Les Mois | ► | Exposition |
Combien vous avez de titres au
foible hommage que je vous présente ! Je
vous dois plus que la vie ; vous avez été
mon premier instituteur. Je n’oublierai
jamais ces jours de mon enfance, où me
menant avec vous dans des promenades
solitaires, vous m’entreteniez du génie
précoce de Paschal et du Tasse, et
me faisiez lire la vie de ces deux grands
hommes. Grâces à vous, mon coeur palpitoit
déjà au nom de la gloire. Je n’oublierai
jamais qu’à ces premières lectures,
vous fîtes bientôt succéder celles de
Télémaque et de la Jérusalem délivrée.
Quel charme je trouvai à
ces deux ouvrages ! Comme je m’intéressois
aux scènes champêtres qui les
embellissent ! Calypso, dans son isle,
Erminie, parmi des bergers, firent
couler mes premières larmes de plaisir.
Je dois à cette éducation mon amour pour
la campagne et la poésie : oui, c’est vous
qui m’aurez fait poëte, si l’ouvrage que
je vous offre peut toutefois me mériter ce
nom.
Mais quand je n’aurois pas ce motif pour mettre le fruit de douze années de travaux sous les auspices de mon père, les leçons de vertu, les exemples de piété filiale, de tendresse fraternelle, de bienfaisance même que vous m’avez donnés, (car vous m’avez fait voir que l’homme, qui n’est pas riche, peut faire encore du bien) ne me commanderoient-ils pas ce que je fais aujour d’hui par un libre mouvement de mon coeur ? Vous vouliez avant tout que je fusse bon, et vous l’étiez vous-même en m’apprenant à l’être. Ah ! Puisse ce tribut de ma tendre vénération et de ma reconnoissance, vous prouver que je n’ai pas tout-à-fait négligé vos avis ! Je me flatte du moins que vous retrouverez dans mes vers ce respect pour les moeurs, cet amour de la vertu, ce sentiment des choses honnêtes que je puisai près de vous dans mes premières années. Que d’autres jugent mes foibles talens ; vous, mon père, jugez l’âme de votre fils, et applaudissez lui, si elle a quelques traits de ressemblance avec la vôtre.