Les Nuits d’Orient/Le Diamant aux mille facettes/10

Michel Lévy Frères, libraires-éditeurs (p. 240-253).
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Le bijou de famille

Le bijou de famille.



On venait de jouer Zémire et Azor, très ancien opéra, sur le théâtre de Nantes c’était en 18** ; pour ne pas faire d’erreur chronologique, je supprime deux chiffres du millésime ; on les ajoutera au choix.

Madame de Saint-Saulieux disait à son mari :

— Vous partez donc demain, mon cher Gaëtan ?

— Il le faut bien, hélas répondait le mari c’est mon état de partir, puisque je commande le vaisseau l’Adamastor. Il n’y aurait, pour moi, qu’un seul moyen de rester à terre, ce serait celui de renoncer à l’état de marin.

Il y a dans l’opéra de Zémire et Azor un monsieur qui se nomme, je crois, Sander, et qui part pour un long voyage ; il demande, en partant, à sa fille :

— Mon enfant, que veux-tu que je t’apporte au retour ?

Et la fille répond :

— Une rose.

— Voilà une rose, dit M. de Saint-Saulieux, qui ne sera pas de la première fraîcheur an retour de ce bon père Sander.

— Aussi, dit madame de Saint-Saulieux, ce n’est pas une rose que je vous demanderai, moi.

— Et que voulez-vous que je vous apporte de mon voyage, ma chère amie ? — demanda le mari avec la tendresse d’un mari qui part pour les Indes.

— Je veux une perle mais une belle perle, et celle-là, je la placerai, comme une reine, au milieu d’un collier ; elle embellira les autres, si vous la choisissez bien.

— Ma chère amie, — dit le mari en serrant la main de sa femme adorée, justement, je dois relâcher a Ceylan ; c’est le pays des belles perles, et je vous en rapporterai une qui sera la sœur cadette de la perle de Cléopâtre.

— Ah ! je connais l’histoire de cette perle, dit la femme ; Cléopâtre la fit dissoudre dans une coupe de vinaigre, en dînant avec Antoine.

— La mienne, répondit le mari, n’aura pas le même sort.

— Vous ne l’oublierez pas au moins, — dit la jeune femme en élevant un index d’ivoire à la hauteur de ses beaux yeux.

— Moi, oublier un souvenir de vous ? oh ? ma chère amie, vous me faites injure ? Est-ce que ce Sander a oublié la rose de sa Zémire ?

— Mais Zémire, — dit la femme avec une légère ironie, — Zémire n’était pas la femme de Sander, c’était sa fille. Un père n’oublie jamais sa fille, mais quelquefois un mari…

— Je vous défends de continuer, — interrompit le mari avec une douceur de ton qui corrigeait l’âpreté de la défense.

La femme s’inclina et on parla d’autres choses ; il ne fut plus question de la perle de Ceylan.

Le lendemain, l’Adamastor partit avec un bon vent, selon l’usage des vaisseaux qui partent à cinq heures du matin.

Il n’est pas de notre devoir d’historien de suivre l’Adamastor à travers toutes les vicissitudes d’un voyage de long cours. Nous nous arrêterons seulement avec lui un seul jour, à Ceylan, où il se ravitailla.

M. de Saint-Saulieux avait essuyé plusieurs tempêtes ; il avait perdu un mât, deux ancres et cinq matelots. Sa relâche à Ceylan lui donna de graves soucis ; il lui fallut réparer ses pertes, et songer avant tout au salut de son équipage et de son vaisseau. Une femme, à sa place, aurait d’abord songé à la perle, mais les hommes sont ainsi faits ; prenons-les comme ils sont, puisque nous en sommes.

Le voyage de l’Adamastor dura dix-sept mois et douze jours. M. de Saint-Saulieux revit sa femme adorée avec une joie fort naturelle ; il aurait revu ses enfants avec la même joie, mais il n’en avait pas.

Selon l’usage des voyageurs, le mari raconta toutes les tempêtes qu’il avait essuyées, et tous les calmes plats qu’il avait subis. Sa femme l’écouta tranquillement jusqu’à la fin, et prenant sa plus douce voix, elle dit :

Et ma perle de Ceylan ?

À cette demande, le mari bondit, comme si la sainte-barbe de son navire eut éclaté.

Il regarda le plafond, il regarda sa femme, il se regarda, et chercha une phrase honnête pour répondre ; la phrase demeura toujours absente, et madame de Saint-Saulieux agita sa tête d’un air de reproche à fendre le cœur d’un mari.

L’infortuné marin, assis sur un fauteuil, comme un criminel devant son juge, frappait son genou droit avec son poing, et le parquet avec son pied, ce qui donne toujours une contenance lorsqu’on n’a rien à dire pour une justification.

— Mais à quoi donc pensiez-vous à Ceylan ? — demanda la femme, avec un ton musical qu’on aurait pu noter.

— Je pensais… ; je pensais…, — dit le mari, sans savoir ce qu’il allait dire ; — je pensais à mon vaisseau…, à mes matelots perdus en mer…, à une foule de choses… Ma chère amie, un commandant a toujours une grave responsabilité dans une expédition si longue !… Un vaisseau,… mais c’est comme un royaume à gouverner.

— Mon ami, dit la femme, cela suffit ; ne parlons plus de la perle oubliée, et oublions-la toujours.

En effet, contre l’usage de ces entretiens où il est convenu de ne plus parler d’une chose qui est sans cesse remise sur le tapis, on ne parla plus de la perle promise, et le mari redoubla, dès ce moment, d’affection pour sa femme qui avait été si généreuse envers un homme si oublieux.

Cette faute inspira une idée singulière à M. de Saint-Saulieux ; il donna sa démission et renonça pour toujours à la mer, afin de ne plus se séparer si longtemps de sa femme.

— Je suis marié depuis cinq ans, dit-il ; je n’ai point d’enfant à établir ; ma petite fortune est suffisante pour ma femme et moi, à quoi bon travailler encore au profit de quelques neveux !

On ne peut qu’approuver un pareil raisonnement. Madame de Saint-Saulieux inclina la tête en signe d’adhésion, et comme elle aimait son mari, elle fut ravie en songeant qu’elle ne subirait plus ces angoisses mortelles qui, dans le cœur d’une femme, suivent le départ d’un vaisseau et ne finissent qu’au retour.

M. de Saint-Saulieux vint s’établir avec sa femme à Paris, et acheta, pour sa résidence, une petite maison enclavée dans un grand jardin, au boulevard du Temple, du côté du pavillon Beaumarchais. Un marin, après avoir renoncé aux voyages, ne saurait se plaire au milieu du fracas d’une capitale ; ce qu’il aime, c’est un réduit tranquille, le calme de la retraite, l’ombre des arbres, le charme des fleurs. M. de Saint-Saulieux, ainsi établi sur les limites du tumulte parisien, dans un jardin délicieux, avec une femme jeune et belle, ressemblait à un homme heureux ; et à coup sûr il eût été ce qu’il avait l’air d’être, sans ce maudit souvenir de la perle oubliée qui le poursuivait toujours ; car dès que sa femme donnait à sa figure une expression de rêverie, — Elle songe à la perle ! elle y songe ! disait-il, et cette idée troublait son bonheur.

Un incident inattendu, quoique fort naturel, aurait pu faire regretter une détermination prise trop légèrement peut-être ; mais M. de Saint-Saulieux remercia le ciel de cet incident et ne regretta rien. Sa femme venait de lui annoncer une de ces nouvelles qui donnent la joie aux familles, la nouvelle d’une future et prochaine paternité.

Au terme prescrit, une jeune fille fut donnée à l’heureux mari ; on célébra le baptême avec une certaine pompe et la marraine, qui se nommait par hasard Marguerite, transmit son nom à l’enfant.

D’après un calcul infaillible, la jeune fille était venue au monde tout juste neuf mois après l’arrivée de l’Adamastor des Indes. Ces sortes de dates, qui composent les chronologies domestiques, ne s’oublient jamais ; on dirait qu’elles sont écrites sur tous les murs d’une maison, et aucune mémoire n’hésite lorsqu’il s’agit de les citer.



II



Ce chiffre, qui coupe le récit en deux, représente un espace de dix-huit ans écoulés, et dispense l’historien de beaucoup de détails inutiles au fond de l’histoire.

M. de Saint-Saulieux et sa femme, assis sur le perron de leur jardin, regardaient d’un œil humide de bonheur une jeune fille de dix-huit ans qui attendait le soir avec impatience, en se promenant sur une allée qui était une allée de fleurs.

C’était leur fille Marguerite c’était leur unique enfant.

Le ciel qui connaît seul le secret des fécondités ou des stérilités nuptiales, n’avait donné que cet enfant à madame de Saint-Saulieux, mais la présence de celui-ci là ne faisait regretter l’absence d’aucun autre. Marguerite était belle et splendide à voir comme un rayon de soleil dans les épis dorés au mois de juin ; sa taille avait cette élégance suave qui semble n’appartenir qu’aux jeunes femmes parisiennes ; sa figure avait un de ces sourires qui annoncent une fête perpétuelle dans le cœur, ses épaules nues étaient d’une exquise ciselure de contour ; ses cheveux d’or ondoyaient sans le secours de l’art, et ressemblaient à une couronne naturelle, descendue des cieux sur son front.

En la regardant, son père et sa mère disaient : Qu’elle est belle notre fille Marguerite ! et si quelqu’un eût entendu cette exclamation, il l’eût redite avec eux.

Le ministre de la marine donnait un bal ce jour-là même, et il avait invité M. de Saint-Saulieux, sa femme et sa fille. L’heure tant désirée arriva enfin ; on partit pour le bal.

C’était la première fois que Marguerite se trouvait à pareille fête ; et, dans son impatience bien naturelle, elle avait forcé son père à quitter la maison un peu trop tôt. En entrant dans les salons du ministre, M. de Saint-Saulieux les trouva vides ; à peine si on y voyait quelques commandants en retraite, venus exprès de fort bonne heure pour payer la dette d’une visite, et sortir avant tous les autres invités.

Aucune femme n’avait encore paru.

— Il est fort désagréable d’entrer le premier dans un bal ! dit M. de Saint-Saulieux.

— Pourtant, — remarqua Marguerite en souriant, — il faut bien que quelqu’un entre le premier.

— Oui, ma fille, mais je ne voudrais pas que ce quelqu’un fût moi.

— Amusons-nous, en attendant, à regarder les tableaux de cette galerie, — dit Marguerite, en entraînant sa mère vers les tableaux.

Les trois Saint-Saulieux se donnèrent alors une contenance usitée en pareil cas, celle de passer en revue toutes les choses curieuses des salons où on est entré trop tôt, par un empressement qui peut être taxé de provincial.

— Ah ! — s’écria Marguerite, en désignant du doigt l’inscription d’un cadre. — Voici votre nom en lettres d’or… Voyez quel beau tableau !… Lisons l’inscription… L’Adamastor, commandé par M. de Saint-Saulieux, détruit les embarcations des pirates malais, dans les eaux de Ceylan… C’est votre vaisseau, mon père ?

— Oui, ma fille, — dit Saint-Saulieux, en se rapprochant du tableau. — Oui, c’est bien mon vieux Adamastor… solide et léger… Il obéissait à la voile et au gouvernail, comme un enfant…

— Et il n’existe plus, mon père, votre Adamastor ?

— Il est rasé comme un ponton, ma fille ; dans l’arsenal de Brest ; j’ai eu de ses nouvelles l’an dernier… Un si beau vaisseau !

— Mais, mon père, est-ce que les vaisseaux ne sont pas tous beaux ?

— Oui, ma fille, mais celui que nous commandons est toujours plus beau que les autres… Ainsi, toi, bientôt à mes yeux, tu-seras la plus belle fille de ce bal ; parce que je suis ton père.

Marguerite baissa les yeux et rougit. Puis reprenant le ton questionneur de l’étourderie enfantine, elle dit :

— Mon père, vous m’avez souvent raconté bien des aventures de vos campagnes maritimes, d’où vient que vous ne m’avez jamais parlé de ces pirates malais que vous avez détruits à Ceylan ?

— C’est que… c’est que, ma fille, — dit le père un peu embarrassé. — Vois-tu… ce n’est pas une aventure fort importante… des pirates !

— Mais, mon père, si cette aventure n’est pas importante, pourquoi le gouvernement, qui n’est pas très-prodigue, a-t-il fait peindre un si beau tableau !… Ah ! vous avez raison, mon père !… J’y suis maintenant… Voyez… Lisez dans ce coin, en petites lettres… Donné au musée de la marine française par madame van Oberken.

— Ah ! — dit madame de Saint-Saulieux, avec une sorte de jalousie rétrospective ; je n’ai jamais entendu parler de cette madame van Oberken qui a fait peindre l’Adamastor.

— Ma foi ! — dit le mari avec une naïveté suspecte, — à peine si je me souviens de cette petite aventure de mer !… Oui… à présent, je crois me rappeler…

Il passa la main droite sur son front, et continua :

— Oui… il y avait des pirates malais qui désolaient la côte sud de Ceylan, où était une riche habitation hollandaise… et je crus, pour l’honneur de mon pavillon, devoir rendre ce service à l’humanité coloniale… Je détruisis ces pirates avec deux bordées ; ce fut l’affaire d’un instant.

— Et que dit madame van Oberken, après cette prouesse ? demanda la femme, avec un ton d’ironie rétroactive.

— Madame van Oberken ! — dit le mari, en cherchant au plafond ce qu’il allait dire. Ma foi ! il paraît que cette destruction de pirates a été de son goût, puisqu’elle a voulu l’immortaliser dans ce tableau.

— Ah ! venez voir ici, venez ! — s’écria Marguerite qui venait de découvrir une autre inscription sous un autre tableau.

— Allons voir, — dit madame de Saint-Saulieux, en conduisant son mari vers sa fille.

— J’aime mieux celui-là, poursuivit Marguerite, parce qu’il y a un bal superbe, sous de beaux palmiers, au bord de la mer… Lisez l’inscription…

FÊTE
DONNÉE
AU COMMANDANT DE SAINT-SAULIEUX
Par madame van Oberken
dans son habitation de ceylan, après la destruction des pirates malais

Madame de Saint-Saulieux regarda son mari, qui regarda le tableau de l’air d’un homme qui ne regarde rien.

— Pourquoi, demanda Marguerite, ne m’avez-vous jamais parlé de cette fête, mon père ?

— Il me semble pourtant que je t’en ai parlé… mais il y a fort longtemps… Tu étais si jeune que…

— Non, monsieur de Saint-Saulieux, non, — dit la femme de ce ton sec qui brise un entretien ; — vous n’avez jamais parlé de cette fête dans notre maison, et je comprends très-bien aujourd’hui, puisque vous oubliez tout, que vous ayez oublié la perle de Ceylan.

À ce souvenir, exhumé après dix-neuf années, devant un tableau accusateur, M. de Saint-Saulieux frissonna de la tête aux pieds, comme si une brise polaire eût glissé sur sa poitrine, et prenant la main de sa fille, par un mouvement brusque, il dit :

— Marguerite, voilà le monde qui arrive à flots dans les salons ; ne nous reléguons pas dans la galerie, comme des invalides du bal.

Madame de Saint-Saulieux regardait toujours la fête de l’habitation, et disait d’un ton aigre :

— Est-elle aussi belle que ce tableau l’a faite, madame van Oberken ?

— Mon Dieu ! mon Dieu ! — dit le mari, avec un ton d’impatience brusque ; — il y a vingt ans de cela, madame !

— J’ai cinquante-six ans, et vous quarante-trois aujourd’hui. Faut-il nous quereller comme des enfants devant un tableau !

Marguerite ouvrit de grands yeux, et regarda son père et sa mère avec stupéfaction.

— Tu ne comprends rien à cela, ma fille, — lui dit la mère en l’entraînant vers les salons :

— Je vais tout t’expliquer, parce que…

Comme elle commençait l’histoire de la perle de Ceylan, qu’elle se disposait à raconter en forme de plaisanterie, pour respecter l’âge de sa fille, le ministre parut et aborda M. de Saint-Saulieux, en lui serrant affectueusement les mains.

— Mon cher commandant, lui dit-il, vous vous montrez peu dans le monde et vous avez raison. Pourquoi aller chez les autres, quand on est comme vous le plus heureux des maris et des pères… Vraiment, j’avais entendu parler de mademoiselle de Saint-Saulieux, comme d’une personne accomplie, mais on est resté au-dessous de la réalité.

— Elle fait aujourd’hui son entrée dans le monde, dit M. de Saint-Saulieux.

— J’en suis très-flatté pour ma maison, dit le ministre.

Et offrant son bras à la mère et à la fille, il les introduisit dans le salon, où le bal avait déjà commencé.

Les jolies femmes et les belles femmes abondaient à ce bal ; il y avait des quadrilles entiers où dansaient des beautés accomplies, et citées comme telles dans le monde ministériel et financier.

Marguerite dansa, comme une jeune fille danse pour la première fois, avec une flamme de bonheur épanouie dans ses yeux et sur son front.

À trois heures du matin, M. de Saint-Saulieux fit un signe conjugal et paternel, et à ce signe toujours compris par les femmes, au bal, la mère et la fille se levèrent, et suivirent M. de Saint-Saulieux au vestiaire.

Au moment où la famille allait sortir, une porte s’ouvrit et le ministre reparut pour donner quelques ordres.

— Ah ! vous partez de fort bonne heure ! dit-il au commandant de Saint-Saulieux ; et vous êtes bien coupable, car vous m’enlevez mademoiselle Marguerite qu’on vient de surnommer la perle de mon bal. Il y a même un de nos poètes qui a écrit dans un album des vers sur votre charmante fille, et lui confirme ce surnom de Perle qui lui a été décerné à l’unanimité par les femmes, ce qui est très-glorieux.

On échangea quelques phrases ; ensuite le ministre rentra au bal, et la famille Saint-Saulieux monta en voiture et regagna sa maison.

Chemin faisant, Marguerite dit à sa mère :

— Lorsque le ministre nous a abordés dans la galerie, vous aviez commencé une histoire qui a été interrompue aux premiers mots. Je vous prie de la continuer maintenant ; personne ne nous interrompra plus.

Alors la mère raconta la représentation de Zémire et Azor, et l’histoire de la perle de Ceylan.

— Comment ! ma chère mère ! — dit Marguerite après l’histoire ; comment pouvez-vous accuser mon père d’un pareil oubli ! Ah je suis obligée de dire, malgré tout le respect que je vous dois, qu’il y a de l’injustice dans votre accusation.

— Ah voyons cela ! dit la mère en riant.

— Voyons, je suis bien aise d’entendre la défense de ton père, par la bouche de sa fille ; une cause perdue depuis dix-neuf ans, et que tu veux gagner aujourd’hui !

— Elle est gagnée, ma mère, — dit Marguerite.

— Mon père vous a apporté une perle de Ceylan ; c’est votre fille Marguerite ; il a tenu sa parole ; comptez les années et les mois et vous verrez.

M. de Saint-Saulieux fit un cri de joie, et serra Marguerite dans ses bras ; puis il embrassa aussi sa femme qui murmura quelques accents radoucis, où se faisait pressentir le pardon de la fête de madame Oberken.

— Elle a bien plus raison qu’elle ne pense, notre fille, — dit le père en regardant sa femme d’un air significatif, — n’est-ce pas ?

La mère baissa les yeux pour regarder dans le passé, et y chercher tous les charmes des plus doux souvenirs.

— Dix-neuf ans ! dit le mari.

— C’est hier, répondit madame de Saint-Saulieux.