Les Opalines/Le repos du soir

L. Vanier (p. 16-17).

LE REPOS DU SOIR

Au soir de la lutte farouche
Qui soulève un nuage épais,
Où se dessèche notre bouche,
Si tu veux, nous irons en paix
Sur quelque grève solitaire.
Nous n’y ferons — tel est mon vœu —
Que de sourire et de nous taire
En emmêlant nos blancs cheveux.

A la clarté du crépuscule,
Bien des choses changent d’aspect,
On avançait et l’on recule,
On se trompe ou l’on se trompait.

Le certain, que nul ne nie,
C’est qu’on voit tout différemment
— Ô la pitoyable ironie ! —
Ce qu’on croyait sans changement.

Mais après tout que nous importe,
A nous deux, ce qui restera
Du bagage que l’on porte
En ce moment cahin-caha,
Si, sur le seuil de la carrière,
Au moment d’en toucher le bout,
Resplendissant comme en arrière,
Notre amour est toujours debout.