Les Habits noirs/Partie 1/Chapitre 16

Hachette (tome Ip. 210-222).
◄  À Paris
Première partie


XVI

Mlle Fanchette.


À ce cri, Julie Maynotte, Giovanna-Maria Reni, — ou Mme Schwartz, car ce dernier nom lui appartenait désormais, leva la tête et regarda la place d’où le bruit venait. Il y avait une tristesse profonde, mais tranquille, dans l’admirable langueur de ses grands yeux. Elle était belle comme autrefois. Plus belle.

J. B. Schwartz, lui, le fiancé, car c’était bien notre pauvre Alsacien des premières pages de cette histoire, qui avait quatre cent mille francs et qui prenait pour femme cette merveilleuse créature, J. B. Schwartz eut deux regards : l’un, rapide et jaloux, qui enveloppa sa fiancée ; l’autre, inquiet, qui glissa vers la grille.

J. B. Schwartz avait peu changé. Ses traits gardaient leur dessin aigu et pauvre. Il avait pris, cependant, un peu de teint et de corps.

Sa femme et lui ne virent rien, sinon un flux de têtes agitées. André, en effet, gisait inanimé sur les dalles.

L’épousée inclina de nouveau sa tête charmante sur son livre de mariage, et J. B. Schwartz, croyant à un vulgaire accident, reprit la pose digne commandée par la circonstance.

C’était une noce riche. Rien de ce que peut fournir la magnificence cérémoniale n’y manquait. Tous les cierges étaient allumés, le clergé avait ses ornements les plus pompeux, l’orgue soufflait dans ses plus bruyants tuyaux. La nef, cependant, ne contenait pas une assistance très nombreuse ; la foule était surtout dans les bas-côtés, refuge des curieux. Encore, les gens qui garnissaient la nef n’avaient-ils pas physionomie de famille.

On peut voir souvent des mariages moins fastueux et mieux entourés.

Un Schwartz, devenu homme de quatre cent mille francs, ne manque pas de parents, assurément, ni d’amis non plus ; mais ces parents et ces amis sont d’espèce particulière.

Quant à la belle fiancée, elle n’avait point d’entourage. Son nom de Giovanna Reni disait sa position d’étrangère. En somme, pour un Schwartz, notre Alsacien pointu osait là une alliance lamentablement romanesque. Il aurait pu épouser une famille commerçante et un demi-million, pour le moins. On se le disait.

La cérémonie continua paisiblement, pendant que le suisse, aidé de quelques personnes obligeantes, relevait André pour le porter à la sacristie. M. Lecoq suivait à cinq ou six pas de distance, et semblait laborieusement se consulter.

Il avait eu la comédie espérée, violente dès sa première scène. Que voulait-il maintenant, et quelles pensées roulaient dans cette effrontée cervelle ?

La plupart des curieux s’arrêtèrent à la porte de la sacristie. M. Lecoq en franchit le seuil. Dans toute l’église, où il y avait pourtant, vu la circonstance, bon nombre de notables commerçants et de personnes bien posées, vous n’eussiez pas trouvé une physionomie plus solvable que la sienne. M. Lecoq, portant haut sa figure ouverte et calme, vêtu avec une solide élégance et repoussant de côté d’un geste doux les gens qui lui barraient le passage, était aujourd’hui un de ces hommes comme il faut, qui charment les chiens à la chaîne et conjurent l’hypocondrie malfaisante des concierges.

Il entra, marchant droit au groupe qui entourait le malade. Dans ce groupe, composé des plus humbles fonctionnaires de la sacristie, on bavardait :

« C’est la boisson !

— C’est le haut mal !

— Des fois, le besoin… » commença un serpent charitable.

Mais le suisse, sentimental et clément comme tous les guerriers de grande taille :

« Sans compter qu’on en voit fréquemment qui succombent par les peines de cœur, les jours de noce. »

M. Lecoq lui toucha le bras par derrière et dit :

« Permettez ! »

On s’écarta, car c’était un ordre. M. Lecoq prit le poignet d’André et lui tâta le pouls.

« C’est un médecin ! fut-il chuchoté.

— Non, mes amis, répliqua M. Lecoq avec un bon sourire, je ne suis pas un médecin. »

Il tira sa bourse et mit une pièce d’argent dans la main du suisse.

« Ce malheureux jeune homme est mon parent, ajouta-t-il. Une terrible maladie ! Une voiture, je vous prie, et sur-le-champ ! »

Un des valets de la sacristie s’ébranla pour obéir. M. Lecoq ajouta :

« Je demeure ici près, rue Gaillon. Prenez une des voitures de la noce ; elle sera de retour avant la fin de la cérémonie. »

Pendant l’absence du valet, M. Lecoq donna quelques renseignements bien sentis sur « la terrible maladie, » et s’assura une popularité. Incidemment, il laissa tomber son nom et sa qualité d’associé de la maison Berthier et Cie, célèbre, entre toutes, pour la fabrication des coffres-forts.

La voiture venue, chacun aida à transporter André, toujours privé de sentiment. M. Lecoq avait déclaré que tous les moyens ordinaires seraient impuissants, et qu’il avait chez lui le médicament spécial. Il paya, remercia et partit.

Quelques minutes après, André était couché tout habillé sur le propre lit de M. Lecoq, dans une chambre assez vaste, meublée avec un certain luxe, mais fort en désordre.

Ce M. Lecoq avait des côtés artistes ; on rencontrait chez lui une grande variété de pipes et beaucoup de poussière. S’il possédait le médicament spécial pour les syncopes de son prétendu cousin, il est vrai de dire qu’il ne se hâtait point d’en user.

Un soin plus pressant l’occupait. Il faisait l’inventaire des poches d’André : pauvre inventaire ! André ne possédait au monde que le passeport au nom d’Antoine et une vieille bourse, contenant trois pièces d’or.

M. Lecoq ne cherchait peut-être pas autre chose. À la vue du passeport, il eut un sourire pensif et tomba dans une profonde rêverie. Cuvier devait sourire ainsi quand il reconstruisait tout un squelette antédiluvien à l’aide de quelques bribes d’ossements pétrifiés.

Pendant dix bonnes minutes, M. Lecoq réfléchit, puis il prit son chapeau et sortit, pensant tout haut :

« Il faut consulter le père à tous ! »

André avait l’air d’un mort sur son lit. Le père à tous, cependant, était-il un médecin ?

Tant mieux, si le père à tous était un médecin, car la syncope d’André durait déjà depuis une longue demi-heure.

M. Lecoq, marchant d’un bon pas, comme un gaillard bien portant qu’il était, mais sans courir, atteignit un fort beau logis de la rue Thérèse qui avait physionomie d’hôtel. La rue Thérèse est un petit morceau de faubourg Saint-Germain, enclavé dans ce quartier hybride, si riche et si pauvre, qu’on nomme la Butte-des-Moulins. M. Lecoq entra en habitué dans cette maison admirablement propre et bien tenue ; il n’obéit point à l’écriteau qui criait : Parlez au concierge ; il laissa sur sa droite un perron triste, montant à une porte close, et entra par une sorte de poterne bourgeoise, accédant à l’escalier de service.

Un valet, moisi vénérablement, dont la tournure était presque monacale, lui fit un accueil grave et lui dit :

« Le colonel déjeune, monsieur Toulonnais. »

Le père à tous était un colonel.

M. Lecoq monta.

Dans cette maison, il n’y avait aucun bruit. L’air y flairait énergiquement le renfermé. Sur le palier du premier étage, un petit corridor s’ouvrait qui conduisait au maître-escalier, large et noblement balustré de fer. M. Lecoq prit le petit corridor. Le valet, qui ressemblait à un frère convers, ne l’avait point suivi. Dans la vaste et belle cage du grand escalier, désert du haut en bas, la saveur de solitude devenait si forte qu’on eût dit un logis abandonné depuis cent ans.

M. Lecoq, ayant traversé le palier, losange de blanc et de noir, prenait le bouton de la seule porte qui fût pourvue d’une natte, lorsqu’un projectile d’espèce bizarre, partant de l’étage supérieur, décrivit une savante parabole et vint écraser son chapeau qui vola du coup à quatre pas. En même temps, un éclat de rire strident et court trancha le silence.

« Fanchette ! Enragé lutin ! gronda M. Lecoq en colère, vous me payerez cela ! »

Un second éclat de rire fit explosion. Une tête d’enfant, pâle et terriblement intelligente, apparut au travers des paraphes de fer forgé, dans un cadre énorme de cheveux noirs.

« Je me moque de toi, L’Amitié, dit une voix claire, piquante comme la pointe d’un canif ; grand-papa te renverra, si tu m’ennuies ! »

Le projectile était un gros vilain bouquet de fleurs passées, alourdi par l’eau qui le saturait. M. Lecoq avait peur de l’enfant, car il lui envoya un baiser.

L’enfant pouvait avoir dix à douze ans ; c’était une fille. Elle était petite, mais formée, et sa blouse de toile grise, violemment soutachée de rouge, dessinait une adorable taille de femme en miniature. Ses traits aussi avaient seize ans, pour le moins. Ils étaient délicats, gracieux et hardis.

Ce qui frappait surtout, c’était l’audace de deux yeux démesurément grands et brillants, illuminant la pâleur mate de cet étrange visage.

Au baiser envoyé, Fanchette répondit par un de ces gestes provoquants dont abuse l’espièglerie des gamins de Paris.

« J’ai un autre bouquet, dit-elle, gare à toi quand tu vas sortir ! »

Elle disparut. M. Lecoq poussa la porte.

Un vieillard sec, maigre, et dont le visage jauni eût réjoui le regard d’un amateur d’ivoires antiques, était seul dans une très vaste salle à manger. Il trempait avec sensualité de minces mouillettes de pain bis dans un œuf à la coque. Il n’y avait que cela sur la table, couverte d’un tapis de toile cirée.

« Bonjour, colonel, dit M. Lecoq en entrant.

— Ma belle nièce est mariée ? demanda le vieillard au lieu de saluer.

— Le mariage est fait et parfait, » répliqua M. Lecoq.

Le colonel hocha la tête en signe de satisfaction.

« Joli jeune homme ! murmura-t-il. Et nous le tenons bien, hé ! L’Amitié ?

— Il y a du nouveau, dit M. Lecoq. Avez-vous fini votre déjeuner ? »

Le vieillard repoussa son coquetier.

« J’ai donné ma démission, répliqua-t-il en prenant un air de défiance. Si c’est pour affaires, adresse-toi au bureau. »

M. Lecoq mit devant lui, sur la table, le passe-port au nom d’Antoine (Jean).

« Bah !… » fit le colonel, avec un étonnement profond.

Puis, après un silence :

« Est-ce que ce bêta de Lambert est ressuscité ?

— Pas lui, patron, mais André Maynotte, l’armurier de Sartène, l’homme au brassard, le mari de votre belle nièce qui vient d’épouser J. B. Schwartz en secondes noces. »

Le vieillard se leva tout inquiet. Il était de grande taille, et son corps étique ballottait dans son costume complètement noir.

« Celui qui habitait, à la prison de Caen, poursuivit tranquillement M. Lecoq, la cellule dont vous aviez scié les barreaux dans le temps, celui qui doit avoir reçu les dernières confidences de Lambert, celui qui sait tout.

— Tout ? » répéta le colonel, dont la taille se voûta de nouveau.

Il souriait.

Il avait les traits aquilins jusqu’à présenter des courbes crochues, le front étroit, mais haut ; le crâne fortement développé par derrière. Sa bouche, déformée par l’absence de dents, donnait cette ligne sénile qui ressemble à une cicatrice. Ses paupières, longues et molles, recouvraient presque entièrement ses yeux, où brillait encore une vivace intelligence. Les vieux soldats sont faciles à reconnaître : il n’y avait rien en lui qui expliquât ce titre de colonel.

« J’ai été cinquante-deux ans dans les affaires, déclara-t-il avec dignité, sans compter les histoires d’Italie, au bon temps. La justice ne m’a cherché querelle qu’une fois, et encore a-t-elle mis les pouces. Les barreaux peuvent avoir été limés par celui-ci ou celui-là : ce sont des enfantillages.

— Lambert connaissait la mécanique, » prononça tout bas M. Lecoq.

Les longues paupières du vieillard, se fermèrent tout à fait.

« On a déjà vendu la mécanique aux juges plus d’une fois, répliqua-t-il. Les juges ne veulent pas croire. Le Code est un outil dont ils pensent avoir le monopole. Et, après tout, si ce garçon nous gêne, il est déjà mort une fois. »

Ceci fut dit d’un ton d’humeur.

« Ai-je bien compris ? demanda M. Lecoq après un silence. Vous avez dit : « Ce garçon est déjà mort une fois. »

— Qui s’inquiéterait de sa disparition ? murmura le colonel. Le décès d’André Maynotte a eu lieu à Dives ; tous les journaux l’ont constaté.

— Et il y a bien de la différence, n’est-ce pas, patron, entre commettre un meurtre ou laisser agir la nature ? Si personne ne se mêle de ses affaires, ce Maynotte dort pour ne jamais s’éveiller : j’en réponds.

Le colonel se prit à parcourir la chambre d’un pas ferme.

« Schwartz est du bois dont on fait les grands financiers, pensa-t-il tout haut. Il est mon parent maintenant. Il ne faut rien qui le gêne. »

Puis, s’arrêtant tout à coup devant M. Lecoq, il ajouta :

« Où est ce Maynotte ?

— Chez moi.

— Endormi ?… Tu as dit cela, ce me semble ?

— Non. Évanoui.

— Par quel hasard ? »

En deux mots, M. Lecoq raconta la scène de Saint-Roch.

Le colonel prit sur le dos d’un meuble une ample douillette de soie qu’il tendit à Lecoq. Celui-ci lui en passa les manches.

« Il ne faut rien qui gêne Schwartz, répéta le vieillard encore une fois. Je compte plus sur ceux que je tiens à leur insu que sur ceux qui sont avec moi. Nous tenons Schwartz ; ce sera un grand financier. Je le garde pour ma dernière affaire. »

M. Lecoq, qui était derrière lui, faisant office de valet de chambre, eut un sourire silencieux.

« Alors vous ferez encore une affaire, patron ? murmura-t-il.

— Ai-je dit cela ? gronda le colonel avec humeur. Allons voir ton mort. »

Comme ils se dirigeaient vers la porte, un bruit léger se fit sur le carré. M. Lecoq ouvrit la porte ; l’escalier était vide. Sous le vestibule, le vieux valet à tournure de frère convers vint coiffer son maître d’un chapeau à larges bords, et lui mettre aux pieds des socques.

Dans la cour, il y avait maintenant un cocher qui lançait des seaux d’eau à travers les roues d’une voiture de bon style. On entendait les chevaux battre du pied dans l’écurie.

Le colonel et M. Lecoq sortirent à pied. Outre ses socques, le colonel avait un parapluie.

Une minute après qu’ils eurent franchi la porte cochère, un tourbillon traversa la cour et s’élança dehors.

« Fanchette ! Mademoiselle Fanchette ! » cria le concierge.

Il fut répondu :

« Je porte la visière de grand-papa. »

En effet, le tourbillon rieur et tapageur courait après le colonel en agitant un vaste abat-jour de soie verte.

Mais, au détour de la rue Thérèse, le tourbillon s’arrêta.

Il est certain qu’un abat-jour, un parapluie et des socques ajoutent au respect qui se doit à la vieillesse. Le colonel était connu dans le quartier. Les gens de boutique le saluaient au passage.

Mlle Fanchette avait pris un air grave et suivait de loin, les yeux baissés.

Aux regards interrogateurs des boutiquiers, elle répondait modestement :

« Je porte l’abat-jour de grand-papa. »

La chambre de M. Lecoq était telle qu’il l’avait laissée ; il avait emporté sa clé. Une seconde demi-heure s’était écoulée. André Maynotte, étendu sur le lit n’avait pas bougé.

Le colonel lui tâta le pouls.

« Beau mâle ! murmura-t-il. Le jour où je lui vendis le brassard dans un lot de ferraille, il me dit : « Avec deux semaines de travail, j’en tirerai mille écus… » Pauvre diable ! »

Il lâcha le bras d’André qui retomba comme une chose morte, et dit avec un sourire de vieil enfant :

« C’était stylé, cette affaire du brassard !… montée de longueur… et bien attachée, hein, L’Amitié ?

— On n’en fait plus comme vous, patron, » répondit M. Lecoq avec conviction.

Puis, prenant le bras d’André à son tour :

« Pensez-vous qu’il en revienne ?

— Pas tout seul, » repartit le colonel froidement.

Il y eut un silence.

« Combien de temps lui donnez-vous ? » demanda encore M. Lecoq.

Le vieillard consulta une montre épaisse qui devait dater du règne de Louis XVI.

« Le docteur est venu ce matin à la maison, dit-il avec lenteur ; et il met du temps à guérir mon asthme, le cher homme ! En sortant de chez moi, il a pris la poste pour Fontainebleau, où M. de Villèle l’a fait appeler pour sa coqueluche… Tu vas aller chez lui, L’Amitié ; tu le demanderas, tu feras du bruit, tu feras même du scandale. Tu l’attendras jusqu’à son retour ; à son retour, tu l’amèneras à bride abattue…

— Il sera trop tard ? murmura M. Lecoq, qui perdait un peu de ses belles couleurs.

— Hélas, oui ! répondit paisiblement le colonel. Allons-nous-en.

— Mais, objecta M. Lecoq, il faudra constater le décès.

— Puisque tu auras le docteur.

— Mais l’état civil ? »

Le colonel eut un sourire content.

« Quand je ne serai plus là, mes pauvres enfants, comment ferez-vous ? dit-il. Vous passez votre vie à vous noyer dans des crachats. Te voilà bien embarrassé, hein, L’Amitié ? Console-toi ; je me charge encore une fois de tout : ce sera ma dernière affaire. »

Ainsi fut décidé le sort d’André Maynotte.

Ils s’éloignaient du lit, le colonel appuyé au bras de M. Lecoq, quand celui-ci s’arrêta, tout blême, et dit :

« Écoutez ! »

Une chaise venait de tomber avec bruit sur le carreau de l’antichambre.

La longue paupière du colonel vibra ; son œil morne eut une étincelle, et il prononça très haut, avec un accent de charitable émotion :

« Chez le docteur, mon garçon, et tout de suite ! Dieu veuille qu’il soit temps encore ! »

Ceci était pour les écouteurs. M. Lecoq, très inquiet, demanda :

« Qui est là ?

Un éclat de rire fut la réponse, ce même éclat de rire aigu et strident que nous avons entendu déjà une fois dans l’escalier de la rue Thérèse. Lecoq fronça le sourcil ; le colonel recula d’un pas et resta bouche béante.

Le même nom était venu à leurs lèvres :

« Fanchette ! »

La porte de l’antichambre s’ouvrit brusquement. La petite fille parut sur le seuil, l’œil hardi et curieux, la tête haute et mutine. Son regard tourna autour de la pièce.

« Bon papa, dit-elle avec un singulier mélange de douceur moqueuse et d’effrontée espièglerie, c’est la visière verte que j’apporte. »

Puis, franchissant le seuil d’un bond, elle ajouta crânement :

« Moi, je n’ai jamais vu de mort… Dis ! tu veux bien me montrer le mort, bon papa ? »