Les Livres d'étrennes, 1894

Les Livres d'étrennes, 1894
Revue des Deux Mondes4e période, tome 126 (p. 930-945).
LES LIVRES D’ÉTRENNES

Les livres d’étrennes, cette année comme à l’ordinaire, donnent la mesure du goût du public, d’un goût toujours aussi variable et changeant sans doute que les temps eux-mêmes, sinon toujours très délicat et raffiné. Mais s’il en est beaucoup parmi ces volumes bariolés, pauvres éphémères où le vermillon, l’azur et l’or sont ce qu’il y a de plus brillant, et qui, nés du caprice d’un jour ou d’une préoccupation toute matérielle, eussent pu rester dans les limbes sans que la littérature ou la critique y perdissent rien, et disparaissent bientôt avec la cause passagère qui les a fait naître, il n’en est guère qui n’aient leur intérêt ou leur curiosité à les considérer simplement comme contribuant à la manifestation sans cesse renouvelée de ce goût et comme une expression concentrée et vivante des tendances originales de cette fin de siècle.

De cette éclosion annuelle il sort toujours quelques ouvrages de choix, et plus rares, qui accusent mieux ces tendances générales et sont, pour ainsi dire, la pierre de touche des esprits, et dans cette production, assurément un peu confuse, où le monde antique et le monde moderne, la réalité et la fiction se pressent dans un assez joli désordre, plus d’un porte avec lui son enseignement ou fait mieux voir l’étendue des progrès accomplis et sentir la valeur du savoir acquis. Ce sont ces beaux et utiles ouvrages d’une science sûre, d’une information précise, et ceux d’où la fantaisie s’échappe comme un parfum, où l’illustration répond au texte, où l’éducation de l’œil gagne quelque chose tandis que l’esprit profite, où l’instruction enfin trouve son compte, qui continueront d’être recherchés chez ceux qui les éditent et méritent d’être encouragés afin de pouvoir compléter ces savantes ou magnifiques collections où l’on n’a guère que l’embarras du choix.

Parmi les publications si importantes qui s’appuient sur une vaste érudition, reculent la limite de nos connaissances et peuvent être considérées comme des monumens de la science française, il faut citer l’Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique[1] dont le premier volume est exclusivement consacré à l’Égypte et à la Chaldée. M. Maspéro a voulu en fixer les origines tandis que l’heure presse et que l’Égypte des Orientaux achève de mourir, et cette fois d’une mort qui ne renaîtra plus des cendres exhumées des hypogées, comme pour justifier la croyance sacrée de ce peuple : que le salut du mort est compromis si le cadavre est dérangé de son repos. L’auteur est, on le sait, un égyptologue consommé : non seulement il n’ignore aucune des découvertes faites dans la vallée du Nil, ni des travaux auxquels l’Égypte a donné lieu, mais il a franchi plus d’une fois lui-même le seuil de la « maison éternelle » que gardent Anubis et Osiris, fait plus d’un voyage souterrain chez les plus vieux d’entre les morts, vu le premier Sésostris face à face, pénétré dans ces « demeures pour l’éternité » où se mêlent tous les souvenirs de l’existence terrestre du défunt, où tous les menus détails de sa vie domestique, de sa carrière, de ses voyages, de ses travaux quotidiens se trouvent retracés, où il est là au milieu des siens, de sa femme, de ses enfans, de ses domestiques et cliens, de ses laboureurs, de ses bœufs, de ses chiens et de ses singes, représentés sur les parois de chaque chambre, et semble présider, dans ces scènes familières et très réalistes, les jeux mêmes, les chants et les danses des jeunes filles aux cheveux tressés de couronnes et rehaussés d’ornemens d’or, — tous spectacles dont il paraît se réjouir encore. Rien de plus précis et de plus saisissant que les descriptions qui accompagnent l’explication de ces sculptures et de ces inscriptions. On y voit se dérouler toute l’odyssée de ce peuple, immuable dans sa naïveté tandis que le savant exégète nous conduit de tombeau en tombeau, de pyramide en pyramide, vers tous ces monumens énormes qui ont couvert la plaine de Thèbes aux cent pylônes, s’arrêtant ici et là pour déchiffrer les annales de tous ces règnes sans nombre, d’après tous ces hiéroglyphes qui sont le « livre toujours ouvert de cette civilisation triomphante. » Il s’appuie sur la solidité et la persistance de tous ces témoignages pour remonter à l’origine de cette civilisation, vieille de plus de 5 000 ans, jusqu’au de la du XXIVe siècle avant notre ère, à son développement qu’il prend sur le fait en quelque sorte. Il décrit minutieusement les mœurs, la religion, l’organisation des États qui se succèdent, les relations commerciales de ces peuples entre eux, l’invasion violente et la conquête des Hycsos, tout ce colossal ensemble, tout ce que ce monde renferme de trésors et de révélations sortis du Livre des morts ou du Serapeum.. Car ici la lumière vient d’en bas et émerge du sol, et la vie naît de la mort, et de la mort qu’on croyait éternelle !

Les illustrations du volume sont dignes du texte qu’elles font encore valoir, puisque toutes relevées d’après des documens, des témoignages et monumens retrouvés et rendus au jour, elles en forment le meilleur et le plus original commentaire, et sont avec lui en parfaite harmonie.

De l’Egypte au Vatican il y a loin sans doute ; mais quand on reporte sa pensée vers l’Immuable et l’Éternel, on peut bien passer du monde des Pharaons, d’Alexandrie, au monde romain et à la Ville éternelle, à la seule Cité qui se soit élevée et ait grandi sur les ruines de la civilisation antique. En écrivant le Vatican[2], MM. Georges Goyau, Paul Fabre, André Pératé, tous trois anciens membres de l’École française de Rome, ont retracé un magistral tableau de la papauté, de ce qu’elle fut dans le passé, de ce qu’elle est dans le présent; ils ont admirablement montré comment fonctionnent le gouvernement central de l’Église, le Sacré-Collège, les consistoires; enfin ils ont décrit toutes les richesses d’art et les merveilles incomparables du palais et des bibliothèques du Vatican, dressant en quelque sorte l’inventaire de ce dépôt unique. Ils ont très bien réussi à fixer, comme l’a dit M. Eugène-Melchior de Vogué dans l’éloquente et forte conclusion qui ferme si bien cet ouvrage si nouveau sur une institution si vieille et d’une force morale en dehors des atteintes du temps, — « ils ont fixé la physionomie intime du Vatican, de ce palais lourd de siècles et de souvenirs, qui a grandi dans l’ombre de Saint-Pierre comme la figure monumentale de l’Église. » Ils nous font suivre à travers les siècles l’évolution de ce pouvoir spirituel de la papauté apostolique aux premiers temps de la chrétienté, sous le régime des persécuteurs, — sous les empereurs de Byzance pendant les invasions barbares, — sous les francs et Charlemagne, — sous le régime féodal et scolastique, — puis ils nous montrent la papauté s’émancipant de l’Empire, exerçant à son tour sa maîtrise sur la société du moyen âge, dans les croisades, luttant contre le césarisme germanique, le schisme d’Avignon, enfin s’affermissant avec un Grégoire VII ou un Innocent III, faisant rayonner l’humanisme et les arts sous les différens papes à partir du XVe siècle, surmontant tous les périls des Églises dissidentes, tous les assauts de la Révolution, pour retrouver de nos jours son ancien éclat et resserrer l’union des Églises sous le pontificat de Léon XIII.

Ce n’est pas seulement une œuvre d’érudition que ce livre sur le Vatican, c’est encore une œuvre éditée avec luxe, car tous les grands dépôts du Vatican ont payé à l’activité de l’éditeur. Le palais lui-même et les églises de Rome ont fourni de rares modèles, et pour composer ce volume d’une grande nouveauté, la maison Didot a puisé dans les plus beaux manuscrits du Vatican ou du British Muséum, donnant des spécimens des miniatures qui les ornent. Elle a de plus reproduit quelques- unes des fresques les plus curieuses du cimetière de Calliste, de Fra Angelico, de Vasari, de Spinello Aretino, de Jean d’Udine, de la chapelle de Nicolas V au Vatican et du monastère de Subiaco, de Giotto, d’Orcagna, de Pinturrichio, de Titien, de la Bibliothèque des papes, — toutes merveilles dont plusieurs ont été spécialement relevées pour cette publication, qui ne peut manquer d’être appréciée à sa valeur.

Sans sortir de la Ville éternelle, où partout éclate la grandeur des papes, on peut entrer dans la Renaissance. Car elle n’eut pas de protecteurs plus fervens et plus magnifiques que Sixte IV, Jules II, Léon X, Clément VII, jusqu’à Paul III et Jules III, avec qui disparaissent ses derniers représentans véritablement convaincus, non sans avoir laissé des monumens impérissables et donné à la Renaissance son caractère international, universel et catholique. M. Eugène Muntz, après les brillantes et fructueuses étapes que l’on sait chez les Primitifs et dans l’Age d’Or, nous montre cette fois dans ce troisième volume la Fin de la Renaissance[3], qu’il a si bien définie «l’alliance de la tradition, c’est-à-dire l’antiquité classique, avec l’initiative ou l’émotion, en d’autres termes le réalisme. » Pour lui, la fin, c’est le moment où cet accord est rompu vers le déclin du XVe siècle, après l’épanouissement de la dernière floraison avec Michel-Ange, Jean Bologne, Corrège, Bernardino Luini, Titien, Paul Véronèse, le Tintoret, Serlio, Vignole, Palladio, Benvenuto Cellini. Ce livre de haut enseignement est aussi une œuvre de luxe, véritable musée où nous retrouvons de superbes gravures, une riche variété de tableaux de ces maîtres de la peinture, de la sculpture et de l’architecture. Un chapitre est consacré plus spécialement aux arts décoratifs : la glyptique, l’orfèvrerie, la céramique, la peinture sur verre, la mosaïque et la miniature, et cet art de l’enluminure où les Écoles de Paris et de Bologne dominent toutes les autres depuis le XIIIe siècle.

Si l’on veut avoir l’idée la plus exacte de ce que devait être une cathédrale conçue par un architecte de ce temps, il faut lire l’histoire et la monographie de M. A. Gosset sur la Cathédrale de Reims[4], ouvrage le plus complet qui ait été publié sur le chef-d’œuvre de l’art ogival, sur son style, sur les détails de construction, sur la sculpture et les vitraux de cette admirable église.

A partir du moyen âge, la France et l’Italie gouvernent toute l’Europe par les travaux de la pensée, comme elles la dominent par les manifestations les plus pures de l’art, et là, comme ailleurs, la chrétienté prend encore le dessus dans le développement de l’architecture et de la sculpture. Mais nul peuple ne paraît avoir apporté autant que la France, dans ces deux expressions de l’idée esthétique, une invention plus vivace, une logique plus serrée, plus soutenue et plus continuellement renouvelée. M. Louis Gonse, étudiant l’architecture dans un précédent ouvrage, l’Art gothique[5], avait montré que cet art fondamental est la marque la plus certaine et la plus caractéristique du génie particulier d’un peuple, tandis que la sculpture se présente comme son complément, puisque la statuaire n’est jamais plus grande que quand elle soutient l’architecture et est associée à ses combinaisons. Aujourd’hui il développe cette idée dans ce nouveau volume : la Sculpture française du XIVe au XVIe siècle[6], et nous fait assister à l’éclosion de la sculpture nationale et monumentale et à son évolution, de l’époque gothique à nos jours, en passant par Jean Perréal, Michel Colombe, les Juste et Pierre Bontemps, — Jean Goujon, Germain Pilon, — Barthélémy Prieur, les Anguier, Girardon, Coysevox, Puget et les Coustou, — Pigalle, Falconet, les Adam, Bouchardon, Clodion et Houdon, — enfin les maîtres contemporains, dont quelques-uns peuvent être mis sur le même rang que leurs illustres devanciers. Dans cette revue de la sculpture française, il n’est pas une œuvre qui ne soit discutée avec le jugement et le goût le plus sûr, pas un artiste dont la vie et le talent ne donnent lieu aux plus intéressans commentaires. Avec ses splendides reproductions, l’ouvrage est des plus luxueux et fait honneur aux éditeurs, qui ont déjà donné sur la Renaissance en France[7], par M. Léon Palustre, la plus belle publication connue et réuni la plus riche bibliothèque de livres d’art, qui se complète aujourd’hui par la Peinture en Europe de MM. Georges Lafenestre et Eugène Richtenberger, dont les deux premiers volumes sur le Louvre et Florence[8] ont déjà paru.

Et ce n’est pas s’éloigner beaucoup de la Renaissance que de parler d’un artiste d’un grand talent qui s’en rapproche par l’élégance de ses compositions, à qui sa science profonde de la décoration, son goût sûr, la grâce de son dessin et son activité féconde semblaient devoir assurer un juste renom, s’il ne s’était complu, à l’exemple de quelques maîtres célèbres, dans l’obscurité, s’abstenant résolument de tout contact avec la foule, se gardant bien d’exposer aux Salons annuels et ne vivant que pour son art, heureux seulement d’être connu et apprécié par un petit nombre d’amateurs éclairés et compétens. Il a fallu qu’une partie des œuvres de P.-V. Galland fût exposée récemment au Musée des Arts décoratifs pour que sa valeur fût mise en relief, et l’on n’aura pas de peine, après avoir parcouru ce magnifique recueil[9], où ses plus belles œuvres sont reproduites avec toute l’habileté imaginable des procédés les plus parfaits de l’héliogravure, où tous les soins ont été apportés à l’exécution de l’impression et du tirage sur un papier aux reflets ivoirins, à comprendre le succès posthume de l’œuvre de Galland qui le venge de bien des dédains après une persistante infortune à une époque où la peinture décorative, — cet art où ont brillé les maîtres les plus illustres dont s’honore l’École française, Le Sueur, Le Brun, Watteau, Boucher, Coypel, Lancret, Natoire, — semble se perdre dans les tons fades et les ensembles sans harmonie. C’est ce qu’a si bien montré, dans ces pages sur Galland, M. Henry Havard, dont les ouvrages sur l’Ameublement et la Décoration, la Peinture hollandaise, l’Art et les Artistes hollandais, font autorité, et qui a tenu à honneur de rendre hommage à un artiste trop ignoré ou méconnu, en accompagnant ses compositions, comme la Chasse, la Ronde des Amours, la Vendange, Apollon et les Muses, la Pêche, l’Age d’or, la Prédication de saint Denis, et toutes ses études à la sanguine et au crayon noir pour le Panthéon ou ses panneaux décoratifs, du seul commentaire qui convînt à une pareille œuvre.

C’est également à l’art et à l’histoire sacrée enseignée par les chefs-d’œuvre de la peinture que se rattachent l’Ancien et le Nouveau Testament[10], où, dans une suite de tableaux célèbres, se déroulent les scènes principales de la vie des Hébreux, la venue du Christ, les luttes et les triomphes de la religion nouvelle avec un commentaire de l’abbé Mazoyer, qui avait déjà publié dans la même collection la Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ et la Vie de la sainte Vierge. L’Histoire populaire de la peinture se poursuit cette année par l’étude des Ecoles flamande et hollandaise[11] avec l’analyse des tableaux principaux, très habilement reproduits, et les Styles français enseignés par l’exemple[12], avec tous ces dessins choisis et dessinés pour ces ouvrages, qui sont très bien composés et résumés pour répandre et vulgariser les notions d’art et la connaissance des diverses écoles de peinture.

Plus ancien que Rome, plus ancien même que les Pyramides, sur lesquelles on le retrouve perché comme dans les temples de Memphis de Byblos et de Philœ, le chat remonte à la nuit des temps, probablement parce qu’il sait s’y diriger comme en plein jour. Son royaume à lui est bien de ce monde, et c’est sans doute parce qu’il est d’origine divine, — ne descend-il pas de la déesse Seket? — qu’on le retrouve partout accueilli, choyé et adoré, hôte doux et modeste, s’il n’est pas toujours discret, aimable et fidèle, dans la plus humble demeure comme sous les lambris dorés, dans les salons comme dans les boudoirs les plus parfumés, et jusque dans la plus grave des Académies où il a eu les honneurs de plusieurs séances sans qu’elle ait découvert encore comment il retombe sur ses pattes. Peut-être l’Académie n’avait-elle pas vu le livre de Mlle Ronner[13], car elle eût alors pu se passer de toute explication scientifique pour comprendre ce miracle d’équilibre qu’a résolu l’artiste dans des peintures ou dessins d’une facture précise et sobre, après mille observations faites dans son atelier et sur des sujets d’une diversité peu commune de manières et d’attitudes, comme leurs maîtresses sans doute. Assurément ses chats sont des chats de luxe, d’une exquise morbidezza, qu’elle place, chacun avec sa physionomie particulière nettement caractérisée et d’une originalité piquante, dans des intérieurs riches qui expliquent et justifient, à n’en pas douter, la beauté, la grâce et l’esprit de leurs formes. On sait d’ailleurs le succès obtenu à l’Exposition des peintres hollandais comme au Champ-de-Mars par Mlle Henriette Ronner, dont la première série de compositions, présentée par M. Henry Havard, fut si appréciée qu’elle fut rapidement épuisée. Cette nouvelle œuvre retrouvera la même vogue, car elle est rendue avec la perfection accoutumée que met à ses reproductions la maison Boussod et Valadon, et le commentaire spirituel et amusant de M. Marins Vachon complète cette esquisse naturelle et sociale des chats. Il suit le chat à travers les âges. Il assure qu’n n’est pas d’animal de la création qui pourrait s’enorgueillir d’avoir inspiré tant d’hommes illustres et occupé une si haute situation dans la civilisation moderne, du pharaon à M. Taine, dont on ne peut avoir oublié les fameux sonnets :


Trente siècles durant du haut de ses pylônes
Le Chat vit à ses pieds la majesté des trônes
Et le front prosterné du Pharaon vainqueur.


Le chat a joué et joue en outre un rôle considérable dans l’inspiration de tous les poètes et romanciers ; dans le Roman de Renart, où cinq livres sont consacrés aux démêlés tragico-comiques de « Tybert le Chaz », dans les dictons populaires du temps de saint Louis, dans les proverbes, inspirant autant de poètes que de peintres : Ronsard dans une épltre à Remy Belleau, Rabelais avec ses Rondibilis et ses majestueux Grippeminauds, Perrault et La Fontaine, Beaudelaire et Théophile Gautier; enfin Fragonard, Greuze, Téniers, Metzu, Dov, Jordaens, et jusqu’à MM. Lançon et Lambert. Il inspire également romancier et poètes dans la Maison du Chat qui pelote et au Chat Noir. Il n’y a qu’à Athènes et à l’Académie que le chat n’a pas eu sa place : cet album de Mlle Ronner le vengera !

Le XIVe siècle revit tout entier dans Froissart. Dans son existence aventureuse menée de château en château, chez Robert de Namur et le comte de Blois en France, chez la reine Philippe de Hainaut en Angleterre, où il vit Chandos et le Prince Noir, il a connu les grandeurs et les faiblesses de son temps et les a retracées dans ses Chroniques[14] avec cette naïveté mêlée de sens et de finesse qui donne un si grand charme à ses récits. Il a raconté le premier les luttes nationales contre l’étranger et comment la France, qui ne fut jamais plus près de sa perte, fut sauvée de la ruine.

Elle ne devait pas tarder à se relever tout à fait sous Jeanne d’Arc. Les manifestations d’enthousiasme qui se sont produites cette année même en l’honneur de Jeanne d’Arc que nos malheurs nous ont rendue plus chère, le culte grandissant pour la vierge de Domrémy, en attendant que l’Église canonise celle que Dieu, prenant la France en pitié, suscita pour la délivrance de son pays, donnent une véritable actualité aux beaux livres de M. Emile Gossot[15], d’une grande simplicité dans la forme, d’une grande vérité historique, et cette vérité est assez belle pour que la légende ne lui prête rien. Les eaux-fortes de L. Flameng ajoutent à la sévérité et à la distinction du volume. La nouvelle édition de M. Marins Sepet[16], la vingtième depuis 1869, se distingue des précédentes non seulement par les modifications apportées au texte lui-même, qui a été l’objet de nouvelles révisions d’après les écrit les plus récens et les plus autorisés des historiens de la Pucelle d’Orléans, d’après les pièces authentiques de son procès, mais encore par l’illustration, en partie renouvelée, qui accompagne le texte. On y remarquera les gravures d’après Andriolli, J. Blanc, de Gurzon, Le Blant, Maignan, Maillart, Rochegrosse, Zier et Oulevay. Cette histoire de Jeanne contribuera à augmenter dans la jeunesse l’admiration pour l’héroïque libératrice d’Orléans, qui mit Talbot en fuite dans les plaines de Patay, et à répandre l’amour des grandes choses pour lesquelles la Lorraine inspirée affronta le martyre. Et l’édition beaucoup plus modeste de Jeanne d’Arc, que donne à son tour M. Louis Moland[17], avec des gravures en chromolithographie bien faites pour frapper l’imagination des enfans, leur rendra, dès le plus jeune âge, l’héroïne encore plus familière ainsi que les merveilles de sa vie.

L’étude de ces volumes bien faits pour montrer comment la France peut tomber et comment elle se relève, peut permettre d’avoir quelque confiance dans l’avenir. Ici la cause est belle, comme disait Michelet, et tous ces mots : Jeanne d’Arc, l’étranger, Patay, la délivrance, ne manqueront pas d’évoquer Strasbourg[18], qui ne pouvait être oublié au milieu de tous ces souvenirs des jours tristes et des jours heureux.

Les Aventures de Guerre[19], souvenirs et récits de soldats recueillis et publiés par M. Frédéric Masson, remontent à un temps plus lointain, à cette période de guerres incessantes qui se succédèrent de 1792 à 1809, à cette longue et glorieuse épopée, si fertile en actions héroïques. Ici ce sont d’obscurs témoins, sous-officiers et soldats qui sans se livrer à des considérations stratégiques racontent ce qu’a fait leur compagnie ou leur escouade dans l’action générale, les impressions qu’ils ont ressenties au feu ou au bivouac, en quel état d’âme la fortune bonne ou mauvaise les a trouvés et quels mobiles les ont fait agir. Et ce qu’ils savent et ce qu’ils disent, c’est eux-mêmes, c’est leur émotion même et celle de leurs voisins et de leurs camarades, comment ils ont aimé et servi la patrie et l’honneur, obscurément et sans espoir de récompense. On verra ces hommes, divers par l’éducation et la langue autant que par l’origine et l’uniforme, mais semblables par le cœur, tous mépriser la mort de la même façon. Soldats de la République et soldats de l’Empereur, ils ont le même idéal: la grandeur de la France et de sa gloire. Ce livre est dédié aux héros ignorés. Les compositions et illustrations en couleur de M. de Myrbach conviennent très bien à son caractère de grandeur et de simplicité.

Soldats de France[20] : quel titre saurait mieux frapper l’esprit des jeunes gens, aujourd’hui qu’il n’est plus aucun citoyen qui ne soit appelé à l’honneur de servir son pays, et quels plus nobles exemples pourrait-on mettre sous les yeux du soldat de demain, du futur combattant peut-être, que ceux qu’ont également donnés les soldats des dernières guerres en Algérie, en Crimée, au Mexique ? Les ouvrages des historiens militaires, les rapports, bulletins officiels, lettres ou souvenirs des commandans d’armée ont été consultés et utilisés pour ces récits, pleins de mouvement, animés du plus pur patriotisme et bien faits pour l’inspirer.

Le Mémorial de Sainte-Hélène[21] rentre dans la catégorie de tous ces ouvrages militaires qui, parle spectacle de la souffrance noblement endurée et de la gloire malheureuse, excitent la sympathie, et répond à la mode d’aujourd’hui pour tout ce qui concerne le premier Empire et l’Empereur. Il n’est guère de figure humaine qui n’ait plus souvent été représentée que celle de Napoléon, et on le retrouve, Lui, toujours Lui, sous toutes les formes et dans tous les pays[22]. Les interprétations en sont infinies, depuis celles de l’imagerie populaire jusqu’à celles des peintres, sculpteurs et graveurs. C’est ce qui a donné l’idée à M. Dayot d’en réunir un certain nombre. Il en a fait un choix très heureux et d’une curiosité très piquante, véritable suite de l’épopée napoléonienne sous ses divers aspects.

L’ouvrage de M. Gœpp sur Paris en armes[23] résume très ingénieusement l’histoire des sièges et batailles auxquels l’héroïsme des Parisiens prit part depuis les sièges de Camulogène (52 av. J.-C), sous les Normands, les Allemands, les Anglais, les Bourguignons et Armagnacs, Louis XI, Henri IV, Louis XIV et en 1814, jusqu’à celui de 1870-71.

La marine est aussi riche en exploits glorieux; ses croisières sont restées légendaires, et l’on trouve chez les marins qui sur toutes les mers ont combattu pour la patrie les plus sublimes exemples de courage et d’abnégation. Les récits qui composent le volume de M. Maurice Loir — un marin qui aime et connaît bien son métier[24], — Gloires et Souvenirs maritimes, ont été écrits dans une pensée de respect et de piété pour les marins célèbres de la flotte française, d’après les plus curieux mémoires.

MM. Ardouin Dumazet et Paul Gers[25] ont à leur tour voulu faire connaître, en la saisissant sur le vif par la photographie instantanée, la vie du soldat et du marin dans toutes les phases de sa carrière, depuis l’entrée au service jusqu’à la revue solennelle qui précède la dislocation des corps après les grandes manœuvres d’automne. L’idée était originale, et dans les 350 photographies des exercices mêmes de notre armée à la caserne, aux grandes manœuvres, dans les Alpes, — de l’armée d’Afrique, de l’armée coloniale, — de notre flotte en escadre à Toulon, à l’arrivée et au départ des Russes, on ne pourra manquer de revivre quelques-uns de ces événemens auxquels reste attaché le souvenir de M. Carnot et d’Alexandre III.

Nous nous bornerons à annoncer une nouvelle édition des Chefs-d’œuvre de Corneille, — le Cid, les Horaces, Cinna, Polyeucte[26], par M. F. Brunetière. Précédé d’une longue notice, avec un commentaire biographique et littéraire, historique et critique, systématiquement placé après chaque pièce, orné de gravures de Dubouchet fort bien appropriées au texte et d’une composition sévère, ce Corneille est le seul volume classique de cette année, et le premier sans doute d’une nouvelle collection de nos chefs-d’œuvre classiques.

En dépit du choix fait pour la jeunesse d’une partie de ce qu’il y a de meilleur dans le Théâtre de Labiche[27]), l’excentrique et joyeux vaudevilliste est encore loin d’être devenu classique, — telle n’eût pas d’ailleurs été sa prétention, — et la transition est peut-être un peu brusque entre les Horaces et la Grammaire ; mais quand on est monté si haut, on peut bien retomber un moment sur la terre pour jouir du spectacle de ce qui nous entoure. Et le rire de Labiche est si français, si vrai, si comique, d’une satire si franchement gaie, perçant si bien le ridicule de ses flèches d’or jetées sur les travers de la société moderne, qu’il se communique, et le plaisir est doublé quand l’auteur du Voyage de Monsieur Perrichon est présenté aujourd’hui au public, comme il l’était hier à l’Académie, par l’auteur applaudi du Monde où l’on s’ennuie. Avec eux, l’esprit souffle où il veut. Les dessins de M. S. Arcos sont bien ce qui convenait pour les dialogues et les personnages

Tandis que le Tour du Monde, la collection de la maison Pion, contribuaient à développer l’étude de la géographie, le goût des conquêtes lointaines et des colonies se propageait parallèlement; la France sentait que, dans ce partage du Continent noir, elle devait à son tour entrer en ligne, faire valoir ses droits, et elle n’a pas tardé à marcher au premier rang et à affirmer sa suprématie et sa vitalité au dehors.

L’expédition Casimir Maistre[28], est considérée comme l’une des plus importantes, puisque personne avant lui n’avait pu pénétrer dans cette région du Congo par le pays de N’Dris en suivant le Gribingui, le Baguirmi, en traversant le pays des Gaberis, des Lakas, de Lamé, l’Amadaoua, et toute la région comprise entre l’Oubangui, la Bénoué et l’Amadaoua, parcourant ainsi plus de 5 000 kilomètres, et constatant que les deux fleuves du Chari et du Logone, navigables en toute saison, sont les principales voies d’accès vers le Soudan. C’est le récit même dans lequel M. Maistre a retracé les détails de son expédition que vient de publier la maison Hachette en même temps qu’elle réunissait en un volume, sous ce titre : Nos Africains[29], toutes les études d’un des promoteurs les plus actifs de la conquête française du Continent noir, de l’un de ceux qui ont le plus énergiquement prôné la politique coloniale et soutenu la cause des vaillans explorateurs (du continent africain et de la formation en une seule vaste possession de l’Algérie-Tunisie, du Sénégal et du Congo, M. Harry Alis.

Dans le nombre de tous ces voyageurs intrépides qui accomplirent ou tentèrent d’accomplir quelque chose pour l’expansion française, quelle plus attachante odyssée que celle de ce jeune duc d’Uzès qui, âgé de moins de vingt-cinq ans, possesseur d’un beau nom et d’une grande fortune, d’un caractère résolu et bien digne d’une race de preux, avait décidé de mettre toutes ses forces au service de son pays en tentant de relier le Congo à l’Egypte au travers des régions musulmanes et par l’Abyssinie. C’est pour exécuter ce projet qu’il avait entrepris, avec l’appui national, cette longue et pénible expédition qui, après quatorze mois de fatigues et de luttes, devait si tristement finir par le dénouement tragique de Cabinda. On voit par toutes ses lettres à sa mère[30], durant cette période qui va de 1892 à 1893, et qu’il dépêche après chaque étape, combien la tâche lui apparaissait élevée et à quel point il se préoccupait de l’honneur qui devait en rejaillir sur les siens. Mais du moins, si l’œuvre à laquelle il avait rêvé d’attacher son nom est restée inachevée, il a laissé un grand souvenir aux siens et le plus noble exemple à ceux qui viendront après lui.

Parmi les expéditions qui ont apporté une contribution des plus précieuses à la géographie de l’Afrique, il faut placer, après celles de la France, celle du docteur Peters, qui fut chargé par l’Allemagne de la périlleuse mission de se porter au secours d’Emin-Pacha[31], qui, parti de Zanzibar, traversa, pour le rejoindre, le pays des Somalis, le pays des Galla et des Massai jusqu’au lac Baringo et au lac Victoria Nyanza. Ayant appris de quelle façon violente Stanley avait emmené Emin-Pacha à la date du 5 avril 1889, le docteur Peters avait pacifié l’Ouganda et remonté jusqu’à Ousoukoma, faisant connaître des peuplades ignorées jusque-là. Cet intéressant voyage a été traduit de la relation allemande par M. Jules Gourdault, qui, lui aussi, a souvent contribué à enrichir de ses souvenirs la Bibliothèque des voyages de la maison Hachette.

Au Dahomey[32] est le récit toujours alerte, mais tour à tour gai ou tragique, de la campagne du Dahomey par un soldat d’infanterie de marine qui a combattu sous les ordres du général Dodds et nous fait pénétrer avec lui dans la brousse à Porto Novo, comme à Abomey.

Ne quittons pas l’Afrique sans parler du voyage d’Alger à Tanger[33] qui termine la série que M. Marius Bernard a consacré aux Côtes barbaresques.

C’est un épisode de la conspiration dite des Prouvaires sous Louis-Philippe et de la petite Chouannerie de 1832[34] que M. Paul Perret a choisi pour le sujet de ce roman plein de mouvement, d’héroïsme et d’amour, où toutes les passions sont violentes et sincères, tous les personnages sympathiques, parce qu’ils se battent tous avec conviction, les bleus pour la patrie, les blancs pour la gloire du bon Dieu et pour Madame, qui domine l’action; parce que toutes les femmes y aiment noblement et savent se dévouer jusqu’à la mort. Les quatre demoiselles de Liré sont ultra-royalistes et pauvres; mais, que leur foi monarchique, que l’amour ou la jalousie les poussent à marcher à la tête des Chouans, elles restent toujours héroïques, et dans les scènes épiques où elles apparaissent, au milieu de la fumée des combats comme dans les intrigues d’amour, ou dans le grand salon d’honneur de leur antique manoir vendéen, l’escadron de Liré, charmant de grâce et si fier d’allure, ne peut manquer d’entraîner bien des lecteurs à sa suite jusqu’au dénouement, quand, la Vendée militaire morte, le bonheur des deux héros de la guerre, Marie-Antoinette et La Cicandais, un vrai chevalier d’autrefois, est assuré. Les aquarelles et dessins de MM. Charles Delort et Maurice Leloir sont d’une très grande beauté ; ce sont de véritables tableaux d’une composition et d’un goût parfaits, de sincères œuvres d’art qui font revivre les gens et les modes d’il y a soixante ans en leurs toilettes, leurs façons et leurs attitudes, et dignes en tous points des magnifiques publications de la maison Boussod et Valadon.

Taillevent[35], par M. Ferdinand Fabre, se passe dans un tout autre milieu, beaucoup plus calme, quoique la fin en soit tragique : dans une famille de paysans de l’Espinouze cévenole. C’est là qu’un enfant nommé Taillevent, fils d’un brûleur de vins, a été recueilli et élevé avec la fille de ses maîtres, la gracieuse Frédérique, qu’il finit par épouser à la suite des péripéties les plus dramatiques et après avoir vengé le père de la jeune fille, son bienfaiteur, lâchement assassiné par un réfugié espagnol, montreur d’ours et éleveur de chiens, qu’on avait recueilli à la métairie de Figuerol, et qui convoitait Madeleine, la femme de son hôte. Des descriptions charmantes, des scènes pleines de naturel et de bonhomie dans leur simplicité familière, en font un récit très attachant.

Dans les Vieilles Rancunes[36], roman d’une fantaisie toujours amusante et qui peut être laissé entre toutes les mains, M. Georges Ohnet a très finement montré au milieu de scènes gaies et piquantes qu’un amour frais et printanier entre deux jeunes gens de familles ennemies, nouveaux Capulets et Montaigus, peut parvenir à éteindre les plus anciennes divisions. Le volume est illustré des plus élégans dessins de M. Simonaire, toujours pleins de fantaisie et d’attrait.

La Ligue de Souabe[37] est un récit dans le genre de Walter Scott qui se déroule vers l’an 1519 tandis que les troupes de la Ligue, après leur entrée à Ulm, luttent contre le duc Ulric de Wurtemberg. Très mouvementé et intéressant comme un roman de chevalerie, dont il a la noblesse et la franche allure, il sera très apprécié.

Le Lion de Camors[38] offre encore un épisode de la Chouannerie, mais entre 1795 et 1801, qui se passe dans la forêt de Camors, au milieu de laquelle le marquis de Pléoben, le lion de Camors, poursuit cette guerre inique où des frères s’entr’égorgent, où un père tue son fils. Tout cela est fort bien conté par M. Louis de Caters et illustré par J. Girardet.

Dans la Caverne blanche[39], adapté de l’Anglais, Tom Gordon, après une vie des plus aventurées et coupée de bien des traverses, trouve le repos en Algérie.

Ceux qui préfèrent aux aventures de voyages, aux récits imaginaires, ou aux romans les connaissances positives, trouveront leur compte dans les Abîmes[40], où M. Martel raconte les nombreuses explorations souterraines qu’il a faites de 1888 à 1893 en maints pays et décrit toutes les cavités qui restaient jusque-là une énigme et dont l’étude raisonnée peut donner lieu à une science nouvelle, la spélæologie.

Avec le Règne de l’électricité[41], ils se mettront au courant de toutes les découvertes, les plus anciennes comme les plus récentes, qu’on doit au plus puissant agent de propagation de la lumière et de la force, et des plus importantes inventions faites, des progrès accomplis, car son domaine est immense et s’étend si rapidement que pour les décrire toutes, il faudrait plus d’un volume.

Comme livre non moins instructif et d’une utilité pratique, signalons Nos grandes Écoles d’application militaires et civiles[42], qui est en quelque sorte le complément de Nos grandes Ecoles civiles et militaires, comme elles sont elles-mêmes le terme final, la mise en pratique de longues et pénibles études, l’initiation à tous les secrets de la profession. Le volume est orné de jolis dessins. Parmi les récits d’aventures qui conservent les préférences de la jeunesse tout simplement parce qu’ils sont dus à la plume d’écrivains de talent qui ont une brillante imagination et ne la mettent qu’au service de beaux sentimens, il faut nommer tout d’abord M. Lucien Biart, qui a fait entrer tant d’art dans le Roi des prairies, le Fleuve d’or, Entre deux Océans[43], ses souvenirs du Mexique et de la Terre Chaude où les passions sont brûlantes comme le climat lui-même, aussi variées que ses floraisons luxuriantes. C’est encore au Mexique qu’il nous conduit cette année avec la Conquête d’une patrie[44], et nous fait assister aux exploits d’un chef de guérilla, Cayétano dit le Pensativo, défenseur de son pays contre les Espagnols, qui sous cette fière devise : Dieu, Patrie et Liberté, venge son père assassiné par les Espagnols, sauve sa mère du tribunal du vice-roi et délivre sa patrie ; exploits après lesquels il est digne d’épouser la noble Laura.

La réputation que s’est faite l’Irlandais Mayne-Reid avec ses Aventures de chasse et de voyages[45] dans les régions du Nouveau Monde et de l’Afrique, tandis qu’elles étaient encore enveloppées de mystère, ses romans si amusans et instructifs, ses qualités de mouvement, de vie et de charme, lui valaient bien une place dans le Magasin d’éducation et de récréation[46], où viennent d’être rassemblés, au nombre de seize, ses récits, devenus populaires comme les Chasseurs de chevelures, en deux volumes illustrés qui présentent avec la quantité une variété sans pareille.

A tous ceux qui n’ont pas lu, dans le Magasin illustré d’éducation et de récréation, la dernière partie du nouveau roman de M. Jules Verne et qui en attendent la fin avec impatience, la publication en volume des Mirifiques Aventures de maître Antifer[47], réserve, il n’est pas besoin de le dire, les plus étonnantes surprises dans ces chapitres, dans lesquels on voit., dans lesquels on verra… et jusqu’au dénouement le plus surprenant. Mais laissons-leur le plaisir d’y arriver.

Sans sortir du Magasin d’éducation nous pouvons signaler les Nouveaux Contes blancs[48] de Bempt, Jasmin Robba[49], l’artiste au cœur délicat, et son mariage avec Edwige la fille de sir Harry Crampell, où un nabab de féerie accourt du pays des rêves pour aller dans la forêt de Compiègne réveiller le manoir endormi. Un livre qui s’adresse surtout aux bibliophiles et aux amateurs ce sont les Contes[50] de MM. Octave Uzanne et Robida, remplis de fantaisie, où l’originalité brille dans le texte et hors texte.

Le Magasin pittoresque[51], lui aussi, fidèle à son programme, offre cette année comme toujours la plus grande variété de sujets, et le choix des auteurs y répond au soin de l’illustration. Pages roses[52], est un très élégant volume pour les jeunes filles, Toptyguine l’histoire d’un ourson russe[53] ; Au pays des Tsars[54] offre une série de contes russes originaux et variés traduits par M. J. Gourdault; Miliza[55], ou la fille patriote, est un épisode de la guerre turco-russe; Nicole à Marie[56], donne de très jolies lettres de jeunes filles. Quant à Mahel[57], le Serment de Marcorel[58], ce sont deux récits délicats qui finissent par le mariage.

Enfin les Expédiens de Farandole[59], conte fantastique et d’une verve éblouissante; Flossette[60], où nous assistons à l’éveil charmant des sentimens d’une petite fille, dans des pages d’une fraîcheur exquise; — deux volumes illustrés avec le goût le plus délicat. Et quand nous aurons cité les romans tirés de la Bibliothèque rose, de Mon Journal, du Petit Français, et, dans les albums illustrés, la Vie de Londres[61], sur laquelle Mars a donné des croquis pleins de fantaisie ; le Bon Roy Henry[62] par Job, l’Arche de Noé, par Guigou et Vimar; A Travers Paris, par Crafty; l’ingénieux Alphabet symbolique, d’Emile Blémont, il ne restera guère entre tous ces livres d’enfans que l’embarras du choix. Sans doute, dans ce vaste champ, le parterre fleuri est un peu confus; mais tous ces livres ont cela de commun au moins qu’ils sont un retour momentané aux choses de l’art pur ou aux plaisirs de la science, aux joies de la famille et à la simplicité enfantine ; qu’on y pêcher le bien et le dévoûment, et qu’ils offrent la revanche de la morale, — une morale des étrennes, il est vrai, — contre la vulgarité, le réalisme et le terre à terre de tous les jours.


J. B.

  1. Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique. — Les Origines, Égypte et Chaldée, par G. Maspéro, 1 vol. gr. in-8o; Hachette.
  2. Le Vatican, les Papes, la Civilisation, 1 vol. in-4o, illustré; Firmin-Didot.
  3. Histoire de l’Art pendant la Renaissance. — I. Italie. Les Primitifs. — II. L’Age d’or. — III. La fin de la Renaissance, par M. Eugène Muntz, 3 vol. in-8o jésus avec gravures et planches hors texte ; Hachette.
  4. Cathédrale de Reims, par M. Alphonse Gosset, 1 vol. in-folio ; May et Motteroz.
  5. L’Art gothique, par M. Louis Gonse, 1 vol. in-folio illustré; May et Motteroz.
  6. La Sculpture française du XIVe au XVIe siècle, par M. Louis Gonse, 1 vol. in-folio illustré de gravures hors texte et en taille-douce; May et Motteroz.
  7. La Renaissance en France, par M. Léon Palustre, 3 vol. in-folio, illustrés ; May et Motteroz.
  8. La Peinture en Europe. — Florence. — Le Louvre, par MM. Lafenestre et Richtenberger, 2 vol. in-8o avec illustrations ; May et Motteroz.
  9. La Peinture décorative au XIXe siècle. — l’Œuvre de P.-V. Galland, par Henry Havard, 1 vol. gr. in-8o avec 200 planches gravées pour cet ouvrage ; May et Motteroz.
  10. L’Ancien Testament. — Le Nouveau Testament par l’abbé Mazoyer, en 50 tableaux, 1 vol. in-4o raisin ; H. Laurens.
  11. Histoire populaire de la Peinture, par M. Arsène Alexandre. — École hollandaise et flamande, 1 vol. gr. in-8o illustré ; H. Laurens.
  12. Les Styles français, par M. L. Libonis, 1 vol. in-4o avec gravures ; Laurens.
  13. Les Chats. — Esquisse naturelle et sociale, tableaux et dessins d’Henriette Ronner, 1 vol. gr. in-4o; Boussod et Valadon.
  14. Chroniques de Jehan Froissart, édition par Mme de Witt, 1 vol. gr. in-8o avec planches en chromolithographie, compositions en noir et gravures; Hachette.
  15. Jeanne d’Arc, par M. Emile Gossot, 1 vol. gr. in-8o; Ducrocq.
  16. Jeanne d’Arc, par M. Marins Sepet, 1 vol. gr. in-8o; Alfred Mame, Tours.
  17. Histoire de Jeanne d’Arc, par M. Louis Moland, 1 vol. in-4o ; Garnier.
  18. Strasbourg, par M. Ad. Seyboth, 1 vol. gr. in-4o, avec aquarelles et dessins; Fischbacher.
  19. Les Aventures de guerre, récits de soldats, publiés par Frédéric Masson, 1 vol. in-4o illustré; Boussod et Valadon.
  20. Soldats de France, actions héroïques, par M. Gaston de Raismes, avec illustrations de Henri Pille, 1 vol. in-4o ; Alphonse Lemerre.
  21. Le Mémorial de Sainte-Hélène, 1 vol. gr. in-8o illustré ; Garnier.
  22. Napoléon raconté par l’image, par M. Armand Dayot, 1 vol. gr. in-8o; Hachette.
  23. Paris en armes, par M. Edouard Gœpp, 1 vol. in-8o avec gravures; Ducrocq.
  24. Gloires et Souvenirs maritimes, par M. Maurice Loir, 1 vol. gr. in-8o avec gravures et aquarelles; Hachette.
  25. Au régiment. — En escadre, par MM. Ardouin Dumazet et Paul Gers, 1 vol. gr. in-8o avec photographies instantanées; Berger-Levrault.
  26. Les Chefs-d’œuvre de P. Corneille, avec préface et notes, par M. F. Brunetière, 1 vol. in-8o illustré ; Hetzel.
  27. Théâtre choisi de Labiche, avec préface de M. Edouard Pailleron, 1 vol. in-8o, illustré; Calmann Lévy.
  28. A travers l’Afrique centrale. Du Congo au Niger (1892-1893), par C. Maistre, 1 vol. gr. in-8o; Hachette.
  29. Nos Africains, par Harry Alis, 1 vol. gr. in-8o, illustré avec gravures et cartes Hachette.
  30. Le Voyage de mon fils an Congo, par la duchesse d’Uzès, 1 vol. gr. in-8o, illustré ; Plon et Nourrit.
  31. Au secours d’Emin-Pacha, par le Dr Peters, traduit de l’allemand par Jules Gourdault; Hachette.
  32. Au Dahomey, par Adolphe Badin, 1 vol. in-8o illustré par P. Kauffmann : Armand Colin.
  33. Autour de la Méditerranée. — D’Alger à Tanger, par M. Marins Bernard, 1 vol. gr. in-8o; Laurens.
  34. Les Demoiselles de Liré, par M. Paul Perret, 1 vol. in-4o raisin, avec 32 illustrations en photogravure, par Ch. Delort et M. Leloir; Boussod et Valadon.
  35. Taillevent, par M, Ferdinand Fabre, 1 vol. in-8o illustré; Calmann Lévy.
  36. Les Vieilles Rancunes, par M. Georges Ohnet, 1 vol. illustré; Ollendorff.
  37. La Ligue de Souabe, par W. Hauff, traduction de Lavollé, 1 vol. illustré; Ch. Delagrave.
  38. Le Lion de Camors, par M. Louis de Caters, 1 vol. in-8o, illustré par J. Girardet; Delagrave.
  39. La Caverne blanche, 1 vol. in-8o par E. Dupuis. Ch. Delagrave.
  40. Les Abîmes, par E.-A. Martel, 1 vol. gr. in-8o illustré ; Ch. Delagrave.
  41. Le Règne de l’Électricité, par M. Gaston Bonnefont, 1 vol. in-4o illustré; Alfred Mame, Tours.
  42. Nos grandes Écoles d’application militaires et civiles, par M. Louis Rousselet, 1 vol. in-4o. Hachette.
  43. Les Explorations inconnues. — Le Fleuve d’or. — Le Roi des prairies. — Entre deux Océans, par M. Lucien Biart, 3 vol. gr. in-8o illustré ; Hennuyer.
  44. La Conquête d’une patrie, par M. Lucien Biart, 1 vol. gr. in-8o illustré; Hennuyer.
  45. Aventures de chasses et de voyages, par Mayne Reid, 1 vol. gr. in-8o illustré; J. Hetzel.
  46. Magasin illustré d’éducation et de récréation; vol. gr. in-8; J. Hetzel.
  47. Mirifiques Aventures de maître Antifer, par M. Jules Verne, 1 vol. gr. in-8o ; illustré; J. Hetzel.
  48. Nouveaux Contes blancs, par Bempt, 1 vol. in-8o illustré ; Hetzel.
  49. Jasmin Robba, par M. H. de Noussanne, 1 vol. in-8o illustré; Hetzel.
  50. Contes pour les bibliophiles, par MM. Octave Uzanne et Robida, 1 vol. in-8o, avec illustrations en noir et en couleur ; May et Motteroz.
  51. Le Magasin pittoresque, 1 vol. illustré ; Jouvet.
  52. Pages roses, par M. Jules Moulin, 1 vol. in-4o illustré; Jouvet.
  53. Aventures d’un Ourson russe, traduit de Slivitsky; Jouvet.
  54. Au pays des Tsars, par M. J. Gourdault, 1 vol. illustré ; Jouvet.
  55. Miliza, par Constant Améro, 1 vol. in-8o illustré; Flammarion.
  56. Nicole à Marie, par M. Gaston Bergeret, l vol. in-8o illustré ; Hachette.
  57. Mabel, par le commandant Stany, 1 vol. gr. in-8o illustré; Hachette.
  58. Le Serment de Marcorel, par H. Meyer, 1 vol. gr. in-8o illustré; Hachette
  59. Les Expédiens de Farandole, par M. Pierre Perrault, 1 vol. illustré ; A. Colin
  60. Flossette, par Gabriel Franay, 1 vol. in-4* illustré; A. Colin.
  61. La Vie de Londres, album illustré, par Mars; Plon et Nourrit.
  62. Le Bon Roy Henry, par M. Abel Hermant, 1 album illustré par Job, Mame. — L’Arche de Noé, 1 album illustré ; Plon. — L’Alphabet symbolique, par M. Emile Blémont, 1 album illustré; Lemerre. — A travers Paris, par Crafty, 1 album illustré; Plon.