Les Pères de l’Église/Tome 5 bis/Vie de saint Cyprien (diacre Ponce)


Texte établi par M. de GenoudeAdrien Le Clère, Sapia (Tome cinquième bisp. 1-18).


SAINT CYPRIEN.

Vie et martyre de Thascius Cécilius Cyprien, évêque de Carthage, écrite par son diacre Ponce.


1. Le religieux pontife et le glorieux martyr Cyprien a laissé de nombreux écrits qui perpétueront dignement sa mémoire. Grâce à la fécondité des dons divins et de sa merveilleuse éloquence, sa parole vive et abondante retentira jusqu’à la fin des siècles. Toutefois, comme il a mérité par l’éclat de ses actions et de ses vertus que les lettres reproduisent ses exemples, nous avons jugé utile de lui consacrer une courte notice. Ce n’est pas que le Gentil lui-même soit étranger à tout ce qui touche ce grand homme ; mais nous avons voulu léguer à ceux qui viendront après nous son immortel souvenir et ses hauts enseignements. Nos ancêtres ont accordé beaucoup d’honneurs et de vénération à de simples laïques, à des catéchumènes morts pour Jésus-Christ ; ils ont, pour ainsi dire, épuisé les détails en leur faveur, et nous ont transmis, à nous qui n’étions pas encore, jusqu’aux moindres circonstances de leur martyre. Il serait étrange après cela qu’un illustre évêque, un glorieux martyr, dont la vie serait encore une magnifique leçon, quand même elle n’eût pas été couronnée par cette fin sublime, tombât dans l’oubli, et que ses actions demeurassent sans publicité. Cette vie est si grande, si pleine, si merveilleuse, que la hauteur de mon sujet m’épouvante ; je me sens incapable d’élever mes récits à la dignité qu’ils réclament, et d’imprimer aux œuvres du pontife le cachet de grandeur qui leur appartient. Cependant la multiplicité de ses gloires se suffira à elle-même et n’aura pas besoin d’autre panégyrique. Ajoutez à cela que vous êtes avides de détails, impatients de connaître, non pas une partie de l’histoire, mais toute l’histoire de ce grand homme, puisque cette voix éloquente est muette aujourd’hui. Avouer que les ressources de notre talent pour la parole sont ici impuissantes, ce ne serait point dire assez ; car l’éloquence elle-même n’a pas de quoi satisfaire pleinement à vos vœux. Ainsi, des deux côtés égal embarras. Ici vos prières nous pressent ; là Cyprien écrase notre faiblesse sous le poids de ses vertus.

2. Par où débuter ? par où commencer l’éloge de tout ce qu’il possédait de belles qualités, sinon par sa naissance spirituelle et par sa vocation à la foi ? En effet, pour l’homme de Dieu, la vie ne commence qu’au moment où il naît de Dieu. Des études fortes et les lettres profanes avaient nourri précédemment un esprit qui leur était dévoué, je ne l’ignore pas ; mais j’omets à dessein des talents dont toute l’utilité se bornait encore à l’utilité du siècle. À dater du jour où il se consacra aux lettres sacrées, et où, dissipant les ténèbres du monde, il apparut à la lumière et à la sagesse véritables, je raconterai les actions dont j’ai été le témoin, sans omettre des faits plus anciens, s’il en vient à ma connaissance ; seulement, je vous le demande instamment, si votre attente est trompée, et elle ne peut manquer de l’être, imputez-le à mon incapacité et non à la gloire de Cyprien.

À son début dans la foi, il résolut d’embrasser la continence comme le sacrifice le plus méritoire auprès de Dieu. Le moyen de se créer un cœur et une intelligence capables de saisir pleinement la vérité, c’était, selon lui, de fouler aux pieds les convoitises de la chair avec toute la vigueur de la chasteté. Où citer un prodige égal à celui-ci ? La régénération spirituelle n’avait pas encore illuminé de ses divines clartés l’homme nouveau, et déjà, préparant ce sol intellectuel à recevoir la lumière, elle triomphait des antiques ténèbres. Mais voici qui est plus grand encore. Devançant les obligations de son état, et courant à grands pas dans la carrière, le néophyte saisit avidement dans la lecture des livres saints les conseils qu’il jugea les plus propres à le rendre agréable à Dieu. Il vendit tous ses biens et en distribua le prix aux pauvres. Par là, il gagnait deux points de la plus haute importance : il renonçait aux vues mondaines, si fatales à la piété, et il accomplissait dans toute son étendue la loi de la charité, loi sublime ! que Dieu lui-même préfère à tous les sacrifices, et que n’avait pas accomplie celui qui se vantait d’avoir accompli tous les préceptes. Une foi précoce et hâtive le conduisait à la perfection, presque avant de savoir en quoi consistait la perfection. Je le demande, où trouver cet héroïsme parmi les plus anciens ? Où est l’homme qui, vieilli dans la foi et entendant depuis de longues années retentir à ses oreilles la parole divine, ait donné de si beaux exemples, exécuté d’aussi grandes choses que le néophyte, à peine initié à nos mystères, mais laissant bien loin derrière lui l’âge et l’ancienneté, à une époque où l’on pouvait à peine le croire chrétien. Il n’est pas ordinaire de moissonner aussitôt que l’on a semé ; personne ne cueille le raisin sur un cep nouvellement enfoui ; aucune main ne va chercher des fruits mûrs sur l’arbuste naissant. Dans Cyprien, tout marchait rapidement à la maturité. La moisson, si l’on peut ainsi parler, car la chose confond la croyance, fut battue avant d’avoir été semée ; la vendange devança le pampre ; le fruit précéda l’arbuste.

3. L’apôtre recommande dans ses épîtres d’exclure de l’épiscopat les néophytes, dans la crainte que la torpeur du paganisme, engourdissant encore leur intelligence mal affermie, leur inexpérience ne vînt à heurter contre quelque grave prévarication. Cyprien fut le premier et, je crois, le seul qui dut plus à la vivacité de sa foi qu’au progrès du temps. On m’objectera peut-être cet eunuque dont il est parlé aux Actes des apôtres, et que Philippe baptisa sur le champ, à cause de l’énergie de ses convictions. Mais je vois entre les deux une différence notable. Celui-ci était Juif ; il sortait du temple de Dieu ; il avait sous la main les prophéties d’Isaïe ; il espérait dans le Messie, quoiqu’il ne le crût pas encore descendu sur la terre. Celui-là, échappé des nations infidèles, débute avec une maturité de foi que peu de Chrétiens ont égalée au terme de leur carrière. Point de retard, point d’entrave à la grâce qui lui parle ! C’est trop peu dire ; il reçoit, dès l’entrée, le sacerdoce et l’épiscopat. En effet, qui n’eût pas confié toutes les dignités de l’Église à une foi si ardente ? Laïque ou pontife, toujours rival de la piété des anciens justes, il se distingua par un grand nombre d’actions où éclataient le dévouement religieux et l’intention de plaire au Seigneur. Si, dans ses pieuses lectures, il rencontrait quelque saint personnage qui avait mérité les louanges de l’oracle divin, il conseillait, et c’était une habitude chez lui, d’examiner par quelles vertus il s’était attiré cet auguste suffrage. Job, par exemple, honoré de sublimes témoignages, est-il appelé un véritable adorateur de Dieu, un homme qui n’avait pas son égal sur la terre ? Il recommandait les œuvres qu’il avait pratiquées, afin que les mêmes efforts amenassent les mêmes éloges. « Détaché de tous les biens de la terre, disait-il, il courut si rapidement dans le chemin de la perfection, qu’il domina les affections et les sacrifices de la nature. Ni la pauvreté, ni la souffrance, ni les larmes d’une épouse, ni les tortures qu’il endurait dans son corps, ne purent l’abattre ou le séduire. Sa vertu indomptable resta assise sur une base inébranlable. Cette foi, qui avait jeté de si profondes racines, résista à tous les assauts du démon, et sa reconnaissance ne cessa pas un moment de bénir la Providence, même au milieu des plus grandes tribulations. Sa maison était ouverte à tout le monde ; jamais une veuve ne le quitta les mains vides ; il était l’œil de l’aveugle, le bâton du boiteux, le protecteur de tous les opprimés, le consolateur de tous les malheureux. — Voilà, disait Cyprien, le chemin à suivre quand on veut plaire au Seigneur. » Par là, tandis qu’il se faisait imitateur des plus beaux modèles, il mérita lui-même de devenir un modèle pour tous.

4. Il vivait avec nous sous le même toit que Cécilius de vertueuse mémoire, prêtre vénérable par son âge et son caractère sacré, qui l’avait arraché aux erreurs du paganisme et amené à la connaissance du vrai Dieu. Il conserva toujours pour lui le plus profond respect, la tendresse la plus affectueuse, la docilité la plus soumise, le regardant non pas comme un ami, non pas comme un autre lui-même, mais comme le père qui l’avait engendré à une seconde vie. Touché de ses soins et de son affection, Cécilius lui donna une haute marque de confiance. À son lit de mort, prêt à paraître devant Dieu, il lui recommanda sa femme et ses enfants, voulant que son fils spirituel fût aussi l’héritier de sa piété ainsi que de ses vertus.

5. Il serait trop long et peut-être fatigant d’entrer dans les détails de tout ce qu’il a fait. Pour prouver ses bonnes œuvres, il suffira de dire que tout néophyte et homme nouveau qu’il était, selon le langage usité, le jugement de Dieu et les suffrages populaires l’appelèrent à l’épiscopat. Dès les premiers jours de sa conversion, novice encore dans la vie spirituelle, son noble caractère, en jetant déjà un vif éclat, et en brillant sinon des honneurs de cette charge, du moins de tous les rayons de l’espérance, promettait de soutenir dignement ces hautes fonctions. Je ne passerai point sous silence un trait qui relève encore son mérite. Le peuple tout entier, conduit par l’inspiration divine, courait au-devant de ce choix, empressé de lui déférer cette dignité et de lui prouver son amour ; mais lui se tint humblement à l’écart, cédant le pas aux plus anciens, se jugeant indigne de ce dangereux honneur, et par là ne le méritant que mieux ; car répudier une faveur dont nous sommes dignes, c’est y acquérir de nouveaux droits. Le peuple, dans sa pieuse exaltation, ne convoitait pas seulement un évêque, comme l’événement l’a fait voir depuis ; un secret pressentiment, venu d’en haut, lui montrait dans l’évêque un martyr. Une immense multitude alla investir la maison où il se tenait caché, et en assiégeait toutes les issues. Il aurait presque pu, à l’exemple de l’apôtre, se faire descendre par la fenêtre, il y songea un moment, mais son humilité redouta ce trait de ressemblance avec Paul. On voyait les uns flottant entre la crainte et l’espérance, attendre impatiemment son arrivée, les autres, l’accueillir avec des transports de joie. Il faut que je l’avoue cependant, et je le dis avec regret, quelques-uns se déclarèrent contre son ordination ; c’était lui préparer un triomphe. Avec quelle douceur, avec quelle patience, avec quelle bonté il oublie cette opposition ! comme il leur pardonna généreusement, les admettant dans la suite au nombre de ses amis les plus chers, à la grande surprise de tout le monde. On s’étonnait avec raison que l’injure laissât si peu de traces chez un homme doué d’une merveilleuse mémoire.

6. Mais qui réussirait à le peindre dans l’exercice de ses fonctions ? Quelle piété ! quelle vigueur ! quelle charité ! quelle vigilance ! Il s’échappait de son front des rayons de majesté et de grâce qui commandaient la vénération à tous les cœurs. Son visage était gai et grave à la fois ; sa gravité n’avait rien de triste, sa gaieté rien de dissolu ; c’était un heureux mélange de toutes les deux. Fallait-il le respecter ou le chérir davantage ? On aurait pu le mettre en question, s’il n’avait également mérité l’un et l’autre. Ses vêtements participaient à l’expression de son visage ; ils tenaient le milieu entre la recherche et la négligence. L’orgueil mondain ne l’avait pas enflé ; un dénuement affecté ne le dégrada point. Car cette pauvreté vaniteuse, qui s’humilie sous des haillons cache autant de jactance que les habits somptueux. Quelle fut sa tendresse pour les pauvres ! Catéchumène, il les aimait tendrement ; que devait-il faire évêque ? Que les obligations de leur rang ou les liens d’une religion commune attachent certains préposés au devoir de la miséricorde, à la bonne heure ; Cyprien ne dut sa charité qu’à son propre fonds. Il en dota la chaire pontificale au lieu d’en être doté par elle.

7. La gloire de la proscription atteignit promptement un mérite si relevé. Il était juste que son dévouement et sa piété, enfermés jusque-là dans le secret de sa conscience, éclatassent au grand jour et retentissent parmi les infidèles. Avec cette prodigieuse rapidité qui, en deux pas, atteignait le but, il aurait pu conquérir la palme du martyre ; elle lui appartenait. Ce cri : Cyprien aux lions ! Cyprien aux lions ! avait souvent résonné à ses oreilles ; mais il lui fallait arriver par tous les degrés au faîte de la gloire ; et d’ailleurs les catastrophes prochaines réclamaient l’habileté de ce génie si fécond. Supposez en effet que le martyre nous l’eût enlevé à cette époque, qui nous eût montré les avantages de la grâce s’accroissant par la foi[1] ? qui, s’armant du frein de l’autorité divine, eût contenu les vierges dans les règles austères de la pudeur, les eût rappelées à la modestie des vêtements, à la sainteté de leur profession ? Qui eût enseigné la pénitence aux apostats, la vérité aux hérétiques, l’unité aux schismatiques ; aux enfants de Dieu la paix et les règles de l’oraison dominicale ? Qui eût renvoyé aux infidèles les accusations dont ils nous accablent, et vengé Dieu de leurs blasphèmes ? Qui eût consolé par l’espérance d’une autre vie ces Chrétiens trop sensibles, peut-être même d’une foi chancelante, quand ils perdent leurs proches ? Quelle main eût guéri, par un doux et salutaire remède, la jalousie qui a sa source dans la malice empoisonnée de l’envie ? Ces glorieux martyrs, qui eût relevé leur courage par les exhortations évangéliques ? Ces nombreux confesseurs, dont le front porte une double couronne, et qu’on n’a laissés vivants ici-bas que pour être la personnification animée du martyre, qui eût enflammé leur courage par les accents de la trompette céleste ? Ce fut donc un insigne bonheur que le sacrifice d’un homme, si nécessaire à tant d’œuvres excellentes, ait été différé. Voulez-vous une preuve que sa fuite ne fut point le calcul de la frayeur ? Je ne vous donnerai point d’autre justification que celle-ci : il fut martyr quelques années après. La lâcheté eût encore esquivé le sacrifice, si elle avait reculé devant lui une première fois. Je me trompe, il écouta la crainte, mais une crainte légitime, une crainte qui redoutait d’offenser le ciel, une crainte qui aimait mieux l’obéissance que la couronne. Cet esprit, soumis à Dieu dans tous les points, esclave de ses avertissements, pensa que, s’offrir à l’immolation, quand le Seigneur lui ordonnait la retraite, c’était pécher.

8. Quoique nous ayons déjà touché quelques mots sur l’immense avantage qu’il y avait à différer l’holocauste, je crois devoir y insister encore. Les événements qui suivirent nous fourniront la preuve que cette fuite, au lieu de venir de la pusillanimité humaine, était véritablement une inspiration divine. Une persécution, plus terrible qu’il n’en fut jamais, s’alluma et porta le ravage parmi la tribu de Dieu[2]. L’ennemi du salut ne pouvait se flatter que tous tomberaient dans le même piége ; il recourut donc à des artifices divers ; tout combattant inattentif et qui manquait de vigilance, il le terrassait infailliblement, celui-ci, par une adroite manœuvre, celui-là, par un autre stratagème. À des blessés de plus d’un genre, il fallait un médecin expérimenté qui appliquât les célestes remèdes selon la nature de leurs plaies ; tantôt les adoucissantes fomentations, tantôt le scalpel sans pitié. Un homme dont la qualité distinctive était un heureux mélange de modération et de vigueur, un homme qui, au milieu des orageuses collisions du schisme, sut gouverner le vaisseau de l’Église dans des routes assurées, fut tenu en réserve. Ne reconnaissez-vous point là, je vous prie, l’action de la Providence ? Dieu n’est-il pour rien dans cette combinaison ? La mette sur le compte du hasard qui voudra ! L’Église crie à haute voix : « Les hommes nécessaires ne sont pas mis en dépôt pour l’avenir sans un décret de la Divinité. » Telle est ma doctrine et ma croyance.

9. Allons plus avant, si bon vous semble. À la suite de la persécution, éclata une contagion affreuse, dévorante, qui emportait tous les jours par de brusques accès de nombreuses victimes, et envahit successivement des familles tout entières. Partout la terreur, partout la fuite pour échapper au fléau ! On abandonne impitoyablement ses proches ; on les jette hors des maisons, comme si, avec ce pestiféré prêt à mourir, on pouvait chasser en même temps la mort. Des milliers de corps, je me trompe, des milliers de cadavres gisent tristement dans les rues, sollicitant la pitié et les secours du passant par l’aspect du sort qui l’attend lui-même. Mais rien pour la miséricorde ! On ne songe qu’à des gains sacriléges ; pas un cœur qui tremble à la vue de son péril ! pas un qui donne à ses frères l’assistance qu’il aurait souhaitée pour lui-même ! Que fait dans cette calamité immense le pontife de Jésus-Christ, l’homme de Dieu, aussi supérieur aux pontifes du paganisme par l’entraînement de sa charité que par la vérité de sa foi ? Le passer sous silence serait un crime. D’abord il rassemble le peuple dans une enceinte commune ; il lui rappelle les devoirs et les avantages de la miséricorde ; il lui prouve par les textes sacrés combien cette vertu est puissante auprès de Dieu pour gagner ses suffrages. « Où serait le mérite à soulager uniquement des proches qui ont droit à notre amour ? Le comble de la perfection était de faire plus que le païen et le publicain ; de vaincre le mal par le bien, de chérir même ses ennemis ainsi que Dieu en avait donné le précepte et l’exemple, de prier pour le salut de nos persécuteurs. Dieu n’allumait-il pas tous les jours son soleil ? N’épanchait-il pas tous les jours les pluies fécondes pour nourrir les plantes et les semences ? Serviteurs et étrangers, tous avaient part à ses dons. Quand on professe le Christianisme, pourquoi ne pas ressembler à son père ? Soyons dignes de notre naissance ; après notre régénération en Dieu, n’allons point dégénérer des vertus paternelles ; mais plutôt montrons que la bonté est héréditaire et revit dans les enfants ! »

10. Il ajouta beaucoup d’autres choses fort importantes, mais trop étendues pour trouver leur place dans les étroites limites que je me suis imposées. Il me suffira de dire que les accents partis de la tribune sacrée eussent infailliblement converti les infidèles, s’ils avaient pu les entendre. Quelle impression ne durent-ils pas produire sur des Chrétiens qui doivent ce nom à leur croyance ? On se partagea les rôles de la charité selon les rangs et les moyens. Les pauvres, que leur indigence mettait hors d’état de contribuer à la bonne œuvre par des secours pécuniaires, offrirent plus que de l’or : ils donnèrent leurs bras et leur travail. Et qui ne se fût hâté de courir à son poste et de se presser sous les étendards de cet illustre chef, pour complaire à Dieu le père, à Jésus-Christ, juge de tous les hommes, et à ce pontife si compâtissant ? Les largesses furent abondantes ; les secours arrivèrent à tout le monde, aux païens comme aux enfants de la foi. La merveilleuse charité de Tobie fut vaincue… Pardon, mille fois pardon, ô vertueux personnage ! ou, pour parler avec plus de justesse, quoique la religion ait inspiré de beaux sacrifices avant Jésus-Christ, reconnais avec moi que son avénement, époque de consommation, a dû enfanter de plus beaux dévouements encore. Le juste de la loi antique ne recueillait que ceux de sa race, proscrits ou immolés par l’Assyrien.

11. L’exil fut la récompense de notre pontife. Telle est la marche constante de l’impiété : aux cœurs les plus héroïques les plus cruels châtiments. Les réponses du ministre de Dieu à l’interrogatoire du proconsul sont consignées dans les Actes. Cependant on chasse de la ville celui qui venait de sauver la ville. On condamne au bannissement celui qui avait épargné à l’œil des vivants l’horreur d’un infernal séjour ; celui qui, sentinelle vigilante de la charité, pendant que la multitude fuyait de toutes parts un spectacle hideux, seul avait pourvu à tout, ô bonté étrangement reconnue ! et avait empêché la patrie, si lâchement abandonnée, de s’apercevoir de son veuvage. Le monde compte l’exil parmi les châtiments : laissons-le décider avec quelle justice il bannit Cyprien. La patrie est trop chère aux enfants du siècle ; leur nom leur est commun avec leurs pères. Nous, nos pères nous deviennent un objet d’aversion quand ils nous conseillent le crime. Vivre hors des murs de leur ville leur est un supplice ; l’univers tout entier n’est qu’une vaste maison aux yeux du Chrétien. Reléguez-le sur une plage solitaire et reculée, il ne pourra jamais se croire en exil ; il vit parmi les œuvres de son père. Ajoutez à cela que, du moment où il sert Dieu en vérité, il est à peu près comme un hôte de passage dans sa propre ville. En effet, voyez-le dépouillant les habitudes du premier homme et immolant les désirs de la chair à la continence de l’Esprit saint. Au milieu de ses concitoyens, j’allais dire au milieu de sa famille, il reste étranger à la vie de la terre. D’ailleurs, supposez qu’en d’autres circonstances l’exil pût paraître un supplice, les procès, les condamnations que subit le Chrétien pour servir d’épreuve à sa foi, en lui donnant la gloire, cessent d’être un mal. Mais je veux que ce soit une peine, la conscience de nos bourreaux, irrécusable témoin, se soulèvera contre leur crime et leur reprochera une barbarie qui inflige à l’innocence ce qu’ils regardent comme un châtiment.

Je ne veux point décrire pour le moment le lieu où fut relégué le saint évêque, séjour riche d’agréments et de plaisirs. Figurez-vous un lieu inculte, sauvage, attristant de tous côtés les regards, sans verdure pour reposer les yeux, sans eau potable, éloigné du rivage de la mer ; des roches immenses parmi les gorges d’une solitude inhospitalière et privée de toute communication. Quand Cyprien aurait été confiné dans cette prison, eût-elle mérité le nom d’exil ? À défaut des hommes les oiseaux du ciel seraient venus servir le nouvel Élie, ou les anges apporter la nourriture à cet autre Daniel. Loin, bien loin de nous la pensée que le serviteur de Dieu, fût-il le plus obscur, peut manquer de quelque chose alors qu’il est banni pour avoir confessé le Seigneur ! Combien plus celui qui avait consacré toute sa vie à la miséricorde dût-il être à l’abri du besoin !

12. Il n’en a pas été ainsi à l’égard de Cyprien. Le lieu de son exil était aussi vaste qu’il le pouvait souhaiter, solitaire et favorable à la méditation, plein de délices, tel enfin que Notre-Seigneur en promet à ceux qui cherchent le royaume de la justice de Dieu. Je laisserai de côté les nombreuses visites de ses frères et la charité des habitants de Curube qui suppléaient, en quelque façon, à tout ce qu’il avait perdu. Mais je ne passerai point sous silence la révélation dont Dieu l’honora, pour lui annoncer que son sacrifice était proche, afin que, dans la certitude de cet événement, la ville qui l’avait reçu possédât moins un banni qu’un martyr. « La nuit qui suivit notre arrivée, » dit-il, car sa tendresse avait daigné m’admettre au nombre de ses compagnons, et, de mon côté, l’affection m’avait exilé volontairement avec lui ; hélas ! que n’ai-je pu aussi m’associer à son martyre ! « la nuit qui suivit notre arrivée, je vis, avant de m’endormir tout-à-fait, un jeune homme d’une taille extraordinaire qui me conduisit au palais. Le proconsul était sur son siége ; mon guide me plaça devant son tribunal. Le magistrat jeta ses yeux sur moi, et se mit à tracer sur des tablettes une sentence que je ne pouvais connaître ; car il n’y avait eu, contre la coutume, ni réponse, ni interrogatoire. Mais le jeune homme, debout derrière lui, cédant à sa curiosité, lut furtivement l’écrit mystérieux ; et, empruntant, à défaut de la voix, le secours des gestes, il m’en expliqua le contenu par des signes. En effet, il étendit la main, figura une lame d’épée, et imita l’action d’un homme qui en décapite un autre. Ce langage symbolique m’expliqua toute sa pensée : la mort m’attendait. Aussitôt de m’adresser au proconsul et de lui demander un seul jour de sursis pour mettre ordre à mes affaires. Enfin, à force de prières et de supplications, il écrivit une seconde fois sur ses tablettes. Je compris à la sérénité de son visage que, touché de la justice de ma réclamation, il y avait fait droit. Le jeune homme qui tout à l’heure avait éclairé mes doutes se hâta de replier ses doigts les uns sur les autres, et de répéter plusieurs fois ce geste, pour m’apprendre que le délai m’était accordé jusqu’au lendemain. Quoique la sentence n’eût pas été prononcée, quoique le sursis me causât un véritable plaisir, cependant la crainte d’avoir mal interprété le geste de mon compagnon m’agitait fort, et un reste d’épouvante précipitait les battements de mon cœur quand je m’éveillai. »

13. Quoi de plus clair que cette révélation ! quoi de plus heureux que cette faveur ! L’avenir se montre d’avance aux regards de Cyprien. Rien de changé aux paroles de Dieu, rien de mutilé dans la sainte promesse. L’événement va s’accomplir et nous apparaître tel qu’il a été prédit. Sûr de mourir, il demande le délai d’un jour pour le consacrer à de dernières dispositions. Ce jour signifiait l’intervalle qui lui restait à passer sur la terre. Je m’explique d’une manière plus précise : l’année suivante, à pareil jour, il fut honoré de la couronne du martyre. Il est bien vrai que, dans les livres saints, le jour du Seigneur ne désigne pas précisément une année ; toutefois, il est avéré que cet espace de temps, quel qu’il fût, signifiait le terme des promesses divines. Et qu’importe ici qu’une année seulement ait été représentée par un jour ? Plus le terme est reculé, plus il y a plénitude. D’ailleurs le délai a été figuré par le geste et non précisé par la parole ; l’expression et le langage étaient réservés pour le fait, mais pour le fait accompli. Le signe annonce la prédiction ; la bouche la raconte quand elle a pris place parmi les événements.

Son couronnement, qui eut lieu le jour anniversaire de la céleste apparition, expliqua la vision mystérieuse à tous ceux qui en avaient connaissance. Jusque-là elle avait été une énigme. Dans l’intervalle qui précéda son martyre, on tenait pour certain qu’il scellerait la foi de son sang, mais le jour on ne le déterminait point, parce qu’il était dans les secrets de Dieu. Les livres saints nous fournissent un trait qui ne manque pas d’analogie avec celui-ci. Zacharie n’avait pas cru à la parole de l’ange qui lui promettait un fils ; il fut puni de son incrédulité par la perte de la parole. Quand il fallut imposer un nom au nouveau-né, il demanda ses tablettes, réduit à écrire ce nom et à le figurer au lieu de l’articuler. Ainsi le céleste messager recourut de préférence au geste pour annoncer au pontife l’heure de son immolation, et fortifia son courage sans lui ôter le mérite de la foi. Il sollicita un délai. Qu’avait-il donc à régler à ce moment suprême, sinon les affaires de l’Église et les intérêts des pauvres ? Il n’accepta le sursis que pour prendre à leur égard les bienveillantes mesures que lui avait conseillées sa charité. Tandis qu’il était encore parmi eux, il voulait leur accorder une dernière largesse, disons mieux, leur léguer tout ce qu’il possédait. Et je ne doute point qu’auprès de ceux qui l’avaient banni et qui se préparaient à l’égorger, ce motif n’ait été tout puissant pour céder à sa demande. Il avait terminé ses pieuses dispositions, tout était prêt ; le prophétique lendemain s’avançait.

14. Vers la même époque, il était arrivé de Rome un message. Il portait que le bienheureux pape Sixte avait couronné par le martyre une vie pacifique et vertueuse. On attendait de moment en moment le bourreau qui devait frapper l’illustre victime ; tous ses jours s’écoulaient dans la pensée de la mort ; chacun d’eux était pour elle un nouveau martyre. Un grand nombre de Chrétiens, et des hommes distingués dans le monde par l’éclat du rang et de la naissance, au souvenir de leurs anciennes liaisons avec Cyprien, vinrent le trouver et lui conseillèrent de se cacher. Ils ne se bornèrent pas à de stériles exhortations, ils lui offrirent une retraite sûre ; mais le saint pontife avait attaché là-haut ses désirs ; il n’écoutait ni le monde, ni ses flatteuses insinuations. Peut-être néanmoins aurait-il cédé aux instances des fidèles et de ses nombreux amis, si le ciel l’avait ordonné. Son dévouement et sa gloire reçurent de cette circonstance un nouveau lustre. Pendant que la vague de la colère publique s’enflait, et que le paganisme, enhardi par la fureur de ses maîtres, aspirait à verser le sang chrétien, Cyprien saisissait toutes les occasions de fortifier les serviteurs de Dieu, de ranimer leur zèle par de salutaires encouragements, et les excitait à fouler aux pieds les tribulations du temps par l’aspect des splendeurs éternelles qui allaient se dévoiler. Telle était sa passion pour la parole sacrée, que son vœu le plus ardent était de mourir de la main du bourreau en parlant de Dieu et dans l’exercice de ses fonctions.

15. Ainsi le pontife préludait par ces pieux exercices à l’immolation d’une victime agréable. Le proconsul l’avait rappelé à Carthage et l’avait enfermé dans une maison de campagne que le saint possédait aux portes de la ville. Au commencement de sa conversion, il l’avait vendue au profit des pauvres ; depuis elle lui était revenue par une faveur du ciel, et il l’eût vendue une seconde fois dans le même but, sans la crainte d’irriter la fureur des païens. D’après l’ordre du proconsul, un officier entouré de soldats alla le surprendre brusquement dans cette campagne, disons mieux, il crut l’avoir surpris. Quelle attaque pouvait être inattendue pour ce généreux athlète qui depuis longtemps se tenait préparé à tout ? Bien sûr que le moment de payer une dette longtemps différée était venu, il se présenta avec un visage gai et tranquille, une contenance intrépide, indice de la fermeté de son âme. L’interrogatoire fut remis au lendemain, et le saint évêque transféré du prétoire à la maison de l’officier qui l’avait arrêté. Tout à coup le bruit se répandit dans Carthage que Cyprien avait comparu devant le tribunal, Cyprien, célèbre dans toute la ville par l’éclat de ses talents et surtout par ses derniers triomphes. Toute la ville se leva et courut à un spectacle que le dévouement de la foi rendait glorieux pour nous, et qui arrachait des larmes aux païens eux-mêmes. Arrivé au lieu de sa nouvelle captivité, on l’enferma ; mais l’officier qui le garda pendant la nuit, le traita avec beaucoup d’égards et de prévenance ; ses amis eurent la permission de rester auprès de lui ; nous partageâmes sa table comme de coutume. Cependant la multitude, craignant que les ténèbres ne lui dérobassent quelque événement, restait en observation devant la maison de l’officier. La divine Providence accorda à Cyprien une faveur qui lui était bien due, c’est que le troupeau fidèle veillât aussi de son côté pendant la passion de son pasteur. On demandera peut-être quel motif ramena la victime du prétoire à la maison de l’officier : quelques-uns l’attribuent à un caprice du proconsul. À Dieu ne plaise que, dans des événements réglés par la Providence, j’accuse les lenteurs ou les dédains de l’autorité ! Non ; ma bouche religieuse ne profèrera point ce blasphème ; ce n’était point aux passions de l’homme qu’il appartenait de prononcer sur la vie du bienheureux martyr dont Dieu conduisait toutes les démarches ; mais enfin ce lendemain, annoncé par la mystérieuse apparition, il y avait un an, devait être l’irrémissible lendemain.

16. Il a donc brillé le jour promis, le jour marqué par les décrets divins ; le jour qu’il ne serait pas au pouvoir du tyran de reculer, si son caprice le voulait ; jour de joie pour le saint évêque, jour qui resplendit sur tout l’univers sans ombre et sans nuage. Cyprien quitta la maison du chef des gardes : la multitude des fidèles qui se pressaient à ses côtés environnait comme d’un rempart le pontife de Jésus-Christ ; on eût dit une armée qui marchait à l’assaut pour abattre la mort. Pour arriver au lieu désigné, il fallut traverser le stade. Il devait doubler l’arène des combats le juste qui, après avoir fourni la carrière, courait recevoir la couronne de justice. Arrivé au prétoire, comme le proconsul ne paraissait pas encore, on permit à Cyprien de se retirer à l’écart. Il s’assit sur un siége couvert d’un linge qui par hasard se trouvait là ; les honneurs de l’épiscopat le suivaient jusqu’à ses derniers moments[3]. Là, comme il était inondé de sueur à cause du chemin qu’il avait parcouru, un soldat, chrétien autrefois, lui proposa d’échanger contre ses propres vêtements qui étaient secs, les siens qui étaient tout en eau. L’homme généreux ne songeait, dans cette offre, qu’à recueillir les sueurs sanglantes d’un martyr sur le point de s’envoler vers son Dieu. Le pontife s’en excusa : « Inutile remède pour des maux qui finiront aujourd’hui, » fut toute sa réponse. Pour qui méprisait la mort, il n’était pas difficile de se montrer supérieur à la fatigue. Poursuivons : le proconsul a paru ; on annonce Cyprien ; on l’introduit, on le place devant le tribunal ; on l’interroge, il décline son nom ; puis, trêve de paroles.

17. Le juge lut la sentence inscrite sur les tablettes, cette même sentence qui n’avait pas été prononcée dans le songe ; sentence précieuse, qui ne devait pas être promulguée avant le congé de la Providence, digne d’un tel évêque, d’un si illustre témoin de Jésus-Christ ! sentence glorieuse, où il est appelé le porte-étendard de la secte, l’ennemi des dieux ; où il est écrit que sa mort sera pour les siens un haut enseignement, et que la sanction de la loi commencera par son sang ? Rien de plus vrai que ces paroles ; quoique parties d’une bouche infidèle, Dieu même les inspirait. Faut-il s’en étonner ? Caïphe, dans l’Évangile, en sa qualité de pontife, n’a-t-il pas prophétisé le trépas du juste ? Oui, Cyprien était un porte-étendard, car il nous apprenait à arborer le drapeau de Jésus-Christ ; un ennemi des dieux, car il renversait leurs idoles. Il fut pour les siens une leçon ; car, entré dans une carrière où il doit avoir une longue suite d’imitateurs, le premier d’entre les évêques, il consacra cette province par son immolation. Son sang a sanctionné la loi, mais cette loi qui a enfanté des martyrs, rivaux de sa gloire et de ses exemples.

18. Quand le saint sortit du prétoire, une foule de soldats l’accompagnèrent, et, pour que rien ne manquât à son illustration, des tribuns et des centurions marchèrent à ses côtés. On choisit pour le lieu du supplice un terrain spacieux, uni, environné d’arbres, et qui pût offrir un magnifique coup d’œil. La foule était immense ; les derniers rangs étant trop éloignés pour jouir du sublime spectacle qu’ils étaient venus chercher, il se trouva bon nombre de gens qui, saintement curieux, montèrent sur les arbres : autre point de ressemblance avec le divin maître que Zachée contempla du haut de son sycomore. Déjà Cyprien s’était bandé les yeux de sa propre main ; déjà il hâtait la lenteur du bourreau chargé de l’exécution, car ce malheureux laissait échapper le fer de ses doigts tremblants et mal assurés : mais enfin une vigueur descendue d’en haut raffermit ce bras qui s’alanguissait, et la tête du vertueux pontife tomba sous un coup autorisé par le ciel. Heureux, trois fois heureux le peuple fidèle qui s’unit aux souffrances de son illustre pasteur par les yeux, par le cœur, et ce qui est plus noble encore, par de courageuses et publiques démonstrations ! Quoique le vœu et la demande universelle de s’associer à son triomphe n’ait pu recevoir son accomplissement, quiconque a désiré du fond du cœur donner sa vie sous les yeux du Christ et de son évêque, a trouvé dans le témoin de ses souhaits un digne ambassadeur auprès du Très-Haut.

19. Ainsi se consomma le sacrifice. Cyprien, qui avait été le modèle accompli de toutes les vertus, fut encore le premier qui, depuis les apôtres, teignit de son sang les couronnes épiscopales de l’Afrique. Car, dans cette suite d’évêques qui avaient siégé à Carthage, quoique un grand nombre eût déployé de rares vertus, aucun n’avait encore été honoré du martyre. Il est vrai que, dans des hommes consacrés au Seigneur, le dévouement et la soumission inviolable à Dieu sont comme un long martyre ; mais Cyprien seul en obtint la réalité et la plénitude, afin que, dans une cité remplie de ses souvenirs, et où il avait offert le premier de si nobles exemples, il jetât aussi sur l’épiscopat une gloire nouvelle. Que dirai-je ici de moi-même ? Partagé entre la joie de son sacrifice et la douleur de lui avoir survécu, une double impression se dispute ce cœur trop étroit. Que faire ? m’attrister de n’avoir pas été son compagnon ? Mais sa victoire doit être un sujet de triomphe. Triompher de sa victoire ! mais je regrette qu’il soit parti seul. Toutefois je l’avouerai avec candeur, puisque vous savez que telles étaient mes résolutions, au milieu de l’allégresse qui me ravit, et quelle allégresse ! la douleur d’être resté après lui est le sentiment qui l’emporte.


  1. Allusion aux divers traités de saint Cyprien.
  2. Sous l’empereur Dèce.
  3. La chaire où siégeaient les évêques était recouverte d’une toile fine. Transit honor hujus seculi, transit ambitio. In futuro Christi judicio nec absidiæ gradatæ, nec cathedræ velatæ. (Saint Augustin, épître 203.)