Les Noces chymiques de Christian Rosenkreutz/Jour 1 commentaire

Traduction par Auriger.
Chacornac Frères (Les Écrits rosicruciens) (p. 12-13).

COMMENTAIRE


Ce Premier Jour débute « quelques temps avant Pâques », et ces quelques mots, paraissant sans importance, ont un lien étroit avec tout ce qui va suivre. L’agneau sans tache et le pain azyme auxquels songe le héros de ce récit, évoquent certains passages du Deutéronome, lorsque le Seigneur dit à Moïse : « Ce mois-ci est le commencement des mois, il sera le premier des mois de l’année. ». À la fête de Pâques se rattache l’idée de Résurrection, de renouveau, de recommencement. C’est donc aux environs de l’équinoxe de printemps que Valentin Andréae place la résurrection du Roi et de la Reine, et ceci n’est pas sans importance. Selon notre point de vue, Ch. Rosencreutz, au moins dans cette partie du récit, peut être confondu avec la matière première des Philosophes. Ne lui semble-t-il pas en effet que la montagne dans laquelle est creusée sa demeure va s’écrouler sous la violence du vent. La pierre est encore dans sa minière. Une messagère ailée lui apporte l’invitation aux noces de « Sponsus et Sponsa » (le Fiancé et la Fiancée). Elle est vêtue d’une robe semblable au ciel constellé d’étoiles, et cela, joint aux sons qu’elle tire de sa trompette évoque singulièrement les Anges bibliques, et en particulier celui qui réveille Jacob, lequel s’était, endormi la tête sur une Pierre. (Pour les lecteurs possédant cet ouvrage le rapprochement est facile avec la planche I du « MUTUS LIBER ».)

Le Sceau qui clôt la lettre porte une croix avec l’inscription : « Dans ce signe tu vaincras ». Tout en évoquant le Labarum de Constantin, n’oublions pas que la croix symbolise les quatre éléments. Le texte de la lettre est assez explicite et il nous confirme notamment que sans une purification suffisante, la pierre extraite de sa minière ne pourra jamais aspirer à devenir celle des Philosophes il faut de plus que sa densité soit suffisante, comme nous le verrons plus loin à l’épreuve des Poids.

Le récit du Songe vient appuyer ce qui précède et parmi les pierres extraites de la Mine, combien peut-on en compter qui soient admises à l’honneur de devenir « la Pierre » tout court ? De tous tes détails, accumulés à plaisir dans ce récit, pour égarer le lecteur, ne retenons que la seconde strophe de ce que dit « le vieillard tout blanc » et le passage où il est écrit : « Ma joie fut telle que je ne sentis pas la blessure qu’une pierre aiguë me fit à la tête pendant la montée ». Ce Vieillard, ce très vieux fils dont l’âge étonne grandement notre héros, ressemble étonnamment à Saturne, et sa Mère plaint les minerais et métaux (les hommes dans la tour) qu’elle ne peut délivrer tous, c’est-à-dire libérer de leur lèpre pour les rendre purs et nets comme l’Or. Ici se place une confusion sans doute voulue entre ce qui précède sur le vieillard et les plaintes qu’élève le Pélerin sur les plaies de ses pieds. Sa démarche est rendue pesante tout comme celle de Saturne que l’on a représenté entravé de liens de laine. Je n’insiste pas davantage sur ce songe pas plus que sur le sens des trois lettres D. L. S. que porte le revers de la médaille d’or commémorative, elles peuvent admettre une foule d’interprétations vraisemblables ; quant au songe, j’en ai déjà dit plus que je ne devais. Qui potest capere capiat.

Le costume que Christian Rosencreutz a adopté pour se rendre aux noces de Sponsus et Sponsa, ne mérite pas de passer inaperçu. Je ne dis rien de la robe de lin blanc conforme aux usages sacrés, mais le ruban rouge qu’il dispose en croix et les quatre roses rouges qu’il attache à son chapeau, méritent de retenir l’attention du lecteur, car par ce seul geste l’emblème de la Rose-Croix est né. Il est amusant, à ce propos, d’ouvrir une parenthèse, bien qu’il soit loin de mon esprit de vouloir établir le moindre parallèle entre la Confrérie Rosicrucienne et notre grand Ordre National de la Légion d’Honneur, mais la couleur rouge du ruban, la Croix attribuée au grade de Chevalier et la Rosette rouge au grade d’officier, montrent suffisamment l’indigence de notre imagination et nous prouvent que nous tournons sans cesse à notre insu dans un même cercle.

Pourquoi Chr. Rosencreutz emporte-t-il comme viatique du pain, de l’eau et du sel ? Le premier est le pain eucharistique, c’est-à-dire la grâce divine, l’eau est l’eau lustrale et purificatrice quant au sel, est-il besoin de rappeler ici son symbolisme dans le sacrement du Baptême ?

Nous arrêtons ici le commentaire du Premier Jour.