Les Opalines/Le regard en arrière

L. Vanier (p. 13-14).

LE REGARD EN ARRIÈRE

M’étant assis parmi la bruyère où sapinent
De maigres arbrisseaux avec des airs d’ennui,
J’ai penché mon regard qui s’embrume de nuit
Sur le versant de la colline.

Un ultime rayon tout juste en ce moment
Illuminait les prés de sa joie expirante.
Et des chants très lointains, le long des vertes pentes,
S’acheminaient tout doucement.

Quelques troupeaux paissaient l’herbe voluptueuse,
Une cloche tintait en l’oraison du soir,
Et dans le fond du val, un torrent, gros d’espoirs,
Roulait sa course impétueuse.


Des maisons se groupaient en chaude pression.
Il s’échappait des toits de tranquilles fumées,
Qui s’élevaient au ciel, dans l’ombre parfumée,
Ainsi que des dévotions.

C’était très calme et doux cette béatitude,
Aussi m’étonnait-il de m’en voir attristé.
J’aurais voulu sourire et pour un peu chanter :
Je pleurai dans ma solitude.

Et la raison me vint de cet étrange ennui :
Ayant levé les yeux du flanc de la colline,
J’aperçus, se crispant, ma bruyère où sapinent
Quelques arbrisseaux dans la nuit.