Les Historiettes/Tome 1/12

Texte établi par Monmerqué, de Chateaugiron, Taschereau, 
A. Levavasseur
(Tome 1p. 63-75).


LE DUC DE SULLY[1].


On a dit, et soutenu, qu’il venoit d’un Écossais nommé Bethun, et non de la maison des comtes de Béthune de Flandre. Il y avoit un Écossois archevêque de Glascow qu’il traitoit de parent. Par sa vision d’être allié de la maison de Guise par la maison de Coucy, issue, dit-il, de l’ancienne maison d’Autriche, comme s’il réputoit à déshonneur d’être parent de l’empereur et du roi d’Espagne, il alla s’offrir à MM. de Guise contre M. le comte de Soissons. Le Roi[2] lui manda par M. du Maurier, huguenot, depuis ambassadeur en Hollande, qu’il le rendroit si petit compagnon, qu’il lui feroit bien voir que la maison de Guise n’en seroit pas mieux pour avoir son appui ; qu’il étoit un ingrat, lui qu’il avoit élevé de rien, de s’aller offrir contre un prince du sang à ceux qui avoient tâché d’ôter la couronne et la vie à son bienfaiteur. M. du Maurier ne dit pas la moitié de ce que le Roi lui avoit donné charge de dire ; cependant mon homme fut si abattu que c’étoit une pitié, car comme dans la prospérité il étoit insolent, de même il étoit lâche et failli de cœur dans l’adversité.

Il eut une querelle ensuite avec M. le comte de Soissons pour quelques assignations où il rebuta fort ce prince. Ceux de Lorraine s’offrirent à lui pour lui rendre la pareille, dont le Roi fut fort irrité. Ce qu’il conte d’une autre querelle avec M. le comte pour un logement à Châtellerault est faux[3] : M. le comte lui eût passé l’épée au travers du corps. Quoiqu’il fût gouverneur du Poitou, il n’y avoit pourtant nul crédit.

Il se vanta d’avoir fait donner le gouvernement de Provence à feu M. de Guise[4], et M. le chancelier de Chiverny fit ses protestations contre cela[5]. Il blâme M. d’O[6], qui pourtant avoit les mains nettes, et qui, au lieu de s’enrichir dans la surintendance, y mangea son bien.

Il passe par-dessus M. de Sancy, comme s’il n’avoit point été surintendant[7]. M. de Sancy fut chassé pour avoir dit au Roi, au siége d’Amiens, comme il lui demandoit conseil sur son mariage avec madame de Beaufort, en présence de M. de Montpensier, que « p..... pour p....., il aimeroit mieux la fille d’Henri II[8] que celle de madame d’Estrées, qui étoit morte au bordel ; » et pour avoir dit aussi à madame la duchesse[9] même, qui disoit qu’un gentilhomme de ses voisins avoit mis ses enfants sous le poêle en épousant celle dont il les avoit eus, « que cela étoit bon pour un héritage de cinq ou six mille livres de rentes, mais que pour un royaume elle n’en viendroit jamais à bout, et que toujours un bâtard seroit un fils de p..... » À la vérité ces paroles sont un peu bien rudes, mais le Roi devoit considérer que M. de Sancy étoit homme de bien, et qu’il lui avoit rendu de grands services.

Il avoit en effet soudoyé à ses dépens les Suisses en grand nombre qu’il amena à Henri IV[10]. Il mourut pauvre avec un arrêt de défense dans sa poche. Plusieurs fois il lui est arrivé d’être pris par les sergents ; il se laissoit mener jusqu’à la porte de la prison, puis il leur montroit son arrêt et se moquoit d’eux.

Il avoit un fils qui fut page de la chambre de Henri IV. Las de porter le flambeau à pied, il trouva moyen d’avoir une haquenée. Le Roi le sut et lui fit donner le fouet. Il juroit toujours pa la mort ; on l’appela Palamort. C’étoit un assez plaisant homme. Il trouva une fois madame de Guémenée sur le chemin d’Orléans ; elle venoit à Paris. Il s’ennuyoit d’être à cheval, car il faisoit mauvais temps ; il lui dit : « Madame, il y a des voleurs à la vallée de Torfou, je m’offre à vous escorter. — Je vous rends grâces, lui dit-elle. — Ah ! madame, répliqua-t-il, il ne sera pas dit que je vous aie abandonnée au besoin ; » et en disant cela, il baisse la portière, et, quoi qu’elle dît, il se mit dans le carrosse. À Rome, comme M. de Brissac étoit ambassadeur, un jour que l’ambassadrice devoit aller voir la vigne de Médicis, il se mit tout nu dans une niche où il n’y avoit point de statue ; il y a là une galerie qui en est toute pleine. Cet homme se fit Père de l’Oratoire, et on l’appeloit le Père Palamort. Il n’avoit dans sa chambre que des Saints cavaliers, comme saint Maurice, saint Martin et autres.

L’autre fils de M. de Sancy, qui fut ambassadeur en Turquie, se fit également Père de l’Oratoire.

Madame de Beaufort n’eut point de patience qu’elle n’eût fait mettre M. de Rosny en la place de M. de Sancy. Il lui faisoit la cour, il y avoit long-temps. Son premier emploi fut de contrôler les passe-ports au siége d’Amiens, et puis il fut envoyé dans les élections pour prendre tous les deniers qui se trouveroient chez les receveurs, ce qu’il fit avec beaucoup de rigueur. Il en usa de même en toutes rencontres. Comme il étoit assez ignorant en fait de finances, il mena avec lui un nommé Ange Cappel, sieur du Luat[11], une espèce de fou de belles-lettres, qui fit imprimer long-temps après, pour flatter M. de Sully, un petit livre intitulé : Le Confident, dont M. de Lesdiguières fut fort en colère. Du Luat en fut mis en prison. Quand on voulut l’interroger et qu’on lui dit : « Promettez-vous de dire la vérité ? — Je m’en garderai bien, dit-il, je ne suis en peine que pour l’avoir dite. » Il donnoit des avis très-pernicieux, et disoit, entre autres sottises, qu’il ne falloit qu’un lait d’amendes pour restaurer la France, parce qu’il y avoit une affaire sur les amendes. Il fit imprimer un livre de ses beaux avis, au frontispice duquel il étoit peint comme un Ange, avec des ailes et de la barbe au menton, et des vers qui disoient qu’il n’avoit rien d’humain que la barbe[12].

M. d’Incarville, contrôleur général des finances, n’étoit point un voleur, comme le dit M. de Sully[13] ; c’étoit un honnête homme et homme de bien. Cette querelle avec madame de Beaufort lorsqu’elle alloit être reine ne s’accorde guère avec ce que M. de Sully conte du voyage de Clermont, où il donna des coups de bâton au cocher par son commandement ; elle l’eût fait chasser bien vite.

Voici ce qui se passa à la maladie de madame de Beaufort. Elle dépêcha Puypeiroux vers le Roi pour lui en donner avis, et le supplier de trouver bon qu’elle se fît mettre dans un bateau pour l’aller trouver à Fontainebleau. Elle espéroit que cela le feroit venir aussitôt, et qu’en faveur de ses enfants, il l’épouseroit avant qu’elle mourût. En effet, aussitôt que Puypeiroux fut arrivé, le Roi le fit repartir pour lui aller faire tenir prêt le bac des Tuileries, dans lequel il vouloit passer pour n’être point vu, et incontinent il monta à cheval, et fit si grande diligence qu’il rattrapa Puypeiroux, à qui il fit de terribles reproches. Auprès de Juvisy, le Roi trouva M. le chancelier de Bellièvre, qui lui apprit la mort de madame la Duchesse. Nonobstant cela, il vouloit aller à Paris pour la voir en cet état, si M. le chancelier ne lui eût remontré que cela étoit indigne d’un roi. Il se laissa vaincre à ses raisons, et retourna à Fontainebleau.

M. de Sully dit en un endroit que le Roi monta dans son carrosse ; il n’en avoit point, quoiqu’il fût surintendant des finances. Il alloit au Louvre en housse, et n’eut un carrosse que quand il fut grand maître de l’artillerie. Le Roi ne vouloit pas qu’on en eût. Le marquis de Cœuvres et le marquis de Rambouillet furent les premiers des jeunes gens qui en eurent, le dernier à cause de sa mauvaise vue, l’autre en rendoit quelque autre raison[14]. Ils se cachoient, quand ils rencontroient le Roi. Bassompierre disoit que quand il pleuvoit ils alloient chercher des dames de leurs amies pour faire des visites avec elles. Arnauld le Péteux[15] a été le premier garçon de la ville qui en ait eu, car les hommes mariés en eurent avant lui. Le Roi ne trouva pas bon que Fontenay-Mareuil[16] en eût un, on lui dit qu’il s’alloit marier. Enfin les carrosses devinrent tout communs ; on ne savoit ce que c’étoit que des chevaux d’amble, le Roi seul avoit une haquenée ; du temps d’Henri IV même cela étoit ainsi ; on trottoit après le Roi.

Quand le Roi fit M. de Sully surintendant, cet homme, par bravoure, fit un inventaire de ses biens qu’il donna à Sa Majesté, jurant qu’il ne vouloit que vivre de ses appointemens et profiter de l’épargne de son revenu, qui ne consistoit alors qu’en la terre de Rosny. Mais aussitôt il se mit à faire de grandes acquisitions, et tout le monde se moquoit de son bel inventaire. Le Roi témoigna assez ce qu’il en pensoit, car M. de Sully ayant un jour bronché dans la cour du Louvre, en le voulant saluer, comme il étoit sur un balcon, il dit à ceux qui étoient auprès de lui, qu’ils ne s’en étonnassent pas, et que si le plus fort de ses Suisses avoit autant de pots de vin dans la tête, il seroit tombé tout de son long.

Il se fait écrire monseigneur par La Varenne[17] ; on ne donnoit point du monseigneur en ce temps-là au surintendant des finances, et il n’étoit que cela alors. D’ailleurs La Varenne étoit trop fier pour en user ainsi. On le voit par une chose qu’il lui écrivit depuis, à propos du différend de leurs gendres[18] en Bretagne, pour la préséance ; quoique M. de Sully fût duc et pair, l’autre lui écrivit ainsi : Le différend qui est entre nos gendres… Cela pensa faire enrager le bon homme. Cela me fait ressouvenir que M. le chancelier Seguier, dont la fille a épousé le petit-fils de M. de Sully, lui ayant écrit une fois, à propos de quelques démêlés, en ces mots : Pour conserver la paix dans nos familles, il s’en mit en colère, et dit que le mot de famille n’étoit bon que pour le chancelier, qui n’étoit qu’un citadin.

Jamais il n’y eut un surintendant plus rébarbatif. Cinq ou six seigneurs des plus qualifiés de la cour, et de ceux que le Roi voyoit de meilleur œil, l’allèrent un après-dîner visiter à l’Arsenal. Ils lui déclarèrent en entrant qu’ils ne venoient que pour le voir. Il leur répondit que cela étoit bien aisé, et s’étant tourné devant et derrière pour se faire voir, il entra dans son cabinet et ferma la porte sur lui.

Un trésorier de France, nommé Pradel, autrefois maître-d’hôtel du vieux maréchal de Biron, et fort connu du Roi, ne pouvoit avoir raison de M. de Sully, qui lui ôtoit ses gages. Un jour il le voulut faire sortir de chez lui par les épaules, mais cet homme prit un couteau de dessus la table, car le couvert étoit mis, et lui dit : « Vous aurez ma vie auparavant ; je suis dans la maison du roi, vous me devez justice. » Enfin, après bien du bruit, Pradel alla trouver le Roi, lui conta l’histoire, et déclara que, dans le désespoir où le mettoit M. de Sully, il ne se soucioit point d’être pendu, pourvu qu’il se fût vengé ; qu’aussi bien il mourroit de faim. Le Roi le gourmanda fort ; mais, quelques plaintes que fît M. de Sully, il fallut payer Pradel.

Un Italien, venant de l’Arsenal, où il avoit eu quelques rebuffades du surintendant, passa par la Grêve, où l’on pendoit quelques malfaiteurs. « Ô beati impiccati ! s’écria-t-il, che non avete da fare con quel Rosny. »

Il étoit si haï que par plaisir on coupoit les ormes qu’il avoit fait mettre sur les grands chemins pour les orner. « C’est un Rosny, disoient-ils, faisons-en un Biron[19]. » Il avoit proposé au Roi, qui aimoit les établissements, d’obliger les particuliers à mettre des arbres le long des chemins ; et comme il vit que cela ne réussissoit pas, il fut le premier à s’en moquer.

M. de Sully dit en un endroit de ses Mémoires que M. de Biron et douze des plus galants de la cour ne pouvoient venir à bout d’un ballet qu’ils avoient entrepris, et qu’il fallut lui faire commander par le Roi de s’en mettre. C’étoit une de ses folies que la danse. Tous les soirs, jusqu’à la mort d’Henri IV, un nommé La Roche, valet de chambre du Roi, jouoit sur le luth les danses du temps, et M. de Sully dansoit tout seul avec je ne sais quel bonnet extravagant en tête, qu’il avoit d’ordinaire quand il étoit dans son cabinet. Les spectateurs étoient Duret, depuis président de Chevry, et La Clavelle, depuis seigneur de Chevigny[20], qui, avec quelques femmes d’assez mauvaise réputation, bouffonnoient tous les jours avec lui. Ces gens lui applaudissoient, quoique ce fût le plus maladroit homme du monde[21]. Il montoit quelquefois des chevaux dans la cour de l’Arsenal, mais de si mauvaise grâce que tout le monde se moquoit de lui.

À propos de ballet, M. le Prince en dansa un, et le Roi commanda à M. de Sully de donner une ordonnance pour cela. M. de Sully enrageoit, et, comme pour se moquer, il mit en bas : « Et autant pour le brodeur. » Pour le faire enrager encore plus, M. le Prince se fit payer le double en disant qu’il y en avoit la moitié pour le brodeur. Il alla avec toute sa maison chez M. d’Arbault, trésorier de l’Épargne, et n’en sortit qu’il n’eût reçu l’argent. Le Roi ne fit qu’en rire, et dit que M. de Sully méritoit bien cela.

Sully gardoit lui-même la porte de la salle à double rang de galeries qu’il avoit fait faire à l’Arsenal pour les ballets.

C’étoit à Duret, son m........, qu’on présentoit les gants[22]. Il parle dans ses Mémoires d’un nommé Robin qu’il rebuta[23] ; c’est qu’il s’étoit adressé à lui-même, et non pas à Duret.

La chambre de justice ne fut établie que pour perdre M. de Sully et découvrir ses malversations ; et cela étoit mené par des gens qu’il avoit mis dans les finances. Il s’opposa tant qu’il put à la recherche, et ce fut lui qui fit la composition des financiers. M. de Bellegarde s’en étant rendu le solliciteur, il fit si bien qu’il réduisit à fort peu de chose ce qui devoit revenir de cette composition, pour faire accroire au Roi qu’il avoit été mal conseillé, et que, pour un petit profit, il avoit perdu la bonne volonté de ses officiers. Ceci arriva en 1606, et le roi, sachant les pots-de-vin qu’il prenoit, et croyant qu’il avoit part aux intérêts d’avance qu’on payoit aux trésoriers de l’Épargne, faisoit état de donner la surintendance à M. de Vendôme, quand il auroit plus d’âge ; lorsque Sa Majesté mourut, elle étoit sur le point de l’y établir.

Son triomphe d’Ivry et les grandes sommes qu’il tira des prisonniers de guerre qu’il fit, sont les plus plaisants endroits de son livre[24]. Toutes ces extravagances sont peintes dans une grande salle à Villebon, dans le pays Chartrain.

C’étoit le plus sale homme du monde en paroles. Un jour, je ne sais quel gentilhomme fort bien fait alla dîner avec lui. Madame de Sully, sa seconde femme[25], qui vit encore, le regardoit de tous ses yeux. « Avouez, madame, lui dit-il tout haut, que vous seriez bien attrapée si monsieur n’avoit point de … » Il ne se tourmentoit pas autrement d’être cocu ; et en donnant de l’argent à sa femme, il disoit : « Tant pour cela, tant pour cela, et tant pour vos f… » Il fit faire un escalier séparé qui alloit à l’appartement de sa femme, et lui dit : « Madame, faites passer les gens que vous savez par cet escalier-là, car si j’en rencontre quelqu’un sur mon escalier, je lui en ferai sauter toutes les marches. »

Ce bon homme, plus de vingt-cinq ans après que tout le monde avoit cessé de porter des chaînes et des enseignes de diamants, en mettoit tous les jours pour se parer, et se promenoit en cet équipage sous les porches de la Place-Royale, qui est près de son hôtel. Tous les passans s’amusoient à le regarder. À Sully, où il s’étoit retiré sur la fin de ses jours[26], il avoit quinze ou vingt vieux puants et sept ou huit vieux reîtres de gentilshommes qui, au son de la cloche, se mettoient en haie pour lui faire honneur, quand il alloit à la promenade, et puis le suivoient. Il entretenoit je ne sais quelle espèce de garde suisse. Il disoit qu’on se pouvoit sauver en toute sorte de religion, et a voulu être enterré en terre sainte.

  1. J’ai tiré la plus grande part de ceci d’un manuscrit qu’a fait feu M. Marbault, autrefois secrétaire de M. Duplessis-Mornay, sur les Mémoires de M. de Sully, dont il montre presque partout la fausseté pour les choses qui concernent l’auteur. J’ai extrait de cet écrit ce qu’on n’oseroit publier, quand on l’imprimera. (T.) — Si nous avions besoin de prouver que les Mémoires de Tallemant ne sont pas une reproduction fastidieuse des autres Mémoires du temps, il nous suffiroit de citer à l’appui de notre assertion l’article Sully. Certes, ce ministre y est peint sous un jour tout nouveau. Est-il également vrai ? Nous sommes très-portés à croire qu’un peu de passion a pu parfois rembrunir le tableau ; mais il ne nous paroît pas moins constant par les mots cités par Tallemant, de Henri IV sur Sully, mots qui portent évidemment le cachet de ce prince, que, fort attaché à son ministre dont il appréciait l’habileté, Henri IV regardoit son dévoûment et ses services comme loin d’être complètement désintéressés.
  2. Henri III.
  3. Mémoires de Sully, liv. 22.
  4. Mémoires de Sully, liv. 7.
  5. Mémoires d’État de messire Philippe Hurault, comte de Chiverny, 1636, in-4o.
  6. Mémoires, liv. 4 et 7.
  7. Mémoires, liv. 7.
  8. Marguerite de France, reine de Navarre, épouse divorcée de Henri IV. Tallemant lui consacre un article peu après.
  9. La duchesse de Beaufort, Gabrielle.
  10. Harlay de Sancy, pour procurer des secours à Henri IV, mit en gage chez des Juifs de Metz un très-beau diamant. Cette pierre a été réunie aux diamants de la couronne. Il ne faut pas la confondre avec le Pitt ou le Régent, qui est d’un poids beaucoup plus considérable.
  11. Ange Cappel, seigneur du Luat, est auteur d’un livre intitulé : l’Abus des Plaideurs, Paris, 1604, in-folio. Il nous a été impossible de découvrir dans aucune bibliothèque de Paris, et dans aucun catalogue, le petit livre, ayant pour titre : Le Confident, dont parle Tallemant. Ange Cappel a son article dans la Biographie universelle de Michaud ; on trouve aussi des renseignemens sur lui dans les Remarques sur le chapitre II de la Confession de Sancy. (Voyez le Recueil de diverses pièces servant à l’histoire de Henri III. Cologne, P. Marteau, 1699, t. 2, p. 555.)
  12. Cette facétie orne le frontispice de l’Abus des Plaideurs. On répondit à Cappel par un quatrain lourd et grossier, attribué à Rapin, que cite la Biographie. Ce donneur d’avis obtint le 27 septembre 1612 un arrêt du conseil qui lui accordoit le vingtième denier d’un nouveau fonds qu’il proposoit sur le ménage du domaine du roi. Une copie collationnée de cet arrêt existe dans le manuscrit du roi 8778, in-folio. Fonds de Béthune, p. 64.
  13. Mémoires, liv. 12.
  14. « J’ai appris de la vieille madame Pilou, dit Sauval, qu’il n’y a point eu de carrosse à Paris avant la fin de la Ligue… La première personne qui en eut étoit une femme de sa connoissance et sa voisine, fille d’un riche apothicaire de la rue Saint-Antoine, nommé Favereau, et qui s’étoit fait séparer de corps et de biens d’avec Bordeaux, maître des comptes, son premier mari. » (Antiquités de Paris, tome Ier, p. 191.)
  15. On trouvera plus bas un article sur cet Arnauld ; on y donne la raison du surnom bizarre qu’il portoit.
  16. Ceci doit être entendu de Louis XIII et non de Henri IV. François Du Val, marquis de Fontenay-Mareuil, élevé auprès du dauphin, comme enfant d’honneur, n’avoit que quinze ans à la mort de Henri IV. Il épousa en novembre 1626 Suzanne de Monceaux. Fontenay-Mareuil s’est rendu célèbre dans la carrière des ambassades ; il a laissé des Mémoires importants qui ont été publiés pour la première fois dans la première série de la Collection des Mémoires relatifs à l’histoire de France, tomes 50 et 51.
  17. Grand m… du roi. (T.) — Cette assertion de Tallemant sur les fonctions secrètes de La Varenne ne paroît pas dénuée de vraisemblance. Son premier office avoit été celui de cuisinier chez Madame : il excelloit à piquer les viandes. Quand il eut fait fortune et quand Guillaume Fouquet (c’étoit son nom) eut gagné le marquisat de La Varenne, Madame le rencontrant un jour, lui dit : « La Varenne, tu as plus gagné à porter les poulets de mon frère qu’à piquer les miens. » Il fut fait porte-manteau du Roi, puis conseiller d’état et contrôleur général des postes ; toutefois ces différentes charges ne le détournèrent jamais du soin de ses missions amoureuses. Mais l’âge du Roi diminuoit chaque jour l’importance du rôle de son confident ; aussi La Varenne ayant obtenu une grâce nouvelle du prince, comme le chancelier de Bellièvre faisoit quelques difficultés d’en sceller l’expédition, La Varenne lui dit : « Monsieur, ne vous en faites pas tant accroire : je veux bien que vous sachiez que si mon maître avoit vingt-cinq ans de moins, je ne donnerois pas mon emploi pour le vôtre. »
  18. M. de Rohan ; le comte de Vertus d’Avaugour. (T.) — Henri, duc de Rohan, épousa en 1605 Marguerite de Béthune-Sully, et Claude de Bretagne, comte de Vertus, avoit épousé Catherine Fouquet, fille du marquis de La Varenne.
  19. Par allusion au supplice du maréchal de Biron, décapité le 31 juillet 1602.
  20. Duret de Chevry, sur lequel on verra plus bas un article dans ces Mémoires, et La Clavelle de Chevigny avoient été secrétaires de Sully. (Voyez l’avertissement qui précède les Mémoires de Sully, Tome Ier, p. 3, de la 2e série de la Collection des Mémoires relatifs à l’histoire de France.)
  21. Tout ceci contraste fort avec le caractère d’austérité de convention qu’on a prêté à Sully. Il est surtout une pointe qui traîne dans tous les ana historiques et qui se trouve révoquée en doute par le récit de Tallemant. Si l’on en croit les conteurs, après la mort de Henri IV le prince de Condé témoigna un jour le désir que le marquis de Rosny, fils de l’ex-surintendant, figurât dans un ballet qu’il montoit. Sully lui auroit répondu avec cette sévérité théâtrale que la tradition lui prête : « Rosny est marié, il a des enfants, ce n’est plus à lui à danser. — Je vois bien ce que c’est, auroit repris le prince, vous voulez faire de mon ballet une affaire d’État. — Nullement, monsieur, lui répondit Sully, tout au contraire : je tiens vos affaires d’État pour des ballets. » Cela est bien digne, mais Tallemant est plus naturel, et il étoit rapproché des sources.
  22. Présenter, donner les gants, locutions tirées de l’ancien usage de donner une paire de gants à celui qui apportoit le premier une bonne nouvelle, et par extension faire un cadeau en échange d’un service, d’une faveur. Cet usage venoit d’Espagne, où il s’appeloit la paraguante.
  23. Livre 9.
  24. Mémoires, liv. 3.
  25. Sully, veuf d’Anne de Courtenay, se remaria à Rachel de Cochefilet, veuve elle-même en premières noces de Châteaupers.
  26. Sully se retira en effet, à la mort de Henri IV, dans la terre de son nom ; mais étant rentré en possession du château de Villebon qu’il avoit cédé au prince de Condé, il en fit son habitation principale, et il y est mort. Tallemant, dans cet article, montre plus qu’ailleurs son esprit mordant et porté au dénigrement. On voit dans les Mémoires de Sully de l’abbé de l’Écluse, Londres, 1747, in-4o, tom. 3, pag. 414, le grand état que le ministre de Henri IV conserva jusque dans ses terres. Le château de Sully est un curieux monument du moyen âge ; il a été sous Charles VII la demeure de La Trémouille. Il étoit avant la révolution flanqué de tours, mais il n’en subsiste qu’une seule aujourd’hui. On voit au milieu de la cour la statue en marbre que Rachel de Cochefilet, duchesse de Sully, fit élever à Villebon à la mémoire de son mari ; on regrette que cette statue n’ait pas encore été placée sur son piédestal, et qu’elle soit encore couchée dans la caisse qui a servi à la transporter de Villebon à Sully.