Les Jours de fraîche et tranquille santé

Mercure de France (p. 105-106).

XVIII


Les jours de fraîche et tranquille santé,

Lorsque la vie est belle ainsi qu’une conquête,
Le bon travail prend place à mes côtés,
Comme un ami qu’on fête.

Il vient des pays doux et rayonnants,
Avec des mots plus clairs que les rosées,
Pour y sertir, en les illuminant,
Nos sentiments et nos pensées.

Il saisit l’être en un tourbillon fou ;
Il érige l’esprit, sur de géants pilastres ;
Il lui verse le feu qui fait vivre les astres ;
Il apporte le don d’être Dieu tout à coup.


Et les transports fiévreux et les affres profondes,

Tout sert à sa tragique volonté
De rajeunir le sang de la beauté,
Dans les veines du monde.

Je suis à sa merci, comme une ardente proie.

Aussi, quand je reviens, bien que lassé et lourd,
Vers le repos de ton amour,
Avec les feux de mon idée ample et suprême,
Me semble t-il — oh ! qu’un instant —
Que je t’apporte, en mon cœur haletant,
Le battement de cœur de l’univers lui-même.