Librairie nouvelle (p. 36-37).

Chefs d’orchestre.


Un célèbre chef d’orchestre, faisant répéter une ouverture nouvelle, répondit à l’auteur qui lui demandait une nuance de piano dans un passage important : « Piano, monsieur ? chimère de cabinet ! »

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J’en ai vu un autre, pensant diriger quatre-vingts exécutants, qui tous lui tournaient le dos.

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Un troisième, conduisant tête baissée et le nez sur les notes de sa partition, ne s’apercevait pas plus de ce que faisaient les musiciens que s’il eût de Londres dirigé l’orchestre de l’Opéra de Paris.

Une répétition de la symphonie en la de Beethoven ayant lieu sous sa direction, tout l’orchestre se perdit ; l’ensemble une fois détruit, une terrible cacophonie ne tarda pas à s’ensuivre, et bientôt les musiciens cessèrent de jouer. Il n’en continua pas moins d’agiter au-dessus de sa tête le bâton au moyen duquel il croyait marquer les temps, jusqu’au moment où les cris répétés : « Eh ! cher maître, arrêtez-vous, arrêtez-vous donc ! nous n’y sommes plus ! » suspendirent enfin le mouvement de son bras infatigable. Il relève la tête alors, et d’un air étonné : « Que voulez-vous ? qu’est-ce qu’il y a ?

— Il y a que nous ne savons où nous en sommes, et que tout est en désarroi depuis longtemps.

— Ah ! ah !… »

Il ne s’en était pas aperçu.

Ce digne homme fut, comme le précédent, honoré de la confiance particulière d’un roi, qui le combla d’honneurs, et il passe encore dans son pays, auprès des amateurs, pour une des illustrations de l’art. Quand on dit cela devant des musiciens, quelques-uns, les flatteurs, gardent leur sérieux.