Éditions Édouard Garand (p. 145).


À UN FILS DU TERROIR


Ô rus ! quando ego te aspiciam…
Horace (Satires, II,)


Toi, qui vivais aux champs, humble, sage et tranquille
Dans ce même village où sont morts les aïeux,
Exilé maintenant, tu n’es plus à la ville
Que valet rude et fruste au langage ennuyeux.

Assujetti sans cesse à ta tâche servile,
De l’usine, le soir, dans l’air âcre et crayeux,
Tu t’en vais en haillons vers quelque sombre asile,
Le cœur las de la vie et le corps déjà vieux.

Un vil goût de pain noir dans ta bouche demeure,
Même après que l’ivresse ainsi qu’un poison lent
T’en eut fait oublié l’amertume avec l’heure.

Et triste, ayant toujours aux lèvres ce relent,
Tu pleurs de ne pouvoir comme aux temps plus prospères.
Manger jusqu’à ta faim à côté de tes pères !