Les Médailles d’argile/Lever de lune
LEVER DE LUNE
Tu m’as dit : Laisse cette argile
Où tu veux modeler pour moi
Ma médaille exacte et fragile.
Tu voudrais y faire à la fois
Sourire mes yeux et ma bouche
Tels qu’ils sont et que tu les vois.
Laisse cette terre, n’y touche
Plus, et que friable demain
Elle s’effrite sous ton pouce.
L’argile, le marbre et l’airain,
Pas plus que l’eau souple et mouvante,
Ne seraient mon visage vain,
Vaine est l’ébauche que tu tentes,
Car ma fugitive beauté
N’est vraiment belle que vivante.
Elle ne veut d’éternité
Que l’instant qui passe et l’emporte
Sur l’aile de la Volupté,
Et je la croirais déjà morte
Si je la voyais revivant
Dans cette terre qui la porte
Lorsque, les pieds nus et devant
Toi qui me suis sur l’herbe fraîche,
Je marche debout dans le vent.
Le soir vient. Viens avec moi, laisse
Tout cela qui n’est pas ma chair.
Le temps fuit et la vie est brève.
Le jour est encore assez clair
Pour aller jusqu’au bout des chaumes
D’où l’on voit monter de la mer
La lune ronde, molle et jaune.