ? Les maris y sont cocus, les amants y sont maquereaux, les femmes y sont adultères, les filles, de déterminées putains, et les mères, des révérendes maquerelles[6].

le compère mathieu.

Agréable société ! Est-ce là votre dernier mot ?

duforest.

Encore n’est-il qu’une analyse ; mais comme il vous en reste à entendre, vous ne manquerez pas de détails… Que ferai-je maintenant ?

le compère mathieu.

Écoutez-moi…

Je vois dans vos égarements,
Moins de crimes que de faiblesse ;
Si, pour amuser vos moments,
Vous fîtes choix d’une bougresse (bis),
Que faire, hélas !
Que faire, hélas !
À ce destin.
Vous contenter d’une putain (bis).

Mais en hasardant votre vit
Avec mainte et mainte coquine,
Songez à ce qu’il est prédit ;
Car vous risquez pour votre pine (bis).
Dans tout bordel,
Dans tout bordel,
J’ai convaincu
Qu’on attrapait du mal au cul (bis).

Tout con porta toujours malheur

Dans l’affreux siècle où nous sommes ;
Oui, ne point foutre est un bonheur,
C’est le con qui perd tous les hommes (bis)
Pour l’éviter,
Pour l’éviter,
Soyez certain
Qu’il vaut mieux vous branler l’engin (bis) !

(À Saint-Réal.)

À votre tour.

saint-réal.

Sans un long préambule, je vais au fait ; je suis un des plus ardents prosélytes de la bougrerie, le coryphée des bardaches et l’apôtre décidé de l’enculage. Point de morale ! Çà toujours été là ma faiblesse, et je crois que je ne changerai jamais ; car, comme le dit fort bien ce refrain de couplet.

Le doux plaisir de la couille
Dans un con n’a qu’un instant ;
Dans le cu l’on y farfouille,
Et l’on est toujours content.

le compère mathieu.

Sors, bougre, sors ; va-t-en enculer Lucifer et tous les diables ; et pour ta pénitence je te souhaite :

Que jamais fille gentille,
Pour toi troussant sa mandille,
Sur le soir ne s’écarquille,
Pour soulager ton engin.
Mais que le diable brandille
Son vit droit comme une quille,
Que dans ton cul il frétille,
Et que ce soit son conin !

(À Saint-Albin.)

Approchez-vous. Vous m’avez bien l’air de ce que vous êtes ; à votre tournure hypocrite, je vous devine ; mais je veux entendre la vérité de votre bouche. Qui êtes vous ?

saint-albin.

Un maquerotin[7], un escroc, un jeanfoutre et un brûleur de paillasse.

le compère mathieu.

Il faut être quelque chose dans la vie ; ne vous ai-je pas vu dans le grenier des bluettes au boulevard ?

saint-albin.

Précisément ; et cela dans le temps que j’avais l’honneur de croquoner[8] madame Clément, notre bourgeoise, et dans le même temps aussi que Moreau, des Ombres chinoises, du Palais-Royal, haut comme le polichinel des associés, et presque aussi bête[9], se plaisait à se cacher sous les cotillons de ladite dame, comme une muscade sous les gobelets d’un escamoteur.

le compère mathieu.

Eh ! que diable y faisait-il ?

saint-albin.

Ce qu’il y faisait ? je m’en doute ; mille femmes à Paris ont voulu essayer son talent, et ont assuré que le petit bougre avait son mérite tout comme un autre.

le compère mathieu.

Passons. Où étiez-vous auparavant ?

saint-albin.

Dans un chenil, à Versailles, où je faisais la parade avec tous les talents imaginables, et le soir certaine donzelle que j’avais lancée dans le commerce partageait mon grabat et payait bougrement cher son gîte.

le compère mathieu.

J’entends ! j’entends ! Et ici que faites vous ?

saint-albin.

J’ennuie périodiquement le public, qui me siffle par reconnaissance ; je fais des dettes au café, j’enniaise ma maîtresse de pension[10], je fous des coquines, et je me crois quelque chose.

le compère mathieu.

Et vous ne vous trompez pas ; vous êtes effectivement quelque chose : je vous accorde un brevet de gredin, pour faire nombre avec ceux qui composent les théâtres du boulevard.

Dans ce conflit Saint-Albin,
Tu dois passer outre,
Pour un infâme gredin
Dont dira toute putain :
Du foutre ! du foutre ! du foutre !

(À la demoiselle Lacaille.)

Venez çà ! la mijaurée ; je n’ai pas-mémoire de vous avoir vu rôder sur les boulevards. Avant l’édification de ce spectacle : où étiez-vous ?

la demoiselle lacaille.

Dans différentes villes de province.

le compère mathieu.

Et qu’y faisiez-vous ?

la demoiselle lacaille.

J’y cabotinais bien médiocrement ; j’y branlais des officiers, je foutais avec le soldat, et plus d’une fois le glacis des remparts d’une ville de garnison s’est trouvé le théâtre de mes fouteries.

le compère mathieu.

Occupation bien digne d’une saltimbanque de votre espèce ! Et qui vous a débauchée de la sorte ?

la demoiselle lacaille.

Ma mère fut la première à diriger mes actions, et me donna les premières leçons de l’art de foutre ; j’avais sous les yeux son exemple : fouteuse déterminée, aucun manège de fouterie ne lui était inconnu ; mais bientôt cependant je surpassai mon modèle, et ma réputation de branleuse aguerrie m’a quelquefois attiré l’animosité des états-majors de régiments, mais je m’y suis soustraite en roulant entre mes doigts délicats les cartouches des principaux officiers.

le compère mathieu.

À merveille ! Continuez.

la demoiselle lacaille.

La Durand, grosse garce et maquerelle avérée, fut ma seconde institutrice ; elle avait fait société de coquinisme avec un certain Ribou[11], dont les yeux louches ne déparent pas ceux de la famille, et plus insupportable, quant aux talents, sur les tréteaux de la province, que je ne le suis sur les planches du Théâtre-Français et Lyrique ; je n’étais soufferte par cette indigne directrice que parce que j’allais sur la brune branler sur les remparts les sentinelles en faction.

le compère mathieu.

Quelles sont les villes où vous avez fait ces preuves de lubricité ?

la demoiselle lacaille.

Thionville, Luxembourg, Longwy, etc.

le compère mathieu.

Et que faites-vous à Paris ?

la demoiselle lacaille.

Ce que j’y fais, compère ? Des bamboches ! Je fous, je branle et je suis branlée ; j’ai des pratiques à la petite semaine que je visite régulièrement tous les matins, je triple mes appointements avec mon con ; je fais recouvrer quelques lignes de vit de plus aux vieux michés qui ne peuvent bander qu’à peine ; enfin, je me forme une réputation qui ne fait aucun tort à celle que je possédais en province.

le compère mathieu.

Allez, vous êtes une garce !

la demoiselle lacaille.

Je le sais bien, compère ; mais que faire à cela ?

le compère mathieu.
Air : De Joconde.

Ne cessez pas d’être putain,
Croyez-en ma parole ;
Si c’est aussi votre destin,
Attrapez la vérole ;

Et qu’au défaut de votre esprit,
Pour vous trouver heureuse,
Vous branliez toujours un vit,
En fieffée fouteuse !

Le ciel, en vous faisant un con,
Désigna votre place,
Et vous indiqua la façon
D’être une sacré garce ;
Ainsi donc foutez à jamais,
En redoublée coquine,
Et près de Dieu allez en paix
En branlant une pine.

(À la dame Beaupré.)

Pour vous, je vous connais ; mais qu’importe ! parlez toujours.

la beaupré.

Et que vous dire ? Je suis une putain, personne ne l’ignore. J’ai couru dans la Calabre avec le fils d’un marchand de la rue Saint-Denis, nommé Beaupré, dont j’escamotai le pucelage et les écus, et qui joue maintenant les premiers rôles en province. Fatigué de ma mauvaise conduite comme de mon caractère, il me laissa, pour faire le jocrisse auprès d’une coquine nommée Saint-René ; en parfaite rouleuse, j’ai depuis foutu avec le tiers et le quart : c’est encore là mon unique occupation. Blâmez ou approuvez, je m’en soucie comme de colin-tampon.

ABSOLUTION

DU COMPÈRE MATHIEU AUX CONFESSIONS
PRÉCÉDENTES.

Que chacun recueille à part soi
L’arrêt dicté par le compère.
Foutez, je vous en fais la loi ;

Car pour foutre on est sur la terre ;
Mesdames, sans tant de façons,
Comportez-vous en vraies coquines ;
Croyez qu’au théâtre vos cons
Ont été formés par des pines (bis).

Ô vous ! la perle des fouteurs,
Ne quittez point un noble usage ;
Recherchez toujours les honneurs
D’un insigne maquerellage ;
Pour trouver le souverain bien,
Fêtez le con d’une novice ;
Mais ajoutez-y le soutien
D’une chaude et large matrice (bis).

Soit en con, en cul, en tétons,
Logez vos vits chauds comme braise ;
C’est en foutant sur tous ces tons,
Qu’on ne peut être un bande-à-l’aise.
De la censure de l’autel
Que nul de vous rien n’appréhende :
Le code sacré du bordel
Vaut bien mieux pour celui qui bande.

  1. Ce qu’on a vu vers la fin de l’hiver de l’année 1789.
  2. Cet enfant se nomme Eudoxe.
  3. Je ne dit pas du fils de Naudet, car le pauvre petit bougre ignore, comme bien d’autres, le mystère de sa naissance.
  4. Épicier de Reims.
  5. Gargotier d’Amiens.
  6. Que ce Duforest-là connaît bien son monde ! Il n’a pas menti d’un iota dans cette citation.
  7. C’est-à-dire un maquereau de la dernière classe et de la petite taille. (Voir la confession de Robin aux Délassements) C’est comme nos chiens bassets. (Ecce homo !) Voilà Saint Albin.
  8. Terme argotique que tous les fouteurs entendent.
  9. Connu sous le nom du petit arlequin d’Audinot.
  10. Madame Lemaître, blanchisseuse d’une partie de la gredinaille du boulevard, maquerelle renommée, chez le perruquier en entrant par le faubourg du Temple.
  11. Cousin germain de Naudet, le plus grand scélérat des bateleurs de la province.