Les Liaisons dangereuses/Lettre 111

Lettre CXI.

Le comte de Gercourt à madame de Volanges.

Tout paraît, Madame, devoir être tranquille dans ce pays ; & nous attendons, de jour en jour, la permission de repasser en France. J’espère que vous ne douterez pas que je n’ai toujours le même empressement à m’y rendre, & à y former les nœuds qui doivent m’unir à vous & à mademoiselle de Volanges. Cependant M. le duc de…… mon cousin, & à qui vous savez combien j’ai d’obligation, vient de me faire part de son rappel de Naples. Il me mande qu’il compte passer par Rome, & voir, dans sa route, la partie d’Italie qui lui reste à connaître. Il m’engage à l’accompagner dans ce voyage, qui sera environ de six semaines ou deux mois. Je ne vous cache pas qu’il me serait agréable de profiter de cette occasion ; sentant bien qu’une fois marié, je prendrai difficilement le temps de faire d’autres absences que celles que mon service exigera. Peut-être aussi serait-il plus convenable d’attendre l’hiver pour ce mariage ; puisque ce ne peut être qu’alors que tous mes parents seront rassemblés à Paris, & nommément M. le marquis D…… à qui je dois l’espoir de vous appartenir. Malgré ces considérations puissantes, mes projets à cet égard seront absolument subordonnés aux vôtres ; & pour peu que vous préfériez vos premiers arrangements, je suis prêt à renoncer aux miens. Je vous prie seulement de me faire savoir le plus tôt possible vos intentions à ce sujet. J’attendrai votre réponse ici, & elle seule réglera ma conduite.

Je suis avec respect, Madame, & avec tous les sentiments qui conviennent à un fils, votre très humble, etc.

Le comte de Gercourt.
Bastia, ce 10 octobre 17…