Les Merveilleux Voyages de Marco Polo dans l’Asie du XIIIe siècle/Partie I/Chapitre 4

CHAPITRE IV

Marco Polo arrive avec ses oncles, porteurs de lettres du Pape, à la cour du grand Khan


Les trois voyageurs s’en furent d’abord à Jérusalem, auprès des gardiens qui veillaient sur la lampe du Sépulcre. Khoubilaï leur avait, en effet, exprimé le désir, de posséder de l’huile sainte. Ils s’en pourvurent donc, puis se rendirent à Saint-Jean d’Acre, auprès du Légat du Pape, afin qu’il leur donnât pour Khoubilaï une lettre expliquant la situation et le retard apporté à l’élection d’un nouveau Pape. Mais, à peine étaient-ils partis, munis de la lettre demandée, qu’ils apprirent que le Conclave s’était enfin prononcé et que le Légat lui-même avait été proclamé Pape, sous le nom de Grégoire X. Tout joyeux, ils retournèrent aussitôt à Saint-Jean d’Acre, où le nouveau pontife les avait mandés. Il comprenait toute l’importance de la mission dont les Polo s’étaient chargés et désigna pour aller instruire le souverain mongol les deux docteurs les plus renommés de l’époque, les frères prêcheurs Nicolas de Vicence et Guillaume de Triple. Il leur remit, ainsi qu’aux deux frères Polo, des lettres authentiques pour le grand Khan et, leur ayant donné sa bénédiction, les exhorta à aller en diligence remplir leur mission.

Comme ils étaient arrivés à Layas, le Sultan d’Égypte Bibars envahit la Syrie, appelé par les Musulmans de ce pays pour les défendre contre les Mongols d’Houlagou. Bibars entra dans Layas que ses habitants avaient abandonnée et la livra aux flammes. Les deux frères prêcheurs ne semblent pas avoir eu une âme de martyrs. La peur les prit : remettant aux Polo tous les messages que leur avait confiés le Pape, ils laissèrent là leur mission et s’embarquèrent pour l’Europe. Les Vénitiens, eux, montrèrent plus de courage. Ils avaient l’habitude de la guerre et comptaient sur la protection divine et sur leur chance. Malgré les dangers, ils poursuivirent leur voyage. Ils furent assez heureux pour franchir sans encombre les régions où l’on se battait et entrèrent bientôt dans les territoires soumis au Grand Khan. Dès lors, ils se trouvèrent en pleine sécurité. Leur voyage ne dura pas moins de trois ans et demi. Les conditions étaient les mêmes qu’à l’aller ; le froid extrême les obligeait à s’arrêter tout l’hiver. Enfin, ils approchèrent de Kaï-Ping-Fou, à 70 lieues de Pékin, où Khoubilaï avait sa résidence d’été. Sitôt que l’empereur eut connaissance de leur venue, il envoya au-devant d’eux, jusqu’à 40 jours de marche, et les fit conduire auprès de sa personne.

Dès qu’ils furent en sa présence, ils s’agenouillèrent devant lui. Il les releva et, leur témoignant la grande joie qu’il avait de les revoir, il s’enquit avec intérêt des circonstances de leur voyage. Ils satisfirent sa curiosité et lui remirent les lettres du Pape, ainsi que l’huile du Saint-Sépulcre. Il s’en montra ravi. Puis, avisant Marco, qui se tenait modestement à l’écart :

— Qui est ce jeune homme ? demanda-t-il.

— Sire, lui dit Nicolo, c’est mon fils et votre sujet.

— Qu’il soit le bienvenu ! répondit l’empereur.

C’est ainsi que Marco fut admis à la Cour du Grand Khan.