Les Hirondelles (Esquiros)/À un Palmier.

Eugène Renduel (p. 203-207).


À UN PALMIER.




Illic sedimus et flevimus.
psaumes.



À un palmier.


élégie arabe.


Etranger, comme toi, sur la terre d’Espagne,
Palmier, le même sort aujourd’hui m’accompagne ;
Mais l’aube de ses pleurs t’arrose à son réveil ;
Mais dans un sol fécond ta racine est nourrie ;
Mais au sein d’un ciel pur, aux rayons du soleil
Tu lèves ta tête fleurie.


Si dans ce lieu d’exil, un triste souvenir
De ton pays natal venait t’entretenir ;
Si tu pouvais sentir, sous ton écorce amère,
Ce que mon ame sombre épuise de douleurs :
Comme moi maintenant, sur la rive étrangère,
Palmier, tu verserais des pleurs.

Un éternel printemps couronne ton feuillage,
Et moi je défleuris au printemps de mon âge ;
Une eau pure t’arrose, et tes rameaux flottans
Sentent frémir sur eux la brise fortunée…
Hélas ! combien de fois, au souffle des autans
Ma tête à moi s’est inclinée !

Aux rives de l’Euphrate, aux champs semés de fleurs,
Seul, j’allais vers le soir promener mes douleurs ;
Sous les palmiers déserts je répandais des larmes ;
Mais ni les verts palmiers, où j’aimais à venir,
Ni les monts adorés, témoins de mes alarmes,
N’ont conservé mon souvenir.

Toi seul tu m’es resté du pays de mes pères ;
J’aime à venir rêver, sous tes rameaux prospères,

À la terre natale, aux plaisirs du foyer :
Mais tu ne comprends pas cette plainte chérie ;
Exilé comme moi, comme moi, beau palmier,
Tu ne pleures pas la patrie !

Avril 1830.