Les Oiseaux de passage (Ségalas)/03/06

Les Oiseaux de passage : PoésiesMoutardier, libraire-éditeur (p. 269-278).

ÉDUCATION
de l’enfant de chœur.

Notre père des cieux, père de tout le monde,
De vos petits enfans c’est vous qui prenez soin.
Mme Amable Tastu.

Que mon ange gardien me quitte et qu’il te suive !
Paul Foucher.


Le soir parmi l’encens du chœur,
Versez, mon ange tutélaire,
Tous les parfums de votre cœur.
Hippolyte Lucas.


Quoi ! tu n’as pas prié ce matin ! mais c’est l’heure :
Dieu te donne ton pain, ton soleil, ta demeure,
Sans rien te demander que de l’aimer un peu ;
Tu pourrais bien au moins lui dire : Merci, père.

La Vierge va là-haut s’écrier en colère :
Oh ! le vilain enfant, qui n’a pas prié Dieu !


Oublier ce bon Dieu, dont tout bonheur émane !
Nos prières, vois-tu, c’est son pain, c’est sa manne :
Si l’une manque un jour, lorsqu’il les compte au ciel,
Il est sombre et chagrin, comme toi, quand ta mère,
Un matin n’emplit pas autant qu’à l’ordinaire
Ta tasse de lait et de miel.


Allons, ne pleure pas, je pardonne… sois sage…
Apporte-moi la Bible, et viens voir, chaque image :
Là, Dieu fait l’univers ; les eaux, les bois, les champs ;
Car il peut tout : d’un souffle il détruit Babylone,

Il renverse les rois, si fiers de leur beau trône,
Et punit les enfans, quand ils font les méchans.


Là, c’est Babel l’immense, et l’impie, et la vaine :
Notre-Dame à côté n’eût semblé qu’une naine ;
Là, Samson, aussi fort qu’un troupeau d’éléphans ;
Là, Moïse au berceau, qu’on fait jeter dans l’onde,
Parce que Pharaon, l’un des grands rois du monde,
N’aimait pas les petits enfans.


Là, Jésus tout meurtri sort de sa tombe noire :
Son sang coula long-temps sur son trône de gloire ;
Et les anges pleuraient, descendaient ramasser,
Chez les apôtres saints, dans les vieilles chaumières

De tous ses bons amis les pauvres, des prières,
De l’amour, pour en faire un baume et le panser.


C’est le Dieu des enfans ; il leur dit, quand ils meurent :
À vous, mes lis, mon ciel où les anges demeurent,
Car vous êtes tout blancs et tout vêtus de lin,
Car vous êtes sortis de mes cieux de délices
Depuis si peu de temps, que vos âmes novices
N’ont pas oublié le chemin !

Aime-le bien Jésus ; il te veille invisible,
Te donne le sommeil pour ta nuit si paisible,
Pour aujourd’hui la joie, et pour demain l’espoir.
Toujours il songe à toi ; quand tu sors à la brune

Tout tremblant, il t’allume et te suspend la lune,
Pour ne pas te laisser sans lumière le soir.


Mais viens vite à la messe, aujourd’hui c’est Dimanche.
Allons, enfant de chœur, va mettre l’aube blanche,
La ceinture écarlate ; et qu’on soit diligent.
Cours vêtir le camail de laine violette,
Tu vas faire sonner la petite clochette,
Tenir les burettes d’argent ;


Et puis l’enfant de chœur chantera les cantiques,
Puis il balancera les encensoirs gothiques.
Pour sentir mes parfums, entendre mes accens,
Le Seigneur est bien haut, dis-tu ; chante sans crainte ;

Rien ne se perd pour Dieu dans notre église sainte,
Pas un alleluia, pas un parfum d’encens.


Les anges du Seigneur, qui nous veillent sans cesse,
Se rangent sur l’autel, pendant qu’on dit la messe ;
Pour les porter à Dieu, comme un divin trésor,
Ils prendront, mon enfant, tes psaumes sur leurs ailes,
Et mettront ton encens, jusqu’aux moindres parcelles,
Au fond de leurs encensoirs d’or.


Allons, la cloche sonne ; il faut partir, c’est l’heure.
Dieu te donne ton pain, ton soleil, ta demeure,
Sans rien te demander que de l’aimer un peu ;
Viens, viens dans sa maison lui dire : Merci père.

La Vierge s’écrira, la Vierge qu’on révère :
Béni soit cet enfant qui s’en va prier Dieu !