Mercvre de France (p. 111-135).
◄  VI
VIII  ►

VII

Par la grande baie vitrée de leur salle d’escrime, un jour douteux tombait sur les deux frères, leur faisant des visages maussades et les yeux ternes. Ce ciel de février était de couleur odieusement sale, d’aspect mouillé comme des compresses entourant une tête de pauvre, à l’hospice, et le cadet des de Fertzen avait ses nerfs.

Il errait, tenant son fleuret en demi-cercle, tout prêt à le détendre contre n’importe qui ou n’importe quoi.

Depuis cinq semaines, il allait régulièrement, le matin, au cimetière, son coupé rempli de gerbes odorantes, et le groom, sur ses instructions, données d’une voix peu attendrie, jonchait le petit monument de Jane, pendant que Monsieur Paul se promenait en cherchant l’émotion qui, de nouveau, semblait le fuir. Le reste du temps, il lisait, écrivait, s’enfermait avec des fioles d’éther, s’assoupissait dans une torpeur végétative que son tempérament de garçon nerveux ne pouvait déjà plus supporter, même au nom d’un deuil de cœur. On avait remué la préfecture et fait des enquêtes prudentes, interrogé des gens ahuris, renvoyé de malheureux machinistes, et la mort mystérieuse de la pauvrette, qui avait eu son heure de célébrité, son enterrement fastueux, se réduisait peu à peu aux proportions d’un simple accident. Quelques larmes, beaucoup d’encre, des fleurs rares avaient coulé tout un mois… Et voilà qu’il se mettait à pleuvoir.

— Vie assommante ! conclut Paul tout haut.

Il alla tirer le store, fit la nuit et alluma le plafond électrique.

Reutler sursauta sous l’irruption de la lumière crue.

L’aîné des de Fertzen, assis sur le bord d’un grand lit de repos, étudiait un vieux manuscrit. Il parut plus blême dans l’atmosphère grise, incendiée d’éclairs.

— Qu’est-ce que ces lueurs ? fit-il interrompant sa lecture pour lever les sourcils. Qu’est-ce qui te prend ?

Pour toute réponse, Paul, le bras replié derrière son dos, semblant se garer d’un féroce adversaire, se fendit à fond devant une potiche, lui dépêcha un coup terrible et l’éparpilla aux quatre coins de la pièce. En un flot d’eau, les roses qu’elle contenait s’évanouirent à ses pieds. Paul examina curieusement le désastre, ramassa une tige, un petit bouton très lisse dépouillé de ses feuilles, se mit à le mâchonner.

— C’est bizarre, fit-il avec pitié, comme un bouton de rose ça vous rappelle un radis.

— En effet, répliqua Reutler d’un ton tranquille ; et il héla Jorgon.

Jorgon entra, l’œil discret, aussi morne que ses maîtres. Il épongea le parquet, ramassa les miettes de porcelaine, puis, courbant les épaules, prêt à recevoir la bourrasque, demanda :

— Monsieur Paul sortira ?

Paul réfléchit un moment, tordant son fleuret d’un geste machinal.

— De ce temps-là, je ne pourrai jamais ! gronda-t-il entre ses dents. Non, je ne sortirai pas. Le groom ira seul. D’ailleurs… je tousse…

Et, comme preuve de son absolue, de son enfantine lâcheté morale, il se racla le gosier, très consciencieusement.

Jorgon, fort grave, hocha le front.

— Oui, dit-il, la pluie n’est pas bonne, ce matin. Et les fleurs, Monsieur ?

— Les fleurs habituelles, Jorgon. Azalées, jacinthes, et surtout des roses, beaucoup de roses ! J’y tiens. Que tout soit fait comme en ma présence.

— Entendu, Monsieur.

La porte se referma doucement, sournoisement, en couvercle de tombe, et Paul se glissa jusqu’au lit de repos où il s’affala près de son frère.

— Toi, tu ne dis rien ! Ce que tu m’agaces avec ton vieux traité ! Tu pourrais toujours grogner pour me distraire…

Reutler, silencieux, posa son manuscrit.

Paul bâilla.

Là-bas, sur un banc, les masques d’escrime leur faisaient face comme deux visages d’ombre, l’air brute.

— Enfin, voyons, s’écria Paul se remettant debout et fouettant l’espace de son fleuret, il faut être franc vis-à-vis de soi-même ! Je ne l’aimais pas. Elle est morte d’une mort atroce, j’en conviens, mais je ne vais pas prendre le froc sous prétexte que je suis le héros de cette aventure. Raisonnons froidement : elle a l’idée d’entrer au théâtre, je la laisse entrer au théâtre ; elle me tourmente pour que je lui écrive une pièce, je la lui écris, et quelle pièce ! Une ineptie qui pouvait me compromettre et qu’on a eu toutes les peines du monde à retirer de l’affiche ! Elle débute, fait un faux pas, en meurt. Tiens ! Je ne suis responsable de rien du tout. J’ai horreur des hypocrisies sociales. Cette petite a été plus heureuse en ces trois mois de passion qu’en toute une longue vie ordinaire ! Je te le répète, je ne l’ai jamais aimée et ne me dois nullement à sa mémoire. J’ai essayé de la venger, n’ai pas pu. Amen !

— Tu pourrais rappeler le coupé, objecta Reutler, s’accoudant, le front dans sa main, et tâchant d’éviter la lumière blanche.

— Peuh !… fit Paul pirouettant, indécis.

— À quoi bon des fleurs portées par ce domestique… si tu as horreur des hypocrisies sociales !

— Non ! Laisse… ce sont les dernières… il faut toujours agir en galant homme. On ne reprend pas ce qu’on a donné.

Reutler eut un petit rire sec.

— Il n’y a pas de quoi rire non plus ! dit Paul s’irritant. Tu as vu dans quel état j’étais le jour de cette épouvantable première… Fièvre, délire… Tu as eu très peur pour mon cerveau, n’est-ce pas ? Eh bien, je trouve que j’ai besoin de distractions. Si je reste enlisé dans ces souvenirs funèbres, je suis capable de me suicider un matin de boue comme celui-ci, et tu seras très avancé, d’avoir voulu te ficher de moi. Je n’ai pas l’étoffe d’un sentimental. (Au hasard, il déchira une tenture.) Ah ! elle est gaie notre existence : courses au cimetière, lire, écrire… Un peu semblable, du reste, à celle d’avant la catastrophe. Le matin, promenade au Bois, autre genre de cimetière mondain ! Nous sommes en voiture où nous montons : petits cliquetis des brides, saluts échangés avec des rastaquouères qu’on ne peut se dispenser de rencontrer, quelques œillades d’actrices qui boivent du lait à la cascade. Le soir, après nos études ou un concert, excursions dans les sociétés hostiles… toujours seuls, car tu remarqueras que nous ne connaissons personne intimement. Puis on rentre, ou chez soi, ou chez elles, et on continue à s’assommer ! On est très correct, très bien vu, on apprend des tas de choses ignobles dans les filles ou dans les feuilles publiques, qu’on s’empresse d’oublier à son réveil, et dès que réveillé, on recommence : petits cliquetis de brides perpétuels des chevaux tournant dans un manège, saluts forcés… pour préparer la vie du soir identiquement hostile. Ah ! non, non ! J’en ai assez, moi, d’être des hommes sérieux, j’en ai assez !

— Dis donc, remarqua railleusement Reutler, je proteste en ce qui concerne les filles : parle au singulier ?

— Oui, c’est vrai, toi tu as la manie d’être chaste ! C’est une petite différence.

— Fichtre ! Énorme ! Ça m’empêche d’approfondir le néant de certaines choses. Je ne m’ennuie jamais, je garde mes illusions.

— Compliments. Je me demande ce que ça pourrait bien devenir alors pour moi, si j’étais chaste ! Je trouve ton invite puérile. Chiffonner des jupes, c’est encore drôle de temps en temps. (Et il soupira.) D’ailleurs, je crois à la chasteté… par politesse.

Reutler reprit d’un ton plus sourd :

— Tu sais pourquoi, maintenant, je me suis toujours mis à l’écart des hommes de notre âge. Nous ne sommes d’aucun cercle, pour ne pas nous expliquer sur nos… origines. Pour cela aussi, je t’ai supplié de ne pas risquer le scandale d’une enquête… juridique. Tu ne me le reproches pas, j’espère ? Je n’ai pas peur de la vérité selon mes opinions, et je la crains seulement au nom des tiennes. Cependant, nous sommes libres… et nous pourrions changer d’existence, de… capitale. Il est d’autres très grandes villes, sous les cieux.

— Non ! préfère Paris à… Berlin !

Reutler se dressa.

— Oh ! je n’ai pas dit Berlin.

— Tu l’as pensé.

— Si je l’avais pensé, je l’aurais dit ; j’ai eu le choix, étant l’aîné, je n’ai pas voulu choisir. Mon instinct me porte à respecter les droits du plus faible.

— Le plus faible, c’est toi, puisque tu trembles devant… mes droits.

— Détestable garçon que tu es ! s’écria Reutler malgré lui.

Paul, satisfait de ce coup traître, se mit à siffloter.

— Reprenons-nous la leçon d’escrime ? demanda-t-il moqueur.

— Non, je suis fatigué. Ce plafond flambant m’aveugle.

Cependant Reutler dit encore, au bout d’une minute de silence :

— L’étude que tu prépares sur Byzance, elle est bien. Pourquoi ne pas t’y appliquer davantage ? Tu disais mordre à la littérature.

— Comment sais-tu qu’elle est bien, mon étude ?

— Hier, passant chez toi pour chercher un bouquin, j’ai parcouru quelques pages et j’y ai pris grand plaisir. C’est un peu fougueux, mais plein de très jolies observations. On sent que tu sauras résumer. À ton âge, c’est un don précieux ; il faudrait le cultiver, mon ami.

Paul s’amusait à tourner son fleuret en vrille dans un plastron.

— Voilà qui est trop fort ! grommela-t-il. Je n’en suis qu’au monstre de ce travail, tout est à recopier et tu le lis… comme cela, en passant ! Ne te gêne pas. Je n’aime guère ces intrusions jésuitiques dans mes pensées, Reutler !

— Paul ! Tu t’oublies !… En ce moment, tu me cherches une querelle…

Il s’arrêta, oppressé, épouvanté, à la seule idée du mot qu’il allait dire.

Paul se tourna, la voix cinglante :

— … De Français, mon cher. De bon Français ayant le dégoût de l’espionnage qui, chez vous, a l’air d’une chose naturelle, décidément !

Reutler, d’un bond, fut sur lui. Tout son grand corps svelte et puissant frémissait d’une colère intérieure, d’autant plus redoutable qu’on devinait bien, à le voir trembler, qu’il n’en serait pas le maître, cette fois, car il arrivait au bout de toutes ses patiences.

— Tu vas rétracter cela, Paul, entends-tu ! dit-il d’un accent étranglé. Il le faut, je le veux ! Je te manquerais de respect à toi-même, si je ne l’exigeais pas.

Les yeux de Paul se baissèrent, mais il répondit :

— Il ne me plaît pas de recevoir, ce matin, d’autre leçon que ma leçon d’escrime, mon cher aîné ! Je ne rétracterai rien du tout.

— Un espion, moi ! râla Reutler. Non, cela dépasse les bornes ! Tu rétracteras !

Paul mit ses mains en arrière sur une table et se cambra, continuant à siffloter.

— Des excuses ! rugit Reutler tandis que son regard d’ombre s’illuminait, des excuses ou…

Il n’acheva pas ; un peu d’écume vint à ses lèvres. Il saisit le jeune homme par les deux épaules.

— Ah ! tu me fais mal ! cria le cadet se débattant. Oui, je sais : tu es un hercule ! C’est entendu, tu peux me briser, bien que je sois très fort aussi, moi ! Seulement, je ne rétracterai rien… rien… je me moque de tes brutalités. Quand j’étais petit, tu n’osais déjà pas me fouetter. Tu ne vas peut-être pas commencer aujourd’hui ! Ah ! Tu me fais mal ! je t’assure que tu me fais mal !

Reutler n’entendait plus. Il le traîna de la table au lit de repos, cherchant à le jeter sur les genoux. Il y eut un instant de lutte effroyable, ni l’un ni l’autre ne voulant céder. Paul se sentit plier. Il se cramponna aux coussins du divan qui se déchirèrent. La sueur inonda ses tempes, et il devint livide.

— Je ne céderai pas ! s’écria-t-il.

Puis, ses épaules craquant sous l’étreinte, il se crut perdu et se tourna vers son frère, face contre sa face, ses yeux chavirés dans les larmes.

— C’est absurde, imbécile ! Tu ne réussiras qu’à me faire des bleus !

Et pour dire cela, il y eut une intonation si désespérée, une si ardente supplication de tout son être bouleversé à l’idée d’une tare, que l’aîné le lâcha, étourdi, ne sachant plus s’il devait éclater de rire ou le tuer.

Paul se secoua, s’ébroua, se regarda les ongles.

— Puisque tu as tellement envie de m’assassiner, il vaudrait mieux nous battre, ce serait plus noble !… gronda-t-il, furieux.

Reutler demeurait debout, les bras tombés.

— Oh ! balbutia-t-il rêvant tout haut, le mouvement de violence !…

Il ramassa le fleuret de Paul.

— Comme tu voudras ! répondit-il enfin de son ordinaire ton sourd.

— Sans démoucheter les fleurets ? interrogea le jeune homme dédaigneusement.

— C’est juste ! dit Reutler redevenu absolument froid. Il faut au moins que nous nous battions à armes non courtoises, puisque nous nous conduisons comme des rustres. Je garde le fleuret pour moi, et voici pour toi une épée plus solide ! Cela égalisera les chances !…

Il alla décrocher une épée superbe, étincelante, dont la pointe avait l’air de ne pas finir tant elle était aiguë, la lui offrit.

— Mais !… fit le cadet reculant.

— Allons ! dépêchons ! Je suis sans masque, sans plastron, en chemise de soie, et cependant je suis certain de rester le plus fort, même avec mon fleuret… À toi de me faire mentir, cher petit !

Et avant que le jeune homme ait eu le temps de protester, il attaqua et lui porta un violent coup de bouton à la poitrine.

— Premier bleu ! dit-il ricanant de son air triste.

Paul sauta en arrière. Il serrait l’épée, tout frissonnant de rage, les yeux sombres, encore hésitant.

— Laisse-moi tranquille ! Mais laisse-moi tranquille, c’est ridicule, à la fin, tu vas te faire égorger ! cria-t-il affolé par la tentation de forcer l’ennemi.

— Second bleu ! continua Reutler en étendant le bras impassiblement.

Alors Paul oublia toute l’horreur de leur situation, il se crut en état de légitime défense ; et, à son tour, tendit le bras d’un prompt geste de révolte. Reutler eut à la mamelle gauche comme la sensation d’une morsure venimeuse.

Un cri rauque, un cri de pauvre bête qu’on martyrise retentit au fond de la salle, les fit se reculer, honteux.

Jorgon était entré, les mains levées. Il se précipita sur les deux frères.

— Monsieur Paul ! Monsieur Paul ! Au nom de votre maman !…

Et le vieil homme, ne pouvant trouver que cela, resta planté entre eux, ses grandes mains au-dessus de sa tête comme quelqu’un qui se noie. Paul laissa choir son épée, il ferma les yeux, pris de vertige.

— Vous voyez bien que Monsieur Reutler a soif de mourir de vous, bégaya Jorgon. Et j’ai vécu pour voir ça, moi !

Il se mit à pleurer.

Reutler souriait toujours de son sourire grimaçant. Une tache rose s’élargissait dans la soie de sa chemise. Une piqûre, à peine, mais Paul, toujours excessif, crut la blessure grave. Comme un fou, il se précipita au cou de son aîné en criant :

— Je l’ai tué ! je l’ai tué ! Jorgon, je suis un misérable !

— Par exemple ! fit Reutler s’efforçant de plaisanter, je me porte très bien ! Tu as seulement voulu voir le sang de l’ennemi, et cette vision n’a pas l’air de te causer un réel plaisir… Il n’y en a peut-être pas assez, hein ?

— Messieurs, balbutia Jorgon, je venais… pour vous annoncer… le déjeuner… Ces Messieurs sont… sont servis !

Il s’éloigna, les joues dans son mouchoir à carreaux, devinant qu’il était importun, maintenant qu’on se réconciliait.

Reutler, obligé de soigner Paul, saisi d’une abominable crise de nerfs, oublia sa blessure, insignifiante d’ailleurs. Il dut le dorloter, l’apaiser, lui lisser les cheveux, lui jurer qu’il était enchanté de l’accident.

— Au contraire, répétait il, j’avais besoin, moi aussi, de ma petite leçon ! Le plus malheureux, c’est ce pauvre diable qui nous a surpris ; il faut aller déjeuner pour le rassurer…

— Mon frère chéri ! soupirait le cadet se pressant tout ému contre la robuste poitrine de son aîné.

— Chut ! fit celui-ci se dégageant, nous n’allons pas nous attendrir comme des petites filles, ce serait bête ! L’honneur est satisfait, donc nous sommes… de très grands garçons et… nous n’avons plus qu’à déjeuner de bon appétit ! C’est la conclusion logique.

— Tu m’en veux ?

— Non, j’ai faim !…

Dans la vaste salle à manger, toute fleurie de vieilles faïences, qui luisaient discrètement sous un océan de plantes vertes, où un gros feu flambait, hospitalier, joyeux, semant des pierreries le long des réchauds d’argent et des cristaux mousseline, où les vins prenaient des lueurs d’ambre, ce fut Paul-Éric le plus gourmand. Malgré l’impatience du blessé, il avait pansé la plaie qui était son œuvre, et, désormais en paix avec sa conscience, il dévorait des bouchées aux huîtres, buvait sans mesure, en lançant toutes ses coutumières railleries. Reutler, plus calme, lui donnait volontiers la réplique, le regardant un peu étonné et n’osant pas lui faire part de sa surprise. Est-ce que cette haine féroce de jeune Français allait se borner à cette tentative presque ridicule ? Était-ce la trêve ou le dénouement ?

Jorgon les servant, le front penché, très humble, laissait souvent glisser quelques gouttes de vin sur la nappe, une fourchette par terre, et se confondait en excuses.

— À propos : nous avons le carnaval ces jours-ci ? demanda Paul tendant son verre.

— Je crois que oui ; n’est-ce pas, Jorgon ? murmura Reutler au hasard, car il ne savait jamais rien de la vie de la rue.

— Ces Messieurs ont raison ! Nous sommes en carnaval, affirma le vieux domestique.

— Si on s’amusait ? risqua Paul. Voyons ! (il compta sur ses doigts.) Lundi, mardi, mercredi, jeudi, pour un costume, ce sera court ? Reutler, mon grand, est-ce que tu permets le costume, à l’Opéra, histoire de chasser la mélancolie qui engendre toutes les mauvaises passions !

Et avec une féline tendresse il frôla sur la poitrine de son frère l’endroit de sa blessure.

— Carte blanche, mon cher enfant, répliqua Reutler tressaillant, pourvu que tu me laisses à la maison. J’en ai tellement la nausée de tes fameuses nuits d’Opéra, si vieux jeu et si fatigantes !

— Non ! tu me suivras, je le veux ! Avec toi, je vis double. Besoin du témoignage de ta gravité pour m’expliquer mes sottises. J’ai un vague plan, ce sera drôle. Tu verras !… Jorgon, le coupé pour cinq heures. Je sors, aujourd’hui.

Le café humé vivement, Paul remonta chez lui afin d’y feuilleter une superbe collection d’estampes qui le charmaient depuis huit jours.

Reutler songeait, tailladant la nappe de la pointe d’un couteau. Il fuma, sans se lever, regardant Jorgon aller et venir.

Il profita du moment où le vieil homme approchait un flacon de sa tasse, lui prit doucement la main.

— Merci, mon ami, dit-il très bas, sans toi je m’enferrais.

— Ah ! vous l’avouez, Monsieur le baron, vous avez soif de mourir ?

— La situation me paraît insoutenable, mon vieux Jorgon, les jours de pluie !… Et tu ne peux pas deviner jusqu’où nous irons sur ce chemin-là. (Il se leva, hocha la tête en ricanant.) À cette heure je dormirais, comme la petite Jane, déjà oubliée ! C’est dur de ne jamais bien dormir, Jorgon. Depuis quelque temps mes insomnies me rendent fou…

— Et Monsieur Paul serait déshonoré, lui ! Vous n’y pensez pas ! fit Jorgon relevant sévèrement la tête.

— Tu as raison, il ne convient pas, en effet, que le cadet des de Fertzen soit déshonoré par la mort de son frère aîné, le Prussien. (Il éclata de rire.) Fichtre ! je tâcherai de me procurer un genre de trépas plus digne !

— Monsieur le baron, bégaya le vieil homme effrayé, vous êtes son fils, vous, tout comme l’autre, je vous servirai d’ombre ! Vous ne vous tuerez pas.

Reutler posa sa main puissante sur l’épaule déformée de Jorgon.

— Comme tu l’as aimée pieusement, la belle dame de Rocheuse ! Comme tu l’as aimée saintement pour pouvoir demeurer ici notre souffre-douleur à nous, ses fils, les démons ! N’est-ce pas, Jorgon, que ton dévouement, semblable à tous les dévouements, est d’essence divine ?

Il s’en alla, lui tourna le dos brusquement, riant toujours d’un rire si nerveux et si âpre que le malheureux serviteur, ne songeant guère qu’on avait pu deviner son secret d’antan, finit par se dire :

— Mon Dieu… si c’était vrai, tout de même, que Monsieur le baron deviendrait fou ?

Un matin, en passant par le grand salon, assez sombre, de leur hôtel, Reutler heurta deux dames que les domestiques venaient d’y introduire.

— Monsieur de Fertzen ! demanda la plus âgée, d’une voix nette, une voix de femme persuadée de son importance.

— C’est moi, Madame, fit Reutler avec une politesse un peu anxieuse.

Il avait été chargé de chasser les derniers relents funèbres de l’entresol de la rue de Verneuil, et il redoutait des complications : des parents lointains venant réclamer des souvenirs ou exhaler une douleur tardive aux oreilles de Paul qui s’énerverait.

— Mais non, ce n’est pas vous ! dit la dame, moqueuse. Vous êtes bien trop grand, et bien trop brun !

Elle n’était ni jeune ni très jolie, la dame, seulement mise avec un goût irréprochable. La seconde dissimulait un sourire espiègle sous sa voilette. L’air du trottin boulevardier qui se tord sans cesser de pincer la bouche.

— Je suis désolé de vous contredire, Madame, reprit Reutler. Je suis pourtant bien Monsieur de Fertzen. En quoi puis-je vous être utile ?

Il fronçait les narines, son ton cérémonieux s’accentuait, devenant légèrement moqueur, aussi, à force d’exagération. Venir chercher son frère dans la maison familiale, quel aplomb ! Jane, elle-même, n’y était jamais entrée. Il allait éconduire les deux donzelles et avec la douceur désirable, Reutler poussant le mépris de la femme jusqu’au respect.

Paul parut, la mine heureuse.

— Ah ! vous voilà, Madame Angèle, s’exclama-t-il, je vous attendais depuis l’aube ! Vite ! vite ! chez moi, dans mon cabinet de toilette ! Ne vous occupez pas de ce grand Monsieur. Il vous a fait peur, j’en suis sûr, mais il est très sociable quand on ne le tourmente pas. C’est mon frère : le hibou savant dont je vous ai parlé.

De plus en plus hautain, le hibou s’effaça, laissant passer les deux femmes, sans ajouter un mot.

Jamais Paul n’amenait ses maîtresses rue de Bellechasse. Outré, Reutler interrogea Jorgon.

Celui-ci répondit, en levant les bras, absolument comme le matin du duel :

— C’est… des personnes !…

Le soir, à dîner, Paul commanda deux couverts, et, mal peigné, en vêtement lâches, il réapparut, escorté de ses deux nouvelles amies. Comme inconvenance, cela dépassait toute imagination.

Pendant qu’on découpait les perdreaux, Paul daigna éclairer un peu le mystère.

— Mon cher frère, dit-il d’un ton doctoral, Madame Angèle est une fée dont tout Paris suit les caprices et évoque la baguette. Elle réussit, à son bon plaisir, la pluie et le beau temps, quelquefois des mariages ! Elle a l’esprit de Sophie Arnould et la diplomatie de Talleyrand J’ai eu toutes les peines du monde à obtenir sa merveilleuse intervention, des ambassadeurs font antichambre chez elle et elle pourrait, si elle n’était pas bien lunée, nous brouiller avec toutes les cours d’Europe !… Madame Angèle, aimez-vous les truffes ?

— Je les adore, répondit gaîment la dame dont l’aisance était étonnante, mais j’ai envie de vous faire gronder, Monsieur de Fertzen ! Ce me serait facile puisque je suis aussi fort que Talleyrand… et, sans doute, aussi perfide.

— De grâce, chère Madame, abandonnez le hibou à ses austères méditations, murmura Reutler qui curieusement la dévisagea, se sentant en présence de quelqu’un que son frère respectait… par le plus extraordinaire des hasards.

Le trottin, devant les cristaux et la générosité des vins, se taisait, comme une ingénue.

Madame Angèle papota gracieusement, lutinant Paul de ses flatteries, et, au cours de la conversation, elle jeta sur la nappe tous les personnages de l’armorial. Où avait-elle vu et entendu les anecdotes qu’elle ponctuait de ces titres célèbres ? L’aventure d’alcôve du prince de X et l’histoire intime du divorce de la duchesse de Z ? Le potin de coulisse sur la fameuse actrice, tout, jusqu’aux blagues des journalistes au sujet du portrait de son frère, portrait qu’elle déclara splendide, sauf la couleur des cheveux, poussée trop au roux ardent du blond Titien des grues modernes. Et elle prononça : créatures !

Au dessert, Reutler fut complètement dérouté par la candeur de la jeune fille, qui, timide, demanda le nom d’un fruit chinois que Paul lui offrait.

— Mon bébé, je vous en enverrai demain Une boîte à l’atelier, si vous aimez ça. Ce sont des mangues, expliqua le jeune homme, bienveillant.

— À l’atelier ? songeait Reutler. Des femmes peintres ?

Le dessert s’acheva rapidement. Paul, plein d’une singulière effervescence, expédia le café, ne toucha pas aux cigares, dicta ses derniers ordres :

— Jorgon, le coupé pour onze heures. Qu’on n’oublie pas les fourrures ! Toi, mon grand (et son ton bref prit une inflexion d’une irrésistible câlinerie), je t’attends chez moi vers dix heures. Tu n’as pas ta névralgie, ce soir ; donc, le manteau vénitien et le masque, à la seule fin de ne pas trop te compromettre en mon illustre compagnie. C’est entendu.

Reutler eut un geste d’effroi. Paul lui désigna les deux femmes, souriantes.

— Pense que je pouvais exiger un costume… et je n’impose que l’habit !

Il sortit, suivi de ses dames d’honneur qui grignotaient des pralines.

Tout en se faisant habiller par Jorgon, Reutler, perplexe, réfléchissait :

— J’aurais dû protester… mais risquer une algarade devant des étrangères, c’était dangereux ! Je préfère l’Opéra. Quelle corvée !

— Du grabuge, Monsieur le baron, bougonna le vieux domestique formulant leur impression commune en sa langue concise. Paraît que c’est la première de chez Valentine, cette Madame Angèle, la cuisinière l’a reconnue !

— Comment ! ce sont des couturières, ces femmes-là ?

— Oui, Monsieur Reutler, dit Jorgon, s’oubliant à l’appeler « Monsieur Reutler », tellement il était troublé, et cette espèce ne se dérange pas pour rien !

— Ah ! j’y suis ! Paul a eu besoin d’elles pour des étoffes ! On aurait pu les faire dîner à l’office, toujours ! Et quelle nécessité de les garder ici une journée ! Enfin, ajouta Reutler philosophiquement, nous sommes en carnaval, un peu plus, un peu moins…

Vers dix heures, il descendit, d’une humeur d’ours, très beau, le velours noir du manteau vénitien faisant ressortir la mortelle pâleur de son visage et l’élégance hautaine de sa taille. En descendant, il brisa une branche de palmier qui lui effleura le cou ; ce fut plus fort que lui. Il avait la répulsion de toutes les caresses, ce soir de corvées mondaines. Assez insoucieux de ce qu’il allait voir, sa main trembla, cependant, en écartant les portières du cabinet de toilette. Là, les paupières battantes, il demeura cloué sur le seuil par une apparition vraiment monstrueuse.

Entre les deux couturières agenouillées, des épingles aux dents, rectifiant des plis, une autre femme, très grande, d’une sinistre jeunesse, était debout dans l’apothéose des réflecteurs électriques. Ce ne pouvait pas être son frère, Paul-Éric de Fertzen. Non, car elle était rousse. La ligne, très pure, de son corps droit, à la façon des primitifs, se devinait sous une simarre à traîne de dentelles d’or, aussi aériennes que des dentelles de fil, et constellée de pierreries de toutes les nuances. À ses épaules, décolletées en rond, largement mais chastement, s’attachait une dalmatique en soie, mi-partie pourpre et violette, bordée d’hermine. Une ceinture écharpe, à deux étagés, serrait la taille et soutenait le buste avec la roide pression d’un corselet d’armure, retombait par devant en ruissellement de chaînes d’or, de cordelettes de satin où se mêlaient d’énormes cabochons d’améthyste, de rubis, et les triples croix grecques, formant des extrémités de chapelets. Les bras, nus, surchargés de cercles de métal et de bijoux, sortaient des manches amples, en brocart jaune, doublées d’une étoffe d’un rose, changeant jusqu’au vert pâle, imitant les irisations claires d’une valve de nacre, et sur ces irisations chatoyantes s’enlevait la blancheur mate de la peau, paraissant plus blanche d’un blanc d’ivoire vieilli. Sur la tête, aux cheveux cuivrés, bouclés court, un diadème étroit, surmonté de la croix grecque, dardait les feux aigu des brillants et dégouttait du sang des rubis. Icône à la fois royale et divine, profane et sacrée, toute la personne de cette femme semblait figée en l’or et les joyaux, comme celles qui ne savent pas ployer la taille, ont l’habitude souveraine de ne même pas se pencher sur les génuflexions des passants. Oui, c’était bien une icône byzantine ; et quand elle tourna, du côté de Reutler épouvanté son profil de camée dur, ses yeux bleus d’acier flambant dans l’ombre du koheul, sa bouche rouge aux luisances de corail, il eut l’impression atroce de voir vivre une statue.

— Je suis ravi, Mesdames, et il ne me reste plus qu’à vous remercier, dit l’image impériale en daignant tendre ses mains aux femmes prosternées, qui se relevèrent, sourirent discrètement, et s’esquivèrent, prévoyant que l’homme noir, toujours silencieux, allait peut-être faire une scène.

— Est-ce assez réussi ? cria Paul reprenant sa voix gouailleuse dès qu’elles eurent disparu. Je ne me reconnais pas moi-même. Elles m’ont coiffé, fardé, habillé comme de simples valets de chambre. Ma petite fantaisie va me coûter cher, mais ce que je m’amuse ! Bien dommage que par décence on ne puisse pas employer des femmes à son service intime. Qu’en dis-tu, toi, le hibou ?

— Je dis, tonna Reutler se jetant sur lui d’un mouvement de colère brutale, je dis que c’est abominable et que vous ne sortirez pas ainsi avec moi ; cela, jamais !… jamais !…

Ne pouvant plus le reconnaître, il ne voulait plus le tutoyer. Il saisit son bras, ce bras d’ivoire, où ses doigts se blessèrent aux aspérités des pierres précieuses, puis, comme si le contact froid de l’icône l’eût médusé, il laissa reglisser ce bras, d’une lourdeur de marbre, dans le chatoiement voluptueux des soieries.

Paul partit d’un immense éclat de rire, il délirait, se tenait les côtes.

L’aîné qui prenait la chose au tragique, à présent ! Quel être insociable !

— Je comprends, je comprends, s’esclaffa-t-il, le vieil instinct de séminariste qui se réveille ! j’ai un air d’église qui froisse tes dernières convictions religieuses ? La mascarade monte sur l’autel et ça te vexe ! Parbleu ! (Il se campa devant lui, déployant d’un coup de pied savant la traîne de sa robe.) Salue en ma personne de chair et d’os la pieuse Irène, princesse de Byzance, portant son impérial costume de cour d’après une estampe extrêmement curieuse qui pourrait être un portrait. Cette estampe est si nette qu’elle m’a permis de reproduire les moindres détails de la dalmatique et de donner l’équivalent des nuances d’étoffes. Sauf les bijoux, soustraits au trésor de maman, toute la parure : diadème, colliers, ceinture et chapelets, a été reconstituée d’après mes instructions. Tout est lourd, violent, et cependant d’une merveilleuse perversité de tons. Ces améthystes et ces rubis, répercutant les couleurs de la dalmatique absolument comme les étincelles d’un feu de joie répercuteraient les flammes de l’enfer, n’est-ce pas prodigieux ? Je pouvais me munir d’une longue chevelure brune, plus en harmonie, mais j’ai préféré me montrer nature, me servir de mes cheveux qui sont fort présentables, teints en roux. Puis… regarde !… des brodequins cramoisis bordés d’hermine, avec boucle de diamants, des vrais, je n’ai pas une pierre fausse ! Quant aux dessous : jupes de Valenciennes blondes pour fondre les perspectives (il retroussa sa robe jusqu’aux cuisses exhibant des jambes d’un irréprochable modelé) ; et maillot de soie jaune, s’il te plaît !… À propos de maillot, la première de Valentine a eu un mot charmant : « Vous comprenez, Monsieur, cela donne la ligne… et ce nous est une garantie pour notre pudeur ! » La pudeur des premières de Valentine ! J’ai failli pouffer ! Et pas moyen de se permettre avec elles aucune plaisanterie de mauvais goût. Elles ont un tact, un sérieux, une telle dignité de manières ! Elles m’ont changé en pucelle !… J’ai la sensation d’être muée en or. Je suis sur champ d’or, je vois d’or… Ah ça, qu’est ce que tu as ? Quelle drôle de tête tu me fais ?…

Accablé, Reutler s’était plongé dans un fauteuil, les yeux clos, les lèvres mordues, les poings crispés. Il se taisait, sentant tout le ridicule qu’il y aurait à injurier une princesse de Byzance… si convaincue de sa splendeur. On était en carnaval, il fallait rire, c’était le plus sage parti ; seulement, il n’y arrivait pas, et sa bouche se contractait fiévreusement. Lui, voyait féroce.

— Le calvaire, prononça-t-il lentement, rêvant à autre chose.

— Quoi ? Quel calvaire ? Est-ce que tu divagues ? Jésus-Christ n’a rien à démêler dans cette innocente parodie d’une impératrice… que je soupçonne de cyniques dévergondages, sous ses apparences pieuses. N’a pas l’air d’avoir froid aux prunelles, d’après l’estampe. Mon cher aîné, tu es un mystique sans le savoir. Faut te défaire de ces attitudes de crucifié. Tiens ! voici mon domino. (Et il alla prendre sur une chaise un flot de velours gris.) Il est couleur poussière des siècles. Un effet sobre, ce contraste d’absolue neutralité sur la rutilance des soies et des pierres. Ensevelie depuis des centaines d’années, je surgis de ma tombe en soulevant autour de moi la poudre des squelettes. N’est-ce pas, c’est trouvé !

Paul se drapait dans le manteau avec les ruses d’une fille qui laisse juste entrevoir ce qu’il faut de chair pour faire ciller les amateurs.

— Tu m’avoueras que sous le domino on est chez soi. D’ailleurs… m’en dira-t-on jamais plus qu’on ne m’en a dit au sujet de mon portrait… et j’étais en homme. Tu n’as pas bronché, le jour où on a imprimé dans un salon de grand critique : « le sourire perversement équivoque du jeune Paul de F… » Excepté La Gandara, j’aurais bien aimé à gifler des gens, moi !

— Mon Dieu, murmura Reutler, quand, par hasard, une vérité se découvre et qu’on n’a pas provoqué le spectateur…

— Une vérité ! gronda Paul faisant cliqueter ses chapelets d’un geste furieux. Est-ce que nous allons encore nous battre, Reutler ?

— Rassurez-vous, chère Madame, fit Reutler se levant, subitement ironique rassurez-vous ! Mon bras ne dégaine plus que pour vous protéger contre la hardiesse des voisins. Je vais jouer mon rôle… religieusement, en vrai gardien de l’icône byzantine. (Il ajouta scandant ses mots :) Aussi bien, si je te laisse partir seul, je suis capable d’aller verrouiller moi-même les portes de notre maison pour t’empêcher de rentrer ! Mets donc ton masque, et je te jure qu’on ne l’ôtera pas sans mon consentement.

Paul haussa les épaules.

Ils descendirent lentement l’escalier fleuri de leur hôtel, Irène s’embarrassant dans la traîne de sa jupe et Reutler obligé de lui tenir ses gants, son éventail.

La livrée, prévenue par les demi-confidences de Jorgon, se tenait postée aux embrasures et derrière les massifs.

— Si je ne connaissais point l’humeur de Monsieur le baron, chuchota le groom à l’oreille de Françoise, je croirais qu’il est en partie fine. Mais pour une impératrice d’avant le déluge, l’autre a l’air d’une vraie garce.

— Avec une fortune sur le ventre, on est toujours du sexe, affirma brutalement un garçon d’écurie.