Les Névroses (Janet)/Introduction

Ernest Flammarion, éditeur (p. 1-2).

INTRODUCTION


Les ouvrages courts qui résument en quelques idées générales un très grand nombre d’études scientifiques sont fort difficiles à écrire et fort dangereux pour l’auteur. Ils suppriment les observations des faits particuliers qui peuvent être exactes et intéressantes même si les théories sont insuffisantes, ils ne permettent pas d’indiquer les exceptions, les restrictions que tout auteur même systématique ajoute toujours à ses thèses et qui en atténuent la fausseté inévitable. Ils grossissent et mettent en évidence cette fausseté inhérente à tout système qui essaie de classer et de fixer les formes innombrables et changeantes des phénomènes naturels. Cependant de tels ouvrages sont utiles; ils instruisent rapidement et éveillent la curiosité ainsi que le désir d’étudier mieux les questions dont ils traitent. Ils montrent ce qu’il y a d’inté-ressant et d’utile dans une conception d’ensemble, dans une méthode; ils indiquent la voie à suivre pour critiquer et pour perfectionner. Un auteur qui a longtemps poursuivi les études de détail doit peut-être quelquefois affronter de tels ouvrages.

Voici vingt ans que je publie de gros volumes d’études particulières sur les Névroses, ces volumes contiennent plus de cinq cents observations détaillées de malades de toutes espèces et de nombreuses analyses psychologiques et physiologiques de leurs troubles si variés. Ces analyses me paraissent constituer la partie la plus intéressante de mes recherches, elles serviront de matériaux à ceux qui dans quelques années édifieront la théorie des maladies de l’esprit humain. Mais je n’ai pas pu accumuler tant d’observations sans avoir quelque conception générale, au moins quelque idée directrice pour grouper les faits et pour présenter un résumé à la mémoire. Ce sont ces quelques idées générales sur les Névroses que, sur la demande de M. le Dr Gustave Le Bon, je voudrais résumer dans ce livre, en priant le lecteur de m’excuser si je ne puis les accompagner ici des démonstrations et des discussions que j’ai souvent présentées ailleurs[1].

Ces études ne peuvent pas porter sur tous les phénomènes appelés à tort ou à raison névropathiques, mais elles doivent se borner à étudier les plus importants et les plus fréquents et surtout les mieux connus. La première partie de ce livre présentera une description rapide d’un certain nombre de symptômes qui me paraissent devoir rester longtemps encore dans le cadre des Névrose et qui se rattachent à deux maladies névropathiques fréquemment étudiées aujourd’hui. Dans la seconde partie, j’essayerai de tirer de ces études quelques notions d’ensemble sur ces deux névroses intéressantes, l’Hystérie et la Psychasténie et une conception au moins provisoire de ce qu’on peut appeler en général une névrose.

  1. Dans quelques cas, à propos de faits ou de discussions importantes, je renverrai le lecteur qui désire plus d’informations à l’un de mes ouvrages précédents où il trouvera des observations plus nombreuses ainsi que la bibliographie de la question.