Les Jeux rustiques et divins/Pour la Porte Nuptiale
POUR LA PORTE NUPTIALE
Voici l’aube. Prends le flambeau de cire peinte
Qui brûla dans la nuit sur notre double étreinte,
Car nous sommes venus hier dans la maison
En cortège et d’après le rite, et le tison
A mis le feu à l’âtre et la flamme au flambeau,
Et le double Avenir, qu’il soit sinistre ou beau,
N’a plus pour nous qu’un sort et qu’une destinée,
Que la ronce serpente où la rose était née,
Que pousse la ciguë où fleurissait la rose !
L’aube grise a glissé par la porte entreclose.
Ô lève-toi, déjà l’aurore est blanche et pâle,
Mets ta robe de route et ta bague d’opale,
Prends ce flambeau, sortons et, s’il ne fait pas jour
Encor, marchons en nous tenant par la main, pour
Que si ton pas hésite un autre le soutienne ;
Tournons trois fois autour de la vieille fontaine
Où cette Nymphe dort dans l’onde, toute nue ;
Et maintenant puisque la clarté est venue
Plonge dans l’eau la cire inutile. Il fait clair.
Allons vers la forêt ou allons vers la mer,
La porte de la ville ouvre sur le jour pur ;
Et, sous son noir portail pavé de marbre dur,
Qu’on entende chanter à l’écho qui l’oublie
Le pas léger de ceux qui partent vers la Vie.