Les Pères de l’Église/Tome 3/Livre II/Chapitre XXVI
CHAPITRE XXVI.
Les hommes doués d’un sens droit, et qui aiment sincèrement la vérité, pourront, par une étude attentive et assidue, faire de grands progrès dans la science des choses que Dieu a mises à la portée de notre esprit. Or, cette science nous est offerte dans les divines Écritures, où nous pouvons l’étudier dans des textes clairs, précis et exempts de toute ambiguité.
Les paraboles ne sont bonnes à employer que lorsqu’il s’agit de fortifier l’explication d’un sens clair et précis. Et l’on ne doit pas s’en servir lorsqu’il est question de choses dont le sens est douteux ; dans les choses dont le sens est clair, tout le monde entend de la même manière la parabole qui lui est appliquée ; la vérité ressort ainsi avec une nouvelle force, elle se fixe également dans les esprits, et ne trouve nulle opposition. Dans les choses ambiguës, l’emploi des paraboles n’est propre qu’à augmenter encore l’obscurité, parce que chacun leur donne un sens différent ; de manière qu’il y aura autant de sortes de vérités qu’il y aura d’individus qui veulent expliquer la parabole proposée ; c’est ce qui arrive parmi les philosophes païens.
Voilà pourquoi souvent l’homme se fatigue à chercher et ne trouve rien, parce qu’il a dédaigné et méconnu la règle dont il faut se servir pour trouver. Mais quand l’époux viendra et qu’il ne trouvera pas la lampe allumée, il s’en prendra à ceux qui ont satisfait l’orgueil de leur esprit en soutenant des raisonnements captieux à l’aide de paraboles, abandonnant la vérité dont Dieu fait luire le flambeau aux yeux de tous ; et ils seront ainsi exclus du royaume céleste. Et, en effet, les saintes Écritures, les prophéties, les Évangiles, tout nous enseigne clairement, indubitablement, malgré l’incrédulité de quelques-uns, qu’il n’y a qu’un seul et même Dieu, qui, par le ministère de son Verbe, a créé tout ce qui existe, soit les choses visibles et invisibles, soit les choses terrestres, soit les choses célestes ; et d’ailleurs, cette vérité ne frappe-t-elle pas nos yeux de toutes parts dans le spectacle de l’univers ? Ils doivent donc nous sembler bien stupides, ceux qui ferment volontairement leurs yeux à une vérité aussi évidente, et ne veulent pas considérer son éclat en se repliant sur eux-mêmes ; ils prétendent à toute force se forger un Dieu à leur guise, mais, malgré tous leurs efforts, ils ne peuvent trouver dans les Écritures rien qui soit capable de donner quelqu’appui à leur système. Ils avouent eux-mêmes leur impuissance à cet égard, quand ils nous disent que le Sauveur n’a enseigné la vérité qu’à quelques disciples privilégiés, seuls capables de la voir sous les paraboles et sous les énigmes dont elle s’enveloppe. Ne vont-ils pas jusqu’à dire que le Dieu qui est annoncé au monde n’est pas le même que le Père suprême, dont il n’est permis d’entrevoir la réalité qu’à travers les énigmes et les paraboles ?
Mais les paraboles peuvent s’expliquer de plusieurs manières. Et quel est l’ami de la vérité qui ne reconnaîtra pas qu’il faut être insensé et vouloir se précipiter volontairement dans mille écueils, pour aller chercher sous le sens énigmatique des paraboles des vérités qui sont évidentes par elles-mêmes sur la nature de la Divinité ? En agir de la sorte, n’est-ce pas, au lieu de bâtir sa maison dans un lieu découvert, et sur des fondements fermes et solides, vouloir construire sur un sable mouvant ? Aussi un pareil édifice est-il facile à renverser.