Librairie Antisémite (p. 77-85).


VI


L’AFFAIRE ET LES MOYENS
(SUITE)


Les Internationalistes judaïsants, dreyfusards et antipatriotes, n’ont conservé qu’une chose de la Révolution, dont le sens leur est maintenant absolument étranger la phraséologie solennelle, emphatique, la manie ou plutôt le maniement des grands mots abstraits : « Justice, Humanité, Lumière. »

Les Jacobins qui ont pris les maisons, les métairies, les champs, les prés, les bois de ceux qu’ils égorgeaient n’ont fait que ce qu’on avait fait ayant eux. Les Gallo-Romains avaient, eux aussi, des maisons, des métairies, des champs, des près, des bois. Les conquérants germaniques les leur ont pris. Les Jacobins ont refait la même opération aux descendants affaiblis et dégénérés des anciens leudes.

Seulement, les Jacobins ont éprouvé le besoin de faire cela en musique : Civilisation, Progrès, Liberté, Égalité, Fraternité.

Les socialistes qui ont renoncé à la véritable tradition révolutionnaire pour s’allier à la Juiverie, ont gardé le même vocabulaire. Ils ne vous disent pas franchement : « Les Juifs ont l’argent, ils tiennent à nettoyer leur Dreyfus, nous marchons parce qu’il faut vivre et bien vivre. » Ils vous disent : « En défendant ce capitaine Juif, que nous savons être un misérable, nous combattons l’obscurantisme et nous travaillons à l’émancipation de l’Humanité. »

Pour comprendre l’inanité de ces déclamations et la puérilité de ces propos, il suffit de considérer ceci : Aucun de ceux qui ont si bruyamment étalé à propos de l’Affaire d’inépuisables trésors de sensibilité n’avait jamais laissé soupçonner auparavant qu’il fût si accessible à la pitié.

Aucun d’entre eux n’avait jamais figuré parmi les chevaleresques, les enthousiastes, les illusionnaires, les rêveurs généreux qui combattent pour les opprimés, qui protestent contre l’injustice, qui risquent leur tranquillité et leur bien-être pour défendre les victimes de l’iniquité sociale.

Ces Duclaux, ces Monod, ces Grimaud, avaient vécu assez platement de l’existence universitaire et professorale, conduisant le plus habilement qu’ils pouvaient la politique de leur vie, cherchant à gagner un grade, un bouton dans le Tchin, une prébende ou un titre honorifique.

Le Pressensé était une des colonnes du Temps, le journal d’Hébrard qui avait touché quatorze cent cinquante mille francs dans le Panama, et qui avait approuvé ces « lois scélérates » qui auraient permis de condamner à huis clos, sans qu’il fût possible de rendre compte des débats, un malheureux coupable seulement d’avoir reçu une lettre d’anarchiste.

En 1894, Jean Grave était à Mazas où ses mains saignaient à écosser des noix de Corrozo. C’était un théoricien pur, vivant pauvrement rue Mouffetard, coupable seulement d’avoir écrit un livre d’ordre exclusivement spéculatif et abstrait : L’Anarchie et la Société mourante. Sollicités de signer un recours en grâce, des écrivains appartenant à toutes les opinions, et parmi lesquels je m’honore d’avoir été, prirent la plume et se hâtèrent de mettre leur nom sur le papier qu’on leur tendait.

Un seul refusa, un seul, bourgeois féroce, déclara qu’il ne voulait rien faire pour encourager les ennemis de l’ordre social.

Le bourgeois intraitable, qui ne devait s’attendrir qu’à propos d’un traître millionnaire, était Emile Zola !

Et vous voudriez me faire croire, Cornély, que, sans y avoir aucun intérêt, celui-là est devenu, tout à coup, le champion de l’humanité ?

Zut alors ! Laissez ces blagues un peu lourdes aux cartes postales allemandes dont la collection sera curieuse plus tard pour ceux qui auront envie d’écrire l’histoire d’un complot international.


Ce qui confond, en effet, c’est l’aplomb avec lequel tous ces farceurs du Syndicat content des bourdes à des gens qui sont aussi bien informés qu’eux et qui connaissent tous les personnages qui s’agitent sur la scène parisienne.

Prenez M. de Rodays. Regardez la situation du Figaro. Depuis trente-cinq ans bientôt, nous rencontrons ce Monsieur qui doit tomber le Figaro, faire le journal qui tuera le Figaro.

Le Figaro, un peu entamé par des confrères plus jeunes, plus experts au « nouveau jeu », « plus dans le train », résistait malgré tout, par la force même de tout ce qui a duré longtemps. Il avait cette clientèle conservatrice qui se déplace difficilement, qui est fidèle à ses habitudes, qui aime à recevoir le journal que les parents recevaient : il recrutait son public parmi ces familles de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie qui ont beaucoup d’officiers parmi les leurs, qui sont attachées aux traditions militaires.

Supposez qu’un homme, aussi éloquent qu’il vous plaise de l’imaginer, soit venu dire à M. de Rodays :

« Vous allez prendre éperdument la défense d’un officier juif que tout le monde sait être coupable. Vous allez faire campagne avec tous ceux qui traînent l’armée dans la boue, qui traitent nos généraux de coquins et de faussaires. En d’autres termes, vous allez faire exclure votre journal de tous les cercles dont il était la lecture ordinaire. Vous allez licencier vous-même cette belle et opulente clientèle qui constitue la substance de votre journal et faire vous-même cadeau de vos lecteurs à des rivaux comme le Gaulois, l’Écho de Paris, le Journal, qui, naturellement, feront leur choux gras de ce que vous leur abandonnez bénévolement. » M. Rodays, qui est civil de sa nature, aurait répondu civilement :

« Monsieur, pour agir de cette façon, il faudrait que je fusse un fou ou un malhonnête homme, et même tous les deux à la fois. J’ai la garde des intérêts de mes actionnaires, et j’ai trop aussi l’expérience du journalisme pour ignorer que dès que la clientèle d’un journal a disparu ou a pris une autre direction, elle ne revient plus. »

M. de Rodays aurait été d’autant plus fondé à tenir ce langage, qu’il est par essence et par tempérament le contraire d’un homme susceptible de s’emballer pour une cause quelconque. Il a mené adroitement sa barque au milieu des intrigues qui s’agitaient autour de Villemessant, et il est arrivé ainsi à cette situation de directeur du Figaro, qui jadis, était considérée comme le bâton de maréchal du journalisme.

Il a pu faire preuve à l’occasion d’obligeance et de courtoisie, mais ce qui est certain, en tout cas, c’est qu’il n’a rien d’un Don Quichotte qui se précipite la lance en avant pour défendre les persécutés. S’il a sacrifié sa clientèle, c’est que la Juiverie lui a donné l’équivalent de ce qu’il perdait.


Cornély ne soutiendrait pas davantage, en causant en tête à tête avec un camarade, que Clemenceau ait été poussé par sa seule sensibilité à écrire, chaque matin, depuis bientôt deux ans, un article sur les malheurs d’un capitaine Juif.

En réalité, Clemenceau serait profondément vexé s’il pouvait supposer qu’un homme intelligent le croie capable d’une pareille bêtise. Vu dans son type exact, cet homme est intéressant à sa manière ; c’est le dernier des Balzaciens, un être mystérieux, un struggler for life d’une rare robustesse et doué d’une incroyable force de résistance, car il a fallu vraiment qu’il eût les épaules solides pour recevoir les cheminées qui lui sont tombées sur la tête.

Vu ce que Cornély et le Syndicat voudraient ̃nous le faire voir, ce serait le dernier des grotesques.

Voilà en effet un homme qui vous dit, non pas dans l’effervescence paradoxale de la jeunesse, mais dans la pleine vigueur de l’âge mûr :

« J’approuve tout de la Révolution ; j’approuve les Massacres de Septembre où, pour s’éclairer, la nuit venue, les travailleurs plantaient des chandelles dans les yeux des morts.

« J’approuve les noyades de Nantes, les mariages républicains où les vierges accouplées à des hommes, par une imagination néronienne, avant d’être jetées dans la Loire, avaient à la fois l’angoisse de la mort et la souffrance de la pudeur outragée.

« J’approuve les horreurs de Lyon, où on attachait des enfants à la gueule des canons, et les égorgements de vieillards de quatre-vingt-dix ans, et de jeunes filles à peine nubiles.

« Tout cela forme un bloc glorieux et je défends qu’on y touche. Je défends que, sur un théâtre qui dépend de l’État, un dramaturge illustre vienne, après plus de cent ans révolus, prononcer une parole de pitié qui serait un outrage aux mânes augustes de Robespierre et de Marat. »

Avouez, Cornély, que si l’homme qui pense ainsi venait, sans y avoir aucun intérêt, écrire quatre ou cinq cents articles à propos d’un officier juif condamné par ses pairs après un procès qui a duré deux jours, il serait le dernier des idiots. Le spectacle de cet homme applaudissant aux plus effroyables tueries qu’ait vues l’histoire et pleurant toutes les larmes de son corps sur le sort du sympathique Dreyfus serait le plus lamentable exemple de dégénérescence intellectuelle que l’on puisse contempler.

Rien, je le répète, dans l’existence de Clemenceau, n’a pu jamais faire supposer qu’il eût l’âme sensible à la justice, ouverte à la compassion et même disposée à l’altruisme. S’il en avait été autrement, il aurait défendu Turpin, cet enfant du peuple, ce savant laïque qui s’était instruit tout seul en dehors de ces séminaires de faux pontifes que sont les grandes Écoles de l’État, Ce plébéïen, qui était devenu un grand inventeur par l’étude solitaire et le travail personnel, était, on l’avouera, autrement émouvant que Dreyfus.

Clemenceau, avec deux lignes dans la Justice, aurait sauvé Turpin. Il n’aurait même pas eu besoin d’écrire ces deux lignes. Freycinet était, à cette époque, terrorisé, fasciné, dominé par Clemenceau. Clemenceau n’aurait eu qu’à manifester l’intention de porter la question à la tribune que Turpin aurait été libre le lendemain.

Pourquoi, encore une fois, voudriez-vous, Cornély, que le Clemenceau que les malheurs de Turpin avaient laissé complètement indifférent, eût été pris tout d’un coup d’un attendrissement incoercible à propos d’un capitaine juif qui aurait envoyé au Conseil de guerre le petit soldat un peu éméché qui lui aurait dit flûte en musique ?

Ce sont là des fariboles et des calembredaines que les rhéteurs comme Jaurès peuvent essayer de faire avaler à des prolétaires insuffisamment instruits qui, pliant sous le rude labeur, n’ont pas le loisir nécessaire pour penser.

Les ouvriers intelligents ne croient pas un mot de ces ridicules histoires ; ils savent que c’est nous qui avons raison lorsque nous montrons à tous le fonctionnement de cet État dans l’État qu’est la Juiverie et les mille moyens qu’emploie la Ploutocratie juive pour faire prévaloir sa volonté.

Ils savent que c’est nous qui sommes dans le vrai en affirmant que si le Juif, grâce à l’or qu’il nous a volé, peut se payer les plus belles filles de Paris, il peut se payer aussi les hommes dont il a besoin pour exercer une influence plus ou moins réelle et plus ou moins durable sur l’Opinion.