Les Juifs contre la France/Texte entier

Librairie Antisémite (p. Couv.-107).


Édouard DRUMONT


Les Juifs
contre
La France


UNE NOUVELLE POLOGNE


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Prix : 0 fr. 50
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PARIS
LIBRAIRIE ANTISÉMITE




La France

AU SEUIL DU VINGTIÈME SIÈCLE


Des amis m’ont demandé à plusieurs reprises, avec une obligeante insistance, de réunir ceux de mes articles dont ils avaient été contents — et moi aussi. — J’ai songé à le faire, j’ai commencé à le faire et j’en ai été détourné par le flot des évènements qui incessamment vous emporte et aussi, par le désir de mettre un lien entre ces pages, d’expliquer l’enchaînement des idées qui m’avait amené à les écrire.

Pourquoi me suis-je déterminé à rassembler en une mince brochure ces derniers articles consacrés à l’affaire Dreyfus ! Je le dis franchement à mes lecteurs, c’est parce qu’ils me paraissent exprimer des pensées sur lesquelles d’autres peuvent penser à leur tour, offrir, moins une occasion de lecture agréable qu’un thème à réflexions utiles.

Autant qu’il est possible de se juger soi-même, ces articles sont d’une note plus grise, d’un accent moins précis, et moins net que ce que j’écris d’ordinaire, et c’est précisément pourquoi ils me semblent traduire exactement la phase présente qui est particulièrement confuse et trouble.


Cette phase, en réalité, est une des plus critiques de notre histoire.

Nous sommes, en effet, dans une situation de révolution, et cette situation coïncide avec un mouvement plus prodigieux encore que celui que vit le xve siècle finissant au moment de la découverte de l’Amérique. Le monde va changer d’axe. Le partage de la Chine et de l’Afrique va bouleverser le plan sur lequel vivent maintenant les nations.

Depuis cent ans, il ne faut pas l’oublier, la France n’a pas vu de révolution. 1830, 1848, 1870 ont été des oscillations superficielles entre factions rivales, mais ayant la même origine, de simples déplacements de personne. Les conditions de la vie économique du pays n’en ont pas été troublées.

On a pu croire que 1889 verrait un changement analogue, un de ces changements comme il s’en est produit tous les dix-huit ans et que le triomphe du Boulangisme, en portant au pouvoir des gens nouveaux, en modifiant un peu l’orientation générale, redonnerait à la machine une impulsion plus ou moins durable.

La France souffre encore de cet avortement, non pas d’une révolution, car la campagne boulangiste n’avait rien de révolutionnaire et les révolutions, d’ailleurs, n’avortent jamais, mais d’un mouvement qui était très normal et très indiqué.


Pourquoi ce mouvement a-t-il avorté ? C’est que ce ne sont plus les Français qui arrangent les affaires à leur guise. Il y a désormais dans les affaires françaises un élément nouveau : le Juif, qui est le maître absolu chez nous.


Le Juif qui, pour employer une expression des Archives israélites, est « d’un inexorable universalisme », n’a aucune raison de se placer à notre point de vue exclusivement national. Comme nous l’expliquerons plus loin, il ne juge pas qu’il y ait intérêt pour lui à laisser se prolonger, par un replâtrage plus ou moins brillant, l’apparence de prospérité et de puissance relative qui nous fait illusion depuis quelques années. Il trouve, en un mot, que le moment est venu de supprimer la France comme on a supprimé la Pologne.


Nous assistons donc à une série de liquidations préparatoires de la grande.

Nous voyons finir, avec ses non-lieu, ses Chéquards, ses Panamistes et ses Sudistes mal nettoyés par les juges d’instruction complaisants, ce régime incohérent et bizarre qui, après avoir été exploité d’abord par les Opportunistes, l’a été ensuite par les Radicaux et qui, maintenant, est devenu la proie d’une coalition opportuno-radicalo-socialiste qui est bien la plus extraordinaire et la plus infâme mixture politique que l’on puisse concevoir.

L’habileté du Juif a toujours été de corrompre et d’user successivement tous les partis et tous les chefs qui auraient pu constituer un centre de ralliement.

Il restait encore les Socialistes qui formaient un groupe assez compact, qui représentaient les aspirations du prolétariat et qui étaient forts, non par un programme quelconque, mais par les sympathies qui s’attachent toujours à ce qui évoque un généreux idéal de justice et d’humanité, la promesse même lointaine d’un bonheur possible et d’un avenir meilleur.

Ceux-là, les Juifs se les ont fait livrer par des chefs bourgeois auxquels les Socialistes avaient accordé leur confiance parce qu’ils avaient un beau bagout, par Jaurès, le normalien et le rhéteur, par Millerand, le demi-juif, l’avocat et le basochien.

Remarquez qu’au fond, c’est la répétition pure et simple de ce qui s’est fait en 1871. Jaurès, c’est Jules Simon, l’universitaire déclamateur à la faconde inépuisable. Jules Favre et Crémieux étaient la première édition de Millerand.

Les professeurs et les marchands de parole que le peuple acclamait en 1870 ont remis leurs électeurs entre les mains de Galliffet qui s’en est accommodé comme on sait. Les professeurs et les marchands de parole socialistes font exactement de même aujourd’hui.


Les Juifs ont bien compris, en effet, que pour frapper un parti comme le parti socialiste qui, malgré les allures scientifiques et pédantes qu’il s’est données, est surtout un parti de sentiment, il fallait le déshonorer d’une façon en quelque sorte matérielle et saisissable.

C’est ce qui explique le choix de Galliffet que rien ne rendait nécessaire. En voyant leurs élus mettre leur main dans la main ensanglantée de l’assassin de 1871, de l’égorgeur de prisonniers, les vrais ouvriers, les prolétaires au cœur honnête ont été fixés ; ils se sont dit : « Décidément, il n’y a rien à faire. Nos députés sont aussi farceurs que les autres. »

Après avoir usé dans la corruption ce personnel de politiciens qui a fait du régime républicain ce que nous voyons aujourd’hui, les Juifs ont démoli aussi, et la chose n’a été ni longue ni difficile du reste, ce décor universitaire et patriotique, la phraséologie des manuels scolaires et des discours de distribution de prix qui nous montrait des maîtres d’élite refaisant une âme et un cerveau aux générations nouvelles, préparant la revanche dans l’école, remplissant la noble mission des instituteurs allemands après Iéna.


Lavisse, qui devint dreyfusard sur le tard, a été le protagoniste de cette représentation théâtrale dont la sincérité était absente, et le porte-parole de cette littérature qui eut un moment d’éclat il y a quinze ans. Il n’a pas été un cynique comme les Andrade, les Stappfer et les Buisson ; il n’a pas su être non plus un courageux comme les Syveton, les Vaugeois et les Jules Lemaître.

L’affaire Dreyfus a permis à tous les huguenots, à tous les Juifs allemands ou hongrois qui s’étaient entassés dans l’Université de jeter le masque qu’ils avaient cru devoir garder quelque temps, de se soulager publiquement, de cracher le venin qui était en eux, de nous livrer le fond de leur âme.

Dans un élan instinctif, tous ces Cosmopolites se sont attelés à la fois à l’œuvre d’infamie et de trahison, et l’on a vu se manifester au dehors tout ce qu’il y avait en eux de haine contre la France, sa gloire, ses traditions, tout ce qu’il y avait de tendresse longtemps dissimulée pour la grande et la chère Allemagne.

Pour que l’œuvre de destruction fût complète, il fallait encore démolir l’armée. Les Juifs y ont à moitié réussi ; ils ont porté un coup terrible à cette organisation militaire née avec la troisième République, appropriée à nos mœurs actuelles, que notre chauvinisme avait adoptée et dans laquelle il avait mis ses amours, ses espérances, ses illusions peut-être.

Par le fait qu’elle n’avait pas à son actif d’éclatantes victoires, cette armée devait d’ailleurs n’opposer qu’une médiocre résistance à une campagne d’outrages et de calomnies ; elle devait être gravement atteinte de ce qui aurait à peine effleuré une armée de vainqueurs.

Ici encore l’homme instrumentaire était admirablement choisi. Galliffet, c’est le représentant de l’ancienne armée en ce qu’elle eut de plus mauvais. Chaque agglomération d’hommes, chaque armée par conséquent, contient en elle des germes malsains, des personnalités douteuses.

Balzac nous a montré dans Joseph Brideau ce que pouvait devenir, pendant la paix, un officier qui avait appartenu aux légions héroïques. Galliffet est un type de ce genre ; on l’a appelé un « Esterhazy qui aurait réussi ». Je trouve que l’on a été un peu dur pour Esterhazy.

Le type, d’ailleurs, est complexe. C’est un soldat de l’ancienne armée, encore une fois, mais il n’a rien des nobles et graves figures comme Laveaucoupet, comme Lapasset, comme Ladmirault, qui furent l’honneur de l’armée de Metz. Il apparaît comme un bâtard de Doineau, un épigone de Magnan, un Doineau qui voudrait jouer au Saint-Arnaud et qui taperait successivement tous les partis avec un projet de coup d’État qu’il n’aurait jamais eu probablement l’énergie d’exécuter.


Il ne consent pas à rester en demi-solde comme Joseph Brideau, il veut toucher la solde double et il demande aux banquiers juifs de compléter son traitement. Dans sa jeunesse, il a été l’officier de cour, amant de cœur de filles galantes ; dans sa vieillesse, il est devenu le parasite, l’exploiteur, le commensal des Juifs, le domestique galonné de Reinach.

Dans ce soudard brutal et féroce, il y a, en effet, un patricien, mais un patricien dégénéré, insolent envers le peuple, servile et peloteur envers les Rois de la Synagogue, un mélange de Montpavon et de Sagan, un Montpavon dont Gambetta aurait été le Morny, un Sagan qui aurait été obligé de se contenter de Yousouf, puisque le baron de Hirsch était en mains.


Par une de ces ironies auxquelles se plaît la Destinée, c’est ce prétorien de vilaine marque qui a vengé ces chefs de l’ancienne armée auxquels on jeta pendant si longtemps l’épithète de capitulards et qui, résignés et stoïques, ne songèrent qu’à préparer la revanche.

Galliffet a dû éprouver une joie intense en frappant des généraux comme Négrier, comme Zurlinden, en menaçant Jamont, Hervé, Metzinger. Ces hommes, qui avaient servi de transition entre l’ancienne armée et l’armée nouvelle, qui, par patriotisme, s’étaient pliés aux nécessités d’un régime exclusivement démocratique, qui avaient reconstitué notre force militaire dans des conditions particulièrement difficiles, étaient non pas seulement les ennemis personnels de l’ancien favori de Compiègne, mais les ennemis de la conception qu’il a d’une armée.

Veuillez remarquer, effectivement, que le ministère actuel ne fait qu’appliquer les idées que Galliffet, avec le cynisme énorme qui le caractérise, développait jadis dans une interview fameuse « La France n’est plus en état de lutter avec l’Allemagne, la France ne doit plus songer à la Revanche, elle ne doit plus avoir d’armée, mais simplement une immense gendarmerie destinée à maintenir l’ordre. »

Nous n’étions pas en 1894 aussi avancés qu’à l’heure présente. La Chambre protesta énergiquement contre un tel langage, qui avait été dénoncé et flétri à la tribune par M. Paschal Grousset (qui vote maintenant pour Galliffet).

Galliffet eût été rayé des cadres de l’armée, si le général Mercier n’avait pas eu la générosité de défendre le triste personnage qui devait, plus tard, être implacable pour Négrier auquel on ne pouvait reprocher que de déplaire à l’Allemagne.

Ce qui excitait l’indignation de tous alors est devenu le programme du gouvernement, maintenant que la Juiverie se croit sûre de la victoire. Il faut que l’armée française n’existe plus, pour que l’empereur Guillaume puisse réaliser son rêve : Régner chaque année six mois en Allemagne et six mois en France…

Ce qu’il y a de vraiment beau et de suggestif pour le penseur, c’est de voir, à l’heure décisive et tragique que traverse la France, la rencontre de deux Juifs venus de côtés bien différents de l’horizon et qui se trouvent, au moment voulu, amenés aux affaires de la façon la plus inattendue, pour ceux du moins qui ne connaissent pas les dessous de la politique contemporaine. Ils se reconnaissent, et sans explications, sans discours, ils fraternisent et se dévouent spontanément à l’œuvre commune.

Millerand est Juif par sa mère, Juif par ses oncles dont l’un, fabricant de bijoux fourrés dans le quartier du Temple, fourra tellement les gens dedans, qu’on fut obligé de le fourrer lui-même en prison.

L’origine juive de Galliffet n’est pas douteuse davantage. Le Nobiliaire de Provence a établi la généalogie de la famille de Galliffet, issue de deux Juifs du Comtat Venaissin, Josué et Coulet, qui durent s’enfuir après avoir commis des crimes si énormes qu’ils n’en obtinrent la rémission qu’en se faisant baptiser et en se créant, en quelque sorte, une personnalité nouvelle.

Vous voyez ces deux ministres de la République en présence, une fois la porte bien fermée et les huissiers partis.

L’un est un démagogue fougueux, élu par des fils de Communards, par des hommes qui crient : Vive la Commune ! en toute occasion.

L’autre est le tueur qui, par un affreux dilettantisme, faisait sortir des rangs de malheureux prisonniers qu’on l’avait chargé, non d’égorger, mais de conduire à Versailles, et qu’il faisait fusiller pour s’amuser, pour se distraire, parce qu’il était de mauvaise humeur de ce que l’Empire eût été renversé et qu’il n’y eût plus de fêtes à Compiègne.

Il semble qu’un monde devait séparer ces deux êtres. C’est une erreur ; l’attraction de race les jette immédiatement dans les bras l’un de l’autre et aussi le même mépris pour les goym, pour le peuple, l’éternelle dupe et l’éternelle victime.

C’est en vain que l’un est fils d’un marchand de vins, tribun, flatteur de foule, révolutionnaire de langage, radical, socialiste, tout ce qu’on voudra, et que l’autre est grand seigneur, d’apparence du moins, membre des cercles difficiles, du Jockey-Club, de l’Union, apparenté aux d’Imécourt et même aux Musurus.

Ils sont frères, croyez-le bien, enfants de la même race à laquelle ils tiennent par une fibre qui ne se rompra jamais, aussi étrangers aux intérêts, aux traditions, à l’essence même de la nation au milieu de laquelle ils vivent que je puis l’être à l’âme des Chinois.


C’est là l’œuvre originale et puissante à écrire pour l’avenir, le thème de la plus saisissante étude sociale que l’on puisse imaginer. Dumas s’y essaya dans la Femme de Claude. Il eut l’idée de revenir sur cette question et il m’en parla un jour dans une conversation sur les Juifs qui m’a laissé une impression profonde. Il renonça à son projet parce qu’il était Juif lui-même par sa mère, et beaucoup aussi parce qu’il se rendait compte qu’on ne ferait jamais rien accepter de ce genre à un public de première représentation où l’élément sémite est en majorité.

M. de Vogüé a touché ce point dans les Morts qui parlent, et c’est un portrait d’un original relief que celui de cet Elzéar Bayonne, le Juif socialiste, mélange de Lassalle qui flirtait avec Bismarck, son voisin de campagne, au moment où il préchait la révolution, et de Millerand qui se tord lorsque Galliffet imite les grimaces de ceux qu’il faisait égorger à la Muette.

L’œuvre d’ailleurs, qu’elle soit un drame ou un roman, est en germe dans Daniel Deronda, et surtout dans les livres si étrangement prophétiques où Disraeli s’est amusé tant de fois à traiter ces questions. Dans Coningsby, dans Endymion, dans Lothair, il nous a montré, pendant la première moitié de ce siècle, des personnages que l’on ne croyait pas Juifs, s’installant dans les grands emplois et préparant le triomphe de leur race. Il nous a annoncé que les Juifs jetteraient bientôt le masque et que, las de régner sous l’anonymat ou derrière des hommes de paille, ils réclameraient officiellement le droit de gouverner le monde, le droit d’être nos maîtres.

C’est dans Coningsby ou la Nouvelle génération que Disraëli nous a légué, dans une phrase d’une souriante ironie, le secret définitif de ce siècle qui a été une continuelle duperie, une mystification cruelle, une comédie admirablement montée et une conspiration permanente contre la Vérité.

« Vous voyez, mon cher Coningsby, que le monde est gouverné par des hommes bien différents… de ceux que se figurent ceux qui ne sont pas dans les coulisses… »

C’est par la force même des choses que Déroulède se dresse devant la politique de Galliffet et de Millerand comme le champion tout naturel de cette France dont on veut faire la vassale de l’Allemagne.

« On vit de ce que l’on est et de ce que l’on crée », a dit Proudhon. Déroulède est l’idée de la Revanche incarnée. Soldat vaillant pendant la guerre, il a sinon créé, du moins développé avec toute l’ardeur de sa généreuse nature, ce mouvement de patriotique espérance qui était encore si vivace il y a dix ans. Il a joué un peu le rôle de Arndt qui, par ses vers enflammés, contribua tant en Allemagne au relèvement qui suivit Iéna.

Il n’en faut pas davantage pour expliquer la peur et la haine qu’inspire Déroulède à un ministère allemand et juif, et pour faire comprendre le traitement ignominieux que l’on fait subir en prison au grand patriote que l’on soumet au régime des malfaiteurs de droit commun.

L’erreur de Déroulède, nous l’avons dit bien souvent, c’est de croire qu’une simple révolte populaire ou un 4 Septembre militaire dénoueraient la crise actuelle. Ce qui enlève à Déroulède une partie de ses moyens d’action, c’est de ne pas voir qu’il y a un complot ourdi par les Juifs du monde entier pour la destruction de la France.

Derrière ces politiciens imbéciles ou scélérats, il y a une Puissance formidablement organisée. On ne sauvera la France qu’en abattant cette Puissance, en lui enlevant l’Argent, c’est-à-dire l’arme dont elle se sert pour assassiner la France.

Guérin et ses amis, dont la magnifique résistance à l’arbitraire a fait l’admiration de Paris et de la France, ont, une vision beaucoup plus nette de la réalité des choses.

En réunissant en brochure les articles où je me suis efforcé de bien faire comprendre ce qui était en jeu dans cette extraordinaire affaire Dreyfus, qui n’est qu’un paravent cachant un essai de mobilisation des forces juives, je me suis proposé, je le répète, de faire penser les Français et de leur montrer, une fois de plus, la plaie dans laquelle il faut porter le fer rouge…


Édouard DRUMONT.


Les Juifs
contre
La France



I


L’AFFAIRE ET L’ARMÉE


Les quelques jours qui nous séparent encore de l’heure où le Conseil de guerre de Rennes aura rendu son verdict, sont une occasion favorable pour analyser sous tous ses aspects la situation que la campagne Dreyfus a faite à la France.

Nos lecteurs, je l’espère, ne m’en voudront pas de rester fidèle à notre méthode ordinaire et d’examiner cette question dans un esprit philosophique, impartial et abstrait, sans craindre de blesser certains partis pris qui ont des côtés touchants.

J’estime que l’amertume salubre de la Vérité vaut mieux pour un pays comme le nôtre, qui a encore tant de forces en réserve, que les mensonges, les hypocrisies et les déclamations dont on berce l’agonie des sociétés dont la décadence est irrémédiable.


Il est incontestable que l’affaire Dreyfus a été une immense victoire pour l’Allemagne. À l’heure actuelle, la France reste la plus formidable des puissances de deuxième ordre, mais elle a évidemment descendu d’un degré. Elle ne peut espérer jouer dans les événements qui se préparent dans le monde le rôle qu’elle aurait pu avoir au mois d’octobre 1896, alors que l’Alliance russe, en admettant même qu’on s’en exagérât l’importance, nous avait tonifiés un peu, nous avait remontés à nos propres yeux et aux yeux de l’Europe.

Pour employer l’expression du baron de Stein qui, après Iéna, releva et reconstitua la Prusse, c’est une « grande machinerie militaire » qui vient de tomber en morceaux, non pas après une défaite, mais sous les coups des ennemis intérieurs, alliés à l’étranger, sous les coups des Cosmopolites et des Juifs !

Si une guerre avait éclaté en 1896, le pays aurait été convaincu que nos frères les Russes étaient prêts à voler à notre secours ; que le général de Boisdeffre, l’élève et le successeur désigné par Miribel, était, comme chef d’état-major, de la valeur de de Moltke. Il ne faisait doute pour personne, à ce moment, que grâce aux vingt-cinq milliards qui avaient été dépensés, grâce au service obligatoire pour tous, nous avions une armée incomparable.

C’était peut-être la vérité, c’était peut-être une illusion. Dans les choses de la guerre, d’ailleurs, la vérité et l’illusion sont à peu près équivalentes. Quand Murat se présentait aux portes de Vienne avec un escadron de hussards et sommait la ville de capituler, il était escorté par une force invisible qui suppléait à la force matérielle qui lui manquait ; il agissait en vertu d’une sorte de prestige magique. Quand la confiance n’y est plus, on est déjà à moitié vaincu.

Il est indiscutable que le bon état moral dans lequel nous étions il y a quelques années encore n’existe plus. Ce n’est pas impunément qu’on peut du matin au soir traiter les généraux et les officiers de misérables et de faussaires.

Si une guerre éclatait, il y aurait un sentiment de malaise qui remplacerait l’entrain que nous avions autrefois. Les uns soupçonneraient des Dreyfus et des Picquart partout ; les autres, sans même être imprégnés du venin dreyfusard, auraient une appréhension, après tout légitime, en se voyant conduits par des chefs que les attaques d’une bande de mercenaires et de Juifs ont suffi à démonter.

Créer cette impression a été le but qu’ont voulu atteindre les organisateurs du complot judéo allemand. Ils ont obtenu le résultat qu’ils désiraient, mais ce résultat, au point de vue de la destruction de la France, que les Juifs se proposent, n’a pas été aussi considérable qu’ils auraient pu l’espérer.

Il convient, je crois, de serrer la question de près et d’imiter le médecin qui, sans rien cacher des symptômes alarmants, indique également les symptômes rassurants.

Il n’y a pas de pays où l’on trouverait des êtres assez crapuleux pour aider volontairement, comme les Brisson et les Waldeck, à l’abaissement de l’armée qui défend la Patrie. Il n’y a pas un pays non plus qui serait en état de supporter, comme la France l’a fait, la crise affreuse que nous traversons depuis deux ans.

En réalité, la façon dont la France a résisté à la campagne forcenée que la Juiverie a déchaînée sur nous est le plus éclatant et le plus magnifique hommage qui puisse être rendu à la conscience avec laquelle nos officiers ont rempli ieur devoir.

Depuis 1871, des millions d’hommes ont passé par la caserne. Beaucoup d’entre eux n’avaient aucun goût, mais bien plutôt une antipathie instinctive, pour le métier militaire qui était contraire à leurs habitudes et à leur nature d’esprit. Ces hommes sont des Français de la fin du xixe siècle, c’est-à-dire des citoyens indépendants que le respect n’étouffe pas, des lecteurs de journaux. Pendant les périodes d’exercice, ils ont été dérangés dans leurs intérêts et quelques-uns, sans nul doute, ont eu de la peine à se plier aux exigences d’une discipline qui contraste avec la liberté de la vie actuelle.

Si les officiers avaient été arrogants, injustes, amoureux de leurs aises, s’ils n’avaient pas donné à leurs soldats l’exemple du dévouement et de l’acceptation de toutes les fatigues, la campagne contre l’armée entreprise avec d’aussi effroyables moyens aurait trouvé partout des adhérents.

Or, il est indéniable que le cri de Vive l’armée ! est le cri populaire, le cri populaire dans la France entière et à Paris même où l’on est plus indépendant, moins docile, plus indiscipliné que partout ailleurs.


Vous avez là-dessus le témoignage, véritablement monstrueux d’ailleurs, dans son cynisme, de cet André, le commissaire de police qui a déposé dans le procès Christiani. Ce malheureux a osé dire en plein tribunal : « On criait Vive l’armée ! d’une façon abominable » sans que le président, plus ignoble encore que le commissaire, ait eu la pudeur de répondre à ce témoin extraordinaire :

« C’est votre déposition qui est abominable ; il n’y a rien d’abominable à crier Vive l’armée !

Allez dans n’importe quel quartier de Paris ou dans n’importe quelle ville de France crier : Vive l’armée ! Dès que vous ne vous heurterez pas à une bande organisée par la Sûreté ou par la Juiverie, tout le monde reprendra : Vive l’armée !

Rien n’est plus concluant sous ce rapport que ce qui s’est passé à Longchamp où, par une ironie véritablement énorme, il a fallu pour empêcher le cri de Vive l’armée ! qui est, paraît-il, une offense mortelle pour Loubet, mobiliser une véritable armée.

Il est clair, je le répète, que si tous ceux qui ont passé par l’armée depuis trente ans, n’y avaient vu que des abus, ils ne crieraient pas de si bon cœur Vive l’Armée ! au moment où, grâce à la complicité de gouvernants qui sont des traîtres, on les convie, on les encourage, on les provoque à l’aide de toutes les excitations par la parole, par la plume, par le crayon, à crier A bas l’armée !

Il y a là, encore une fois, un symptôme très rassurant, comme une sorte de mobilisation des âmes, une manière de plébiscite en faveur de nos officiers.

L’Empereur d’Allemagne a l’âme vile, car on ne s’allie pas à la Juiverie pour bouleverser un pays, avec lequel on n’est pas en guerre, à propos d’un espion. Il passe, cependant, pour intelligent et certainement, il aura dû être frappé de cette épreuve préparatoire qui lui a montré quel était, vis-à-vis de nos officiers, le sentiment de la nation française.

Il est manifeste, néanmoins, qu’après la crise qu’elle vient de traverser, la France, au point de vue militaire, n’est point dans cette période d’enthousiasme et d’élan qui rend les peuples redoutables. Elle n’est point absolument abattue, sans doute, mais elle est visiblement détendue et peu confiante en elle-même.

Le fait s’explique aisément.

Pendant le règne de Louis-Philippe, la France vécut sur les souvenirs de la prodigieuse épopée impériale.

La guerre de Crimée et surtout la guerre d’Italie furent, au point de vue politique, des conceptions parfaitement déraisonnables. Ces campagnes terminées par des victoires ne nous en avaient pas moins donné un nouveau patrimoine de gloire, c’est-à-dire un nouveau fonds de confiance et d’espoir sur lequel nous avons vécu jusqu’aux dernières heures de ce siècle, même après les désastres de l’Année Terrible.

Il n’en est plus tout à fait de même aujourd’hui. Près de trente ans de paix, c’est long pour une nation qui fut pendant des siècles une nation militaire. Pour que l’ardeur du patriotisme, la poésie du drapeau survivent, il a fallu l’effort de tous les braves gens, la coalition presque unanime de tous les écrivains, Zola, bien entendu, excepté. Il a fallu que l’on magnifie le moindre épisode de la guerre de 1870, qu’on maintienne, un peu artificiellement, l’âme française à un certain diapason.

C’est par cette action sur l’opinion que Déroulède fut vraiment grand. Toujours vibrant, toujours éloquent, indifférent à toutes les railleries, il parlait superbement de la Patrie sans s’inquiéter de savoir si sa parole trouvait toujours un écho aussi profond qu’il l’eût désiré. Grâce à ce pieux artifice, on a grandi, surfait, gonflé un peu des hommes comme Jamont, comme Négrier, comme Boisdeffre, qui, sans doute, étaient de bons généraux, mais dont la personnalité un peu mince n’avait pas les proportions qu’on leur prêtait avec une patriotique complaisance.

Dans l’assaut furieux que la Juiverie cosmopolite a donné à l’armée, ces chefs, il faut bien le reconnaître, n’ont pas été brillants ; ils n’ont pas justifié la situation un peu exceptionnelle que l’on avait faite à des hommes qui n’étaient pas auréolés par la Victoire.

En ce qui les concerne, ils n’ont su faire preuve, devant de si ignominieuses attaques, ni d’énergie, ni de volonté, ni d’initiative ; ils ont apparu un peu comme ces mandarins militaires chinois dont le costume est orné d’emblèmes terrifiants, mais qui, dans l’Empire du Milieu, ont une place tout à fait effacée derrière les mandarins administratifs ou les lettrés qui savent les 5.000 mots dont est composé le dictionnaire chinois.

Ces chefs, qui n’ont rien voulu sacrifier des avantages que leur procurait leur rang dans la hiérarchie, n’ont usé de l’autorité que leur conférait leur grade que pour menacer de toutes les rigueurs les jeunes officiers qui frémissaient sous tant d’outrages et qui trouvaient raide tout de même de se laisser insulter sans répit et sans trêve par les stipendiés d’Israël.

C’est donc enregistrer purement et simplement un fait social que de constater que l’armée française a subi en pleine paix une diminution morale plus considérable que celle que lui aurait causée une défaite glorieuse ; c’est elle qui sort humiliée de cette campagne.

Il nous reste à examiner comment cette campagne a été organisée, et la signification exacte de l’attitude nettement hostile à la France que la Juiverie a prise dans cette circonstance…


II


L’AFFAIRE ET L’EUROPE


Quelle est la signification exacte de la campagne frénétique organisée par la Juiverie du monde entier pour affoler la France, déshonorer l’armée française et nous mettre ainsi hors d’état de jouer un rôle en Europe ?

Cette campagne signifie tout simplement que l’ensemble des intérêts qui composent la Juiverie a pris parti contre la France, tend à la destruction de la France, trouve avantageux que la France cesse d’être une grande Puissance européenne.

Il me semble bien inutile dans ces articles, qui sont écrits à un point de vue philosophique et social, de se livrer à ce sujet à de puériles indignations et à des déclamations vaines. Si les circonstances voulaient que je fusse investi d’une autorité qui me permît de sauver mon pays, je confierais les grands Juifs et leurs complices à une cour martiale qui les ferait fusiller. Mais, dans le domaine théorique et spéculatif, je trouve assez naturel et assez logique que les Juifs fassent ce qu’ils font. Penser autrement serait tomber dans la manie ordinaire aux Français qui se trouvent si aimables qu’ils s’imaginent que tout le monde doit les aimer.


Les Juifs avaient jadis une nationalité, ils l’ont perdue par leurs divisions et leur manque absolu de tout instinct de hiérarchie et d’ordre. Grâce à leur génie de conspirateurs et de trafiquants, ils se sont reconstitué un Pouvoir d’argent qui est formidable, non point seulement par la force propre que possède l’argent, mais parce que les Juifs ont surbaissé ou détruit les autres Pouvoirs pour que le leur restât seul debout, parce qu’ils ont modelé, façonné, pétri une société où l’Argent est le véritable maître de tout.

Cette Puissance d’argent, comme toutes les puissances, s’inspire uniquement de ses propres intérêts ; elle se porte dans le sens qui lui paraît le plus profitable. Au moment de la Révolution, elle a été pour nous ; elle a appuyé ensuite Bonaparte ; en 1815, elle était nettement contre lui, et, au moment de Waterloo, elle a combattu avec Rothschild aussi énergiquement que Wellington.

Elle était pour le second Empire, au début, et elle était contre lui à la fin. Elle travaillait pour l’Allemagne, elle subventionnait les journaux républicains de la nuance Ferry comme elle subventionne aujourd’hui les journaux internationalistes et anarchistes ; elle préparait notre écrasement comme elle le prépare aujourd’hui.

Après nos désastres, cette Puissance s’est remise avec nous. Elle nous a donné une apparence ou une illusion de relèvement et de prospérité par le mouvement financier, et elle en a profité pour faire de la France une proie sur laquelle se sont rués tous les Juifs du monde entier. Les financiers ont raflé nos économies ; les autres ont envahi les places, les grandes situations mondaines, et se sont partagés les honneurs et les décorations.

Aujourd’hui les Juifs pensent qu’il n’y a plus rien à tirer de nous, en dehors peut-être des derniers hochets honorifiques de l’Exposition. Ils savent que nos caisses sont vides, que la Caisse d’épargne serait incapable de rembourser les milliards qu’on lui a confiés ; ils connaissent la profondeur du gouffre que cache le décor imposteur de nos budgets ; ils se préparent à liquider la France comme on a liquidé l’Espagne.

Si les Antisémites n’arrivent pas à sauver la France par les moyens qu’a employés Danton, la liquidation se fera très rapidement en deux temps quatre mouvements.

Jamais l’heure ne fut plus grave, en effet nous allons assister, nous assistons déjà, à un nouveau partage du monde. La question était de savoir si nous interviendrions dans ce partage ou si nous en serions exclus. Au moment où a été conclue l’Alliance russe, il était décidé que nous en serions ; aujourd’hui on ne voit plus la nécessité de nous faire notre part.

Le vrai but de la campagne organisée par les Juifs, pour lesquels Dreyfus n’a jamais été qu’un prétexte, a été de détruire la force ou l’apparence de force que nous donnait une armée qui, il y a quelques années, semblait vraiment être un élément avec lequel l’Europe devait compter.

Un gouvernement autocratique comme celui du Tzar avait dû passer par dessus bien des préjugés et bien des préventions pour se rapprocher d’un gouvernement aussi instable et aussi bizarre que le nôtre. Ce qui avait décidé le Tzar ce n’était évidemment pas la sympathie que lui inspiraient nos politiciens, c’était cette masse encore imposante et solide qu’était l’armée française, il y a trois ans à peine. Les Juifs ont dit à la Russie :

« Vous croyez à cela ? Vous êtes naïfs. Nous allons faire un consortium, ajouter quelques millions à ceux que nous donnera l’Allemagne, rassembler, grouper et confédérer tous les écumeurs de la Presse, tous les non lieu, tous les véreux et tous les tarés du Panama et des Chemins de fer du Sud. Vous verrez après cela ce qu’il restera de cette armée.

« Tous les jours vous pourrez lire dans les journaux, en caractères énormes, qu’il faut envoyer au bagne le général Mercier qui a poussé l’audace jusqu’à faire arrêter un Juif infâme qui avait livré les secrets militaires de la France à l’Allemagne. Quant à Boisdeffre, celui qu’on croyait devoir jouer le rôle de de Moltke, le grand chef de l’état-major, le général qui a mis son nom au bas de la convention militaire franco-russe, il disparaîtra piteusement sans même essayer de se défendre devant une poignée de misérables qui auraient tous été rejoindre Baïhaut à Mazas si Loubet n’avait pas commis une véritable forfaiture en cachant la liste des Panamistes à la justice. Pour ce fait, d’ailleurs, Loubet fut flétri à l’unanimité par la Chambre avant d’être acclamé par elle après avoir été hué à Auteuil par le peuple de Paris. »

Les Juifs ont fait ce qu’ils avaient annoncé, et il faut reconnaître qu’ils ont procédé à cette destruction morale de l’armée française avec une virtuosité sans égale.


Ceci vous explique que nos rivaux, nos alliés ou les alliés que nous aurions pu avoir, aient jugé à propos de nous laisser nous dépêtrer de l’affaire Dreyfus et qu’ils aient préféré employer leur temps à se nantir vigoureusement.

L’Angleterre s’est taillé un empire qui va d’Alexandrie au Cap. Elle nous a signifié que nous n’avions plus rien à faire dans cette Égypte que nous avions ressuscitée à la vie de la civilisation, fécondée par notre activité et nos capitaux.

La Russie s’est créée un empire asiatique au moins aussi formidable : elle s’est annexée la Mandchourie et elle a occupé Port-Arthur.

L’Amérique s’est affirmée comme nation conquérante : elle prendra, quand elle le voudra, celles de nos colonies qui pourront être à sa convenance, comme elle a pris Cuba, et elle dira à M. Cambon :

« Au lieu de protester, vous avez été assez gentil pour négocier le traité qui a consacré la prise de possession de Cuba, et vos journaux ont été assez snobs pour représenter comme un hommage rendu à la France votre incompréhensible intervention dans le dépouillement d’une nation latine. Vous ne pouvez mieux faire que de continuer en ce qui concerne vos possessions à vous. »

Quant à l’Allemagne, elle attend l’évènement que toute l’Europe escompte déjà et auquel M. Deschanel a été le seul à faire allusion dans un discours de rentrée à la Chambre : la mort de l’Empereur d’Autriche qui sera le signal de la dissolution de l’empire austro-hongrois et qui amènera le retour assez naturel des provinces allemandes à l’empire d’Allemagne.


Sans doute, tous ces gens d’un formidable appétit trouvent que l’appétit de leur voisin n’est pas mince, mais ils finiront par s’arranger entre eux, par arbitrer aux dépens des nations faibles les différends qu’ils pourraient avoir.

Quant à nous, que voulez-vous que nous fassions ?… Quand il a raconté son histoire de Fachoda, Delcassé a été plus applaudi par la Chambre que s’il avait déposé sur la tribune les drapeaux de Sedan où de Metz reconquis sur l’ennemi.

Un député modeste, dont le nom ne me revient pas, obtint aussi un vif succès. Il avait annoncé qu’il interpellerait là-dessus ; il annonça qu’il renonçait à son interpellation et on lui sut gré de ne pas avoir usé du droit qu’il avait d’attrister le monde en évoquant des images pénibles. Il n’eut pas le triomphe comme Delcassé, il eut ce qu’on appelait à Rome le petit Triomphe, c’est-à-dire l’Ovation, ainsi nommé parce qu’au lieu de sacrifier des bœufs on sacrifiait seulement des brebis, oves.

Ce fut véritablement touchant. Chacun semblait dire à cet homme de bonne compagnie : « Voilà un homme qui pourrait nous faire de la peine et qui s’abstient, qu’il soit loué ! »

C’est comme cela. Rien ne pourrait traduire l’accent pas méchant, mais plutôt paternel et affectueux, avec lequel M. Deschanel me dit, quand je vins à prononcer le nom de Fachoda : « Monsieur Drumont, vous froissez le sentiment de la Chambre ! ».

C’était moins un président qui intervenait qu’un maître de maison bien élevé qui aurait vu la conversation s’engager sur des sujets affligeants pour la société et qui aurait dit : « Si nous parlions d’autre chose ? »

Si la situation est déjà ce qu’elle est à l’heure présente, que sera-ce lorsque des nations comme l’Angleterre et l’Allemagne auront atteint leur maximum de développement, seront devenues véritablement énormes ? Ce serait folie de penser même à lutter contre elles avec une marine confiée à ce Lanessan qu’on a appelé le Chevalier de la haute industrie, avec une armée où les Juifs seront absolument les maîtres ; lorsque l’acquittement de Dreyfus aura prouvé que la trahison est un commerce licite, lorsque Picquart, nettoyé, restauré et promu aura repris sa place à l’état-major.

C’est alors que les Puissances regarderont la France avec les yeux luisant de convoitises. qu’eurent l’Autriche, la Russie et la Prusse en regardant la malheureuse Pologne.

Dans les pays où règne une anthropophagie organisée, on ne se précipite pas d’une manière désordonnée sur la viande humaine. Chacun vient à son tour et marque au crayon sur la peau des victimes les morceaux sur lesquels il a fixé son choix ; on abat quand tout est retenu. Il en fut ainsi pour la Pologne. Dieu veuille qu’il n’en soit pas de même pour la France !


Remarquez que toutes ces perspectives et toutes ces éventualités sont, depuis longtemps, dans le domaine de la discussion courante pour ceux qui suivent attentivement le mouvement de ce siècle qui n’a pris que dans ces dernières années la physionomie qu’il aura dans l’histoire. Il finit, en effet, tout autrement qu’il n’a commencé. Après avoir été, en naissant, l’apothéose de la Force, il s’achève dans l’apothéose de l’Argent ! Il a eu deux maîtres : Napoléon, au début ; Rothschild, personnification de la Conquête juive, au déclin.

On comprend mieux la France juive qu’on ne la comprenait au moment où elle a paru (1886) on ne la comprendra complètement que dans quelques années. On y trouve à chaque pas, en effet, des notations que les événements se sont chargés de mettre en valeur comme le temps donne leur relief exact à des détails d’architecture perdus dans l’éclat criard d’un monument trop neuf.

Dès 1875, un Juif un peu oublié aujourd’dhui, mais qui alors était presque célèbre et qui était, en tout cas, un esprit très intéressant et très curieux, Alexandre Weill, m’expliquait que la France devait subir le sort de la Pologne et qu’il serait bon, dans l’intérêt supérieur de l’Humanité, que les Français, dispersés et sans patrie comme les Polonais, aillent répandre à travers le monde des vérités d’ordre général sur la civilisation et le progrès.

Alexandre Weill, qui est mort tout récemment, était déjà très âgé à cette époque. C’était un vieux Nabi qui avait des lueurs de prophétisme et de génie. Il avait une peur terrible de l’Antisémitisme français, qui, alors, n’existait qu’à l’état latent dans le cerveau d’un écrivain qui attendait son heure et dans le cœur de milliers d’êtres qui attendaient qu’un écrivain qu’ils ne connaissaient pas parlât pour eux.

Alexandre Weill habitait à cette époque, à l’entrée du faubourg Saint-Honoré, fit il s’en allait vers midi promener sous les arcades, libres alors, qui s’étendaient sous le Garde-meuble et le ministère de la Marine, des petits chiens blancs frisés, qui étaient habitués, paraît-il, à ne descendre qu’à une certaine heure.

J’ai toujours été désireux de m’instruire et, en revenant de mon journal, j’échangeais quelques idées avec lui. Devant cette place tragique je pensais que ce n’était peut-être pas la peine d’avoir coupé le cou au descendant de quarante rois pour être gouvernés par les Rothschild qui occupent, à quelques pas de là, l’hôtel de l’Infantado, et pour s’entendre dire que la France finirait comme la Pologne, par un vieux Juif qui promenait des petits chiens blancs frisés.

C’est ainsi, qu’à mon insu même, l’œuvre libératrice germait peu à peu dans mon cœur.


III


L’AFFAIRE ET L’EUROPE
(SUITE ET FIN)


C’est à ces études philosophiques et sociales, plus encore que politiques, sur les dangers qui menacent notre pays dans un avenir prochain, que se peut appliquer ce mot qui est une excellente règle de vie : « Il faut agir comme si on pouvait tout et se résigner comme si on ne pouvait rien. »

Tous les événements qui se sont produits depuis un siècle ont toujours été nettement et intelligiblement annoncés par des écrivains perspicaces. Et toujours ce que disaient ces hommes clairvoyants a été regardé par les prétendus sages comme des visions d’extravagants. Quand Donoso Cortès expliquait dès 1852 comment l’Empire finirait, personne n’y prêtait attention.

Imaginez qu’un orateur se fût avisé de dire à la tribune du Corps législatif vers 1867 que la France se verrait arracher cette Alsace-Lorraine qui était la chair de notre chair. Il n’aurait peut-être pas été hué, car les députés d’alors étaient mieux élevés que ceux d’aujourd’hui, et ne chahutaient pas ceux qui leur déplaisaient ; il aurait été considéré, en tout cas, comme une espèce de fou sinistre.

Proudhon fut le seul alors à prédire ce qui allait arriver, et l’on sait le succès qu’il obtint. Pendant que l’Empire mettait à Sainte-Pélagie l’auteur de la Guerre et la Paix, les futurs républicains de gouvernement, les chéquards an herbe et les Panamistes de l’avenir l’accusaient d’être vendu aux Jésuites, quoiqu’il ne se fût pas marié à l’Église et qu’il n’eût pas fait baptiser ses enfants.

C’est absolument la tactique qu’emploient les socialistes affiliés à la Synagogue contre des écrivains comme Rochefort qui, après avoir blasphémé toute sa vie, se voit traité de « calotin » parce qu’il trouve abominable qu’un capitaine juif ait livré à l’ennemi les secrets de la défense nationale.

Il y a cinq ans à peine, on aurait conspué l’écrivain qui se serait permis de dire qu’un principicule ridicule, qui ne vit que des bénéfices d’un claquedent, pousserait l’impudence jusqu’à donner insolemment une leçon publique aux chefs de l’armée française.

Cela est, et nous avons été les témoins de cette ignominie, et pour que l’insulte fût mieux soulignée, c’est à Kiel, ; qui a marqué une étape de notre déchéance, que le protecteur de Dreyfus et le protégé de Lara a rédigé cette lettre inouïe, qui est certainement aussi déshonorante pour celui qui l’a écrite que pour le gouvernement qui n’a pas l’énergie de rappeler cet enjuivé à la pudeur et de lui dire d’aller lever la patte ailleurs.

La vérité est que les Nations grandissent, se développent, s’affaiblissent et meurent comme les hommes, et qu’aux Nations comme aux hommes la mort semble toujours une chose inattendue, une chose improbable à laquelle il leur serait pénible de penser d’avance. Ce dut être une stupeur quand la Mort entra pour la première fois dans le monde et que les fils d’Adam virent disparaître le premier homme ; au fond, la surprise est toujours la même.

On a plaisanté souvent de cette parole d’un orateur qui, aussi accommodant que Deschanel, qui ne veut pas laisser prononcer le nom de Fachoda, désirait avant tout ne contrister personne : « Messieurs, nous sommes presque tous mortels. »

Croyez, bien que cette parole ne parut pas aussi bizarre qu’il vous le semble, et que, dans l’assistance, beaucoup surent gré à l’orateur de l’avoir dite. Au plus intime d’eux-mêmes, ils éprouvèrent, en entendant ce propos, un chatouillement agréable, une sensation indéfinissable, stupide, irrationnelle, informulable, imprécise comme une espérance folle et qui, si elle avait pu se traduire par des mots se serait résumée en ceci :

« Après tout, c’est bien possible. Il y aura peut-être des hommes qui ne mourront pas et ce « presque tous mortels » s’applique peut-être à moi. »

Les Nations sont de même, elles éprouvent une invincible répugnance à s’arrêter à cette idée que des peuples vaillants, puissants, ayant rempli le monde du bruit de leurs exploits, soient morts dans le passé et qu’il puisse leur arriver de mourir à leur tour.

Il en a été ainsi cependant. Le démembrement définitif de la Pologne ne date que de 1795, c’est-à-dire de 104 ans, la vie d’un homme dont la vie aurait été exceptionnellement longue. On a vu, en effet, des macrobites, rares il est vrai, vivre ce nombre d’années.

Les protestations pour la Pologne, les discours parlementaires pour la Pologne, les émeutes pour la Pologne ont rempli les cinquante premières années de ce siècle. Le peuple de Paris ne ressemblait pas alors à ce qu’il est aujourd’hui et l’on a beaucoup plus manifesté aux cris de « Vive la Pologne ! » qu’aux cris de « Vive l’Alsace-Lorraine ! »

Sans être bien vieux nous avons vu jusqu’en 1869 l’Émigration polonaise avoir son rôle à Paris, le prince Czartoryski faire figure d’un roi possible pour une Pologne reconstituée.

Que reste-t-il pour rappeler cette nation qui fut aussi brave, aussi brillante, aussi chevaleresque que la nôtre ? La protestation anonyme d’un Comité, un papier que les délégués du Congrès de La Haye ne se sont même pas donné la peine de lire, – un autre papier que j’ai sous les yeux, dans lequel le Comité de la Ligue de l’Émigration polonaise prie le docteur Charles Lewakoski de plaider au Congrès « la cause de la Justice et du Droit ».

Pauvre docteur Lewakoski ! vous le voyez allant trouver Bourgeois et lui disant :

« La cause de la Pologne a toujours été celle de tous les républicains français ; il n’est pas un seul des républicains d’autrefois, un seul de ceux qui aient combattu pour la République sur les barricades, qui n’ait déclaré que le premier soin de la République triomphante serait d’aider la Pologne à s’affranchir ».

Vous devinez le rire dont serait pris Bourgeois et le ton narquois dont il répondrait au docteur Lewakoski :

« Comment pouvez-vous me demander de dire un mot de la Pologne dans ce Congrès où je n’ai pas même le droit de dire un mot de l’Alsace-Lorraine ? »

Un Congrès de la Paix où l’on ne prononcerait pas le nom de l’Alsace-Lorraine, où l’on ne ferait aucune réserve au sujet de l’Alsace-Lorraine, aurait paru impossible il y a quelques années, la chose paraît toute naturelle à l’heure présente.

Il y a vingt ans on n’aurait pas compris qu’un ministre ou un personnage officiel présidant une distribution de prix ne fît pas une allusion à l’Alsace-Lorraine et à nos indéfectibles espérances. Aujourd’hui le ministre qui parlerait sur ce ton aurait l’air de tomber de la lune. Une fois de plus s’est vérifiée la terrible et profonde parole de Guizot : « Le Temps ne console pas, il efface. »

Exclue du concert européen, la question de l’Alsace-Lorraine s’est réfugiée d’abord dans les cafés-concerts et maintenant, elle n’a plus même d’accès dans les cafés-concerts de premier ordre ; elle est devenue la complainte des faubourgs. C’est là seulement que quelque musicien ambulant voit la foule se grouper, encore attendrie ou vibrante, autour de lui, tandis qu’il entonne quelque vieille romance que la police n’a pas songé interdire et qu’elle interdira bientôt, sur l’ordre d’un Delcassé quelconque, pour ne pas froisser les Teutons qui viendront visiter l’Exposition.


Au seuil du Congrès de La Haye, deux pauvresses sont assises, tandis que des huissiers vigilants protègent les caïmans diplomatiques qui discuteront sur le meilleur système à employer pour écraser les faibles et les dévorer sans bruit.

L’une de ces pauvresses, de ces déshéritées, de ces proscrites est la Pologne et l’autre est l’Alsace-Lorraine. Derrière elles on aperçoit l’Arménie, exsangue et toute pâle, car on a tiré des flots de sang de ses veines, et qui essaie, elle aussi, de faire passer un petit papier que personne ne veut se charger de déposer sur le bureau de la très auguste assemblée.

Le philanthropique baron de Stahl préside tout cela avec un air imposant, solennel et un peu grotesque, car tout le monde est dans le secret de la comédie. De temps en temps, Bourgeois feint de communiquer au Sanhédrin des repus des pensées qu’il n’a pas.

Ce Bourgeois est là comme le représentant de la Démocratie révolutionnaire, de la Démocratie émancipatrice de l’Humanité, protectrice des opprimés et des faibles, de la Démocratie farouche qui avait déclaré la guerre aux tyrans.

Il n’a pas, lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères, tenté une seule démarche pour empêcher qu’on ne massacre trois cent mille Arméniens ; il ne fait même pas une allusion à nos droits sur l’Alsace-Lorraine. Il est content tout de même d’être là parmi tous ces gens titrés ; on rit de lui, il rit de lui-même pour amuser l’assistance. Il reviendra avec des décorations plein la figure et des crachats plein sa malle.


Que voulez-vous que nous y fassions ? Nous sommes les médecins qui prévenons la France, qui la pressons de veiller sur elle. Nous lui disons qu’elle a de mauvais germes en elle, que la maladie dont elle souffre présente des symptômes plus alarmants qu’on ne le pense ; que l’affaire Dreyfus, en prouvant que l’étranger était le maître chez nous, indique un état semblable à celui qui fut celui de la Pologne, avant qu’elle ne disparaît du rang des Nations. Nous disons à la France que, si elle ne fait pas appel à toutes les forces de résistance qui sont encore en elle, elle est menacée de mort. Quand la mort sera, venue, vous entendrez les exclamations, les lamentations, les cris d’étonnement, que l’on entend dans les maisons en deuil et chez les nations en ruines…

« Est-il possible ? Quelle catastrophe ! Comme c’est venu vite ! Qui se serait attendu à un pareil dénouement ? »

Qui s’y serait attendu ? Les médecins qui vous ont prévenus à temps et que vous n’avez pas voulu écouter…


IV


L’AFFAIRE ET LES MOYENS


Comment les Juifs ont-ils pu abattre une si formidable besogne en si peu de temps ? Comment ont-ils obtenu en deux ans ce résultat véritablement inouï de détruire momentanément cette puissance militaire si solide encore d’apparence, cette armée pour laquelle la France avait donné 25 milliards, pour laquelle elle n’avait pas hésité à accepter ce service obligatoire qui pesait si lourdement sur tous ? Ils ont eu la force de l’argent. Quand on écrit cela, certains dreyfusards prennent des airs effarouchés d’autres font semblant de hausser les épaules.

Que peuvent espérer les dreyfusards en prenant ces attitudes ?

À quoi riment ces protestations ridicules, que peuvent-elles signifier pour ceux qui connaissent l’histoire et qui ont l’habitude de réfléchir ? Les choses se sont toujours passées de la même façon. Entrez dans un de nos dépôts d’archives, demandez à propos d’un événement historique quelconque un de ces dossiers jaunis où dorment les secrets, les passions, les mystères des générations écoulées.

Dans toutes les négociations internationales, le premier personnage que vous rencontrerez, c’est l’agent qui paye. Les premières pièces sont relatives à des demandes à satisfaire, à des indications sur la façon de faire passer les fonds, ce qui, avec l’organisation un peu rudimentaire des comptabilités d’autrefois, exigeait toujours des formalités compliquées et longues. Quand Louis XIV était le maître de la politique anglaise et de la politique allemande, comme les Anglais et les Allemands sont les maîtres de la politique française, les ministres de Charles II, les plus minuscules dignitaires des plus petites cours de l’Allemagne, recevaient des subsides réguliers de la France.

Cornély, qui est un grand lecteur de livres, belluo librorum, comme on disait autrefois, trouverait de très curieux renseignements là-dessus dans l’Histoire de Philippe II, de Forneron.

M. Forneron, l’historien de Philippe II, a retrouvé à Simancas, un château perdu dans la Vieille Castille, au fond d’un coffre à bois à moitié rongé par les vers, le détail des sommes qu’Henri de Guise touchait de l’Espagne tantôt sous le nom de Mucio, tantôt sous le nom d’Hercule.

Les grands personnages anglais touchaient également. Le comte de Westmoreland, lord Paget, Thomas Throckmorton, Charles Arundel, tout le monde touchait.

Quant au Juif Lopez, qui était le médecin d’Élisabeth d’Angleterre, il touchait naturellement, mais celui-là fut pendu.

Lopez s’était chargé d’empoisonner sa souveraine comme on a empoisonné Félix Faure, comme on a suicidé ou supprimé tous ceux qui pouvaient gêner le Syndicat.

Pour les historiens de l’avenir, la chose ne sera pas discutable, et Cornély lui-même n’expliquerait pas pourquoi on a violé, à propos de Félix Faure, le règlement qui interdit de procéder à l’embaumement avant que quarante-huit heures ne soient écoulées depuis la constatation du décès.

Il ne nous dirait pas davantage comment il se fait que les momies des Aménophis et des Ramsès se soient conservées pendant cinq mille ans, tandis que, quelques heures après l’embaumement, le cadavre du pauvre Félix Faure exhalait une telle odeur de putréfaction que les gardes municipaux, gens peu sensitifs de leur nature, en étaient incommodés et qu’on fut obligé d’abréger la durée de l’exposition publique.

Jamais ni la famille, ni les intimes amis de Félix Faure, avec lesquels j’ai causé, n’ont protesté à propos de ce que nous avions écrit sur sa mort violente, et jamais aucune enquête n’a été faite à ce sujet.


Il en a toujours été ainsi depuis que le monde est monde.

M. de Malastrie a publié les délibérations officielles du Conseil des Dix qui, après une discussion laborieuse, qui prouve combien les magistrats de Venise étaient vigilants sur le bon emploi des deniers de l’État, allouait certaines sommes pour l’empoisonnement de Bajazet, de Charles VIII et autres personnages en vue qui gênaient la Sérénissime République.

L’Antijuif a donné la photographie authentique du cadavre de Reinach faite au moment de l’exhumation de Nivilliers. Le visage de cet homme, qu’on prétend s’être empoisonné lui-même, porte avec la plus irrécusable évidence les traces d’un coup de revolver.

Quant au général Mercier, il s’attend tellement à ce qui le menace qu’il disait encore, il y a quinze jours, à un de nos amis, qu’il prenait les plus rigoureuses précautions pour se défendre contre des tentatives de ce genre.

Cornély, qui a vécu dans les livres, c’est-à-dire dans la vie du passé, serait bien embarrassé de nous dire pourquoi ce qui se pratiquait autrefois ne se pratiquerait plus aujourd’hui.

Un nouveau principe de vertu, un nouvel idéal moral est-il donc entré dans le monde ? Les doctrines matérialistes auraient-elles donc pour conséquence d’élever le niveau des âmes ? Le plus simple raisonnement démontre le contraire.

Les hommes du passé qui n’avaient pas de doute sur l’existence d’une autre vie, qui croyaient à des peines et à des récompenses éternelles, devaient opposer aux tentations une résistance dont sont certainement incapables nos struggle for lifeurs modernes qui croient que l’homme n’est qu’un assemblage de molécules chimiques et qu’il n’existe aucune différence entre l’être humain et le chien que l’on trouve au coin d’une borne le ventre ballonné et les pattes rigides.

Tout ceci est l’évidence même.

Les personnages qui touchaient l’argent de Louis XIV pour trahir l’Angleterre étaient des lords dont le nom est écrit au Livre de la Conquête de Guillaume et qui vivaient encore sur les immenses domaines dont ils étaient possesseurs depuis cette conquête.

Le duc de Guise est une des figures les plus intéressantes de son temps.

Si de tels gens cédaient à la puissance de l’argent, pourquoi voudriez-vous que les présents de l’Allemagne et de la Juiverie trouvent intraitables ces Panamistes, ces Sudistes, ces chéquards, ces non-lieu que l’on découvre dans toutes les turpitudes de ce temps-ci ?


Écrire ceci, ce n’est pas faire œuvre de pamphlétaire, c’est faire de l’histoire sociale, c’est, encore une fois, constater des évidences.

Mirman a raconté à la tribune, en s’appuyant sur des documents absolument officiels, comment Lanessan avait été révoqué, parce qu’un juge d’instruction avait surpris des lettres qui démontraient que le gouverneur de l’Indo-Chine était le complice d’un maître-chanteur dans toutes sortes d’affaires véreuses.

Lanessan, immobile à son banc, n’a même pas eu une parole de protestation.

Pourquoi voudriez-vous qu’un homme qui commettait de telles infamies, alors qu’il avait un traitement de 300.000 francs, qu’il était un véritable vice-roi, ne vende pas la France à l’Angleterre, maintenant qu’il n’a plus qu’un traitement de 60.000 francs ?

Si les misérables qui composent ce ministère n’étaient pas liés par un pacte de trahison, s’ils n’étaient pas là tout exprès pour accomplir une besogne monstrueuse, pourquoi voudriez-vous que Waldeck-Rousseau, qui n’est pas un imbécile, ait été choisir pour associé un homme tellement taré qu’on peut le traiter de crapule en pleine Chambre sans qu’il balbutie même un mot de réponse ?

C’est un raisonnement de simple bon sens, car il y a dans le parti auquel appartient M. de Lanessan des hommes qui sont moins sales que lui, des hommes qui regimberaient si Mirman leur adressait les outrages qu’il a adressés à Lanessan.

L’intérêt apparent de Waldeck eût été de choisir un homme moins perdu de réputation, moins authentiquement noté d’infamie que Lanessan. S’il a choisi Lanessan, c’est pour que Lanessan préparât l’humiliation de la France par l’insolente visite de Guillaume II à l’Iphigénie, pendant que Waldeck et Galliffet déshonoreraient l’armée française en la forçant à recevoir de nouveau comme officier un Juif que tout le monde sait être un traître.

Que voulez-vous que fassent les soldats lorsqu’ils verront Dreyfus ou Picquart porter les ordres de l’État-Major. Ils diront : « Nous sommes trahis ! fichons le camp. »

Quelle confiance pourraient avoir les chefs de nos escadres au moment d’une guerre maritime en sachant que l’homme qui dirige tout a été ignominieusement révoqué par le Delcassé qui est son collègue aujourd’hui, et qu’il a été convaincu d’indignité en plein Parlement sans faire même un geste de dénégation, sans essayer de plaider la moindre circonstance atténuante.

C’est par des manœuvres de ce genre, et vous n’auriez qu’à ouvrir un livre d’histoire pour savoir à quoi vous en tenir, que l’on a préparé l’écrasement de la malheureuse Pologne. Avant de se ruer sur elle, les trois Puissances coalisées ont entrepris dans le pays un travail de démoralisation et de désorganisation identique à celui qui s’accomplit maintenant chez nous.

Avant le partage, Catherine II exerçait en Pologne l’autorité que Guillaume II exerce en France à l’heure actuelle. Elle avait imposé pour roi aux Polonais son ancien amant, Poniatowski, et elle faisait changer les commandants d’armée qui lui déplaisaient ou qui auraient pu gêner les opérations des puissances co-partageantes.

C’est exactement ce que fait Guillaume II en donnant l’ordre de chasser de l’armée le général Négrier, auquel on ne peut même pas reprocher d’avoir joué un rôle quelconque dans l’affaire Dreyfus, puisque les dreyfusards ne l’ont jamais attaqué à ce sujet.

Sans avoir à son actif aucune victoire retentissante, le général Négrier était, dans l’indigence d’hommes actuels, un de ceux sur lesquels on avait le droit de compter, un de ceux dans lesquels le pays espérait ; il était populaire dans l’armée par son courage, son entrain, son amour pour le métier militaire. Relativement jeune pour un général en chef, il était solide, bien portant, énergique. Guillaume s’en est débarrassé, et si vous voulez vous mettre un instant à sa place, vous reconnaîtrez qu’il a bien fait puisqu’il le pouvait.


J’entends d’ici l’objection que me feront peut-être ceux qui lisent sans parti pris ces études qui sont, comme je l’ai dit, écrites à un point de vue exclusivement historique et social, :

« Si l’argent, comme il est facile de le constater, a toujours joué un rôle considérable pour troubler les nations, comment se fait-il que, dans le passé, les nations, et la France surtout, aient pu résister à des moyens semblables à ceux qu’on emploie aujourd’hui ? »

La réponse est toute simple. L’argent a toujours été une force, mais aujourd’hui il est la Force.

Des traditions très lointaines, des croyances, de puissantes organisations de corps constitués ayant un honneur collectif, le sentiment de l’honneur individuel très vivace dans certaines familles, l’attachement profond au sol natal qui faisait du patriotisme, de la défense du territoire, une passion violente et âpre un peu analogue à l’amour de la propriété, la jeunesse d’une race pleine de ressources, de réserves, d’enthousiasmes, de dévouements disponibles, servaient jadis de contrepoids à l’influence de l’argent, neutralisaient ses ravages. Aujourd’hui, l’argent a facilement raison d’une nation atomisée, émiettée, réduite, selon l’expression de Rivarol, à n’être plus que de la charpie.

C’est une question d’âge. Un jeune homme, à la chasse où à la guerre, sera trempé jusqu’aux os pendant trois jours et n’en ressentira aucun mal ; un vieillard restera six mois sur le flanc ou mourra d’une pleurésie, parce qu’il aura reçu une ondée ou qu’il aura été mis dans un courant d’air.

C’est l’état de dissolution où se trouve la société française qui seul a permis aux Juifs de mener à bien l’œuvre abominable à laquelle ils travaillent depuis deux ans et qui leur permettra, si un réveil ne se produit pas, de faire de la France une nouvelle Pologne et de la livrer à l’étranger.


V


L’AFFAIRE ET LES MOYENS
(SUITE)


A chaque pas on rencontre des faits qui ne peuvent s’expliquer que par l’action de l’argent étranger ou juif, ce qui est à peu près la même chose.

Prenez le cas de Delcassé et regardez les choses telles qu’elles sont sans passion et sans parti pris.

Voilà des jeunes gens à peine formés qu’on enlève à leurs familles pour les envoyer dans ces bataillons alpins qui sont chargés du plus dur des services.

Le Figaro lui-même nous a raconté jadis l’existence de ces chefs de poste qui, perdus dans les montagnes, sur des hauteurs presque inaccessibles, sont bloqués l’hiver par les neiges et restent parfois des mois entiers sans descendre dans la vallée.

Que dit-on à ces braves gens, officiers ou soldats ? On leur dit : « Faites attention, ne laissez pas surprendre les secrets de notre défense ! »

C’est cette idée qu’il garde quelque chose qu’il est nécessaire de garder qui soutient ce pauvre troupier qui, dans les nuits glacées, reste en faction en battant la semelle pour se réchauffer.

Un général italien se livre presque ostensiblement à l’espionnage. Il est pris, il avoue ce qu’il a fait, et il relève son aveu d’une pointe de goguenardisme et de cynisme. On le condamne et quinze jours après on le met en liberté avec toutes sortes de politesses.

Voyons, Cornély, pourriez-vous affirmer que le ministre qui agit ainsi puisse Le faire par bêtise, et qu’il ne soit pas incontestablement aux gages de l’étranger ? On ne peut même invoquer, pour sa défense, une réciprocité de bons procédés internationaux, puisque le capitaine Romani, arrêté sur le territoire italien, en uniforme, ce qui excluait toute idée d’espionnage, a été gardé dix-huit mois en prison.

Ceci, pour tout homme capable de rassembler deux idées de suite, ne peut pas soulever l’ombre d’un doute. Supposez que l’indignation qui couve dans toutes les âmes françaises finisse par déborder, qu’un mouvement éclate demain et que Delcassé soit traduit devant un Tribunal révolutionnaire ou devant une Cour martiale. Il avouerait très probablement la vérité comme Gilletta, et, en tout cas, il ne pourrait pas donner à d’honnêtes citoyens, ou à des officiers français, une explication plausible de ce qu’il a fait.

Il est clair, en effet, qu’il est absolument inutile d’extorquer tant d’argent aux contribuables et d’imposer un aussi pénible service à des jeunes gens qui ne demanderaient qu’à coucher dans leur lit au village natal, pour arriver à déclarer que tout cet effort est une comédie et que, grâce à l’espionnage, reconnu maintenant licite et permis, les étrangers pourront nous surprendre quand ils voudront.


Les hommes modérés que ces spectacles troublent au plus profond de leur être, n’ont à vous opposer qu’une objection, toujours la même : « C’est bien étonnant de voir un ministre français jouer un rôle pareil »

C’est étonnant, si vous voulez, mais, encore une fois, ce n’est pas plus étonnant que beaucoup de choses étonnantes du passé.

Pourquoi voudriez-vous que Delcassé, pauvre hère arrivé à la situation qu’il occupe par les plus ignobles moyens, eût plus de scrupules qu’un Rohan ?

Dans La Libre Parole, sous ce titre Un Complot d’Intellectuel au XVIIe Siècle, nous avons résumé, d’après un document contemporain, la conspiration de ce Rohan.

Celui-là portait un des plus beaux noms de l’ancienne France, et l’on connaît la hautaine devise de sa maison. Il n’avait pas à se plaindre du roi puisque sa cousine, la Belle Inconnue, très connue de Saint-Simon, était la maîtresse de fondation de Louis XIV, celle à laquelle il revenait toujours après les plus orageuses amours, et à laquelle il fit des dons énormes. Il accepta, cependant, la proposition que lui fit van Enden de trahir la France. Van Enden fut pendu comme Lopez : quant à Rohan, on lui trancha la tête sur la place de la Bastille-Saint-Antoine.

C’est ceci précisément qui différencie le Présent du Passé.

Autrefois on envoyait les traîtres à l’échafaud et, sous ce rapport, le Comité de Salut public, nationaliste jusqu’à la frénésie, n’a fait que continuer purement et simplement les traditions de la Monarchie.

Il y a deux choses distinctes, en effet, dans les exécutions de la Terreur.

Il y a l’affirmation d’un nationalisme exaspéré ne reculant devant rien pour défendre la Patrie contre l’étranger.

Il y a le mouvement, la poussée d’une classe, la classe bourgeoise, qui profite de l’occasion pour exproprier une autre classe et qui tue les gens dont elle prend les biens parce qu’à ses yeux c’est le seul moyen d’empêcher des réclamations gênantes.

La situation d’aujourd’hui est la situation d’alors inversée. Les Juifs, qui ont dépouillé la Bourgeoisie comme la Bourgeoisie avait dépouillé la Noblesse, combattent avec acharnement les Nationalistes et font alliance avec l’étranger pour conserver ce qu’ils ont volé et pour éviter qu’on ne leur demande des comptes.

Les Jacobins repoussaient l’ennemi avec une fureur héroïque parce qu’ils étaient intéressés à défendre cette propriété qu’ils venaient de conquérir.

Les Juifs appellent l’ennemi pour qu’il leur garantisse la paisible jouissance de leurs déprédations. Ils dénoncent les Nationalistes parce qu’ils sentent que l’instant est proche où l’on va leur demander quelques explications sur l’origine des milliards qu’ils possèdent aujourd’hui sans pouvoir arguer d’aucun travail ou d’aucun service justifiant une prolibation aussi monstrueuse aux dépens de la collectivité.

Par la logique même de la situation, c’est donc nous qui nous trouvons être les véritables continuateurs de la Révolution, c’est nous qui sommes, sinon ses héritiers effectifs, du moins ses héritiers légitimes.

En rendant compte de mon mandat j’ai expliqué cette situation à mes électeurs d’Alger qui, du reste, étaient depuis longtemps de cet avis.

Que représentons-nous, citoyens ? leur ai-je dit. Nous représentons la continuation de la Révolution ou plutôt la revision et la rectification de la Révolution. Lorsqu’ils ont guillotiné les Nobles qui pouvaient avoir leurs vices et leurs travers, mais dont les familles, somme toute, avaient combattu pendant des siècles pour la France, avaient versé leur sang sur tous les champs de bataille, nos aïeux ceux qui ont fait la Révolution, n’ont pas prétendu se donner pour maîtres des Juifs infects sortis de tous les ghettos du monde…

M. Dupuy, dans sa réponse à mon interpellation, semblait vouloir mettre les Antisémites en opposition avec ceux qu’il appelait « les héritiers de 89 ». Ce peut être un mouvement oratoire heureux devant une Chambre sympathique aux Juifs, mais c’est là un argument qui ne soutient pas la discussion.

En réalité, nous sommes tous les héritiers de 89. En ce qui me concerne, je suis aussi plébéien que M. Dupuy, j’ai gagné ma vie par mon travail depuis l’âge de dix-huit ans, et nous en sommes tous un peu là.

Ainsi que je l’écrivais à l’un des présidents les plus dévoués de nos Comités, ce qui précisément nous distingue des Juifs, c’est que nous sommes des héritiers d’un genre particulier, des héritiers qui ont été frustrés, des héritiers qui n’héritent pas. Les Juifs, les derniers arrivés, les Tards venus de la Patrie française ; ont tout pris pour eux ; ils ne nous ont rien laissé.

Nous trouvons qu’ils se sont fait la part trop belle. Nous demandons qu’on nous fournisse des comptes, qu’on nous apporte un inventaire, et qu’on nous en donne enfin notre part. Héritiers de 89, nous le sommes, mais nous trouvons que Rothschild, qui a dix milliards, a vraiment trop hérité et que nous n’avons pas hérité assez. (Rires et applaudissements).

C’est pour éviter le douloureux moment où il faudra rendre des comptes que les Juifs ont créé cette affaire Dreyfus.

Ils avaient amusé, occupé et même troublé artificiellement le pays avec la question cléricale. Le thème étant usé, ils ont créé la question militaire, le péril militaire, la conspiration militaire. Cette fois ils se sont appuyés sur l’étranger, tout prêts à lui livrer la France, si la France, tondue jusqu’au sang, s’obstine à crier : A bas les exploiteurs et les voleurs ! A bas les Juifs !


VI


L’AFFAIRE ET LES MOYENS
(SUITE)


Les Internationalistes judaïsants, dreyfusards et antipatriotes, n’ont conservé qu’une chose de la Révolution, dont le sens leur est maintenant absolument étranger la phraséologie solennelle, emphatique, la manie ou plutôt le maniement des grands mots abstraits : « Justice, Humanité, Lumière. »

Les Jacobins qui ont pris les maisons, les métairies, les champs, les prés, les bois de ceux qu’ils égorgeaient n’ont fait que ce qu’on avait fait ayant eux. Les Gallo-Romains avaient, eux aussi, des maisons, des métairies, des champs, des près, des bois. Les conquérants germaniques les leur ont pris. Les Jacobins ont refait la même opération aux descendants affaiblis et dégénérés des anciens leudes.

Seulement, les Jacobins ont éprouvé le besoin de faire cela en musique : Civilisation, Progrès, Liberté, Égalité, Fraternité.

Les socialistes qui ont renoncé à la véritable tradition révolutionnaire pour s’allier à la Juiverie, ont gardé le même vocabulaire. Ils ne vous disent pas franchement : « Les Juifs ont l’argent, ils tiennent à nettoyer leur Dreyfus, nous marchons parce qu’il faut vivre et bien vivre. » Ils vous disent : « En défendant ce capitaine Juif, que nous savons être un misérable, nous combattons l’obscurantisme et nous travaillons à l’émancipation de l’Humanité. »

Pour comprendre l’inanité de ces déclamations et la puérilité de ces propos, il suffit de considérer ceci : Aucun de ceux qui ont si bruyamment étalé à propos de l’Affaire d’inépuisables trésors de sensibilité n’avait jamais laissé soupçonner auparavant qu’il fût si accessible à la pitié.

Aucun d’entre eux n’avait jamais figuré parmi les chevaleresques, les enthousiastes, les illusionnaires, les rêveurs généreux qui combattent pour les opprimés, qui protestent contre l’injustice, qui risquent leur tranquillité et leur bien-être pour défendre les victimes de l’iniquité sociale.

Ces Duclaux, ces Monod, ces Grimaud, avaient vécu assez platement de l’existence universitaire et professorale, conduisant le plus habilement qu’ils pouvaient la politique de leur vie, cherchant à gagner un grade, un bouton dans le Tchin, une prébende ou un titre honorifique.

Le Pressensé était une des colonnes du Temps, le journal d’Hébrard qui avait touché quatorze cent cinquante mille francs dans le Panama, et qui avait approuvé ces « lois scélérates » qui auraient permis de condamner à huis clos, sans qu’il fût possible de rendre compte des débats, un malheureux coupable seulement d’avoir reçu une lettre d’anarchiste.

En 1894, Jean Grave était à Mazas où ses mains saignaient à écosser des noix de Corrozo. C’était un théoricien pur, vivant pauvrement rue Mouffetard, coupable seulement d’avoir écrit un livre d’ordre exclusivement spéculatif et abstrait : L’Anarchie et la Société mourante. Sollicités de signer un recours en grâce, des écrivains appartenant à toutes les opinions, et parmi lesquels je m’honore d’avoir été, prirent la plume et se hâtèrent de mettre leur nom sur le papier qu’on leur tendait.

Un seul refusa, un seul, bourgeois féroce, déclara qu’il ne voulait rien faire pour encourager les ennemis de l’ordre social.

Le bourgeois intraitable, qui ne devait s’attendrir qu’à propos d’un traître millionnaire, était Emile Zola !

Et vous voudriez me faire croire, Cornély, que, sans y avoir aucun intérêt, celui-là est devenu, tout à coup, le champion de l’humanité ?

Zut alors ! Laissez ces blagues un peu lourdes aux cartes postales allemandes dont la collection sera curieuse plus tard pour ceux qui auront envie d’écrire l’histoire d’un complot international.


Ce qui confond, en effet, c’est l’aplomb avec lequel tous ces farceurs du Syndicat content des bourdes à des gens qui sont aussi bien informés qu’eux et qui connaissent tous les personnages qui s’agitent sur la scène parisienne.

Prenez M. de Rodays. Regardez la situation du Figaro. Depuis trente-cinq ans bientôt, nous rencontrons ce Monsieur qui doit tomber le Figaro, faire le journal qui tuera le Figaro.

Le Figaro, un peu entamé par des confrères plus jeunes, plus experts au « nouveau jeu », « plus dans le train », résistait malgré tout, par la force même de tout ce qui a duré longtemps. Il avait cette clientèle conservatrice qui se déplace difficilement, qui est fidèle à ses habitudes, qui aime à recevoir le journal que les parents recevaient : il recrutait son public parmi ces familles de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie qui ont beaucoup d’officiers parmi les leurs, qui sont attachées aux traditions militaires.

Supposez qu’un homme, aussi éloquent qu’il vous plaise de l’imaginer, soit venu dire à M. de Rodays :

« Vous allez prendre éperdument la défense d’un officier juif que tout le monde sait être coupable. Vous allez faire campagne avec tous ceux qui traînent l’armée dans la boue, qui traitent nos généraux de coquins et de faussaires. En d’autres termes, vous allez faire exclure votre journal de tous les cercles dont il était la lecture ordinaire. Vous allez licencier vous-même cette belle et opulente clientèle qui constitue la substance de votre journal et faire vous-même cadeau de vos lecteurs à des rivaux comme le Gaulois, l’Écho de Paris, le Journal, qui, naturellement, feront leur choux gras de ce que vous leur abandonnez bénévolement. » M. Rodays, qui est civil de sa nature, aurait répondu civilement :

« Monsieur, pour agir de cette façon, il faudrait que je fusse un fou ou un malhonnête homme, et même tous les deux à la fois. J’ai la garde des intérêts de mes actionnaires, et j’ai trop aussi l’expérience du journalisme pour ignorer que dès que la clientèle d’un journal a disparu ou a pris une autre direction, elle ne revient plus. »

M. de Rodays aurait été d’autant plus fondé à tenir ce langage, qu’il est par essence et par tempérament le contraire d’un homme susceptible de s’emballer pour une cause quelconque. Il a mené adroitement sa barque au milieu des intrigues qui s’agitaient autour de Villemessant, et il est arrivé ainsi à cette situation de directeur du Figaro, qui jadis, était considérée comme le bâton de maréchal du journalisme.

Il a pu faire preuve à l’occasion d’obligeance et de courtoisie, mais ce qui est certain, en tout cas, c’est qu’il n’a rien d’un Don Quichotte qui se précipite la lance en avant pour défendre les persécutés. S’il a sacrifié sa clientèle, c’est que la Juiverie lui a donné l’équivalent de ce qu’il perdait.


Cornély ne soutiendrait pas davantage, en causant en tête à tête avec un camarade, que Clemenceau ait été poussé par sa seule sensibilité à écrire, chaque matin, depuis bientôt deux ans, un article sur les malheurs d’un capitaine Juif.

En réalité, Clemenceau serait profondément vexé s’il pouvait supposer qu’un homme intelligent le croie capable d’une pareille bêtise. Vu dans son type exact, cet homme est intéressant à sa manière ; c’est le dernier des Balzaciens, un être mystérieux, un struggler for life d’une rare robustesse et doué d’une incroyable force de résistance, car il a fallu vraiment qu’il eût les épaules solides pour recevoir les cheminées qui lui sont tombées sur la tête.

Vu ce que Cornély et le Syndicat voudraient ̃nous le faire voir, ce serait le dernier des grotesques.

Voilà en effet un homme qui vous dit, non pas dans l’effervescence paradoxale de la jeunesse, mais dans la pleine vigueur de l’âge mûr :

« J’approuve tout de la Révolution ; j’approuve les Massacres de Septembre où, pour s’éclairer, la nuit venue, les travailleurs plantaient des chandelles dans les yeux des morts.

« J’approuve les noyades de Nantes, les mariages républicains où les vierges accouplées à des hommes, par une imagination néronienne, avant d’être jetées dans la Loire, avaient à la fois l’angoisse de la mort et la souffrance de la pudeur outragée.

« J’approuve les horreurs de Lyon, où on attachait des enfants à la gueule des canons, et les égorgements de vieillards de quatre-vingt-dix ans, et de jeunes filles à peine nubiles.

« Tout cela forme un bloc glorieux et je défends qu’on y touche. Je défends que, sur un théâtre qui dépend de l’État, un dramaturge illustre vienne, après plus de cent ans révolus, prononcer une parole de pitié qui serait un outrage aux mânes augustes de Robespierre et de Marat. »

Avouez, Cornély, que si l’homme qui pense ainsi venait, sans y avoir aucun intérêt, écrire quatre ou cinq cents articles à propos d’un officier juif condamné par ses pairs après un procès qui a duré deux jours, il serait le dernier des idiots. Le spectacle de cet homme applaudissant aux plus effroyables tueries qu’ait vues l’histoire et pleurant toutes les larmes de son corps sur le sort du sympathique Dreyfus serait le plus lamentable exemple de dégénérescence intellectuelle que l’on puisse contempler.

Rien, je le répète, dans l’existence de Clemenceau, n’a pu jamais faire supposer qu’il eût l’âme sensible à la justice, ouverte à la compassion et même disposée à l’altruisme. S’il en avait été autrement, il aurait défendu Turpin, cet enfant du peuple, ce savant laïque qui s’était instruit tout seul en dehors de ces séminaires de faux pontifes que sont les grandes Écoles de l’État, Ce plébéïen, qui était devenu un grand inventeur par l’étude solitaire et le travail personnel, était, on l’avouera, autrement émouvant que Dreyfus.

Clemenceau, avec deux lignes dans la Justice, aurait sauvé Turpin. Il n’aurait même pas eu besoin d’écrire ces deux lignes. Freycinet était, à cette époque, terrorisé, fasciné, dominé par Clemenceau. Clemenceau n’aurait eu qu’à manifester l’intention de porter la question à la tribune que Turpin aurait été libre le lendemain.

Pourquoi, encore une fois, voudriez-vous, Cornély, que le Clemenceau que les malheurs de Turpin avaient laissé complètement indifférent, eût été pris tout d’un coup d’un attendrissement incoercible à propos d’un capitaine juif qui aurait envoyé au Conseil de guerre le petit soldat un peu éméché qui lui aurait dit flûte en musique ?

Ce sont là des fariboles et des calembredaines que les rhéteurs comme Jaurès peuvent essayer de faire avaler à des prolétaires insuffisamment instruits qui, pliant sous le rude labeur, n’ont pas le loisir nécessaire pour penser.

Les ouvriers intelligents ne croient pas un mot de ces ridicules histoires ; ils savent que c’est nous qui avons raison lorsque nous montrons à tous le fonctionnement de cet État dans l’État qu’est la Juiverie et les mille moyens qu’emploie la Ploutocratie juive pour faire prévaloir sa volonté.

Ils savent que c’est nous qui sommes dans le vrai en affirmant que si le Juif, grâce à l’or qu’il nous a volé, peut se payer les plus belles filles de Paris, il peut se payer aussi les hommes dont il a besoin pour exercer une influence plus ou moins réelle et plus ou moins durable sur l’Opinion.


VII


L’AFFAIRE ET LES MOYENS
(SUITE ET FIN)


Cette question du Syndicat a le privilège de mettre Cornély de mauvaise humeur. Les autres reconnaissent d’assez bonne grâce que, s’il est vrai qu’on ne fasse pas d’omelette sans casser des œufs, il est encore plus vrai que, pour faire une omelette il faut avoir des œufs.

Il est bien clair qu’on ne remue pas tout un pays, qu’on ne détruit pas à moitié la puissance militaire d’une nation comme la France, qu’on n’organise pas de réunions, qu’on ne fonde pas de journaux, qu’on n’inonde pas le territoire de brochures et de caricatures, qu’on n’accumule pas les ruines morales et matérielles, qu’on ne désorganise pas un État-Major ; qu’on ne démolit pas 24 officiers et généraux, sans avoir le nerf de la guerre.

Pourquoi Cornély tient-il, à toute force à abuser de la candeur du dernier abonné non circoncis qui reste au Figaro, au point de lui faire croire que des Panamistes, des pornographes, des écumeurs du pavé parisien, des sceptiques, des riennistes, auraient été pris tout à coup d’une subite et violente passion pour un officier juif dont le crime, très banal en lui-même, n’était relevé d’aucun de ces détails dramatiques ou romanesques que l’on trouve dans certaines aventures ?

Ce qui est certain, c’est que Cornély joue dans l’affaire le rôle du Janot ou du Nicodème chargé, dans les théâtres de la Foire, de faire la parade devant la baraque. C’était un type classique à l’ancien boulevard du Temple, le type du paysan, benêt d’apparence et malin au fond, qui se livrait à des pitreries d’un goût assez douteux.

La spécialité de Cornély, qui fait la bête mais qui ne l’est pas, consiste à demander de temps en temps sur un ton narquois : « Voyons, qu’est-ce que nous avons dépensé ? Est-ce quarante, cinquante ou soixante millions ? »

Cornély spécule là assez habilement, je le reconnais, sur l’ignorance profonde où sont les malheureux Français de la valeur de l’argent, des grands maniements d’argent familiers à Israël. Les Français, en dehors de ceux qui sont mêlés au mouvement juif, en sont toujours à l’époque où le billet de mille francs signifiait quelque chose. La plupart d’entre eux n’ont jamais vu un million et n’en verront jamais. Quand Cornély leur parle de soixante millions, il semble qu’on leur parle de je ne sais quoi d’énorme et par conséquent d’invraisemblable.


Rien n’est plus curieux, d’ailleurs, comme témoignage de la modestie respectueuse qu’éprouvent les chéquards eux-mêmes devant les gros chiffres, que de regarder attentivement ce qui s’est passé pour le Panama.

Cornélius Herr et Reinach se sont disputé une vingtaine de millions.

Qu’a reçu Burdeau pour le rapport favorable que Maret a déposé ? Trente mille francs…

Veuillez considérer, cependant, ce qu’était Burdeau alors ? C’était un homme d’un incontestable mérite, un travailleur infatigable, jouissant d’une autorité considérable à la Chambre et dont le nom était prononcé déjà à demi-voix pour la Présidence de la République.

Quand le jour du triomphe sera arrivé pour notre cause et que nous procéderons à la répartition des milliards que nous aurons pu reprendre aux Juifs, soyez certains que ce sont les Chéquards qui se présenteront les premiers pour demander à être indemnisés comme victimes de l’abominable régime que la France subit depuis trente ans.

Ils vous expliqueront qu’ils ont été odieusement exploités et que la somme de travail qu’ils ont donnée est bien supérieure à ce qu’ils ont reçu en se couvrant de honte par-dessus le marché.


En l’acceptant pour exact, le chiffre de soixante millions dont Cornély parle en ricanant n’aurait rien que de très modéré.

Qu’est-ce que soixante millions ? Un de nos chéquards les plus distingués, Jules Roche, qui est un homme de valeur comme Burdeau, et qui a été, lui aussi, en un certain sens, une victime des Juifs qui lui ont enlevé son honneur en échange d’une somme tout à fait dérisoire, a écrit dans le Figaro une série d’articles où les chiffres sont éloquents et évocateurs d’idées comme des personnages de roman.

Ces chiffres sont pleins de cliquetis, de tumulte et d’épouvantes, ils ont des bruits d’armées formidables en marche, des roulements de convois interminables se succédant sur les chemins de fer et sur les routes. : il semble, à les regarder, voir la vieille Europe secouée sur sa base et se ruant à des luttes comme en ont vu les âges qu’on a appelés barbares parce qu’on n’avait pas encore perfectionné les engins de destruction.

Savez-vous à quel chiffre se monterait pour l’Allemagne, les frais d’une entrée en campagne ? Les dépenses s’élèveraient à vingt-cinq millions par jour.

Or, quel est le but d’une guerre, c’est de démoraliser l’armée ennemie. C’est Gouvion-Saint-Cyr, il me semble, qui a dit : « Celui qui a perdu la bataille est celui qui croit l’avoir perdue. »

Le moulin, la colline, la redoute que l’on se dispute à coups de canon en versant des flots de sang n’ont, la plupart du temps, aucune importance par eux-mêmes. Leur occupation signifie que la poussée en avant a été plus forte d’un côté que de l’autre. La Ferme de la Belle Alliance et la Haie sainte pour lesquelles on s’est battu furieusement le jour de Waterloo, sont tout à fait voisines.

C’est l’effet moral qui est tout. Or, il est incontestable que le moral de la France a été plus atteint par la campagne Dreyfus qu’il ne l’aurait été par une bataille perdue.

Après une défaite, en effet, le souvenir des actes héroïques accomplis pendant la lutte, le désir de venger les morts maintiennent un pays dans une sorte d’exaltation généreuse… Que reste-t-il après ces deux années où l’on a vu les meilleurs généraux traînés dans la boue, nos officiers traités de faussaires, des hommes comme Zurlinden, comme Négrier, comme Pellieux, chassés de l’armée ou frappés de disgrâces qui leur ôtent toute autorité ?

Il suffit, pour se rendre compte de la situation, de réfléchir une minute. Si Guillaume était entré en campagne depuis une semaine, à raison de vingt-cinq millions par jour, il aurait déjà dépensé pas mal d’argent. Il serait à la veille d’une bataille, et cette bataille serait soumise à tous les hasards des batailles, à tous les caprices de la Fortune. Elle aurait pu être gagnée par Négrier ou par un autre général dans lequel l’armée espère, et que je me garderai de nommer, car si l’Allemagne savait que la France a confiance en lui, elle le ferait immédiatement révoquer par Galliffet. Grâce au Syndicat, Guillaume, au contraire, a tous les bénéfices d’une victoire sans avoir couru les risques du combat.

Admettez que Guillaume ait versé quarante millions pour sa part à la cagnotte alimentée par les Anglais et les Juifs. Vous avouerez qu’il aurait fait là un placement de premier ordre, un placement de père de famille.

Si elle ne révèle pas une âme très magnanime et très haute, cette façon de comprendre la guerre moderne et de faire déshonorer les généraux de l’armée ennemie par des scribes et des mercenaires, au lieu de se mesurer avec eux sur un champ de bataille, révèle chez l’Empereur allemand un homme supérieurement intelligent…


VIII


L’AFFAIRE ET LES COSMOPOLITES
DE L’ENSEIGNEMENT


On devrait réunir en brochure et distribuer dans toutes les familles françaises le beau plaidoyer de M. Syveton, ce jeune professeur de l’Université que le misérable Leygues a si lâchement sacrifié aux vengeances dreyfusardes.

C’est une page remarquable d’éloquence et de sincérité ; c’est mieux encore : c’est un beau geste. L’attitude courageuse de cet agrégé, hier inconnu, sauve l’honneur de l’Université ; elle nous console des défections et des palinodies de tous ces gros mandarins de l’enseignement qui, pour faire leur cour aux Rois de l’or et aux dispensateurs de prébendes, ont si ignominieusement trahi leur devoir et oublié leur noble mission d’éducateurs nationaux…

Il a été de mode, après la guerre, de répéter que c’était le maître d’école allemand qui nous avait battus. Les Cosmopolites, que nous avons vus depuis à l’œuvre ont même joués tant qu’ils ont pu de cet aphorisme pour exiger que la France fût inondée des lumières de la Science et pour nous imposer cette prétendue réforme de l’enseignement, qui a eu pour conséquence d’établir leur domination sur une partie de la jeunesse et de leur permettre de déformer, dans une certaine mesure, la mentalité française.

La vérité est que, si l’instituteur allemand ne nous a point battus, comme on l’a dit, par sa science d’école primaire, il n’en a pas moins largement contribué à préparer nos défaites par la façon patriotique dont il a compris ; son rôle d’éducateur, d’éleveur de générations.

Le maître d’école allemand a été un nationaliste ardent, intelligent et pratique. Depuis Iéna, son but incessant, sa tâche de tous les jours, fut de faire germer et de développer dans l’âme des petits Germains, l’admiration de la grande Allemagne, de leur inculquer l’amour dm sol natal, de verser en eux, comme un puissant levain de vengeance, la haine du vainqueur et de l’étranger.

C’est ainsi que l’on prépare des soldats, c’est ainsi que l’on sème des revanches futures. Les Allemands ne nous auraient probablement pas battus en 1870, s’ils avaient remplacé les leçons de patriotisme par une distribution de manuels scolaires dans le genre des nôtres, ou les doctrines philosophique d’Homais servent de passeport aux tirades humanitaires imbéciles et déprimantes.


Est-ce à dire que nos instituteurs, que nos professeurs soient moins capables que leurs émules d’outre-Rhin de donner à nos enfants cette éducation virile et forte sans laquelle une nation ne saurait se maintenir à la hauteur de ses destinées ?

Je pense tout le contraire. Les maîtres de notre jeunesse appartiennent à cette démocratie rurale, robuste d’âme et de corps, qui est restée aujourd’hui, comme au temps de Sully, la réserve et l’espoir de la France.

Ils sont du peuple, et dans le fond de leur cœur, ils gardent pour la Patrie cette affection naïve et matérielle qu’un professeur de la Sorbonne, M. Marcel Dubois, décrivait avec une éloquence communicative dans une des conférences données par la Patrie française. Ils aiment la Patrie « en enfants de la Terre, amoureux des champs, des prés, des fleuves, des monts et des plaines de France ».

D’où vient donc que l’attitude d’une partie de ces jeunes hommes semble donner un démenti aux sentiments intimes qui n’ont pas cessé d’être les leurs, j’en ai la conviction profonde, en dépit des apparences ? D’où vient que dans la terrible lutte qui met aux prises depuis deux ans les traîtres et les cosmopolites avec les bons Français qui ne veulent pas que la France périsse, une fraction notable du corps enseignant ait paru se ranger du mauvais côté ?

Lisez le plaidoyer de M. Syveton, vous y trouverez le secret, d’ailleurs peu mystérieux, de cette anomalie qui déconcerte et inquiète les bons citoyens. Ce jeune professeur qui n’a pas cessé d’aimer l’Université d’un amour filial, vous apprendra que l’Université n’a pas plus échappé que les autres catégories sociales aux ravages de la pourriture ambiante.

Il vous dira que les prétendus réformateurs de l’Enseignement sont des hommes absolument étrangers à la culture et à l’esprit français et qui n’ont d’admiration que pour ce qui n’est pas de chez nous.

Vous voulez des exemples et des noms ?

En voici :

Quand il fut question d’établir sur des bases nouvelles notre enseignement national, on fit appel à trois pasteurs protestants plus ou moins défroqués qui revenaient d’évangéliser la Suisse. Le premier, Buisson, fut bombardé directeur de l’Enseignement primaire, et il l’est resté jusqu’à l’avènement du dernier cabinet Méline. Le second, M. Pécaut, reçut mission, comme inspecteur général de l’instruction publique, de réorganiser nos Écoles normales. Le troisième, Steeg, qui à sa qualité de pasteur joignait celle de fils de Prussien, fut tour à tour directeur du Musée pédagogique et de l’école de Fontenay, qui est l’une des plus importantes écoles normales de filles.

Si vous désirez maintenant connaître la mentalité de ces trois réformateurs de notre enseignement, au point de vue patriotique, philosophique et religieux, je puis vous mettre sous les yeux quelques-unes des maximes qui leur ont valu une légitime notoriété.

Voici d’abord un spécimen des conseils que Buisson donnait aux mères de famille :

« Quand on ne verra plus des milliers de badauds assister aux revues militaires quand, au lieu de l’admiration du titre et de l’épaulette, vous aurez habitué l’enfant à dire : « Un uniforme est une livrée et toute livrée est ignominieuse, celle du prêtre et celle du soldat, celle du magistrat et celle du laquais, alors vous aurez fait faire un pas à l’opinion. »

L’onctueux Pécaut, qui mourut de douleur parce qu’on ne réhabilitait pas Dreyfus assez vite et qui versa ses dernières larmes le jour de l’arrestation du « Divin Piquart », se félicitait d’avoir été plus roublard que Calvin et d’avoir enfin à peu près réalisé l’œuvre ébauchée par les vieux Huguenots » Il écrivait en 1879 :

« L’œuvre de sécularisation morale que les sociétés catholiques n’ont pas accomplie au XVIe siècle par voie de réforme ecclésiastique ou religieuse, les sociétés catholiques tentent de la faire par voie de réforme scolaire. »

Le Prussien Steeg se chargeait de compléter cette confidence et de la préciser. Il projetait un nouveau flot de lumière sur la véritable portée de la réforme de l’enseignement quand, à la veille d’entreprendre le grand œuvre de la « laïcisation », il laissait échapper cet aveu suggestif :

« Je me sens plus que jamais, à travers tout cela et en tout cela, pasteur protestant. »

Rien ne me serait plus facile que de multiplier ces citations édifiantes.

Je pourrais vous parler avec M. Syveton, de ce Gabriel Monod, chef de l’innombrable tribu des Monod, qui, après Sedan, après le bombardement de Paris, après le démembrement de notre territoire, n’a pas honte de répéter à tout propos que « tout homme a deux Patries : la sienne et l’Allemagne ».

Je pourrais vous rappeler le cas de cet autre Monod qui exprimait, il y a quelques années, toute sa satisfaction de voir « l’influence anglaise l’emporter à Madagascar sur celle de la France, et le christianisme évangélique sur celui de Rome »,

Mais à quoi bon particulariser à l’excès et multiplier les personnalités ?

Vous connaissez tous ces Français d’occasion venus chez nous on ne sait d’où pour cracher sur nos gloires et déformer l’âme nationale. Vous les jugez aujourd’hui à la lumière de la Vérité que les événements ont fait briller ; vous savez jusqu’à quel point ces « religionnaires » échauffés justifient le mot profond de Toussenel : « On est de sa religion avant d’être de son pays… »

Les libres-penseurs sincères n’ont plus que haine et mépris pour ces prétendus champions de l’Humanité que l’affaire Dreyfus a démasqués, et qui se sont montrés enfin sous leur vrai jour. Ils les tiennent pour des sectaires et des fanatiques, ou tout au moins pour de dangereux impulsifs qu’une poussée d’atavisme inconscient transforme en agents de l’étranger.

A ces gens qui depuis vingt ans ne cessent de nous vanter Londres et Berlin, la France entière est prête à répondre comme le vieux Blanqui qui n’était pas, j’imagine, un Jésuite de robe courte

— « Oui, messieurs, vous avez raison ; la race anglo-saxonne nous écrase de sa supériorité. Elle a un mètre de tripes de plus que la nôtre ! »


IX


L’AFFAIRE ET LES ANARCHISTES


Quel bon sourire éclairait le visage des conservateurs, lorsque je leur disais que les Rothschild étaient les bailleurs de fonds de l’Anarchie, qu’ils tenaient les Anarchistes dans leur main et que la fameuse hydre de l’Anarchie était une hydre qui jouait du Tambour !

« Rothschild d’accord avec les Anarchistes ! Mon pauvre ami, vous ne nous ferez jamais croire cela ! C’est l’eau et le feu. Tambour, nous le connaissons ; c’était l’alter ego de Ferdinand Duval. C’est l’Orléanisme fait homme. Lorsqu’il a quitté ses fonctions de secrétaire général de la Préfecture de la Seine, c’est le comte de Paris lui-même qui l’a fait entrer chez Rothschild aux appointements de cinquante mille francs par an. »

Voilà encore une des affirmations les plus discutées de mon œuvre qui se trouve justifiée par les événements et sur laquelle il n’y a plus de doute possible.

Il est bien évident que les Anarchistes, en tant qu’ennemis irréconciliables et farouches de la société actuelle, auraient dû logiquement s’en prendre tout d’abord au Roi de l’Or, à la clef de voûte du régime capitaliste.

Tout en restant aussi criminel, un attentat contre l’hôtel de Rothschild aurait été plus rationnel, plus explicable et, en tout cas, moins bête qu’un attentat sur le café Terminus où quelques braves gens du quartier, après avoir achevé leur journée de travail, étaient en train de prendre un bock quand on leur a jeté des bombes.

Il est bien évident que les Anarchistes qui ne votent pas, les Anarchistes, en faveur desquels j’avais réclamé le droit sacré de la défense au moment où ils étaient traitée comme des fauves, se moquaient absolument de la question de savoir si je serais élu député d’Amiens ou d’Alger. Qu’est-ce que cela pouvait leur faire ?

Si ces gens, qui n’avaient pas le sou, puisque nous avons tous dû, à l’occasion, en aider quelques-uns à ne pas mourir de faim, se sont transportés à Amiens, et si, aux élections dernières, ils ont franchi la Méditerranée, c’est qu’on leur a procuré les moyens de la franchir.

Or, qui est-ce qui avait intérêt à leur procurer les moyens de la franchir, si ce n’est les Juifs ?

Il est bien évident encore que les Anarchistes, qui prêchent la grève des conscrits, n’avaient aucun motif pour s’intéresser passionnément au sort d’un officier juif qui avait été très justement condamné par des officiers comme lui. S’ils ont embrassé la cause de Dreyfus avec un zèle véritablement délirant, c’est que les Juifs les avaient embauchés pour cette besogne.


Quelque indignation qu’éprouvent les Français de toutes les opinions devant la mise à sac de l’église Saint-Joseph, ce n’est donc pas aux Anarchistes eux-mêmes qu’ils s’en prendront, c’est à ceux qui se servent de l’argent qu’ils nous ont volé pour, organiser ce que Reinach appelle « Le chambardement général ».

Cette invasion d’une église, dans laquelle un vieux prêtre est en train de donner le baptême à un petit enfant, ne présente aucun de ces caractères qui excusent, s’ils ne les justifient pas, certaines violences populaires. Elle apparaît bien basse et bien vile quand on la compare à l’acte de Guérin.

Qu’ont fait Guérin et ses courageux compagnons, en s’obstinant si longtemps dans une résistance que nous avons tous cherché à faire cesser, dans une pensée de conciliation et d’humanité, à la condition que l’honneur des assiégés fût sauf ?

Ils défendaient un grand principe qui finira par triompher comme le principe de la publicité de l’instruction. Ils revendiquaient le droit à la liberté provisoire pour des délits politiques. Ils affirmaient, de l’énergique façon que l’on connaît, que des hommes sur lesquels pèse une accusation qui n’a rien de déshonorant ne peuvent être traités plus rigoureusement que Maret et autres Panamistes qui n’ont pas fait un jour de prison préventive.

Qu’ont fait les Anarchistes qui ont opéré le 20 août dernier ? Ces prétendus libertaires ne réclamaient pas une extension du droit des citoyens ; ils attentaient, au contraire, au droit des autres, à la liberté des autres, à l’exercice du culte des autres. Ils se chargeaient, en réalité, de satisfaire la haine inextinguible que les Juifs éprouvent pour la religion des autres, tout en réclamant sans cesse, à grand renfort de tirades déclamatoires, le respect absolu pour la leur.


Quant à moi, j’avoue qu’en lisant le récit des scènes sans nom qui se sont passées à l’église Saint-Joseph, avec la bienveillante complicité, ou, du moins, la tardive intervention d’une police qui assomme les bons Français coupables d’avoir crié : « Vive l’armée ! » j’ai regretté amèrement les scrupules tout à fait ridicules que j’avais conservés jusqu’ici pour tout ce qui touchait les croyances des Juifs…

Après la tentative d’assassinat dont avait été victime notre ami Paul Irr, les Antisémites d’Oran, on le sait, démolirent, en moins de trois quarts d’heure, la synagogue de Mostaganem qui contenait des objets du culte d’une certaine antiquité.

Quelques-uns de nos camarades de là-bas se firent faire des caleçons, des bretelles et des blagues à tabac avec les rouleaux de la Thora.

Avec une obligeance dont je fus touché, on m’offrit de me faire confectionner une paire de babouches dans les mêmes conditions.

Je refusai en disant :

« Que voulez-vous ? J’ai encore des préjugés ; si je combats les Juifs dans leurs déprédations, leurs trahisons, leur malfaisance de tous les instants, il me répugnerait de mettre mes pieds dans des textes qui inspirent à d’autres hommes des sentiments de vénération. »

Maintenant que les millionnaires Juifs payent de pauvres diables, dont la misère a fait leurs esclaves, pour aller saccager nos églises, j’accepterais volontiers la paire de babouches…

Croyez bien, d’ailleurs, que ce qui s’est passé hier n’empêchera pas les élèves de nos religieux et les jeunes filles sorties de couvents chic, qui appartiennent à l’aristocratie, de faire des politesses aux princes d’Israël qui, pour venger Dreyfus dont la culpabilité est démontrée d’une si éclatante façon, que l’acquittement paraît complètement chimérique, font souiller et profaner nos temples et jeter sur le pavé les hosties du tabernacle.


PARIS. — IMPRIMERIE MILLOT
14, boulevard Montmartre.