Les Heures claires, 1896/21

chez l’Éditeur Edm. Deman (p. 47-48).


En ces heures où nous sommes perdus

Si loin de tout ce qui n’est pas nous-mêmes.
Quel sang lustral ou quel baptême
Baigne nos cœurs vers tout l’amour tendus ?

Joignant les mains, sans que l’on prie,
Tendant les bras, sans que l’on crie,
Mais adorant on ne sait quoi
De plus lointain et de plus pur que soi,
L’esprit fervent et ingénu,

Dites, comme on se fond, comme on se vit dans l’inconnu.

Comme on s’abîme en la présence
De ces heures de suprême existence,
Comme l’âme voudrait des cieux
Pour y chercher de nouveaux dieux,
Oh ! l’angoissante et merveilleuse joie
Et l’espérance audacieuse
D’être, un jour, à travers la mort même, la proie

De ces affres silencieuses.