Les Merveilleux Voyages de Marco Polo dans l’Asie du XIIIe siècle/Partie I/Chapitre 6

CHAPITRE VI

Le retour en Europe


Les trois Vénitiens n’avaient pourtant pas oublié leur patrie. Maintes fois ils prièrent l’empereur de leur permettre d’y retourner. Mais Khoubilaï appréciait trop leurs services pour consentir aisément à s’en passer et, malgré leurs supplications, il refusait de les laisser partir. Enfin une circonstance favorable se présenta. En 1293, Arghoun, qui avait succédé à Houlagou sur le trône de Perse, envoya des ambassadeurs à Khoubilaï, chef suprême de la dynastie mongole, pour le prier de lui donner comme épouse une princesse de leur sang. Les trois Vénitiens demandèrent qu’il leur fût permis de se joindre à la mission chargée de conduire la fiancée, au souverain persan. Khoubilaï finit par consentir à leur requête. Il les appela près de lui pour une dernière entrevue et leur souhaita un heureux retour en Europe, mais il ne leur demanda pas cette fois de revenir. Il approchait de sa 80e année et n’espérait plus vivre assez pour les revoir. Comme il l’avait fait vingt-sept ans plus tôt, il leur remit des tables d’or destinées à leur assurer le libre passage à travers ses États. Il les chargea aussi de lettres pour le Pape, pour le roi de France, pour le roi d’Angleterre, le roi d’Espagne et les principaux

2 — Arrivée d’un bateau de l’Inde à Hormouz.


monarques chrétiens. Les Polo prirent alors congé du monarque qui les avait si généreusement accueillis et quittèrent, pour ne plus le revoir, ce lointain empire, où, ils avaient passé une si grande part-de leur existence.

Au moment où Marco fut chargé de cette dernière mission, il venait de faire un voyage dans l’Inde et était rentré par mer en Chine. Il avait raconté devant le grand Khan les détails de son retour et son récit avait tellement plu aux ambassadeurs persans qu’ils résolurent de regagner, eux-aussi, par mer leur pays. Ce à quoi les Vénitiens s’empressèrent de consentir. Khoubilaï fit équiper pour eux 14 navires à quatre mâts ; les plus grands de ces navires avaient jusqu’à 250 hommes d’équipage. On les chargea de vivres pour deux ans. Les Polo s’embarquèrent avec la princesse, les envoyés d’Arghoun et l’escorte, en tout six cents hommes, sans compter les marins. Le voyage fut long et pénible. Il fallait contourner la Chine, l’Indo-Chine, l’Inde pour débarquer au golfe Persique. Marco Polo ne nous rapporte pas le détail de la traversée, mais il nous dit que sur les six cents passagers, dix-huit seulement survécurent. À leur arrivée en Perse, les Vénitiens trouvèrent qu’Arghoun était mort ; son frère Kaïkhafon lui avait succédé. C’est à ce roi que la princesse fut remise et les Polo continuèrent leur route vers l’Europe.

Ils étaient munis de quatre tables d’or de commandement que la princesse leur avait remises pour leur sûreté. Elle y enjoignait de traiter les porteurs avec autant de considération que s’il se fût agi d’elle-même. Partout où passaient les Vénitiens, la vue des tables faisait merveille. Ils étaient abondamment défrayés de tout et on leur donnait une forte escorte. La précaution n’était pas inutile, car les Polo rapportaient de Chine un volumineux bagage bien fait pour tenter les voleurs.