Les Merveilles de la science/Phonographe

Furne, Jouvet et Cie (Tome 2 des Supplémentsp. 629-662).
le
PHONOGRAPHE

CHAPITRE PREMIER

la découverte du phonographe par m. edison et sa présentation à l’académie des sciences de paris. — le phonautographe de léon scott de martinville précède l’invention d’edison. — vie et travaux de léon scott de martinville.

Le 11 mai 1878, il se passa des choses étranges à l’Académie des sciences de Paris. Pendant la séance publique, un des plus savants physiciens de cette assemblée, Th. Du Moncel, présenta à ses collègues un appareil vraiment merveilleux, puisqu’il reproduisait la voix humaine, qu’il parlait, chantait, et répétait les sons, préalablement fixés et emmagasinés à sa surface.

L’inventeur était M. Edison, le célèbre électricien des États-Unis.

Quoique le téléphone nous ait habitués à bien des surprises scientifiques venant du nouveau monde, l’annonce de l’existence d’une machine enregistrant les sons, laissait les assistants fort incrédules. Mais il fallut bien se rendre à l’évidence.

L’aide de M. Edison, envoyé de New-York pour faire connaître en Europe le phonographe, s’était placé devant sa machine, qui ressemble à une boîte à musique, et qui a un mètre de long sur 20 centimètres de large, et il prononça, à voix très haute, les mots suivants :

M. Edison a l’honneur de saluer Messieurs les membres de l’Académie.

Alors il tourna la manivelle, et la machine répéta distinctement :

M. Edison a l’honneur de saluer Messieurs les membres de l’Académie.

Ensuite l’opérateur, appliquant de nouveau ses lèvres sur l’embouchure de la machine, dit textuellement :

Monsieur phonographe, parlez-vous français ?

Il tourna la manivelle, et l’instrument répéta :

Monsieur phonographe, parlez-vous français ?

Ces paroles furent parfaitement entendues de tout le monde. Seulement, le timbre n’était plus le même que celui des paroles prononcées ; l’instrument parlait beaucoup plus bas, et à la manière d’un ventriloque.

L’assistance était stupéfaite : on paraissait croire à une mystification. Th. du Moncel, fut prié par ses collègues de vouloir bien remplacer l’opérateur.

Du Moncel s’approcha donc de la boîte parlante, et dit, d’une voix très forte :

L’Académie remercie M. Edison de son intéressante communication.

L’instrument répéta les paroles de Th. Du Moncel.

Académiciens et public, tout le monde était interdit, tant cette découverte était merveilleuse et imprévue.

L’étonnement qui se manifesta, au sein de l’Académie, eut un résultat extraordinaire, et auquel on était loin de s’attendre. Un savant illustre, le docteur Bouillaud, ne pouvait en croire ses oreilles. Il soupçonnait quelque supercherie, quelque mystification ; car le soupçon de supercherie est encore le grand cheval de bataille de bien des savants, en présence d’un phénomène qui dépasse les données ordinaires et les faits habituels. Bouillaud, sceptique par essence, flairait donc une supercherie, de la part de Th. Du Moncel. À peine ce dernier avait-il terminé sa communication, que Bouillaud quittait sa place, pour aller examiner de près la personne de son savant confrère, et reconnaître s’il ne cachait point dans sa bouche quelque pratique de polichinelle, qui aurait produit les sons entendus. N’ayant pu rien découvrir de ce genre sur Th. Du Moncel, notre enragé sceptique songea à un effet de ventriloquie.

La salle des séances de l’Académie française est attenante à celle de l’Académie des sciences ; Bouillaud s’empressa de pénétrer dans la salle de l’Académie française, pour s’assurer qu’il n’y avait point, dans cette pièce, quelque individu caché, qui, opérant par la ventriloquie, aurait trompé, par ce fallacieux moyen, la docte assemblée. Mais il n’y avait personne dans cette salle ; la ventriloquie était donc hors de cause.

Bouillaud revint à sa place, nullement convaincu, d’ailleurs, de la sincérité de l’expérience, et croyant toujours à l’existence de quelque compère. Et nous pouvons ajouter que l’estimable docteur a conservé jusqu’à sa mort son doute philosophique, à l’encontre du phonographe, qui ne fut jamais, à ses yeux, qu’une adroite mystification.

Nous avons rapporté cette anecdote pour que nos neveux n’ignorent point quel accueil on réservait encore aux découvertes scientifiques, à la fin du xixe siècle, dans le sanctuaire le plus célèbre et le plus autorisé de la science européenne.

En quoi consiste cependant le merveilleux appareil que M. Edison avait baptisé du nom de phonographe ? quelle est son origine scientifique ? quels sont son mécanisme et ses effets ?

L’inventeur du phonographe est certainement M. Edison ; mais il est juste de mentionner les recherches et les travaux qui avaient été entrepris avant lui dans cette direction, et qui ont facilité sa tâche.

C’est ici qu’il faut enregistrer les curieux travaux d’un homme patient et modeste, Léon Scott de Martinville.

Simple typographe et correcteur d’imprimerie, Léon Scott de Martinville consacra dix années de sa vie à la poursuite du problème : La parole s’inscrivant elle-même, et il atteignit parfaitement son but, par l’invention de son phonautographe, appareil connu de tous les physiciens, car il a été souvent mis en expérience dans les cours de physique et dans les conférences.

Dès l’année 1856, Léon Scott avait combiné l’instrument qu’il nommait phonautographe. Le premier, il avait imaginé d’inscrire les vibrations de la voix humaine au moyen d’un style métallique se promenant sur une surface de papier revêtue de noir de fumée.

Le phonautographe de Léon Scott, tel qu’on le construit aujourd’hui, se compose comme le représente la figure 466 d’une caisse en bois, en forme de pyramide tronquée, ouverte à sa base, et revêtue, à l’intérieur, d’une épaisse couche de plâtre, destinée à empêcher les vibrations des parois de la caisse. On parle devant la grande face de la pyramide B. Le sommet de cette pyramide est fermé par un tympan A, en forme de tambour, et dont les membranes sont composées de trois tuniques, deux en caoutchouc et une tunique centrale en baudruche. Les deux membranes sont tendues par un petit appareil en ivoire, destiné à jouer le même rôle que la chaîne des osselets dans l’oreille humaine, et qui augmente de beaucoup la sensibilité du tympan. On voit la coupe de ce petit appareil dans la partie supérieure de la figure 466. Lorsqu’on chante dans le conduit EG, les vibrations de la voix sont transmises au style FC, qui les écrit en blanc sur un cylindre tournant, recouvert d’une feuille de papier, sur laquelle on a déposé au préalable une couche de noir de fumée.

Fig. 466. — Le phonautographe.

L’appareil de Léon Scott inscrit les vibrations sonores. Le phonographe a fait un pas de plus, puisqu’il commence par inscrire les vibrations du son, et que par un complément inattendu de la première opération, il répète les sons inscrits sur une surface plane, métallique ou autre, ce que ne peut faire le phonautographe.

Le phonographe d’Edison n’est donc pas sans liens de parenté avec le phonautographe de Léon Scott. Si celui-ci n’est pas le fils de celui-là, on peut dire qu’il existe entre eux une filiation très évidente.

Pauvre Léon Scott ! que de travaux, de peines, de dépenses, difficilement réalisées, t’a inspiré cette découverte, qui fut la préoccupation et la passion de ta vie ! En vain tu essayas de convaincre les corps savants de l’importance et de la réalité du phénomène de la parole s’inscrivant elle-même. En ce siècle d’inventeurs presque toujours bien accueillis partout, tu ne trouvas, toi, que froideur, découragement et dédain. Tu fus empêché par la mauvaise fortune, de poursuivre tes recherches, et tu ne recueillis point le juste fruit de tes longs efforts. Tu n’as pu voir tes droits de créateur et d’inventeur reconnus et proclamés comme ils le sont aujourd’hui.

J’ai connu Léon Scott, qui était correcteur à l’imprimerie Martinet, rue Mignon. Je le voyais journellement, en 1858 et 1860, quand je faisais paraître, chez Victor Masson, mes premiers ouvrages de vulgarisation scientifique. Partant de l’expérience d’un physicien anglais, Young, qui était parvenu à faire tracer sur un cylindre métallique, les vibrations d’une tige de métal, et des expériences de Duhamel et de Wertheim, qui avaient inscrit par le même moyen les vibrations des cordes et de diapasons, Léon Scott avait merveilleusement réussi à faire inscrire par une pointe vibrante, les sons de la parole et du chant, sur une feuille de papier, préalablement recouverte de noir de fumée, et se déroulant d’un mouvement uniforme.

Je dois reconnaître, toutefois, que tout le monde, à l’imprimerie et chez les éditeurs, regrettait la passion de recherches et d’expériences qui consumait le pauvre typographe, et épuisait ses forces, comme ses ressources. On ne voyait en lui qu’une sorte de Balthazar Claës, ou de Nicolas Flamel, à la poursuite de l’absolu ou de la pierre philosophale ; de sorte que chacun l’engageait, charitablement, à s’occuper de sa profession, et non de physique.

On se trompait, puisqu’il était sur la voie d’une des plus grandes découvertes de notre siècle. Si, au lieu d’être un simple ouvrier, vivant du produit de sa journée, il eut fait partie d’un corps universitaire, on ne peut mettre en doute qu’ayant les moyens de pousser plus loin ses recherches, il n’eût réalisé la découverte qui devait illustrer Edison.

L’histoire des inventions qui ont marqué leur place dans le développement et les progrès de l’esprit humain, est toujours intéressante à connaître. En ce qui concerne l’invention du phonographe, cet intérêt augmente pour nous, puisqu’il s’agit d’établir que le phonographe a pour première origine un appareil dû à un inventeur français, c’est-à-dire le phonautographe auquel M. Edison a fait des emprunts évidents. On nous permettra donc de développer les faits venus à notre connaissance sur les travaux et la personne de Léon Scott.

Léon Scott de Martinville était le petit-fils du baron Scott de Martinville, dont nous avons dit quelques mots dans les Merveilles de la science (Notice sur les Aérostats)[1] comme ayant, dès 1789, proposé un appareil pour la direction des ballons. Le baron Scott de Martinville avait ouvert, à cette époque, une souscription, pour réaliser son projet des ballons dirigeables. Les troubles des temps empêchèrent la souscription d’aboutir. Il nous est resté de cet effort un volume très intéressant du baron Scott de Martinville, intitulé l’Aérostat dirigeable (in-8°,1789).

Edouard Scott de Martinville était né à Paris, le 24 avril 1817. Il était fils d’Auguste-Toussaint de Martinville, également né à Paris, sur la paroisse de Saint-Sulpice, et fils lui-même d’un autre Auguste-Toussaint de Martinville, baron de Balweary, né à Rennes, le 1er novembre 1732. Il descendait d’une ancienne famille de Bretagne, primitivement originaire d’Écosse, et qui remontait, par seize degrés, à Michel Scott, baron de Balweary, auteur du célèbre traité de la Physiognomie.

Auguste-Toussaint Ier, mort en 1800, à Châlon-sur-Saône, chef de bataillon, avait été ruiné par la Révolution. Il s’était occupé d’inventions, en particulier, comme il est dit plus haut, de la direction des aérostats, question sur laquelle il proposait une solution pour un problème qui n’est pas encore résolu. Après sa mort, son fils entra, à l’âge de treize ans, dans L’imprimerie Courcier, à laquelle il resta attaché, et qu’il dirigea pendant vingt-deux ans.

Léon Scott, fils du précédent, fut obligé, comme l’avait été son père, de suspendre de bonne heure ses études. Il entra, fort jeune, dans l’imprimerie scientifique de Mallet-Bachelier, Là, il eut le bonheur d’être distingué par le célèbre naturaliste Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, qui le consultait sur ses travaux. Ce dernier reconnut au jeune typographe des aptitudes scientifiques toutes particulières et un esprit ingénieux, prévision qui devait se réaliser plus tard.

En 1852, corrigeant, un jour, dans l’imprimerie de Martinet, les bons à tirer de la première édition du Traité de physiologie du professeur Longet, il lui vint l’idée d’appliquer les moyens acoustiques que la nature a réalisés dans l’oreille humaine à la fixation graphique des sons de la voix du chant et des instruments. Il comptait arriver, par cette voie, à une sténographie acoustique de la parole, sans le secours de main d’homme.

Cette prétention hardie ne rencontra partout que des incrédules. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, président de l’Académie des sciences, que Léon Scott pria, le 26 janvier 1857, de déposer, en son nom, un paquet cacheté, constatant la prise de possession du principe de sa découverte, ne cacha pas son envie de rire, à cette communication du pauvre typographe.

Cependant, le professeur Pouillet (de l’Institut) ayant appris, par le chimiste Barreswill, les tentatives auxquelles se livrait Léon Scott, se fit un devoir de gravir jusqu’à sa mansarde, et sur sa recommandation, la Société d’encouragement admit l’inventeur à faire fonctionner devant elle (fig. 467), un appareil rudimentaire, qui, néanmoins, enregistrait merveilleusement les signes de la parole et du chant. La Société d’encouragement fit alors les frais de la première annuité d’un brevet d’invention de l’instrument.

Fig. 467. — Léon Scott fait fonctionner son phonautographe devant la Société d’encouragement pour l’industrie nationale.

Léon Scott avait construit ce phonautographe rudimentaire, avec le secours d’un ouvrier de ses amis.

Un jour, vers 1860, on donnait une conférence sur l’acoustique, dans l’amphithéâtre de la Faculté des sciences, à la Sorbonne. L’appareil de Léon Scott y figurait. On le fit fonctionner, et à la grande surprise des trois mille personnes qui composaient l’assemblée, il écrivit correctement les sons des deux tuyaux d’orgue montés sur la même soufflerie, à un mètre de distance de l’appareil. Mais qui le croirait ? Le nom de Léon Scott ne fut pas prononcé : l’opérateur recueillit seul l’hommage que méritait l’inventeur, pour avoir réalisé un tel résultat par huit années de travail solitaire, et en dépensant son petit héritage maternel.

Cependant, le phonautographe attira peu, à cette époque l’attention. Quelques démonstrations de son mécanisme, dans les cours publics de physique, voilà tout ce que put obtenir cet appareil. Si l’on veut savoir la raison de ce froid accueil, écoutons le curieux entretien que Léon Scott eut un jour avec le physicien Becquerel père, qui habitait alors au Jardin des Plantes.

Léon Scott avait eu le bonheur, insigne pour un correcteur d’imprimerie, de découvrir un certain nombre de distractions très graves au point de vue scientifique, dans les bons à tirer d’un mémoire académique dû à la plume d’une personne qui touchait de très près à ce professeur. Il profita de l’occasion pour demander à parler au savant déjà illustre qui avait fait des travaux extrêmement remarquables en physique. Il osa lui raconter ses espérances, les promesses de son conduit acoustique, de son tympan artificiel et de son style inscripteur, pour la solution de son grand problème « la parole s’écrivant elle-même ».

Becquerel père voulut bien l’écouter poliment et avec résignation. Quand il eut fini de parler, il le regarda, avec une nuance de compassion, et lui dit :

« J’ai entendu, un peu comme tout le monde, parler de votre affaire. Mais, au préalable, je me permettrai de vous poser, dans votre intérêt, cette question : Monsieur Scott, êtes-vous riche ?

— Hélas, non, répondit Léon Scott ; cette recherche est en voie d’épuiser mes dernières réserves.

— Eh bien, c’est fâcheux, c’est très fâcheux pour vous. Il vous faudrait un rapport académique, pour frapper, au ministère de l’instruction publique, à la porte du cabinet de M. Servaux, sous-chef de division, chargé de la répartition des encouragements aux savants, Une commission a été nommée, n’est-ce pas, à l’Académie des sciences, pour l’examen de votre mémoire ?

— Oui, monsieur.

— Eh bien, elle ne se réunira jamais, ou je me tromperais fort. Il vous faudra dépenser dix mille francs et cinq années de travail pour réunir les matériaux et faire la rédaction d’un mémoire conforme au programme qui vous sera imposé. Si vous arrivez jusqu’au bout sans être découragé, vous obtiendrez peut-être, à grand’ peine, un encouragement de deux mille francs. Comprenez cela. On nomme à l’Académie de trois à six commissions, tous les lundis. Combien en voyez-vous qui se réunissent ? Combien présentent un rapport ? Vous devez connaître tout cela, vous qui travaillez, depuis l’âge de quinze ans, dites-vous, dans des imprimeries scientifiques. Chez nous, il y a les anciens qui mettent en ordre leurs travaux antérieurs, ou qui se reposent sur leurs lauriers ; c’est trop juste, n’est-ce pas ? et vous en feriez autant à leur place. Il y a les jeunes, tels que moi, par exemple, mais nous avons, comme vous, notre rôti sur le feu. Nous ne pouvons le quitter, sans qu’il brûle, pour aller voir fonctionner votre appareil, pour suivre vos expériences. Et d’abord, je ne fais pas partie de vos commissaires ; il me faudrait laisser en souffrance les recherches délicates, coûteuses, que vous savez, et dont j’attends de beaux résultats. »

Et comme Léon Scott poussait un soupir de tristesse.

« Et puis, reprit le professeur, il y a une chose qui m’effraye pour vous, et que vos membranes ne vous ont pas dit : Les questions ont leur heure ! Quand nous naviguons dans l’archipel scientifique, nous avons soin de choisir les questions propres à captiver l’attention. Même en matière de science, il faut être de son temps. Votre affaire est, au fond, de l’acoustique. Mauvaise chance pour vous ! Les ingénieurs, les médecins, les musiciens, ont horreur de l’acoustique. À l’exception de ceux qui jouent, du violon, ces derniers ne sont pas bien sûrs que la vibration des corps existe. Qui est-ce qui travaille l’acoustique, chez nous ? Personne. On revoit ses notes avant de commencer son cours d’acoustique. Ah ! si Savart n’était pas mort, vous eussiez trouvé quelqu’un à qui parler. Votre machine l’eût empoigné, à la condition toutefois qu’elle ne s’avisât point de contredire un seul passage de ses mémoires sur des questions d’acoustique, mémoires au nombre de deux cents. Mais, je vous le répète, l’acoustique est tombée en catalepsie, depuis Savart, et vous ne prétendez pas sans doute la galvaniser. Si vous nous parliez de la lumière, de l’électricité, à la bonne heure, voilà les questions à l’ordre du jour.

— Alors, monsieur, vous me conseillez d’abandonner la partie ?

— Non pas précisément. Cherchez, pour vous amuser, comme distraction, à écrire la parole à vos moments perdus. Ce sera dur, mais très intéressant. Si l’Allemagne ne se met pas sur la piste, vous avez le temps de vous retourner et de voir venir. Gardez donc pour vous vos trouvailles. Tâchez de ressembler à Fresnel, qui faisait des expériences très délicates sur la lumière avec des appareils dits à la ficelle. Ne vous pressez pas, allez doucement, à pas comptés. Un jour arrivera, peut-être un peu tard, où l’on fera quelque part un coup d’éclat dans le champ de l’acoustique, qui ne donne rien depuis vingt ans. Alors, vous remonterez sur l’eau, et le succès viendra, si vous l’avez mérité. »

Fig. 468. — Léon Scott.

Ainsi parla le docte personnage, qui semblait entrevoir, dans les limbes de l’avenir, la découverte d’Edison. Léon Scott le remercia avec effusion de ses conseils et il se retira.

Les questions ont leur heure, avait dit le physicien philosophe. L’heure du phonautographe devait venir ! Ce fut le jour où Edison, complétant la découverte de Léon Scott, fit répéter par l’instrument les ondulations sonores inscrites sur sa surface !

Sur le bruit de la découverte de Léon Scott, un constructeur d’instruments de physique, de Kœnigsberg, qui se consacrait spécialement à l’acoustique, Rudolph Kœnig, s’offrit à construire l’appareil, et à l’exploiter en commun avec l’inventeur. Un traité fut conclu entre eux, le 30 avril 1859.

Voici un extrait de cet acte d’association :

Au commencement de février 1859, M. Rudolph Kœnig, constructeur d’instruments d’acoustique, s’est mis en rapport avec M. Scott, et lui a offert de lui venir en aide, pour l’exploitation de son invention. Il s’est engagé à construire les appareils fondés sur ledit procédé. M. Scott a accepté la proposition de M. Kœnig. En conséquence, l’appareil rudimentaire construit par les soins de M. Scott, a été transporté, avec ses accessoires, dans l’établissement de M. Kœnig. La composition du noir de fumée convenable, la nature du style flexible et les moyens de fixation employés par M. Scott, ont été communiqués à M. Kœnig. Ces messieurs ont expérimenté ensemble, et M. Scott a reconnu en M. Kœnig le talent de constructeur, les connaissances en acoustique et en facture, ainsi que l’adresse expérimentale indispensables pour la bonne exploitation scientifique et industrielle de la découverte que M. Scott a appelé phonautographie. M. Kœnig a construit aujourd’hui un appareil destiné aux expérimentations publiques.

En conséquence de ce qui précède, M. Scott, titulaire du brevet n° 31470, reconnaît à M. Kœnig le droit exclusif de construire et délivrer au commerce l’appareil pour écrire les sons de l’air et tous autres fondés sur l’un des moyens brevetés par lui. »

Voici les moyens brevetés par Léon Scott, dans un certificat d’addition au brevet de 1857, et qui porte la date du 29 juillet 1859 : 1° le cylindre et son mouvement ; 2° le chronomètre et son support ; 3° le diapason pointeur et son support ; 4° la membrane et son appareil de tension ; 5° le style souple ; 6° la cuve et son support ; 7° la lampe fumeuse et le noir spécial ; 8° la fixation des épreuves.

Le typographe de l’Imprimerie Martinet n’était pas sans rencontrer des sympathies actives, de la part des personnes qui s’intéressaient au progrès scientifique. En ce qui me concerne, je m’efforçai de répandre la connaissance de son appareil, et dans ce but, je publiai dans l’Année scientifique de 1858 (3e année} un article assez étendu, exposant les bases et procédés inventés par Léon Scott, pour inscrire les vibrations sonores.

Voici cet article de l’Année scientifique :

« M. Léon Scott, enfant de la presse, puisqu’il remplit depuis vingt ans les fonctions de correcteur d’imprimerie, a observé des faits neufs et originaux, relativement à la manière de fixer graphiquement, sur une surface plane, les vibrations des corps en état de sonorité.

« M. Léon Scott croit être sur la voie qui mène à la solution de ce grand problème : la parole s’écrivant elle-même. Mais, avant tout, il importe de bien s’entendre sur les termes de ce problème, et sur les limites dans lesquelles l’auteur le renferme.

« Malgré les travaux persévérants de plusieurs générations d’expérimentateurs et de théoriciens, nous ne savons encore aujourd’hui que fort peu de chose sur le mécanisme de la voix, sur les conditions acoustiques de la parole. Qu’est-ce, en effet, par exemple, que le timbre des instruments ou des voix ? Qu’est-ce, dans le fluide sonore, que l’articulation ? Nul ne saurait en ce moment résoudre ces questions d’une manière expérimentale. Fait étrange ! la constitution première de toutes les langues, leurs harmonies particulières, pivotent sur le phénomène phonétique, et dans beaucoup de ses parties, le phénomène phonétique nous est encore inconnu.

« On ne saurait pourtant imputer, sans injustice, cette lacune dans nos connaissances à la timidité des efforts de nos contemporains ou de nos devanciers. Leurs acquisitions en acoustique ont coûté des peines infinies, et méritent toute notre reconnaissance. On est parvenu à compter, à mesurer des mouvements si rapides et si mystérieux, que le témoignage de nos sens est impuissant à nous les faire saisir. Mais le progrès des sciences physiques languit faute d’un instrument qui permette de voir, d’observer les conditions, les phases successives des phénomènes naturels. Sans l’invention des instruments d’optique, par exemple, l’astronomie serait encore dans les langes du berceau.

« L’instrument qui doit servir à l’observation des phénomènes phonétiques, M. Scott espère l’avoir trouvé. Il pense que l’on peut contraindre la nature à constituer elle-même une langue générale écrite de tous les sons.

« On comprend, au seul énoncé de ce problème, les immenses et décourageantes difficultés qui l’environnent. Qu’est-ce, en effet, que la voix ? Un mouvement périodique de l’air provoqué par le jeu de nos organes. Mais ce mouvement est très complexe et infiniment délicat. Sa délicatesse est telle que quand on parle dans une chambre sombre, éclairée seulement par un rayon de soleil, les plus fines poussières en suspension dans l’atmosphère, et qui sont visibles dans l’espace lumineux, n’en sont pas agitées d’une manière sensible. D’un autre côté, ce mouvement si subtil est extrêmement rapide, puisque dans le seul intervalle d’une seconde, sept cents à huit cents vibrations sonores s’accomplissent, pour produire un son d’une hauteur peu élevée.

« Comment pouvoir recueillir une trace nette et précise d’un tel mouvement, qui serait incapable de faire frémir un cil de notre paupière ?

« Si l’on pouvait poser sur cet air qui produit les sons, par ses vibrations rapides, une plume, un style, cette plume, ce style formerait une trace sur une couche fluide convenablement préparée. Mais où trouver un point d’appui pour cette plume ? Comment la fixer à ce fluide fugitif, impalpable, invisible ?

« Dans l’examen attentif de l’oreille interne de l’homme, M. Scott a trouvé le moyen de résoudre ce problème si difficile, et de construire un appareil susceptible de recevoir l’impression des sons, de la transporter et de l’inscrire sur une surface plane.

« Que voit-on, en effet, dans l’oreille interne ? D’abord un conduit. Mais qu’est-ce qu’un conduit en acoustique, et à quoi peut-il servir ? Une expérience mémorable, due à l’illustre Biot, doyen de l’Académie, des sciences, va nous en fournir une explication complète, applicable à notre objet. Au commencement de ce siècle, pendant une nuit, Biot, placé à l’une des extrémités d’un aqueduc de fonte, d’une longueur de 950 mètres, put établir une conversation à voix très basse avec un second interlocuteur placé à l’autre extrémité de ce tube immense. Ainsi, avec un conduit d’une longueur quelconque, convenablement isolé de tout mouvement extérieur et de toute agitation des couches de l’air, le plus faible murmure de la voix est intégralement transmis à toute distance. Le conduit amène sans altération, sans déperdition, l’onde sonore, si complexe qu’elle soit, d’une des extrémités à l’autre, en la préservant de toutes les causes accidentelles qui pourraient la troubler ; et si le conduit est par lui-même incapable de vibrer, si aucune transmission du mouvement vibratoire ne s’accomplit dans la route, le fluide poursuivra indéfiniment son mouvement primitif, avec sa pureté, sa netteté, son intensité originelles. Il est évident, d’après cela, que si l’on prend un conduit façonné en entonnoir à l’un de ses bouts, on pourra s’en servir pour recueillir les sons par son pavillon, et les diriger, sans qu’ils soient altérés en aucune façon, vers sa petite extrémité.

« Poursuivons l’examen de l’oreille. À la suite du conduit auditif, on rencontre une membrane mince, demi-tendue et inclinée : c’est la membrane du tympan. Qu’est-ce qu’une membrane mince et demi-tendue, dans cette architecture physique qui nous occupe ? C’est, suivant la juste définition du physiologiste Müller, quelque chose de mixte, moitié solide, moitié fluide. Une membrane participe des solides par sa cohérence, et des fluides par l’extrême facilité de déplacement de toutes ses molécules. Elle est l’intermédiaire employé par la nature pour une transmission aussi parfaite, que possible, du mouvement d’un fluide à un solide. Cette membrane, qui termine le conduit auditif, nous fournira le point d’appui que nous cherchons pour notre plume.

« Nous avons dit qu’il était nécessaire, pour la solution intégrale du problème, que le style appliqué sur le fluide en vibration, ou, ce qui reviendrait au même, sur la membrane, marquât sa trace sur un corps demi-fluide. En effet, tout mode d’inscription du mouvement qui exigerait, pour tracer la gravure, un effort appréciable, serait impossible à ce burin quasi aérien. La couche sensible ne devra donc offrir aucune résistance à ces délicates empreintes. De même qu’il a pris un demi-solide pour agent graphique, M. Scott a donc pris un demi-fluide pour matrice : c’est le noir de fumée. Une mince couche de noir de fumée déposée à l’état semi-fluide sur un corps quelconque (métal, bois, papier, tissu) animé d’un mouvement de progression uniforme, afin que les traces formées ne rentrent pas les unes dans les autres, telle est la surface propre à recevoir les traits de la plume.

« En résumé, l’appareil employé par M. Scott, pour obtenir l’impression graphique des sons, se compose d’un conduit évasé à son extrémité en une sorte de pavillon, qui sert à recueillir les sons de la voix ou d’un instrument en état de sonorité. L’extrémité qui termine ce conduit est fermée par une membrane mince, convenablement tendue et qui porte un crayon ou style excessivement léger. Ce crayon, mis en mouvement par les vibrations de la membrane provoquées par les sons, inscrit lui-même la trace de son mouvement sur un papier recouvert de noir de fumée, placé au-devant du crayon, qui se déroule lentement et uniformément par l’effet d’un rouage d’horlogerie. Les traces laissées sur ce papier peuvent ensuite être reproduites et fixées à jamais grâce à la photographie.

« M. Wertheim, un de nos jeunes physiciens, avait déjà obtenu, par des dispositions analogues, l’impression écrite des vibrations du diapason, et il avait rendu plus visibles, par ce moyen, les vibrations sonores des corps, effet que l’on n’avait mis en évidence jusque-là que par l’expérience des lignes nodales, tracées au moyen du sable sur les membranes vibrantes, selon la méthode de Chladni, Duhamel et Savart. Mais M. Scott a singulièrement perfectionné ces dispositions expérimentales, et il a fait une étude approfondie de l’emploi d’un appareil de ce genre pour l’examen des questions délicates qui sont du ressort de l’acoustique.

« Ne pouvant passer en revue toutes les questions de l’acoustique qui pourront recevoir des éclaircissements utiles de l’appareil graphique de M. Scott, nous citerons seulement les principales.

« La question du timbre, par exemple, sur laquelle on est si peu d’accord, pourra recevoir d’excellentes lumières de cette graphie des sons. M, Scott a déjà réuni un certain nombre d’épreuves, qui présentent les sons de la voix comparés à ceux du cornet à piston, du hautbois, du diapason, etc. Les instruments, comme on pouvait le pressentir, se distinguent d’avec les voix par les caractères de leurs vibrations. Ainsi l’accord parfait, donné par le cornet à piston, recueilli sur le noir de fumée, dans l’appareil de M. Scott, donne des figures fort dissemblables, par leurs formes et leurs dimensions, de celles que fournit le même accord parfait émané d’un instrument à cordes ou de la vois humaine. La même différence se remarque dans le tracé graphique que donne le chant comparé avec le tracé des cris explosifs, des rugissements, etc.

« M. Scott a constaté ce fait curieux que le son d’un instrument ou d’une voix fournit une suite de vibrations d’autant plus régulières, plus égales, et par conséquent plus isochrones, qu’il est plus pur pour l’oreille et mieux filé. Dans le cri déchirant, dans les sons aigres des instruments, les ondes de condensation sont irrégulières, inégales, non isochrones. Aussi pourrait-on dire qu’il y a, à ce point de vue, des sons faux et discords d’une manière absolue. Dans une épreuve de M. Scott qui montre les mauvais sons de la voix, c’est-à-dire les sons voilés, on reconnaît avec un peu d’attention, une, quelquefois deux et même trois vibrations secondaires, combinées avec l’onde principale.

« Telles sont les principales questions de l’acoustique qui pourront recevoir des éclaircissements de l’emploi de l’instrument de M. Scott.

« Mais, dira-t-on, à quoi bon cet art nouveau, dont l’exécution paraît si délicate ? Si une question semblable eût été, au commencement de notre siècle, adressée à Volta, l’illustre inventeur de la pile électrique, il eût été, à coup sûr, bien empêché de répondre : « Cela sert à l’analyse chimique, à la galvanoplastie et à la télégraphie. » C’est une réponse analogue que pourrait faire l’auteur du travail qui nous occupe à celui qui lui poserait aussi, à propos de ses recherches, la question du cui bonum ?

« On peut dire dès à présent que la graphie des sons, essayée par M. Scott, est appelée à fonder sur des bases nouvelles la sténographie. Une sténographie manuelle aussi rapide que la parole, est d’une impossibilité radicale. En effet, dans la courte durée d’une seconde, la voix peut donner dix sons syllabiques ; or, la main la plus agile ne saurait, dans le même espace de temps, former, non pas même des signes variés, mais des points uniformes. La sténographie littérale étant irréalisable, on a songé aux moyens de condenser, d’abréger, de figurer les sons principaux, en négligeant toutes les syllabes accessoires. Mais un tel travail fait sur la langue écrite, devrait être précédé d’une étude approfondie de la langue phonétique. Cette reconstitution du langage sur une base scientifique ne serait pas à dédaigner pour la vérification de la langue écrite, car personne n’ignore que l’orthographe française est un compromis incohérent entre la prononciation et l’étymologie. L’art nouveau essayé par M. Scott fournira les bases de cette étude préalable.

« L’écriture et l’imprimerie expriment la parole, il est vrai, mais la parole morte et décolorée. Vous venez d’entendre réciter de beaux vers par Rachel : écrivez-les, et donnez-les à lire à un enfant, vous ne les reconnaîtrez plus. Pour leur rendre la vie, il eût fallu les accentuer, les noter, comme en musique ; encore le but n’eût-il été que très imparfaitement atteint. Il manque là quelque chose ; c’est ce que sentent beaucoup d’hommes éclairés, mais sans espoir de combler la lacune. La phonautographie de M. Scott fournira le moyen d’imprimer à l’écriture ordinaire l’expression qui lui manque, c’est-à-dire de traduire graphiquement la pensée par l’expression de la parole ; car l’amplitude du tracé graphique ou la faible dimension de ce même tracé, correspondraient exactement à ces diverses inflexions de la voix dont la déclamation s’accompagne.

« Les travaux de M. Scott nous semblent donc marquer le début d’un art plein d’originalité, bien qu’il soit difficile, dès aujourd’hui, d’en prévoir et d’en fixer le développement et les applications. Si nous ajoutons que M. Scott, travailleur solitaire, ne dispose, comme la plupart des inventeurs, que de médiocres ressources, et que, depuis un grand nombre d’années, il prend ses heures d’expériences sur les heures du travail de sa profession, nous donnerons un motif de plus à l’intérêt et à la sympathie que ses recherches doivent inspirer aux amis des sciences. »

Ainsi, comme il était dit plus haut, le phonautographe de Léon Scott enregistrait les sons de la parole, mais il ne la reproduisait pas. Ce n’était que la moitié de la solution du problème. M. Edison est parvenu tout à la fois à enregistrer et à reproduire la parole et le chant. Voilà comment se trouva achevée la solution du problème abordé par Léon Scott, vingt ans auparavant.

Mais Léon Scott ne devait tirer aucun profit du brillant complément de ses travaux réalisé par le physicien des États-Unis. Dès l’annonce de la présentation du phonographe à l’Académie des sciences, il rappela les travaux, fit valoir ses droits, dont Edison avait absolument négligé de tenir compte. Il faisait remarquer que la membrane vibrante, le style et une surface inscrivant les ondulations de la voix, dont se servait le physicien de New-York, se trouvaient consignés dans son brevet, et existaient dans son phonautographe. Edison se tint coi.

Dans un article de l’Année scientifique de 1878 (22e année), en rapportant la communication de Th. Du Moncel à l’Académie des sciences, je signalais les travaux de Léon Scott, comme ayant sérieusement contribué à l’invention nouvelle, mais cette revendication resta sans écho.

Quelques amis conseillèrent alors à Léon Scott de solliciter du Ministre de l’instruction publique, un encouragement pécuniaire, pour la continuation de ses expériences. Mais ses démarches n’aboutirent qu’à une fin de non-recevoir, nettement formulée.

Cette dernière période des tentatives du malheureux inventeur est consignée dans une lettre que Léon Scott m’adressa, le 13 mars 1879, et que l’on me permettra de rapporter ici, car c’est un véritable document historique sur des faits trop peu connus.

Voici donc la lettre de Léon Scott :

Paris, 13 mars 1819.
À Monsieur Louis Figuier,

J’ai reçu l’exemplaire dont vous avez bien voulu me faire don de la vingt-deuxième année de la belle publication scientifique que vous poursuivez avec une perfection qui ne s’est jamais démentie. Vous avez parlé de votre pauvre protégé de 1856, avec ce tact et ce bon cœur que connaissent tous les travailleurs scientifiques, et qui vous fait tant d’honneur. Je vous en remercie de toute mon âme.

Je vous dois, monsieur, un récit succinct de mes démarches pour revendiquer la part qui m’appartient dans l’invention des procédés de la phonographie, et pour poursuivre le but primitif que je m’étais proposé, beaucoup plus important, selon moi, que celui atteint par le phonographe Edison. Vous vous souvenez que je ne voulais pas répéter la parole, mais l’inscrire en caractères acoustiques.

Le constructeur qui, deux ans après les expériences que vous connaissez, s’était adressé à moi, M. Rudolph Kœnig (de Kœnigsberg), s’était arrangé pour s’approprier le produit des brevets et, avec le concours de M. l’abbé Moigno, s’emparer pour lui seul de la coïnvention. C’est là l’écueil de tous les inventeurs qui ne sont pas gens de métier et entrepreneurs.

Comme l’Académie n’avait pas voulu s’intéresser à ma communication du 15 juillet 1861 au sujet de l’inscription au moyen de solides (chaîne artificielle des osselets), je laissai tomber, par découragement, mes brevets en février 1864. M. Kœnig resta maître du terrain et ne fit rien de bon du phonautographe, entiché qu’il était des résonnateurs de M. Helmötz et des flammes chantantes. D’ailleurs, M. Kœnig a toujours été hostile aux travailleurs français.

Quand parut, en décembre 1871, l’invention de M. Edison, proclamée comme la huitième merveille du monde, j’y reconnus immédiatement l’adaptation de cinq des moyens de mon brevet du 25 mars 1857 et du certificat d’addition du 29 juillet 1859. Je me présentai alors chez le célèbre professeur de physique de l’École polytechnique, M. Jamin, qui m’accueillit fort bien, reconnut de très bonne grâce qu’il avait été mis en erreur au sujet de la coïnvention de M. Kœnig et qui me conseilla de m’adresser directement au ministre de l’instruction publique, pour lui demander un subside de deux mille francs, afin de poursuivre mes expériences à partir du point où je les avais laissées en 1861, et en mettant à profit de nouveaux ajustements que j’avais conçus depuis cette, époque.

M. Jamin poussa la bonté jusqu’à me remettre, pour M. le ministre de l’instruction publique (alors M. Bardoux), une lettre ainsi conçue :

« Termes, par Grandpré (Ardennes), 23 septembre 1878.
« Monsieur le Ministre,

« M. Scott de Martinville a imaginé, il y a une dizaine d’années, un appareil nommé phonautographe qui écrit sur un cylindre tournant les vibrations de la parole : cet appareil, qui est dans tous les cabinets de physique, est une des pièces du phonographe.

» M. Edison, à la vérité, a réussi à reproduire la parole avec cette écriture, ce qui est un progrès considérable ; mais M. Scott avait résolu la moitié du problème. C’est un ancien ouvrier typographe, et ce sont des difficultés d’argent qui l’ont arrêté dans des recherches du plus haut intérêt.

» Tout n’est pas fini ; on peut maintenant étudier les relations de l’écriture autographique avec la parole elle-même et apprendre à quelles sortes de vibrations correspondent les diverses voyelles. Cette question, M. Scott croit pouvoir la résoudre ; mais il lui faudrait un secours d’argent que j’ai l’honneur de demander pour lui à Votre Excellence, sachant avec quelle libéralité vous favorisez les études scientifiques. Jamais un meilleur emploi ne pourra être fait des fonds de l’État.

« Veuillez agréer, monsieur le ministre, l’assurance de tout mon respect.

« J. Jamin. »

M. Bardoux accorda une audience à mon ami, M. Jules Baudry, éditeur, qui voulut bien me présenter au ministre. Ce dernier se montra frappé de la lettre de M. Jamin, et me prodigua le baume de ses belles promesses et de ses protestations de bonne volonté. Il renvoya ma demande à un comité existant dans son ministère, pour l’encouragement des études scientifiques.

Le rapporteur était M. Paul Desains, de l’Académie des sciences. Cet excellent homme voulut bien, dans son rapport, conclure à donner satisfaction à ma demande. Mais l’affaire traîna en longueur : un conflit eut lieu entre M. Dumesnil et M. Servaux, chefs, l’un de l’enseignement supérieur, l’autre, des encouragements. Ils épuisèrent d’un seul coup les 250 000 francs disponibles pour les savants en 1879, et, finalement, après sept mois de démarches et d’instances, je reçus, à ma grande déception, la missive suivante au nom du ministre :

MINISTÈRE Paris, 17 janvier 1879.
de
L’INSTRUCTION PUBLIQUE
et des beaux-arts.

« Monsieur, par votre lettre du 3 janvier courant, vous appelez de nouveau mon attention sur l’appareil inventé par vous et qui aurait servi de base à l’invention du téléphone ; par suite, vous demandez qu’une somme de deux mille francs vous soit allouée pour vous permettre d’achever l’appareil sténographe de la parole dont vous êtes également l’inventeur.

« Vos travaux ont été justement appréciés et il serait désireux que l’administration de l’instruction publique pût les encourager.

« Malheureusement, et malgré toutes les demandes qui ont été adressées aux Chambres, il n’existe au budget de mon département aucun crédit qui puisse être affecté à ces sortes de dépenses.

« Je ne puis, en conséquence, que vous exprimer regret de ne pouvoir accueillir favorablement votre demande.

« Recevez, monsieur, l’assurance de ma considération distinguée.

« Le ministre de l’instruction publique,
des cultes et des beaux-arts
.
« Bardoux. »

Vous voyez, monsieur, avec quel sans-gêne et quelle légèreté, on traite, en 1879, les inventeurs nationaux. Supposez, pour un moment, que je fusse en mesure, — comme j’en ai la conviction — de faire faire un pas décisif à la difficile question de la sténographie acoustique, et voilà le bénéfice d’un tel succès perdu pour mon pays, au profit sans doute des intérêts exotiques que M. le comte du Moncel a pris en mains avec une chaleur si étrange et si funeste aux travailleurs français.

Énumérez les récompenses honorifiques, décorations, grandes médailles, produits des conférences dont M. Edison a été comblé ; comparez le résultat avec les sacrifices, les déboires, les contestations dont j’ai été victime pendant tant d’années, pour aboutir, en fin de compte, à l’oubli presque complet et à une gêne voisine de la misère, et demandez-vous de quelle dose d’amour de la science ou de folie de l’invention il faut se sentir possédé pour se lancer dans une pareille carrière et « décrocher les mâts de cocagne » au profit des Yankees.

Je me rappelle, monsieur, toutes les choses excellentes que vous avez dites sur ce sujet et je crains que vous n’ayez qu’un chagrin, celui d’avoir eu trop raison dans vos appréciations. Je vous suis, je vous le répète, infiniment reconnaissant, de votre généreuse protestation en ma faveur.

J’ai l’honneur d’être, honoré monsieur, votre humble, dévoué et reconnaissant serviteur,

Léon Scott de Martinville.

Ainsi éconduit par les bureaux du ministère de la rue de Grenelle, frustré de tout espoir et dénué de ressources, Léon Scott fut forcé de renoncer à la lutte. Quelques années auparavant, il était entré, comme bibliothécaire et conservateur des manuscrits, chez M. Firmin Didot, qui l’employait à étendre sa collection, par des voyages à l’étranger. Ce travail ayant pris fin, il ouvrit, vers 1876, au fond de la cour de la maison n° 9 de la rue Vivienne, une petite boutique de marchand d’estampes, où il vécut pauvrement jusqu’à sa mort, arrivée le 26 avril 1879[2].

Sa veuve a grand’peine à vivre. Elle a une fille aînée, qui donne des leçons de musique, et un fils, qui se prépare aux examens de l’École polytechnique. Elle sollicite un secours de la Société de secours des amis des sciences, fondée par le baron Thénard, pour venir en aide aux veuves et enfants des savants tombés dans l’infortune, et Dieu sait si elle a droit à la charitable attention de cette Société.

D’autre part, on lit dans le Bulletin national d’électricité n° de septembre, 1890 :

« La Compagnie fondée à Londres pour l’exploitation du nouveau phonographe d’Edison, a acheté son brevet 6 millions. »

Sic vos non vobis mellificatis apes.
Sic vos non vobis nidificatis oves.


CHAPITRE II

description du premier phonographe d’edison. — ses avantages et ses défauts.

Ce qui a conduit M. Edison, paraît-il, à la découverte du phonographe, c’est son idée de transmettre automatiquement les signaux du télégraphe Morse. Il voulait effectuer les signaux du télégraphe Morse, au moyen d’un style traceur, sur une feuille de papier entourant un cylindre creusé d’une ramure en spirale. Les dentelures produites par le style devaient, en repassant sous la même pointe, transmettre automatiquement la dépêche.

C’est, après cette application du style traceur à l’enregistrement des signaux du télégraphe Morse, que M. Edison eut l’idée d’enregistrer et de reproduire la parole, dans un instrument, qu’il appela phonographe.

Faisons, en passant, une remarque grammaticale sur le nom de phonographe donné par Edison à cet appareil. En grec, le mot φόνος ne veut pas dire voix, mais meurtre. D’après cette étymologie, phonographe signifierait instrument qui enregistre les meurtres. C’est le mot φωνἠ, qui signifie, en grec, voix. Il faudrait donc dire phonégraphe, et non phonographe, si l’on voulait se conformer au grec.

Fig. 469. — Le phonographe. Vue extérieure.

Quoi qu’il en soit de ce nom, consacré par l’usage, nous dirons que le phonographe ressemble à une serinette ou à une boîte à musique, et nous allons voir qu’au fond, son mécanisme se rapproche de celui de la vulgaire serinette. L’appareil se compose, comme le montre la figure 469, d’un cylindre en cuivre C, disposé horizontalement, et soutenu par un axe, que l’on fait manœuvrer avec une vis V. Cette vis tourne dans un écrou, lequel fait avancer ou reculer le cylindre C. Une manivelle, B, permet de faire tourner le cylindre C, lequel, tout en tournant, avance ou recule, suivant le sens dans lequel on fait agir la manivelle.

Une embouchure, D, est fixée sur le cylindre.

Au fond de cette embouchure se trouve un diaphragme métallique, semblable à celui du téléphone, et dont le centre porte, comme la lame vibrante du téléphone, une pointe en métal, regardant le cylindre et peu distante de celui-ci.

Quand on parle dans l’embouchure D (fig. 469), les vibrations de la voix doivent faire vibrer la membrane métallique placée à l’orifice de l’embouchure, et le style fixé à cette membrane, doit tracer une spirale sur la surface du cylindre, si, pendant que cette membrane vibre par l’effet de la voix appliquée sur l’embouchure, la main droite de l’opérateur agit sur la manivelle B, pour faire tourner le cylindre, lequel avance tout à la fois, comme il vient d’être dit, en ligne droite et horizontalement.

Or, autour du cylindre C, on a, d’avance, appliqué une feuille d’étain, et l’on a tracé sur cette bande de feuille d’étain une rainure, un sillon creux, en forme de spirale.

Pour régler la pression suivant laquelle la pointe traçante doit s’appuyer sur la bande d’étain, et y imprimer des marques correspondant aux vibrations de la voix, on se sert d’un petit système articulé dont on comprendra bien le jeu, grâce à la figure 470 qui donne une coupe verticale de la moitié de de cet appareil.

Fig. 470. — Détails du cylindre, de l’embouchure et de la lame vibrante du phonographe d’Edison.

A, Vis servant à fixer le bâti B après que l’on a réglé la pression de la pointe traçante P. — C, B, Bâti supportant l’embouchure V, la lame vibrante L et la pince S. — E, Vis servant au réglage de la pression, de la pointe traçante sur la feuille d’étain. — L, Lame vibrante qui donne l’impulsion au ressort r supportant la pointe traçante P. — M, Poignée servant à faire avancer ou à reculer le bâti B. — N, Manivelle à l’aide de laquelle on fait tourner le rouleau R, au fur et à mesure que l’on parle. — P, Pointe traçante servant à imprimer sur la feuille d’étain les vibrations que la voix communique à la lame L. — R, Rouleau sur lequel est enroulée la feuille d’étain qui doit enregistrer les paroles prononcées dans l’embouchure V. — S, Pince qui est fixée au bâti B pour supporter le ressort r. — V, Embouchure au-dessus de laquelle on parle pour faire vibrer la lame L. — E, Ouverture faisant communiquer l’embouchure V avec la lame vibrante L. — r, Ressort auquel est fixée la pointe traçante P.

Le petit pilier B (fig. 470) supporte la lame vibrante L, placée près de l’embouchure V. Ce système de support se compose du levier articulé B, et d’une rainure dans laquelle s’engage une vis A. La lame vibrante L, placée dans l’embouchure V, est supportée en bas par une large pince r, Un manche M, en rapport avec le levier B, permet, quand on desserre la vis A, de faire avancer ou reculer la pointe traçante placée dans l’embouchure. Pour régler la pression de la pointe traçante, il suffit donc de tirer plus ou moins le manche M et de serrer fortement la vis A, quand on a obtenu le degré convenable de pression.

Quand on parle dans l’embouchure V, tout en tournant la manivelle, comme le montre la figure 470, le diaphragme métallique se met à vibrer, et la pointe qu’il porte vient toucher la feuille d’étain, à l’endroit où elle passe sur le sillon en spirale. Lorsque la membrane et le style exécutent leurs vibrations, la feuille d’étain n’est pas toujours frappée par le style ; alors, les traits imprimés sur la feuille d’étain sont dentelés. Ces dentelures sont la reproduction exacte de vibrations des sons qui les ont produites.

Il reste maintenant à répéter, à faire entendre les paroles ainsi imprimées sur le papier d’étain.

Les sons émis par la voix sont représentés, comme nous venons de le dire, par des vibrations, qui ont été enregistrées sur le métal. Il faut que ces vibrations renaissent au dehors, sous la forme des sons primitifs.

La première condition, c’est d’exécuter la reproduction des sons dans la même durée de temps qu’elles ont été faites, c’est-à-dire qu’il importe de faire tourner le cylindre avec la même vitesse qu’il avait pendant qu’il inscrivait les vibrations sonores.

Pour la reproduction des sons de la voix, c’est tout simplement le même appareil qui les reforme, par le même moyen qui avait servi à les enregistrer. Le phonographe enregistreur est le même que le phonographe répétiteur.

La machine parle au moyen de la feuille d’étain enroulée et de la pointe qui, appliquée de nouveau à sa surface, fait de nouveau vibrer la membrane métallique. Les vibrations de celle-ci sont traduites au dehors et amplifiées par l’intermédiaire de l’embouchure à laquelle on peut appliquer un porte-voix en carton mince.

Fig. 471. — Reproduction des sons de la voix.

Cette reproduction de la voix correspond donc à sa réception par le phonographe. La pointe qui touche le cylindre tournant, reçoit de lui les soubresauts que lui avait imprimés la membrane mise en mouvement par la voix, et les mouvements de la marche du cylindre sur la feuille d’étain agissent sur la membrane de manière à lui faire répéter les sons qu’avait émis la voix, sous l’impulsion des lèvres. C’est ce que représente la figure 471.

Ainsi, le mécanisme est, comme nous le disions en commençant, très analogue à celui des serinettes, des orgues de Barbarie et des boîtes à musique. Dans le phonographe, la machine inscrit elle-même les sons sur le cylindre, puis elle traduit en voix ce qu’elle a inscrit en petites aspérités sur ce cylindre.

On met donc, avec le phonographe, la parole en portefeuille.

Dans l’échelle musicale, la hauteur des sons dépend du nombre des vibrations fournies par le corps vibrant dans un temps donné. Conséquemment, la parole peut être reproduite par le phonographe sur un ton dont l’élévation dépend de la vitesse de rotation que l’on donne au cylindre. Cette vitesse est-elle la même que celle de l’enregistrement, le ton des paroles reproduites est le même que le ton des paroles prononcées. Si cette vitesse est plus grande, le ton est plus bas.

Comme les appareils tournés à la main, n’ont pas de mouvement très régulier, il en résulte que la reproduction du chant est toujours défectueuse. L’instrument chante faux, ou ne donne que des sons peu perceptibles.

Un horloger, M. Hardy, a muni le phonographe d’un mouvement d’horlogerie, qui rend égaux les deux mouvements de réception et de répétition, et avec cette addition le phonographe chante juste.

Quand la parole a été ainsi enregistrée, la théorie indique qu’on peut la reproduire plusieurs fois ; mais à chaque fois les sons deviennent plus faibles et plus confus, parce que les accidents de la feuille métallique vont en s’affaiblissant, , à mesure que le nombre des reproductions est multiplié.


CHAPITRE III

le nouveau phonographe d’edison. — ses applications.

Malgré l’espoir et les annonces de l’inventeur, le phonographe est resté à peu près sans application, pendant dix années. On pourrait même dire qu’il fut complètement oublié dans cet intervalle, aucune application pratique n’étant venue le faire passer dans les habitudes générales, à l’instar du téléphone. Dans les cours de physique, le professeur exhibait devant son auditoire, la petite serinette à répétition, venue d’Amérique. Il amusait l’assistance, en faisant redire à l’instrument des paroles ou des chants qu’il venait de prononcer devant le cylindre d’étain, en faisant sortir de la musique, des chants, ou de petits rouleaux métalliques qu’il passait dans l’instrument. Mais c’était tout. Le public qui, en 1878, s’était passionné pour cette invention, l’avait absolument perdue de vue, dix années après.

Fig. 472. — Exhibition du phonographe dans les cours et conférences (inscription des sons).
Fig. 473. — Exhibition, du phonographe dans les cours et conférences (répétition des sons).

C’est sans doute cette indifférence qui, blessant l’amour-propre de l’inventeur, l’amena à reprendre, pour le perfectionner, l’appareil de 1878.

Comme on l’a vu par les dessins que nous en avons donnés, cet appareil est formé de trois parties : un pavillon de réception pour la voix, avec une plaque vibrante, un cylindre cannelé en hélice portant une feuille de papier d’étain, sur laquelle s’inscrivent les vibrations de la plaque, et un pavillon d’émission qui reproduit ces vibrations. L’arbre du cylindre porte une vis de même pas que l’hélice de la surface, de manière que la pointe de la plaque du récepteur puisse parcourir la feuille d’étain lorsqu’on tourne la manivelle.

Cet instrument permettait, comme nous l’avons dit, de recevoir et de reproduire la parole, mais imparfaitement. Les sons avaient un nasillement très désagréable.

Dans le nouvel instrument que M. Edison annonçait, en mai 1888, dans les journaux des deux mondes, il y a un récepteur et un transmetteur, comme dans l’appareil primitif.

Par son aspect il ressemble à un tour d’ébéniste. L’arbre principal est fileté entre ses supports, et prolongé à l’un des bouts, pour recevoir un cylindre en cire durcie, sur lequel doivent s’imprimer les vibrations de la voix. Parallèlement à l’arbre du cylindre, est disposée une tige à coulisse, sur laquelle est un arbre creux. Ce dernier porte, à l’une de ses extrémités, une tige, munie d’un écrou, qui embrasse la partie filetée de l’arbre principal, et à l’autre une pièce articulée pourvue de deux diaphragmes, dont les positions respectives peuvent, être interchangées à volonté et instantanément. Dans le diaphragme employé comme récepteur, la pointe qui imprime sur le cylindre de cire est fixée au centre dudit diaphragme, et peut osciller dans le sens vertical ; elle tend à être ramenée dans sa position primitive par un ressort fixé à gauche sur la paroi de la boîte. Dans le diaphragme transmetteur, la pointe fait partie d’une tige articulée sur la paroi de la boîte et repose, par son propre poids, sur le cylindre ; elle transmet au diaphragme les vibrations par l’intermédiaire d’un fil d’acier recourbé. Les deux plaques vibrantes sont en baudruche.

La tige qui porte les diaphragmes est munie d’une raclette tournante, destinée à aviver la surface du cylindre en cire.

Le mouvement est donné à l’arbre au moyen de cônes de friction actionnés par un petit moteur électrique, placé sur la table qui supporte l’appareil.

Le courant est fourni par une ou deux piles au bichromate de potasse. Un régulateur très sensible maintient une vitesse uniforme.

On commence par faire manœuvrer la raclette, pour nettoyer le cylindre en cire ; puis on arrête sa marche, et on place la pièce qui porte les diaphragmes dans la position de départ, en mettant en action le récepteur seul. On donne alors le mouvement au cylindre, qui tourne devant la pointe.

Lorsque l’impression est terminée, on arrête la machine, on ramène l’appareil au départ, et on remplace le récepteur par le transmetteur. La pointe repasse par les empreintes laissées sur le cylindre, et reproduit dans le diaphragme les vibrations correspondantes.

Les résultats sont assez satisfaisants. L’articulation est nette et distincte, ainsi que la reproduction des inflexions de la parole, du ton et des modulations. Cela est dû à la régularité du mouvement et à la propriété que possède le cylindre de cire de recevoir les empreintes et à la délicatesse du récepteur.

On voit dans la figure 474, l’opérateur inscrivant les sons de la voix dans le nouveau phonographe.

Fig. 474. — Le nouveau phonographe d’Edison.

Cet appareil fonctionna à Bath, pendant la réunion de l’Association britannique, qui se tint dans cette ville au mois de septembre 1888.

Les physiciens anglais et étrangers reconnurent que le transport de la voix n’était pas à mettre en doute, et que sa conservation indéfinie est un fait acquis. Cependant la reproduction de la parole n’est parfaite qu’à la condition de mettre à son oreille deux tuyaux acoustiques, terminés chacun par une petite ampoule de verre : ce qui est un pas en arrière, car dans le phonographe primitif la voix se faisait entendre sans l’emploi d’aucun cornet acoustique.

On peut embrancher plusieurs paires de petits tubes acoustiques sur un tube unique, mais plus le nombre des auditeurs est grand, moins bien on entend. Si la parole de l’opérateur est nette et rigoureuse, l’effet de la reproduction par l’instrument est parfait et produit l’illusion des sons de la voix et du chant.

Mais le phonographe ne peut rendre que ce qu’on lui à confié : le son ne s’améliore point parce qu’on l’a mis en bouteille. C’est ce qui fait que quelques personnes ont cru que le phonographe jouait faux, et chantait faux.

Pour juger de sa véritable puissance de reproduction, il ne faut pas s’en rapporter aux phonogrammes qui nous viennent d’Amérique, il faudrait avoir sous l’oreille les sons originaux et leur reproduction dans les tubes phonographiques.

Le phonographe peut parler fort, et se faire entendre de toute une salle. Mais il faut se servir d’un porte-voix, qui donne une sorte de voix de polichinelle. Pour entendre la reproduction parfaite de sons originaux, il faut mettre, comme nous le disons plus haut, à son oreille deux tuyaux acoustiques, terminés chacun par une ampoule en verre.

Cependant, lorsqu’on est en tête à tête avec le phonographe, et que l’impression a été vigoureuse, bien nette et bien entaillée sur la cire, par une émission vigoureuse, l’effet est excellent.

Le nombre de mots qu’on peut mettre sur le tube qui reçoit les empreintes, peut aller jusqu’à mille. Mais un long discours ne serait pas entendu facilement. On devra donc se borner à des morceaux assez courts, et parfaitement prononcés. Si on veut se faire entendre dans toute l’étendue d’une salle, il faut, comme on l’a dit plus haut, employer un porte-voix métallique, et mettre le tube à l’oreille de chaque auditeur ; ce qui est un inconvénient, parce qu’avec cet intermédiaire, les sons se trouvent modifiés désavantageusement. Voilà pourquoi le tuyau acoustique adapté à un instrument pour chaque personne est nécessaire pour entendre la reproduction de la parole dans toute sa perfection.

En résumé, un progrès a été fait sur l’ancien instrument, mais il n’est pas en rapport avec ce qui avait été annoncé dans les prospectus lancés d’Amérique.

Le nouveau phonographe d’Edison fut une des curiosités de l’Exposition universelle de 1889.

Fig. 475. — Le nouveau phonographe d’Edison à l’Exposition universelle de 1889.

Sur une table étaient déposés, avec le phonographe (fig. 475), des manchons de cire très mince, pouvant enregistrer chacun plus de mille mots, et les reproduire avec une certaine netteté, — et des appareils transmetteurs, composés d’un tube en caoutchouc, se divisant à son extrémité en deux branches, munies d’ampoules de verre, que l’auditeur introduisait dans ses oreilles. Des groupes de visiteurs assis autour de la table ; d’autres groupes, debout entre des barrières, attendaient leur tour, pour aller entendre le phonographe s’exprimer dans tous les dialectes connus.

Lorsqu’on voulait parler dans le phonographe, on revêtait d’un manchon de cire, le cylindre métallique qui glisse sur une rainure graduée ; on fixait un petit cornet acoustique sur le diaphragme, membrane de métal très peu épaisse, mise en mouvement par un mécanisme très simple, qu’actionnait une pile électrique. On mettait l’appareil en action ; le manchon tournait rapidement ; la membrane, impressionnée par les sons, vibrait, et l’aiguille dont elle est munie à sa partie inférieure, traçait sur la cire des séries de points et de traits imperceptibles.

Quand, au contraire, on désirait recueillir les sons émis à distance par plusieurs personnes, des chanteurs ou des instrumentistes, on employait, non plus un cornet acoustique, mais un entonnoir, proportionné à la masse des sons à emmagasiner, et le tube en caoutchouc dont nous avons parlé servait de transmetteur entre le phonographe et l’auditeur.

On plaçait sur le cylindre métallique un des manchons de cire qui avait enregistré les sons : l’appareil était mis en mouvement, et l’aiguille, repassant dans les trous et les traits tracés sur le manchon au fur et à mesure de la réception des sons, les transmettait au diaphragme, qui les répercutait. C’était l’opération inverse de la précédente, et l’appareil répétait le phonogramme autant de fois qu’on le désirait.

Passons aux applications dont le nouveau phonographe serait susceptible, selon l’inventeur, qui énonçait les propositions suivantes, dans une communication adressée, en juin 1889, à l’Académie des sciences de Paris :

1° On peut dicter la correspondance et la faire transcrire à loisir par un employé ne sachant qu’écrire et épeler correctement ; on peut la faire transcrire par le typographe, ou la faire imprimer directement, ce qui a déjà été fait en Angleterre et en Amérique.

2° On peut transmettre sa voix par la poste, au moyen du phonogramme. La voix de celui qui parle s’entend avec ses propres inflexions.

3° Les hommes d’État, les avocats, les prédicateurs et orateurs, peuvent étudier leurs discours, ayant l’avantage inappréciable d’enregistrer leurs idées au fur et à mesure qu’elles se présentent, avec une rapidité que l’articulation seule peut égaler. Ils peuvent surtout s’entendre parler, comme les autres les entendent. Les acteurs, les chanteurs, peuvent répéter leurs rôles, et sont en mesure de corriger eux-mêmes leur articulation et leur prononciation.

Les journalistes peuvent parler, au lieu d’écrire, leurs articles, qui peuvent être imprimés directement. La voix des hommes célèbres peut être conservée à l’infini, aussi bien que les derniers adieux d’un mourant, ou les paroles d’un parent que l’on aime.

Grâce aux perfectionnements qui lui ont été apportés, le phonographe reproduit fidèlement la voix humaine, prononce nettement les diphtongues les plus difficiles, répète tous les bruits, même la musique d’un orchestre.

Nous avons entendu, à l’Exposition, des romances qui avaient été chantées plusieurs semaines auparavant dans l’atelier d’Edison, et la voix de la cantatrice, ainsi emmagasinée pendant un mois, n’avait rien perdu de sa fraîcheur.

Le phonographe parle toutes les langues. Le prince Taïeb-bey lui adressa la parole en arabe, et Mistral en provençal : le phonographe répéta leur conversation avec toutes les inflexions de voix et l’accent de chacun de ses interlocuteurs.

M. Edison regrettant qu’on ne pût conserver avec fidélité la voix et les intonations de nos hommes célèbres, orateurs, savants ou musiciens, a eu l’idée de faire des phonogrammes, qui recueilleraient leur discours ou leurs chants, pour les générations futures.

On assure que l’Institut songe à aménager une sorte de bibliothèque, dans laquelle seront déposés des manchons destinés à enregistrer la voix de ses membres. Ce ne sera pas un des moindres prodiges de l’avenir, que de faire parler les morts.

Mentionnons ici une application intéressante du phonographe au diagnostic des maladies de l’oreille.

L’examen fonctionnel de l’ouïe est d’une grande importance pour le diagnostic et le pronostic des maladies de l’appareil auditif.

Les sources sonores employées jusqu’à ce jour, pour mesurer l’acuité auditive, ne remplissent pas les conditions d’un bon acoumètre. La voix humaine, qui nous donnerait la meilleure idée de l’acuité auditive, est une source sonore qui n’est pas constante chez le même médecin, et encore moins chez les différents médecins. Son emploi exige aussi des appartements très vastes.

Le nouveau phonographe d’Edison remplit toutes les conditions d’un bon acoumètre, ainsi que l’a montré M. Lichtwitz.

1° Il émet tous les sons et bruits perceptibles pour une oreille normale, et surtout la parole, avec toutes ses inflexions. On peut donc, à l’aide du phonographe, composer des phonogrammes, susceptibles de servir d’échelles acoumétriques, à l’instar des échelles optométriques. Sur ces phonogrammes sont inscrits les voyelles, les consonnes, syllabes, mots et phrases, d’après leur intensité et d’après leur valeur acoustique, telle qu’elle a été établie par O. Wolf, et qui contiendront de plus toutes les gammes des sons musicaux.

2° Le phonographe est une source sonore à peu près constante, puisqu’il est capable de reproduire un nombre presque illimité de fois la parole inscrite. Il permet donc de comparer l’acuité auditive des différents malades, et chez le même malade à différentes époques de sa maladie.

3° Les phonographes étant des appareils d’une construction identique, reproduiront, avec la même intensité et le même timbre, les phonogrammes uniformes. Il suffira d’approcher d’un phonographe reproduisant un phonogramme étalon, et, à une distance fixe, un second phonographe, qui reproduira un nombre considérable de phonogrammes identiques.

Grâce à l’uniformité des phonographes et des phonogrammes, les médecins auristes de tous les pays pourront comparer entre eux les résultats de leurs examens de l’ouïe.

4° L’emploi du phonographe est facile et il n’exige ni trop de temps ni de trop vastes espaces. On fait entendre à l’oreille malade, munie du tube acoustique du phonographe, les différents phonogrammes, l’un après l’autre. On descend dans l’échelle acoumétrique jusqu’à ce qu’on soit arrivé au phonogramme que le malade n’entend plus, et qui indique la limite de l’acuité auditive.

Cette méthode diffère de celles employées jusqu’à présent, en ce que la source sonore reste toujours à la même distance de l’oreille, et que c’est l’intensité du son qui varie seule. L’examen est limité à une oreille et n’est pas troublé par des bruits ambiants.

Signalons une autre application : l’emmagasinage, par le phonographe, des gestes et des jeux de la physionomie.

Une personne parle devant le phonographe. Elle fait, en parlant, des gestes et des mouvements de physionomie. M. Guéroult croit qu’il serait possible d’emmagasiner ces gestes et ces mouvements, de façon à pouvoir les reproduire plus tard, en correspondance exacte avec les paroles prononcées, et même à pouvoir les transmettre à distance.

M. Guéroult suppose qu’au moment où le cylindre du phonographe commence à tourner, on prenne, de la personne qui parle, des photographies instantanées, à intervalles égaux, d’un dixième de seconde chacun. Si la révolution du cylindre s’opère en trente secondes, par exemple, on aura 300 photographies. Une fois développées, on les dispose sur un phénakisticope, faisant lui-même sa révolution en 30 secondes. Les photographies passant successivement devant l’œil de l’observateur, avec une vitesse d’un dixième de seconde, l’appareil reproduira tous les mouvements de la personne, en vertu du principe de la persistance des impressions de la rétine. Et comme il n’y a pas de syllabe qui, pour être prononcée, demande moins d’un dixième de seconde, les gestes et les jeux de physionomie suivront exactement le mouvement de la parole reproduite par le phonographe. Il serait donc possible, pour un acteur ou un orateur par exemple, de reproduire, au bout d’un temps quelconque, tout à la fois le texte et l’action d’un discours.

Dans un article inséré au mois de septembre 1890, dans le recueil la Science illustrée, M. W. de Fonvielle énumérait comme il suit les applications les plus récentes de l’instrument du physicien de New-York :

Les applications du phonographe ne sont pas encore aussi nombreuses que M. Edison l’avait supposé lors de la reprise de ses travaux en 1888, à la section de Bath de l’Association britannique, cependant nous avons à enregistrer un développement très remarquable dans la direction signalée par l’inventeur.

En Amérique, il s’est formé un grand nombre de compagnies concessionnaires, qui ont tenu au commencement de juin 1890, un meeting à Chicago, et adopté des résolutions importantes. Elles ont mieux fait que de pérorer, elles ont donné l’exemple d’un progrès bien remarquable, et menaçant même l’industrie des sténographes.

Tous les discours ont été phonographiés par des opérateurs qui répétaient à voix basse dans le tube d’un instrument, ce qu’ils entendaient. Lorsqu’un cylindre était fini, il était rapidement transporté par un assistant dans un autre appareil, et servait à dicter les phrases recueillies à un autre opérateur chargé de mener une machine à imprimer. C’était la répétition en grand de l’expérience à laquelle le public assistait en 1889 dans la galerie des Machines, lorsqu’il s’arrêtait devant une partie de l’exposition d’Edison.

La marche de l’opération a été si satisfaisante, que c’est de la sorte que le compte rendu du meeting a été imprimé.

Quelques jours après le phonographe a donné la preuve de la rapidité avec laquelle il peut rivaliser avec les meilleurs sténographes. C’est ainsi que l’on a recueilli à l’auditorium de Chicago, le discours de M. Depeu, célèbre orateur new-yorkais, qui faisait une excellente conférence sur l’exposition de 1863, et donnait son adhésion au choix fait par le congrès de Washington.

La rapidité a été tellement grande que tous les journaux de Chicago recevaient des épreuves de l’exorde avant que M. Depeu ait eu le temps de commencer sa péroraison.

Il est vrai que les sténographes de nos assemblées délibérantes ne sont pas de pures machines, et qu’ils remettent sur pied les discours prononcés, à la tribune nationale. Les harangues de nos honorables ne nous arrivent qu’après un véritable travail orthopédique et un épluchage cacographique ; bien peu de députés et de sénateurs sont à même de se passer de ce véritable blanchissage. Il n’en était pas de même à Chicago, où M, Depeu, parfaitement maître de sa parole, et de son sujet, avait la même correction que jadis Jules Favre, et n’avait pas besoin de correcteur.

On a employé en Amérique le phonographe à un usage auquel nous ne croyons pas que l’on puisse adresser une objection quelconque. En effet, on s’en est servi pour recueillir les chants de guerre et les traditions de plusieurs tribus indiennes qui sont sur le point de disparaître. Ces impressions phonographiques seront conservées dans un musée de Washington, et serviront aux études linguistiques comparées des générations futures.

Dans un grand nombre d’écoles des États-Unis on commence à faire un emploi constant du phonographe pour l’étude des langues étrangères, afin de bien mettre dans l’oreille des élèves les articulations difficiles.

Lors de la fête du 4 Juillet, anniversaire de la déclaration d’indépendance des États-Unis, M. le colonel Gouraud a fait entendre aux Américains la voix de M. Harrison, le président actuel. Comme il ne peut quitter le sol de l’Union pendant toute la durée de sa législature, le représentant d’Edison en Europe a eu raison de dire, que c’était la première fois qu’on entendait de ce côté de l’Atlantique des paroles prononcées par l’hôte de la Maison-Blanche.

On doit dire cependant, pour rendre hommage à la vérité, que les articulations laissaient à désirer. Quoique M. Harrisson ait la voix faible, cette circonstance n’aurait pas nui, si l’honorable président avait parlé avec une netteté suffisante. Ce n’est pas tant le volume de la voix, que la modulation des sons qui est indispensable. Le phonographe rendra aux orateurs, aux acteurs et aux hommes d’État, la même nature de services qu’un miroir aux coquettes.

Le mariage de M. Stanley, qui a été célébré le 12 juillet 1890, à l’abbaye de Westminster, avec une pompe royale, a donné lieu à d’autres expériences phonographiques internationales. Deux phonographes ont été placés dans l’abbaye de Westminster, pendant la cérémonie. L’un d’eux, mis en opération près de l’orgue, a reçu l’impression de la marche nuptiale. Il a été remis au célèbre explorateur comme un cadeau de noces de M. Edison. L’autre restera dans les mains de M. le colonel Gouraud, qui s’en servira dans sa communication à l’Association britannique dans sa session du mois de septembre. On l’a fait fonctionner dans le clocher, et il a conservé l’impression du joyeux carillonnage.

Nous pensons que ces sonneries, dont on dit merveille, viendront à Paris, et retentiront aux oreilles des membres de l’Académie des sciences.

Mme Patti avait toujours refusé obstinément de chanter dans un phonographe. Les journaux américains prétendent qu’à Chicago même, le jour où elle a eu tant de succès à l’auditorium, on est parvenu, à l’aide d’un phonographe bien placé et habilement dissimulé, à lui voler ses plus belles notes. Si cela n’est pas vrai, c’est au moins bien trouvé.

Une curieuse application industrielle du phonographe a vu le jour en 1890. Nous voulons parler de la poupée phonographe, qui fit fureur en Amérique, à cette époque. Nous allons décrire, avec les figures à l’appui, cette amusante application.

Fig. 476. — La poupée phonographe.

On voit dans la figure 476 la poupée, qui ressemble à tous les jouets de ce genre. Voici en quoi consiste le mécanisme qui la fait parler.

Fig. 477. — La poupée nue.

Le corps est en fer-blanc, l’intérieur est creux, la partie supérieure de la poitrine est disposée comme un fond d’écumoire, percée de trous nombreux et d’assez fort calibre. Voilà pour le contenant.

Quant au contenu, la pièce capitale se compose d’un mécanisme d’horlogerie se remontant avec une clef (fig. 477), et actionnant un tambour en communication par un style, avec la plaque de résonance et de vibration d’un électro-aimant.

Fig. 478. — Appareil recevant l’impression des sons.

Ceci posé, La description est facile et se comprend aisément. Un volant armé d’une courroie sert à régulariser le mouvement d’ensemble d’un tambour T (fig. 478). Sur ce tambour est appliquée et s’enroule une feuille de gutta-percha. Un pavillon, P, reçoit les paroles et inflexions de la voix destinées à s’inscrire sur la surface du tambour.

Dans une immense salle, des jeunes filles sont assises sur des bancs séparés les uns des autres. Enfilés devant elles, sur une tige qui glisse, les tambours passent successivement devant un porte-voix. Ainsi que le montre la figure 479, la jeune fille cause, chante, rit ou pleure devant le porte-voix ; elle y psalmodie des airs populaires, et au fur et à mesure, ces vibrations, au moyen de la tige, se gravent dans la gutta-percha qui enveloppe le tambour, en formant des creux qui plus tard, feront vibrer au passage le style de la plaque résonnante dans la poupée.

Fig. 479. — La parleuse.

La jeune fille s’arrête. C’est fait, le tambour est armé. Il n’y a plus qu’à l’introduire dans le corps de la poupée, monté sur le mécanisme d’horlogerie (fig. 477) qui le fera mouvoir.

Deux tours de clef donnés par un trou dissimulé dans le dos, et le volant se mettra en marche, entraînant avec lui le tambour qui glissera à gauche ou à droite sur son arbre, pressé par le ressort.

Dans ce mouvement, les creux de la gutta-percha feront, au passage, trembler le style, lequel, à son tour, transmettra ses vibrations à la plaque, d’où elles s’échapperont, sous forme de sons articulés, par le cornet supérieur appliqué contre les trous de la poitrine de la poupée.

Le jouet parlera et répétera automatiquement et à volonté l’air ou les paroles gravés sur la gutta-percha.

On le voit, c’est en définitive un phonographe très simplifié, introduit dans un jouet, et l’illusion complète la vraisemblance. Quelle joie pour les petites filles !

Fig. 480. — Magasin d’habillement et d’emballage des poupées phonographiques.

La figure 480 nous montre l’intérieur du magasin d’habillement et d’emballage des poupées phonographiques.

L’usine Edison peut fabriquer chaque jour 500 poupées, dont toutes les pièces sont soigneusement-numérotées et repérées, pour pouvoir être changées en cas d’avarie. Chaque poupée a, sur la boîte qui la contient, son nom et le catalogue des airs qu’elle chante ou des morceaux qu’elle récite. Elle pourra devenir à la fois un moyen d’amusement et un instrument d’étude pour l’enfant.


Fig. 481. — Le photophone.

CHAPITRE IV

le photophone.

À l’invention du phonographe d’Edison, qui a fait le sujet des deux chapitres précédents, nous croyons devoir adjoindre une découverte extraordinaire due à un autre savant américain. Nous voulons parler du photophone, dont M. Graham Bell, l’inventeur du téléphone, fit en 1880 la prodigieuse découverte.

Nous disons la prodigieuse découverte. Il est impossible, en effet, de concevoir une plus brillante invention. M. Graham Bell a fait parler la lumière !

Ces mots suffisent pour faire apprécier l’immense originalité, et en même temps la portée extraordinaire de cette invention. Un rayon de lumière vient remplacer, comme transmetteur du son, les corps solides, liquides ou gazeux. Un rayon de soleil ou de lumière électrique fait l’office de conducteur métallique, pour transmettre les sons du téléphone. Cela confond vraiment l’imagination !

Les découvertes qui ont vu le jour à la fin de notre siècle, le téléphone, le phonographe, le microphone, le photophone, nous dévoilent une branche toute nouvelle de la physique, un ordre de faits dont les anciens physiciens n’avaient aucune idée. Il s’agit de phénomènes qui se passent dans l’intimité des molécules des corps, et qui se traduisent par des effets d’induction électrique ou électro-magnétique, ou par diverses vibrations des molécules d’une prodigieuse sensibilité, se manifestant pourtant au dehors et produisant des effets physiques extérieurs appréciables. Dans tous ces phénomènes nouveaux, on voit l’électricité jouer le rôle de la chaleur, la chaleur se changer en électricité, l’électricité produire le son, et venir, à son tour, produire les vibrations sonores. On voit, en un mot, les forces physiques se remplacer, se suppléer l’une l’autre ; ce qui amène à conclure, par des faits indiscutables, à l’identité de toutes ces forces, c’est-à-dire à ce que l’on a appelé, avec raison, l’unité des forces physiques.

En raison de leur siège, qui se trouve dans l’intimité des molécules et en raison du peu de temps qui s’est écoulé depuis qu’ils se sont révélés aux savants, ces phénomènes électriques et électro-magnétiques, ces effets d’induction, ces vibrations moléculaires, sont souvent difficiles à expliquer par les lois actuellement connues dans la science. Il est donc sage de ne pas faire encore trop de théorie, de ne pas se presser de chercher des explications. Ce qu’il importe, c’est d’enregistrer les faits acquis, surtout quand ils se traduisent par la construction d’instruments de physique.

Tel est le cas du photophone de M. Graham Bell, dont la théorie physique est difficile à donner, et qu’il faut pour le moment se borner à faire connaître dans ses dispositions et dans ses effets. C’est ce que nous allons faire.

Le mot photophone est formé de deux mots grecs : φῶς, lumière, et φωνή, voix. L’appareil auquel M. Graham Bell a donné ce nom, bien justifié, sert à transmettre les sons, et surtout ceux de la voix humaine, au moyen de la lumière. Les rayons lumineux sont le véhicule au moyen duquel le son se transmet à distance.

M. Graham Bell a trouvé le moyen de convertir les vibrations lumineuses en vibrations sonores. Il a mis en évidence ce grand fait, que les vibrations lumineuses produisent un son, quand elles sont suffisamment rapides.

Le principe général du photophone, l’instrument pratique dont la construction a été la conséquence de la découverte de ce fait fondamental, peut se résumer comme il suit.

Prenons un miroir concave, sur lequel tombe un rayon lumineux, et parlons derrière ce miroir ; la surface du miroir réfléchissant variera dans sa forme, sous l’influence des vibrations vocales, et le rayon incident variera d’intensité au point d’incidence, suivant que la courbure du miroir vibrant s’atténuera ou s’exagérera. Si maintenant on recueille à distance sur un miroir plan, le rayon réfléchi, on y percevra la trace de ces variations d’intensité, et, par des dispositions particulières de l’appareil récepteur, ces variations d’intensité pourront produire, à leur tour, des vibrations sonores, identiques aux vibrations vocales du départ. Les sons de la voix seront donc transmis à distance, sans aucun autre intermédiaire que le rayon lumineux.

Ainsi, tandis que le téléphone nécessite des conducteurs métalliques, pour joindre entre elles les deux stations en correspondance, dans le photophone le récepteur est tout à fait indépendant du transmetteur. Un faisceau de lumière traversant l’espace d’un poste à l’autre, sans rencontrer d’obstacle opaque, suffit pour produire l’effet cherché. Cette condition n’est même pas absolue ; car certaines substances qui forment écran n’empêchent pas toujours les communications verbales de s’établir par l’intermédiaire du rayon lumineux.

Le principe sur lequel est basé le photophone était connu depuis un certain temps. En 1873, M. Willoughby Smith avait constaté que le corps simple connu sous le nom de sélénium, et qui appartient à la famille chimique du soufre, présente une résistance bien plus faible au passage du courant électrique, lorsqu’il est exposé à la lumière que lorsqu’il est dans l’obscurité. En d’autres termes, M. Willoughby Smith avait découvert que le sélénium exposé au soleil est conducteur de l’électricité, et qu’il ne la conduit pas s’il est dans l’obscurité.

Bien des essais furent tentés pour mettre à profit cette singulière propriété du sélénium. Nous n’entrerons pas ici dans les détails relatifs à ces recherches, afin d’arriver tout de suite à la description de l’appareil de M. Graham Bell.

Pour, rendre sensibles les propriétés du sélénium, cet ingénieux physicien dispose comme il suit l’expérience.

Un crayon de sélénium EF (fig. 481) est placé dans le courant continu d’une pile voltaïque, P, et introduit, en même temps, dans le circuit d’un téléphone, NN, propre à transmettre les sons de la voix. On fait tomber sur le crayon de sélénium qui se trouve au foyer F d’un grand miroir concave, M, un faisceau lumineux, que l’on éclipse un grand nombre de fois en une seconde de temps, grâce au miroir concave tournant A qui est éclairé par le miroir plan B. Ce sont donc des émissions lumineuses successives et très rapprochées. Chacune de ces émissions occasionne une variation dans la résistance électrique du sélénium, placé au foyer du grand miroir concave, M, et par suite dans l’intensité du courant dont le circuit est le siège. Le téléphone placé dans ce circuit subit de cette manière des alternatives d’aimantations et de désaimantations correspondantes. Admettons qu’il se produise de la sorte 435 éclairs, il en résultera un nombre égal de variations dans le courant, et la plaque du téléphone récepteur exécutera 435 vibrations, c’est-à-dire donnera la note la du diapason normal.

Pour transmettre de même la voix humaine, M. Bell dispose deux petites lames voisines et parallèles, percées de fentes étroites, en regard l’une de l’autre, permettant à un faisceau lumineux de les traverser librement. L’une de ces lames est solidaire d’un support fixe, l’autre dépend d’une membrane téléphonique mince à laquelle elle est perpendiculaire. Lorsqu’on parle contre cette membrane, elle vibre et entraîne la lame dans tous ses mouvements. Alors les deux fentes cessent de se correspondre et le faisceau de lumière est éclipsé à certains instants en entier ou partiellement. Ce faisceau subit de la sorte, constamment, des variations dans son intensité, lesquelles correspondent exactement aux diverses amplitudes des vibrations de la membrane. C’est ce que M. Bell appelle un rayon de lumière ondulatoire.

L’appareil récepteur est disposé à l’autre station, séparée de la précédente par une distance quelconque. Cet appareil récepteur se composé du sélénium, de la pile et du téléphone articulant. Le rayon ondulatoire dirigé sur le sélénium, l’impressionne à chaque instant, en raison de son intensité. Il en résulte des variations ondulatoires dans la résistance du sélénium, et des vibrations correspondantes dans le téléphone. Ainsi, on entend avec ce téléphone les paroles prononcées vis-à-vis de la membrane de la première station.

La meilleure disposition consiste à faire réfléchir le faisceau lumineux sur un miroir plan et flexible, tel qu’une feuille de mica argenté ou de verre mince. On parle alors contre ce miroir, et ce sont ses propres vibrations qui modifient constamment la direction du rayon réfléchi.

Quant à la source de lumière, on s’est servi du soleil, dont les rayons concentrés sur le miroir à l’aide d’une lentille C (fig. 481) étaient rendus parallèles par une autre lentille aussitôt après leur réflexion. On s’est également servi d’un foyer électrique et même d’une lampe à gaz ou à pétrole.

Dans les expériences qui furent faites à Paris, à la fin du mois d’octobre 1880, dans les ateliers de M. Bréguet, les rayons du foyer électrique étaient reçues sur un réflecteur parabolique, qui les condensait tous en un même point : le foyer de ce miroir.

C’est à ce foyer que se trouvait le fragment de sélénium à impressionner. Ce dernier faisait, comme précédemment, partie du circuit d’une pile et d’un téléphone ordinaire.

Les correspondances par le photophone exigeront des stations qui ne soient séparées par aucun obstacle, mur, maison, montagne. On pourrait surmonter ces difficultés au moyen de miroirs métalliques ou réflecteurs, pour dévier la lumière ; mais ces réflexions, absorbant une notable partie des rayons incidents, enlèveraient une partie de leur puissance et en réduiraient la portée.

Parmi les conséquences théoriques qui découlent de la découverte du photophone, il faut enregistrer les suivantes :

En premier lieu, la physique assigne une durée notable à la propagation des sons. Cette proposition est démentie. Il n’y a pas de vitesse du son, puisque cette vitesse est égale, grâce aux nouvelles dispositions, à celle de la lumière.

Le photophone semble mettre en défaut un autre dogme scientifique, beaucoup plus absolu. On enseigne, en effet, que les sons ne se propagent pas dans le vide. Mais, puisque la lumière se transmet dans le vide aussi bien et même mieux qu’à travers l’atmosphère, est-il possible de dire plus longtemps que le son ne se propage pas dans le vide ? Il est de toute évidence que, sur les ailes du nouvel instrument, le son peut traverser l’espace, et aller aussi vite et aussi loin qu’un rayon de lumière.

Faut-il conclure de ce que le son peut franchir l’espace à cheval sur un rayon de soleil, que l’on pourrait, avec le nouvel instrument créé par le physicien d’Amérique, recevoir, grâce aux rayons de lumière qui en émanent, des sons et des paroles envoyées par les habitants des astres qui font partie de notre système solaire ? En supposant : 1° que ces astres soient habités par des humanités semblables à la nôtre ; 2° que ces humanités ayant eu un développement intellectuel pareil au nôtre, ont pu découvrir, comme nous, le photophone, pourrait-on conserver l’espérance d’échanger des paroles avec les populations de Mars, de Vénus, ou tout au moins de la Lune, si elle est habitée ?

Cette pensée est du domaine du roman, mais le roman est si curieux, si intéressant, si fécond en aperçus splendides, que l’on peut se permettre, en passant, cette éblouissante échappée dans l’infini des cieux.

Pour revenir à la réalité scientifique, nous nous demanderons quel est l’avenir et quelles seront les applications du photophone ? L’instrument est bien récent encore pour que l’on se permette ces prévisions. Il est, en effet, évident que le photophone est encore dans l’enfance, et que de grands et sérieux perfectionnements devront lui être apportés.

Cependant, en raisonnant sur l’état présent de ce merveilleux instrument, on peut dire d’abord qu’il menace sérieusement la télégraphie électrique, et le téléphone lui-même. Il nous donne, en effet, le moyen de correspondre, sans aucun conducteur métallique, d’un point visible à un autre point visible, d’une manufacture à un atelier, d’un château à un village, d’une maison à une autre. La télégraphie aérienne, qui a disparu à l’avènement de la télégraphie électrique, pourra reprendre possession de son domaine, grâce à des postes convenablement espacés dans la campagne, comme l’étaient autrefois les postes du télégraphe Chappe, Il suffira que le soleil brille ou que des foyers électriques soient placés entre les deux stations, pour établir une correspondance parlée entre ces deux stations, correspondance instantanée, qui serait, par conséquent, plus rapide encore que la correspondance télégraphique.

L’art militaire est appelé à profiter largement du photophone. Une ville assiégée pourrait correspondre, par des rayons lumineux parlants, avec le reste du pays non investi.

La pensée se porte naturellement, en présence de cette admirable découverte, au siège de Paris en 1870-1871, et l’on se demande avec regret si le sort de notre capitale et celui de nos villes bloquées par les troupes allemandes n’auraient pas été différents si l’on eût possédé à cette époque un tel instrument !

Les signaux solaires sont, du reste, déjà en usage dans les armées actuelles. Nous avons fait mention, dans le Supplément à la télégraphie aérienne, des appareils de télégraphie optique dont sont pourvus tous les corps d’armée de différentes nations. Mais il ne s’agit ici que d’éclairs envoyés d’un poste à l’autre, répondant à des signes conventionnels. Combien différent est le photophone, par lequel on ferait parler le soleil !

Dans la marine, le photophone serait d’une évidente utilité. En mer, rien n’arrête, rien ne limite, comme sur la terre, la marche directe des rayons lumineux. On pourrait donc se parler de navire à navire, grâce à la lumière du soleil ou à la lumière électrique, comme si l’on était bord à bord.

Les phares, les sémaphores, au lieu de simples feux d’avertissement, pourraient envoyer, avec la parole, tous les renseignements nécessaires, répondre aux questions des navires en pleine mer, leur transmettre tous les avis, les recommandations utiles concernant l’entrée du port, les nouvelles du pays, etc. De véritables conversations s’établiraient ainsi entre l’équipage et les phares ou sémaphores du littoral.

Nous anticipons peut-être un peu sur l’avenir, par toutes ces prévisions séduisantes ; mais on ne peut mettre en doute que ces brillantes promesses, en ce qui touche les applications du photophone à la correspondance parlée, sur terre et sur mer, ne se réalisent dans un temps plus ou moins éloigné. Le juste enthousiasme qu’a excité dans l’esprit de tous les physiciens, la découverte que nous venons d’exposer, excusera auprès de nos lecteurs ces espérances anticipées et impatientes.

L’inventeur du photophone a, d’ailleurs, justifié lui-même ces audacieuses prévisions sur l’avenir de son appareil. Il a conçu, par une vue supérieure, la pensée la plus audacieuse qui puisse venir à l’esprit d’un physicien. L’idée lui est venue de saisir, grâce au photophone, le retentissement des bruits qui se passent à la surface du soleil !

Supposons qu’on ait pris un grand nombre de photographies d’une même tache solaire, et que les variations de cette tache soient assez accentuées. On ne craindra pas alors que les rayons fugitifs de la lumière qui affectent le photophone, puissent se perdre inutilement. On fera passer ces photographies devant le photophone, en les éclairant avec la lumière électrique, et les variations de lumière produites par chacune des parties de la photographie, donneront un écho des bruits qui avaient nécessairement accompagné ces variations dans l’astre radieux lui-même.

Voici comment cette idée est venue à M. Graham Bell. Pendant le séjour qu’il fit à Paris, au mois de novembre 1881, il visitait l’Observatoire de Meudon, où il avait été invité par M. Janssen, il examina avec beaucoup de soin les grandes photographies qu’on y fait pour l’étude de la surface solaire. M. Janssen lui apprit alors qu’il constatait des mouvements d’une rapidité prodigieuse dans la matière photosphérique, et M. Graham Bell eut aussitôt l’idée d’employer le photophone à la reproduction des bruits qui doivent nécessairement se produire à la surface de l’astre, en raison de ces mouvements.

M. Janssen trouva l’idée très belle, et engagea M. Graham Bell à en tenter la réalisation, à Meudon même, mettant tous les instruments de l’Observatoire à sa disposition.

Le temps s’étant montré très beau, le 6 novembre 1880, M. Graham Bell vint à Meudon, en vue de cette expérience. Une grande image solaire, de 0m,65 de diamètre, fut explorée avec le cylindre au sélénium. Les phénomènes ne furent pas assez marqués pour que l’on puisse affirmer le succès de l’expérience, mais M. Graham Bell ne désespère pas de réussir par de nouvelles études.

Quoi qu’il en soit, le projet de recueillir les bruits du soleil, au moyen d’un instrument de physique, est une des idées les plus extraordinaires qui puissent venir à l’esprit d’un physicien, et nous ne saurions mieux terminer que par cette grande visée scientifique, notre Supplément aux Merveilles de la science.

fin du phonographe.
  1. Tome II, page 590.
  2. Au mois de mai 1878, Léon Scott fit paraître une très curieuse brochure, où il revendique ses droits de premier inventeur du phonographe. Cet opuscule, qui renferme l’histoire intéressante des luttes d’un travailleur obscur contre l’indifférence des Corps savants et les lacunes de la loi, est intitulé le Problème de la parole s’inscrivant elle-même, par Léon Scott de Martinville, typographe.