Les Médailles d’argile/Écho marin

Les Médailles d’argileSociété du Mercure de France (p. 104-105).
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ÉCHO MARIN


C’est dans ce petit bois et proche de la mer
Où le hêtre argenté et le pin toujours vert
Mêlent leurs fûts polis et leurs troncs résineux,
C’est là, au sol de sable tiède, que je veux
Dormir, car c’était là, jadis, que bûcheron,
J’abattais, en chantant d’un geste jeune et prompt
Les arbres dont j’ai fait les mâts et la carène
Qui m’ont porté longtemps sur la mer incertaine,
Tandis que toi, restée au seuil de la maison,
Silencieuse, et le regard à l’horizon,
Tu suivais sur la mer ma voile entre les voiles
En rêvant à ma proue une propice étoile.
Ô douceur, amertume, espoir, transes, retours,
Départs, rires de joie et larmes, tour à tour !
Et les deux bras noués à mon cou ruisselant !
Là-bas la mouette errante et l’âpre goéland,
Ici la tourterelle et la lente colombe !

Mais maintenant ma vie est faite ; le soir tombe.
Et mes os épargnés par le flot vagabond
À l’ombre du cher bois au sable dormiront,
Parmi les hêtres blancs et les pins résineux,
Tandis qu’au vent qui passe en fuite au-dessus d’eux
Murmurera tout bas à mon oreille vaine
Un invisible écho de mers aériennes.