Les Pantins des boulevards, ou bordels de Thalie/00

Poulet-Malassis (1 et 2p. Frontisp.-iii).

LE COMPÈRE MATHIEU

À SES PÉNITENTS.



C’est à vous, viles putains, infâmes maquereaux, misérables farceurs, indignes cabotins, qui avilissez la scène par votre présence lascive, votre immodeste jeu et vos regards effrontés ; c’est à vous, dis-je, que je dédie cette compilation de vos sottises. C’est en vous arrachant le masque dont vous vous couvrez impudemment, que j’espère recevoir le prix de mes peines.

Je n’ose me flatter que vous avouerez la confession que je révèle au public, de vos goûts libertins, de vos lubricités, de vos escroqueries (passez-moi le terme), de vos scènes paillardes, de vos fouteries familières ; mais que m’importe, pourvu que le tableau soit fidèle, et que ceux qui verront le frontispice de vos confessions libertines, s’écrient, avec moi :

Ô vous, héros fameux qui dégradez la scène,
Une infâme putain est votre Melpomène,
Thalie une branleuse, et Momus maquereau,
Ribié, Forest, Latour, font ce trio si beau.

Garces avérées, qui faites au théâtre autant de bordels de vos loges, recevez mon hommage ; il est pur comme vos cœurs, et l’encens que je brûle sur vos autels, est aussi suave que les caresses empoisonnées que vous distribuez à droite, à gauche, et à prix d’argent.

Gemond, Talon, Mayeur, Thiennet, etc., vous, fouteurs préconisés et recherchés par les gourgandines qui raccrochent publiquement dans le pourtour des loges de vos spectacles ; vous, misérables débauchés, qui ajoutez à vos appointements énormes, et si fort au-dessus de vos talents méprisables, le fruit honteux de la prostitution, ne rougissez pas de ma véracité, et qu’au contraire la naïveté de mes peintures vous fournisse de nouveaux sujets de gloire.

Vos chers confrères du haut style qui badinent au Palais-Royal, ont été là, comme vous, les objets de mes délassements ; croyez-moi, ne faites pas plus de bruit qu’eux ; et puisque vous avez su vous faire des fronts qui ne rougissent jamais, il serait en vérité trop tard pour vous de vous défaire de cette habitude.