Les Grands travaux maritimes

Les Grands travaux maritimes
Revue des Deux Mondes, 3e périodetome 32 (p. 658-679).
LES
GRANDS TRAVAUX MARITIMES

I.
BORDEAUX, LA GIRONDE, ROYAN


« Qui a vu Bordeaux jadis et le voit aujourd’hui trouve une princesse au lieu d’une mendiante, » s’écriait un Gascon contemplant les quais et le triple rang de navires mouillés dans notre grand port de l’ouest. Tout en faisant la part de l’enthousiasme méridional, fort excusable sur les bords mêmes de la Garonne, il faut reconnaître l’état de prospérité du commerce maritime de cette ville, en dépit du dépérissement de certaines de ses branches, autrefois florissantes. Cette prospérité ne peut que s’accroître par le développement des voies de communication avec la région centrale de la France, où les progrès de l’aisance publique provoquent une plus grande consommation de toutes les choses venant de la mer.

Mais ces promesses de l’avenir semblent compromises par la détérioration croissante du port et du fleuve, alors qu’il faudrait des eaux profondes pour recevoir les navires de grande capacité, dont la suprématie s’affirme chaque jour. L’inquiétude est donc vive dans les populations maritimes de la Gironde ; l’amélioration de ce fleuve s’impose comme une urgente nécessité. Une commission, composée d’ingénieurs et de marins, étudie sur place les difficiles questions soulevées par cette entreprise, à laquelle un projet de loi, soumis aux chambres, va consacrer immédiatement des sommes considérables. L’heure est donc propice pour parler des travaux à exécuter dans ce fleuve ou plutôt dans ce bras de mer, long de 100 kilomètres et large de plus de deux lieues en certains endroits. C’est l’œuvre maritime la plus considérable de France et sans doute du monde entier.


I. — ÉTAT ACTUEL DU FLEUVE.

Le navire qui entre dans la Gironde cherche d’abord à l’horizon la vague silhouette de la côte, dont l’apparition cause la première joie du retour. Puis il distingue la svelte colonne de Cordouan, qui semble, portée par les brisans enveloppant son socle. Bientôt une ligne blanche sort graduellement des eaux ; ce sont les monotones dunes qui s’étendent jusqu’en Espagne. Voilà le pilote embarqué ; le feu de la pointe de la Coubre est dépassé. Emporté par le flot, le navire défile rapidement devant Saint-Palais, Royan et Saint-Georges, charmantes stations de bains dont l’aspect riant, les grands pins, les toits rouges rappellent les villas de la côte de Gênes.

Après la pointe de Graves, qui marque l’entrée, le fleuve s’étale comme un vaste lac ; à droite la rive du Médoc, à gauche la côte de Saintonge. Sur la première, on trouve d’abord le mouillage du Verdon, où les navires descendant de Bordeaux attendent les vents propices pour prendre le large, et plus loin Pauillac, station des gros bâtimens dont la montée au port est arrêtée par les petites marées. C’est en arrière de cette côte du Médoc, formée par des alluvions du fleuve, que s’étagent les vignobles fameux, dont les noms sont sans nul doute ce que les lointains pays connaissent le mieux de nos illustrations.

La côte de Saintonge est moins monotone, avec sa suite de falaises blanches. Minées par l’éternel choc de la mer, ces falaises s’effondrent lentement, en laissant à nu les vestiges des civilisations qui ont vécu. Ici quelques substructions résistent par l’excellence des matériaux, dont la disposition atteste l’origine gallo-romaine. Là une tombe en pierre du moyen âge surplombe à moitié sur les vagues troublant l’asile de la mort. Plus loin la vieille église de Talmont est presque à pic au-dessus des flots qui ont déjà englouti le château fort, dernière possession des Anglais en Guyenne. Cette œuvre remarquable, du style roman le plus primitif, pourrait être conservée à l’aide de travaux peu coûteux. Voici les premières îles, puis la forteresse de Blaye, « cette place qui bridait la Garonne et la Saintonge, et qui dans les troubles faisait fort compter avec elle, » dit le duc de Saint-Simon. Ensuite vient le Bec-d’Ambès, au confluent de la Dordogne. On pénètre alors dans la Garonne, dont les rives, garnies de roseaux comme celles du Nil, ont toute la monotonie du fleuve d’Égypte. Enfin la pointe de Bacalan est dépassée, et l’ancre tombe en rade de Bordeaux.

De la mer à Bordeaux, il y a 60 milles marins que les navires à voile franchissent d’ordinaire en deux marées, lorsque les vents sont favorables. Les bâtimens à vapeur devraient faire ce trajet en six heures ; mais la durée en est souvent plus que doublée, soit par le manque d’eau à basse mer, soit par les lenteurs de la navigation fluviale, d’autant plus considérables que les navires sont plus grands.

L’animation de ce beau cours d’eau est très grande. C’est d’abord un va-et-vient continuel des légers navires à vapeur sous pavillon anglais ; ils apportent du charbon de Newcastle ou de Cardiff, et ils emportent du vin, des fruits, tous ces dons du ciel du midi refusés aux froides régions de l’Angleterre. Durant la belle saison passent fréquemment des bâtimens massifs, portant la croix bleue sur fond rouge du pavillon norvégien. Ils apportent les bois des forêts du nord. Plus rares que ces lourdes gabares, arrivent quelques fines goélettes américaines avec trois mâts gréés de voiles latines. Cette voilure, empruntée par la plus jeune à la plus ancienne des marines, nécessite des équipages moins nombreux ; elle mériterait d’être imitée chez nous. Voici des bricks français qui reviennent de la pêche de la morue dans les parages de Terre-Neuve, ou d’Islande ; tandis que des long-courriers partent pour ravitailler nos colonies de la Guyane et de la Calédonie, ou pour commercer au Sénégal, dont les opérations sont concentrées à Bordeaux. Enfin chaque semaine on voit atterrir un ou plusieurs paquebots d’une majestueuse architecture, avec le pavillon postal au grand mât ; les uns viennent des Antilles et de la côte ferme, les autres du Brésil et de la Plata ; quelques-uns passent hardiment par le sauvage détroit de Magellan, et remontent jusqu’au Pérou, en opérant ainsi l’une des plus longues traversées à la vapeur. Ils sont anglais pour la plupart ; il en est d’allemands. Les nôtres sont les plus beaux, les mieux aménagés, mais ils sont les plus rares.

Les premiers navires spéciaux pour les passagers et la poste ont paru dans la Gironde, il y a vingt ans à peine. Depuis cette époque, ce fleuve est devenu un point d’escale très recherché par les courriers transatlantiques, malgré le manque d’aménagemens pour l’arrivée ou le départ des passagers. La création d’un point d’accostage sûr et commode, confortable en un mot, à l’entrée de la Gironde, favoriserait admirablement les progrès de ce transit de voyageurs anglais, belges et allemands ; ils sont sollicités par le double désir de passer par Paris et d’abréger leur traversée. Il suffirait de frais peu considérables pour attirer en France ce mouvement de voyageurs, qui serait une bonne fortune pour nos chemins de fer.

Les navires légers peuvent louvoyer d’un bord à l’autre dans le fleuve, surtout au moment de la pleine mer ; mais les grands bâtimens se tiennent dans les eaux profondes, qui constituent le chenal de navigation. En venant de la mer, ce chenal est voisin de la côte de Saintonge jusqu’à Royan ; de là, il passe près de la rive du Médoc qu’il quitte vers Blaye pour prendre le milieu du fleuve, et pénétrer dans la Garonne en longeant le Bec-d’Ambès. Les îles qui sont dans ces parages divisent les courans en plusieurs branches dont l’une a une tendance très marquée à se frayer un passage sur le bord du Médoc. Il y avait donc autrefois un chenal de part et d’autre de ces îles ; mais l’on a barré celui de la rive gauche par des endiguemens, dans l’espoir d’améliorer le chenal du milieu en y concentrant le courant. Ces travaux, du reste peu coûteux et faciles à détruire, n’ont point amené le résultat voulu. Les eaux ont continué d’affluer vers la rive du Médoc, qui dessine en ce point une courbe concave toujours recherchée par les grands courans.

Les limites du chenal sont jalonnées par des bouées servant à la navigation de jour, tandis que durant la nuit la marche des navires est guidée par des feux flottans et des phares construits, soit sur la côte, soit sur les îles. À ce point de vue, le commerce maritime n’a rien à réclamer pour l’amélioration des accès de Bordeaux ; et vraiment nulle part ailleurs, même dans l’Escaut ou la Tamise, on ne saurait trouver un balisage plus complet.

La profondeur du chenal subit de fréquentes modifications, par les déplacemens que les courans opèrent dans la masse énorme de sables et de vases obstruant le lit du fleuve. Une partie de ces matériaux est apportée par les rivières du bassin de la Gironde, l’autre provient de l’érosion des dunes du littoral. Le bord de ces dunes s’effondre graduellement, sous le choc continuel de la longue houle de l’Océan qui vient déferler au rivage sans que nul obstacle l’arrête depuis les rives mêmes de l’Amérique. Pris et repris par les lames qui frappent obliquement la côte, sous l’impulsion des vents régnans du sud-ouest, les sables cheminent lentement jusqu’à l’embouchure de la Gironde où le flot les saisit et les roule dans le fleuve. Pourtant un premier obstacle les arrête ; c’est le plateau de roches sur lequel repose la tour du Cordouan. Le passage réservé aux navires à travers ces dangers a en effet « ne fatale tendance à s’engorger, malgré les chasses produites par le va-et-vient des marées. Tout travail d’amélioration du fleuve qui en réduirait le débit exposerait donc les passes extérieures à une fatale obstruction, devant laquelle toutes les forces humaines resteraient impuissantes.

A l’intérieur du fleuve, les dépôts de sable commencent à se former dès que l’élargissement du lit ralentit les courans et amortit les vagues. Les bancs sous-marins augmentent donc de relief à mesure que l’agitation de la mer s’affaiblit en s’avançant dans le fleuve. Les premiers se montrent seulement à basse mer ; d’autres atteignent le niveau moyen des marées. Plus en amont, il en est qui sont assez élevés au-dessus des eaux ordinaires pour se couvrir de quelques plantes marines. Celles-ci activent le colmatage des vases, et favorisent ainsi l’exhaussement des dépôts. Survient l’homme qui endigue les bords et assainit le marais : voilà une île toute créée.

Ces îles se montrent surtout nombreuses vers le Bec-d’Ambès, où la rencontre des deux rivières trouble les courans et produit des eaux mortes si favorables aux alluvions. Les îles s’alignent vers le milieu du fleuve, en formant une sorte de prolongement du Bec, sur une longueur de plus de 20 kilomètres. cette disposition montre les tendances des deux rivières à séparer leurs eaux ; elle donne une utile indication pour les travaux d’amélioration.

La plus ancienne carte de la Gironde que l’on connaisse se trouve au Musée britannique ; elle fut dressée, vers 1592, par l’amiral Brodgton, qui assiégeait Blaye avec une escadre anglaise. Cette carte ne porte qu’une seule des îles de la Gironde, celle de Patiras ; quant aux autres, elles sont indiquées comme de simples bancs à peine découverts à basse mer.

La masse énorme de sables et de vases accumulée sans cesse dans le cours maritime du fleuve y causerait des atterrissemens encore plus considérables, s’il ne se produisait pas une élimination partielle de ces matériaux. A force d’être roulés par le va-et-vient alternatif des courans de marée, les cailloux se changent en graviers, puis en sables, qui se réduisent eux-mêmes à l’état de poudre tellement ténue qu’elle reste en suspension dans l’eau. Alors le courant l’emporte au large, où il la laisse se déposer à tout jamais dans les profondeurs de la mer. Une part des sables mobiles du lit du fleuve est rejetée par la houle sur les grèves de la rive droite, d’où le vent les emporte sur les dunes intérieures qui couronnent la plupart de ces grèves.

L’œuvre de l’homme, imprévoyante et parfois inconsciente, a contribué à aggraver l’ensablement du fleuve, soit en gênant le mouvement des eaux, soit en facilitant les alluvions par des endiguemens mal placés. De tous les travaux exécutés sur le fleuve, il n’en est pas pour la navigation de plus néfaste que le pont monumental construit à Bordeaux, dans les premières années de ce siècle. La largeur naturelle de la Garonne a été rétrécie de plus d’un quart, par la fondation des culées de cette magnifique construction, dont les piles achèvent d’embarrasser le lit du fleuve. L’obstacle direct qu’elles opposent au courant se trouve accru par le remous qu’elles causent sous leurs arches. Le mouvement alternatif des marées en a été profondément troublé, au préjudice de l’entretien des chenaux du fleuve et des mouillages mêmes de Bordeaux.

La superficie du port présentant plus de 6 mètres de profondeur au moment de la basse mer était estimée à 60 hectares environ en aval du pont, avant l’établissement de cet ouvrage. Mais depuis cette époque l’emplacement utilisable pour le stationnement des grands navires s’est graduellement amoindri d’année en année, au point de ne plus offrir que 10 hectares vers 1860. Actuellement l’étendue du mouillage est d’environ 15 hectares, subissant des oscillations en plus ou en moins, qui la laissent fort au-dessous de son ancien état. Comme, par un fatal enchaînement des choses, toute faute en entraîne une autre, c’est sur ce funeste étranglement produit par le pont que l’on projette de régler la largeur des endiguemens destinés à régulariser et améliorer le cours du fleuve en aval et en amont de Bordeaux. Cela compléterait l’œuvre des atterrissemens.

Il est un autre travail, justement loué à un autre point de vue, qui a aggravé l’action destructive de la mer sur la côte des Landes et favorisé l’apport des sables dans le fleuve. On sait que, jusqu’à, la fin du siècle dernier, les sables des dunes du littoral étaient balayés par le vent qui les poussait vers l’intérieur. Le sol limitrophe en était stérilisé, et les habitans, forcés de fuir, abandonnaient leurs villages promptement ensevelis. C’était l’irrésistible marché en avant d’un horrible désert. Mû de pitié par tant de désolation, Brémontier eut, comme par un éclair de génie, l’admirable inspiration de jeter quelques graines de pin sur la dune, et de protéger les germes naissans à l’aide d’un léger clayonnage. L’essai réussit à merveille ; quelque aride et mouvant que fût le terrain, il permit la croissance de ces arbres, les moins exigeans de tous les grands végétaux, à la seule condition que leurs racines puissent pénétrer dans les couches profondes du sol. La dune se couvrit de verts rameaux, sous lesquels le sable se trouva fixé à l’abri du vent.

Les populations voisines de cette côte sauvage sont désormais préservées de cette affreuse invasion du sable ; mais ce qui les menace maintenant, c’est la mer dont elles entendent les mugissemens de plus en plus rapprochés. L’érosion de la côte semble en effet plus violente qu’autrefois.

Quand la dune toute nue était écrêtée par le vent, elle se maintenait à une faible hauteur, en se raccordant au rivage par un talus peu incliné, sur lequel les lames venaient amortir doucement leurs volutes écumantes. Les tempêtes seules occasionnaient de grands ravages. Actuellement les sables ne peuvent plus fuir ; ils s’amoncellent sur le bord même de la dune qui se dresse verticalement devant la houle. Heurtée de front et sapée par le pied, cette muraille de sable fond dans la mer, en entraînant les rangées de pins tout entières. De nombreuses habitations, imprudemment établies trop à proximité du rivage, se trouvent gravement menacées. Leurs propriétaires avaient rêvé un asile aussi sûr que charmant, pour y savourer les joies égoïstes du suave mari magno, et maintenant ils sollicitent de l’état une coûteuse protection contre les flots.

L’érosion a été surtout effrayante à la pointe de Graves ; la mer menaçait d’y ouvrir une immense brèche et de se précipiter sur les riches vignobles du Médoc. La tempête, pénétrant dans le fleuve par une embouchure béante, y aurait rendu la navigation vraiment impossible par le gros temps. Devant d’aussi grands intérêts menacés, on a dû se mettre à l’œuvre sans hésitation, et protéger la côte par des digues et de puissans enrochemens. 14 millions ont été dépensés dans ces travaux difficiles qui exigent une incessante surveillance et un constant entretien. Tant de dépenses et tant de peines modèrent l’action destructive de la mer, sans l’arrêter absolument.

L’expérience acquise dans les boisemens du littoral permet d’indiquer quelques règles auxquelles il sera sage de se conformer désormais[1]. Loin de disputer à la mer la première ligne de dunes, il faut la lui abandonner tout entière, et arrêter les plantations à une distance convenable du rivage. La lutte restant libre entre le vent et la mer, les dunes prennent, comme par instinct de conservation, une faible élévation qui désarme pour ainsi dire la violence des flots. D’autre part, la protection des populations du littoral contre le progrès des sables est pleinement obtenue par la création d’une zone intérieure de forêts de pins. Cette délimitation procurerait de grandes économies dans les travaux d’ensemencement et d’entretien des bois. Les semis faits à une excessive proximité de la mer sont très dispendieux à cause des abris qu’ils exigent ; leur conservation est encore plus coûteuse par suite de l’action-desséchante des vents tout imprégnés de sel. Par-dessus toute chose, il convient de renoncer à l’établissement de palissades disposées sur la crête même des premières dunes. Ces obstacles arrêtent le sable, et provoquent une surélévation des dunes, qui les expose à toutes les violences de la mer.


II. — LES PROJETS D’AMELIORATION.

Les navires du plus fort échantillon qui fréquentent actuellement la Gironde sont les paquebots français et anglais. Leur longueur est de 100 à 130 mètres et leur largeur de 13 mètres environ ; leur tirant d’eau en pleine charge atteint ordinairement 7m,50 ; cette limite n’est dépassée que très exceptionnellement. Ces dimensions sont du reste celles des navires à vapeur employés pour les correspondances les plus actives et les plus rapides entre les grands ports de l’ancien et du Nouveau-Monde. Elles répondent le mieux aux conditions présentes des relations maritimes, et tout fait prévoir qu’il en sera ainsi pour un temps assez long. Si d’une part l’accroissement du nombre des passagers, l’augmentation des marchandises, poussent à l’agrandissement des navires, de l’autre la concurrence universelle qui s’établit entre tous les pavillons offre des moyens de transport plus fréquens, et par suite raréfie le fret disponible à chaque départ. De telle sorte qu’après diverses tentatives plus audacieuses qu’heureuses, les compagnies de navigation se sont restreintes aux dimensions indiquées plus haut ; tout en offrant un grand confort aux passagers et en permettant de réaliser de rapides traversées, elles assurent aux bateaux d’excellentes qualités nautiques et donnent les recettes les plus avantageuses.

Le port de Bordeaux serait donc dans les meilleures conditions possibles pour le présent et sans nul doute pour un long avenir, s’il pouvait régulièrement à chaque flot recevoir, des navires calant 7 mètres 50, mais actuellement de tels bâtimens ne peuvent remonter jusqu’au port que durant les grandes marées, c’est-à-dire pendant quatre ou cinq jours par quinzaine. Pour que ce port devînt accessible durant les petites marées, il faudrait approfondir de 2 mètres environ certains passages les moins praticables. La chose serait facilement réalisable avec les puissans engins modernes, si le lit du fleuve reposait sur un fond d’argile ou de roche ; mais l’art de l’ingénieur, que le granit le plus résistant n’arrêterait point, se trouve au dépourvu devant de simples grains de sable sans cesse renouvelés.

Les projets ne manquent pas dans la population maritime de la Gironde, pour laquelle la question est vitale. Les uns veulent que sans retard l’on mette à l’œuvre ces fortes dragues à vapeur qui ont creusé l’isthme de Suez ; d’autres, moins confians dans ce mode d’attaque contre les flots de sables mouvans, estiment qu’il n’y a de ressource que dans la création d’un canal latéral, partant des docks de Bordeaux et aboutissant vers l’embouchure du fleuve. Quant aux ingénieurs, ils projettent d’exiger du fleuve qu’il améliore et entretienne lui-même son chenal, grâce à une plus grande régularité donnée aux courbes naturelles de ses rives.

Il sera indispensable de recourir à des dragages énergiques, pour l’enlèvement de certains bancs formés dans le port par un agglutinement de vases qui résiste à l’érosion des courans. Mais ce serait réaliser la fable des Danaïdes que de draguer des sables mobiles dans les parties du fleuve où ils ont une tendance naturelle à s’accumuler. Les apports d’une seule marée suffiraient pour faire perdre l’éphémère approfondissement obtenu après plusieurs mois de travail, au prix des plus grosses dépenses.

On cite, il est vrai, les résultats obtenus par le curage de la Clyde en Écosse et de la Tyne en Angleterre. Mais, comparées au fleuve qui nous occupe, ces rivières ont des dimensions bien modestes ; elles sont surtout moins exposées aux alluvions. Ainsi, la Clyde n’a que 32 kilomètres entre la mer et le port de Glasgow, et sa largeur est de 300 mètres. Le cours de la Tyne ne compte que 14 kilomètres depuis son embouchure jusqu’à Newcastle, le grand port du charbon, et sa largeur n’atteint pas 200 mètres. Plus vaste est le bras de mer conduisant à Bordeaux ; il a 100 kilomètres de long et 5 kilomètres de largeur moyenne, et il est plus exposé aux obstructions des sables par la nature des dunes bordant son embouchure. Néanmoins il faut savoir avec quelles peines, à quel prix et en quel temps les deux rivières anglaises ont été draguées, endiguées et rendues accessibles aux grands navires. Les travaux de la Clyde ne sont pas encore terminés après une durée plus que séculaire. Ils sont dirigés et payés par une association locale, instituée par acte du parlement en date de 1752. Cette association perçoit certains droits sur les navires et les marchandises pour solder les dépenses, qui se sont déjà élevées à 172 millions de francs, tandis que les recettes n’ont encore atteint que 104 millions. Mais l’accroissement continu de ces recettes fait espérer que le déficit sera bientôt comblé.

L’amélioration de la Tyne est de date plus récente ; elle n’a commencé qu’en 1850. La commission locale qui la dirige et la solde est constituée sur les mêmes bases que celle de la Clyde. Dès maintenant elle prévoit un excédant de recettes sur les dépenses, qui ont dépassé 70 millions de francs.

En Angleterre, l’état n’intervient pas de ses deniers dans les travaux maritimes de cette nature ; il se borne à prêter une part du capital nécessaire au taux modéré de 3 pour 100. C’est dans ces conditions que les cinq cents ports du Royaume-Uni ont été construits, améliorés et munis d’un outillage sans cesse perfectionné. En France, l’état a supporté tous les frais de nos établissemens maritimes ; il a dépensé plus d’un demi-milliard pour l’entretien de nos deux cents ports, dont la grande moitié est dans une situation médiocre. Il est vrai qu’on a tenté un timide essai du système anglais, en imposant dans quelques ports, à Bordeaux par exemple, une taxe spéciale sur les marchandises de tout pavillon, pour solder certains aménagemens utiles au commerce. L’heure est venue d’entrer franchement dans cette voie rationnelle de faire supporter la dépense par ceux qui en ont les avantages directs et immédiats, quelle que soit leur nationalité. C’est à cette condition seule qu’il sera possible de réaliser les ressources nécessaires, pour opérer à bref délai les travaux urgens et indispensables que réclament la plupart de nos ports.

Nous avons dit que la création d’un grand canal reliant le bassin à flot de Bordeaux au cours inférieur du fleuve, par delà la barre du Bec-d’Ambès, trouve de nombreux partisans. Elle serait en effet très séduisante pour la navigation, cette perspective d’oublier, dans les eaux calmes et profondes d’un lit artificiel, tous les obstacles et les périls même du cours naturel ; mais un examen sérieux de ce projet montre que les avantages en sont très contestables. Les navires seraient privés du courant alternatif des marées, si utile pour leur descente ou leur montée dans le fleuve. Le remorquage, qui n’y est point indispensable, deviendrait une obligation dans le canal, ce qui grèverait la navigation de frais notables. Pour ces raisons, la plupart des marins persisteraient sans nul doute à se frayer un passage à travers les bancs de la Garonne, dont les difficultés susciteraient des réclamations aussi vives que par le passé.

Enfin les délais de la construction d’un canal long de plus de 40 kilomètres et large de plus de 100 mètres seraient au moins d’une dizaine d’années, durant lesquelles l’aggravation de l’état du fleuve, laissé sans secours, pourrait jeter sur Bordeaux un discrédit à jamais irréparable.

Cependant, quelque sérieuses que soient ces raisons, quelque coûteux que puisse être le canal, rien ne devrait en arrêter l’exécution, s’il devait déboucher directement dans les eaux profondes de la mer, à l’abri de toute menace d’obstruction des sables. Mais il n’en serait point ainsi ; le canal aboutirait en pleine Gironde, et rien n’assure qu’il ne se produirait pas des atterrissemens inquiétans en aval de ce débouché. A quoi servirait alors d’avoir coûteusement approfondi un canal jusqu’à 7 ou 8 mètres, si l’accès du fleuve est interdit aux navires de ce tirant d’eau ? C’est ce danger trop réel qui par-dessus toute chose doit faire renoncer au projet d’une voie latérale, tandis qu’il peut être conjuré par l’amélioration du cours entier du fleuve, qui accroîtra la puissance de chasse des courans.

L’idée de créer un chenal artificiel pour Bordeaux a été sans nul doute inspirée par le canal du nord de la Hollande, au moyen duquel le port d’Amsterdam communique avec la mer du Nord, par la passe du Helder, en évitant les bancs du Zuyderzée. Mais, s’il y avait une imitation à faire, ce serait plutôt celle du nouveau chenal que les Hollandais viennent d’ouvrir directement vers la pleine mer, en traversant la lagune de l’y, dont le dessèchement est une des suites de cette laborieuse entreprise. Il est d’une hardiesse encore sans exemple, ce projet d’un canal débouchant à travers des dunes, sur une plage de sables mouvans tels que ceux des Landes. Mais l’accès des écluses sera difficilement préservé des obstructions, qui se formeraient encore plus rapidement sur nos côtes où les lames déchaînées de l’Océan ont une action bien plus puissante que la courte houle de la mer du Nord. Souhaitons à ce peuple industrieux un succès bien mérité par sa tenace énergie à lutter contre la mer, mais ne songeons point à l’imiter pour une entreprise dont la nature sauvage de nos plages causerait la ruine certaine.

La conservation du fleuve comme voie d’accès s’impose donc par les avantages que la navigation relire du courant de marée et aussi par la facilité qu’elle trouve à louvoyer dans la largeur de ce fleuve. L’amélioration des passages défectueux est une si grave entreprise, que les ingénieurs chargés du service maritime de la Gironde ont dû se livrer à une minutieuse étude du régime de ce cours d’eau, pour donner toutes les garanties possibles au projet définitif. Leurs expériences et leurs recherches ont amené d’utiles découvertes dans la connaissance difficile des lois des courans dans les rivières à marée[2].

Les premiers travaux d’amélioration de nos fleuves ont été entrepris, il y a une cinquantaine d’années, avec l’idée préconçue d’en redresser les courbures. L’expérience n’a pas tardé à montrer les funestes conséquences de la violence ainsi faite à la nature, qui dirige les cours d’eau suivant de nombreux méandres, partout où aucun obstacle ne s’oppose à ce tracé sinueux. Le redressement du lit d’un fleuve vers son embouchure ralentit la vitesse du flot par l’accroissement de la pente, de telle sorte qu’il pénètre un moindre volume d’eau à chaque marée. De plus, le chenal se déplace souvent dans les parties rectilignes, se portant d’une rive sur l’autre sans aucune loi précise. Ainsi perte de l’eau, mobilité du chenal, tels sont les inconvéniens qui ont dû faire renoncer au redressement des rivières à marée.

Partout où un fleuve présente une courbure régulière, c’est sur la rive creuse que se trouve la plus grande profondeur de l’eau, tandis que la rive opposée, qui dessine une pointe, est à peine submergée. Cela tient à la plus grande vitesse du courant, et à son érosion le long des bords concaves.

Lorsqu’à une courbe succède une autre courbe de sens opposé, le courant se porte d’une rive sur l’autre ; mais sa direction reste indécise dans la partie rectiligne plus ou moins longue, qui sert de raccordement entre les deux courbures inverses. cette instabilité favorise la formation des bancs dans ces parties droites des cours d’eau. Une succession régulière de courbures symétriques est donc nécessaire pour que le chenal d’un fleuve conserve une position fixe, sans de trop grandes variations de profondeur. Peu de rivières ont cet état de perfection idéale. Il faut pour cela que leurs eaux aient pu se créer un libre passage dans de molles plaines d’argile, loin de tout obstacle qui aurait troublé les lois naturelles de leur mouvement. En France, il n’est guère que la Charente qui ait ces lignes harmonieuses. Aussi le flot abondant de la marée remonte-t-il fort au loin dans ce fleuve présentant une profondeur très grande relativement à sa largeur. Mais de tels exemples sont plus fréquens parmi les grands fleuves de l’Asie ; ils traversent, vers leur embouchure, de vastes plaines d’alluvions dans lesquelles ils ont pu librement s’ouvrir un lit, assujetti pour ainsi dire à leur seule commodité. Ces fleuves offrent donc d’admirables facilités à la navigation des plus grands navires sur un immense parcours. Deux parts semblent faites dans le lit de ces rivières-types : l’une pour l’emmagasinement des dépôts, et l’autre pour la circulation des courans. Les alluvions se fixent sur la partie des rives formant des pointes, tandis que l’eau s’engouffre en tourbillonnant dans les parties concaves, de telle sorte que le fleuve entretient de lui-même son chenal immuable dans ses sinuosités.

Des conditions aussi favorables ne se rencontrent pas absolument dans la Gironde et la Garonne. Entre la pointe de Graves et Pauillac s’étale un vaste estuaire, aux rives rectilignes, entre lesquelles les courans se trouvant sans appui font subir au chenal de fâcheuses variations. Vient ensuite le confluent de la Dordogne, qui trouble l’eau, d’autant plus que cette rivière y prime réellement la Garonne par la plus grande largeur de son lit. La difficulté la plus grande de l’entreprise est donc en réalité de préserver la Garonne de la funeste influence de sa compagne.

Après le Bec-d’Ambès, la Garonne dessine un arc magnifique sur une longueur de plus de 10 kilomètres, dans lequel le chenal offre des profondeurs de 6 mètres à mer basse le long de la rive droite. Il faut évidemment, dans cette partie, laisser intacte l’œuvre de la nature. — Vient ensuite une inflexion de sens opposé, dont la courbure est moins prononcée à son sommet, vers l’île Grattequina. Il y a en ce point une partie défectueuse dans le chenal, que n’a pas améliorée un rétrécissement intempestivement opéré dans la largeur du lit. Ce passage appelle évidemment l’attention des ingénieurs.

Changeant de direction, le cours du fleuve reprend une courbure dans le même sens que le premier arc ; le sommet en est à Lormont. Nouvelle déviation en pénétrant dans le croissant autour duquel est bâti Bordeaux, et nouvelle obstruction du chenal au changement de courbure. au delà du port, le fleuve continue ses inflexions, dont la symétrie importe directement à l’amélioration des accès de notre grande place maritime, car on ne saurait amener des eaux profondes et abondantes jusqu’à Bordeaux sans leur créer un facile débouché au delà de ce port.

Pour corriger ces défectuosités, M. de La Roche-Tolay, ingénieur en chef de la Gironde, a étudié un vaste projet d’amélioration qui, par une solidarité naturelle, comprend le fleuve en amont aussi bien qu’en aval de Bordeaux. Il vient de livrer ce projet à la publicité, le présentant ainsi à la libre discussion avec un empressement plein de bonne grâce dont il faut lui savoir le plus grand gré. Nous ne pourrions examiner ce remarquable travail en détail, sans entrer dans une fastidieuse nomenclature de noms de localités que les pilotes de la rivière seraient seuls capables de reconnaître. Nous devons nous en tenir aux traits généraux.

Au-dessus de Bordeaux, on continuerait à régulariser la largeur et la profondeur de la Garonne, en élargissant les étranglemens et en resserrant les épanouissemens au moyen de digues, tandis que les passes maigres seraient affouillées et les coudes trop brusques adoucis. Bien qu’encore incomplets, les travaux déjà entrepris ont provoqué un creusement général du lit ; le courant de flot remonte à une plus grande distance qu’autrefois ; la batellerie, qui utilise les marées, y trouve des conditions de navigation plus avantageuses. Un remorqueur peut maintenant prendre tout un train de barques en plein chargement à Bordeaux et les remonter en une seule marée jusqu’aux écluses du canal latéral, tandis qu’avant les travaux, ces mêmes barques auraient été arrêtées à certains passages difficiles. Il est vrai que dans la partie non maritime du fleuve, c’est-à-dire dans celle où la marée ne se fait plus sentir, les avantages sont moins complets pour la navigation, qui persiste dans la Garonne, en dépit du canal dont les tarifs, à la vérité, sont trop élevés. Le profil étant devenu plus uniforme, le lit se vide plus complètement, et la batellerie trouve un chenal moins profond qu’autrefois, durant la période d’étiage. Si de tels travaux provoquent le passage d’un flot plus abondant dans le port de Bordeaux, si surtout ils atténuent les effets désastreux des inondations en facilitant une prompte évacuation des eaux de la rivière, le bien qu’ils procureront dépassera les peines qu’ils suscitent.

Le projet comprend aussi les aménagemens utiles à la marine qu’il est urgent d’établir dans le port de Bordeaux. La rive gauche, sur laquelle la ville est bâtie, recevrait des cales dans les parties où elles manquent encore. Certains bancs de vase, gênans pour l’accostage des navires, seraient enlevés à la drague. La rive droite, délaissée à cause d’un difficile accès, viendrait à la vie commerciale. Bordée de quais, elle se verrait munie d’un outillage perfectionné et d’appontemens commodes pour la manutention des bois, du charbon, des matériaux de construction. Le trafic de toutes ces marchandises encombrantes est gêné à Bordeaux par les frais considérables et la difficulté de leur débarquement et de leur réembarquement. Il recevra un rapide développement, dès que le transbordement de ces matières y sera aussi prompt et aussi économique qu’il l’est dans la plupart des ports de l’Angleterre.

La largeur du fleuve, qui est très variable dans le port même, serait ainsi régularisée, en prenant le rétrécissement produit par la construction du grand pont comme point de départ. Des endigue-mens faisant suite aux quais se fonderaient sur chaque rive, avec un écartement progressif suivant la loi qui résulte des dimensions générales du fleuve. Le lit actuel serait abandonné presqu’à la sortie du port, vers Lormont. La courbure peu correcte qui se trouve au delà de ce point a été gravement altérée par des endiguemens construits en contradiction avec les principes actuellement admis pour le tracé des cours d’eau. Il semblerait donc rationnel de restituer l’ancien état de choses par l’enlèvement de ces enrochemens, et au besoin d’accentuer davantage l’inflexion naturelle, ce qui n’apporterait pas un trouble absolu dans les intérêts nombreux qui se sont créés en cet endroit. Mais, voulant sans doute échapper à la Jettatura qui semble attachée à ce funeste passage, le projet s’en éloigne, et il coupe en pleine terre de Médoc sur une longueur de 4 kilomètres environ, après lesquels il revient au cours actuel.

Le nouveau profil serait sans doute plus harmonieux, mais n’aurait-il pas pour inconvénient de produire un coude brusque à l’entrée même du bassin à flot et de favoriser l’envasement des portes de l’écluse ? Le banc que l’on veut éviter par ce déplacement du lit n’est pas le plus gênant pour la navigation. Comme il est aux portes même de Bordeaux, les navires le traversent généralement au moment de la pleine mer, alors qu’il est suffisamment couvert d’eau. C’est l’instant le plus favorable pour leur départ aussi bien que pour leur arrivée. Du reste il s’attache comme une sorte de superstition populaire à ce banc, auquel les marins bordelais attribuent la conservation des mouillages du port. Ils n’ont sans doute pas complètement tort, car d’après ce qui s’est passé en amont de Bordeaux, le port se videra plus complètement à mer basse dès que le fond du lit du fleuve deviendra plus uniforme en aval.

La partie magistrale du projet est celle qui concerne le passage difficile du confluent des deux fleuves, qui est la clé même de Bordeaux. Abandonnant franchement le Bec-d’Ambès, le projet creuse à la Garonne un nouveau lit entre les îles et la côte du Médoc. Le bord présenterait une courbe concave très régulière, afin d’attirer les grands courans de la Garonne et de les disputer très heureusement à la rivalité de la Dordogne. Cette disposition est trop conforme aux harmonies de la nature, trop d’accord avec le sentiment populaire lui-même, pour soulever des critiques. Toutefois il y aurait quelques réserves à faire sur la mesure avec laquelle elle sera appliquée.

Le Bec-d’Ambès serait soudé aux îles à la suite, par la fondation de digues formant un éperon allongé dont la pointe effilée viendrait se terminer à Blaye. La rencontre des deux rivières se ferait donc à 14 kilomètres en aval de leur confluent actuel. Pour maintenir un juste équilibre entre la largeur de la Garonne ainsi canalisée et celle de la Dordogne, le projet rétrécit cette dernière rivière à l’aide d’une digue qui lui servirait de rive droite. Partant du pied des falaises bordant la Dordogne en face du Bec-d’Ambès, cette digue passerait à 1,500 mètres environ au large de Blaye, qui serait ainsi tout à fait interné dans les terres. Pour éviter toute inflexion brusque, l’endiguement se prolongerait vers la mer, et n’irait se raccorder à la rive droite de la Gironde que fort en aval de la forteresse.

Cet ouvrage, d’un développement considérable, serait fondé au milieu même du fleuve, par de grandes profondeurs d’eau ; il reposerait sur des assises de sables mouvans, toujours prêts à se dérober sous le poids des matériaux. Écrêté par les lames, miné à sa base par les courans, il ne saurait échapper à une prompte et fatale destruction. Sans nul doute un travail analogue a été opéré dans la basse Seine. Les digues qui en canalisent le cours inférieur sont exposées aux courans, mais elles sont au moins abritées de la grande violence de la mer, et elles reposent sur les solides couches d’un terrain résistant. Néanmoins la conservation de ces enrochemens est des plus onéreuses. Les frais seraient tout autres à l’embouchure de la Gironde. Parmi ceux que leur métier rend témoins de la fureur des coups de mer dans ces parages, bien peu oseraient se porter garans de la résistance des parties extrêmes de l’endiguement, à moins de dépenses d’entretien hors de proportion avec l’importance du but à atteindre, quelque grande qu’elle puisse être.

Quand un projet, remarquable à tant de points de vue, aboutit à de telles impossibilités, la base en est évidemment défectueuse. C’est qu’en prenant le rétrécissement produit par le grand pont de Bordeaux pour largeur initiale du fleuve canalisé, le projet lui donne des dimensions trop exiguës. Il n’a ainsi qu’un kilomètre de large à son débouché dans la Gironde, tandis que, si la largeur au départ était plus considérable, si d’autre part la loi de croissance était également augmentée, l’étendue du débouché pourrait être portée à 1,500 mètres. En donnant à peu près la même dimension à la Dordogne, le confluent des deux fleuves artificiels s’ajusterait parfaitement au lit naturel de la Gironde, qui n’a que 3 kilomètres dans cette partie. Ainsi on serait heureusement dispensé du prolongement de la digue de la rive droite.

Ce pont monumental de Bordeaux est en vérité une fatalité pour la navigation. L’éminent ingénieur qui est l’auteur du projet le reconnaît lui-même. « L’établissement du grand pont de Bordeaux et celui du quai des Quinconces ont eu lieu, dit-il, sans que l’on se soit assez préoccupé des conditions que le fleuve doit présenter. Nous avons été forcés d’adopter 410 mètres pour la largeur auprès du pont, tandis que cette largeur aurait dû être de 520 mètres environ, si l’on avait adopté dès l’origine la loi la plus favorable au fleuve. »

La nécessité de construire des digues dans des conditions d’une difficulté extrême n’est point du reste l’inconvénient le plus grave du rétrécissement du cours de la Garonne. Une conséquence plus funeste serait la réduction du volume d’eau pénétrant dans le fleuve. Il est aisé de s’en rendre compte par quelques chiffres. Le lit naturel présente les largeurs suivantes : 600 mètres à Bordeaux, 1,200 mètres à Mackau, 3,500 mètres à Blaye et 5,000 mètres à Pauillac. C’est dans cette sorte de moule irrégulier que l’on coulerait les parois lisses d’un canal ayant 420 mètres à Bordeaux, 800 mètres à Mackau, 2,050 mètres à Blaye et 2,500 mètres à Pauillac. La contraction de la largeur, qui est environ d’un tiers au départ, augmente jusqu’à atteindre la moitié des dimensions naturelles. Pour que le débit du fleuve n’en soit pas altéré d’une façon excessive, il faudrait que les deux autres facteurs de ce débit, — la profondeur du lit et la vitesse du courant, — fussent accrus dans une suffisante proportion. Or les travaux projetés n’auront que très peu d’influence sur la profondeur moyenne, puisqu’ils doivent avoir pour résultat non d’éliminer les sables, mais bien de les cantonner le long de la rive opposée à celle du chenal. Quant à l’accélération de la vitesse des courans, elle n’atteindrait pas, même dans les hypothèses les plus favorables, les limites voulues pour compenser la perte de largeur.

La rédaction du volume des eaux pénétrant à chaque marée dans la Gironde exposerait les passages du plateau de Cordouan à une fatale obstruction des sables, par suite de l’affaiblissement de la chasse produite par les courans actuels. Le mal serait irréparable, parce qu’il se produirait presque en pleine mer, hors de l’action humaine.

Avant de l’exécuter, il est donc prudent de soumettre cette partie du projet à un sérieux examen. Sans vouloir en préjuger les résultats, il est permis de croire que, tout en acceptant en principe les vues de M. l’ingénieur en chef des travaux maritimes de la Gironde, la commission d’enquête reconnaîtra l’opportunité d’un plus grand évasement entre les digues pour qu’elles puissent se raccorder vers Blaye aux rives naturelles de la Gironde, et surtout pour que le débit du fleuve n’en subisse point une funeste diminution. C’est ainsi que, sans violenter la nature outre mesure, les dépenses de l’entreprise seront réduites à de justes proportions, tout à fait en rapport avec les services qu’elle doit rendre au commerce maritime de Bordeaux.


III. — LA GARE MARITIME DE ROYAN.

L’emploi de la vapeur a modifié les façons de naviguer. Docile aux ordres du maître, ce moteur permet d’approcher ou de fuir les côtes à volonté ; il a rendu les escales plus faciles et partant plus fréquentes. Jadis les navires se hâtaient de perdre la terre de vue dès le départ ; puis, durant les longs mois d’une monotone navigation, ils tenaient la haute mer avec prudence. Tout en ayant perdu les craintes superstitieuses de l’antiquité pour l’abord des caps et des golfes, ils n’en conservaient pas moins pour la proximité des écueils un effroi trop souvent justifié. De nos jours, les paquebots en quête de fret et de passagers ne craignent point de se détourner de leur plus court chemin pour fouiller les côtes voisines et y prendre un complément à leur cargaison, qu’ils disputent à bas prix aux armateurs des localités visitées. Quant à réparer le temps perdu, c’est l’affaire des machines, dont la puissance s’est fort accrue pour une même dépense de charbon.

Ainsi les navires à vapeur, naviguant entre les ports de l’Allemagne et ceux de l’Amérique du nord, touchent sur la côte anglaise à Plymouth et sur la côte française à Cherbourg. C’est précisément la route que venait de suivre le paquebot allemand Pomerania lorsqu’il a soudainement sombré à quelques milles au large de Dungeness. Comme il arrive le plus souvent, c’est un bateau d’infime tonnage qui a coulé bas cet énorme bâtiment, sans nul doute trop confiant dans sa masse.

Les navires qui passent devant nos côtes de l’Océan, en se rendant du nord de l’Europe dans l’Amérique du sud et dans le Pacifique, ne négligent pas de pénétrer dans la Gironde pour s’y mettre en relation avec le commerce de Bordeaux. On voit donc de grands steamers anglais et allemands qui vont faire escale à Pauillac, plusieurs fois par mois. Continuant leur route, ces mornes navires relâchent dans les ports de l’Espagne et du Portugal, où ils rencontrent les transatlantiques portant notre pavillon et faisant également la chasse du fret à l’étranger.

Ce genre spécial de concurrence maritime date à peine de quelques années, et déjà il a pris une rapide extension. Préjudiciable aux armateurs des ports fréquentés par les navires étrangers, cette concurrence est une des causes les plus graves des souffrances de la marine marchande, non-seulement en France, mais en Espagne et en Portugal. Ainsi tel paquebot qui relâche dans la Gironde en se rendant de Liverpool ou de Hambourg à Buenos-Ayres ou à Valparaiso, embarque en quelques heures à Pauillac de longues files de tonneaux de vin, dont le nombre aurait suffi au plein chargement de plusieurs trois-mâts du port de Bordeaux. C’est également par grosses quantités qu’au retour le même navire déchargera des sacs de salpêtre du Pérou ou des ballots de toisons des pampas, affamant ainsi nos voiliers par la supériorité économique que donnent les grandes capacités, surtout lorsqu’en partie les frais de navigation sont couverts par des subventions postales.

Cette concurrence des pavillons est éminemment favorable au travail national, qui se trouve alimenté de matières premières au plus bas prix et qui exporte ensuite ses produits dans les conditions les moins coûteuses. Elle est surtout avantageuse à nos chemins de fer, auxquels elle procure un lucratif transit de voyageurs et de marchandises. Quelque légitimes que soient les plaintes dont notre tribune législative retentit à cette heure, quelque respectables et dignes de sollicitude que soient les intérêts froissés et lésés par cet état de choses, le bien général qui en résulte l’emporte de beaucoup sur le mal particulier qu’il occasionne. Il convient donc d’attirer plutôt que de repousser les grandes compagnies de navigation étrangères, sauf à les faire contribuer par des taxes de tonnage aux dépenses des travaux maritimes exécutés pour faciliter les escales de leurs navires. C’est une charge que ces compagnies sont toutes disposées à accepter, en échange d’une plus grande sécurité pour leurs coûteux navires et d’une plus grande commodité pour leurs opérations commerciales, dont la célérité est la loi suprême. Ce que recherchent ces bâtimens toujours pressés par le temps, c’est un port accostable à toute heure et en toute sécurité, avec des quais pourvus de tout ce qui est nécessaire pour le débarquement prompt et commode des passagers et des marchandises, pour leur passage direct du pont dans le wagon. Ils doivent trouver toutes les facilités de transbordement des hommes et des choses qu’un train rencontre dans ses stations ; aussi a-t-on donné le nom significatif de « gare maritime » à ces établissemens spécialement affectés à l’accostage des navires-express. Or il faut reconnaître que la rade de Pauillac, qui sert actuellement d’escale aux paquebots relâchant dans la Gironde, ne donne point satisfaction à toutes les exigences du transit.

Ne pouvant atteindre cette rade faute d’eau, au moment de la mer basse, les navires-poste sont exposés à perdre des heures précieuses dans un mouillage incommode vers l’entrée de la rivière. La montée jusqu’à Pauillac est d’une navigation pleine de lenteurs et de risques pour ces bâtimens grands et rapides : témoin la Louisiane sombrant en quelques minutes, avec une partie de ses passagers, à la suite d’une collision avec un autre paquebot français. La cheminée et les mâts sortent encore de l’eau sur le lieu du naufrage. Ces tristes épaves conserveront longtemps le souvenir de cette catastrophe, que le choix d’une station moins intérieure aurait fait éviter. Les pilotes sont vigilans ; mais la fréquence et l’intensité des brumes, la violence des courans et l’on ne sait quelle mystérieuse et magnétique force jetant les navires les uns sur les autres, toutes ces causes produisent de trop nombreux abordages et des avaries coûteuses, tant est laborieuse la manœuvre des grands navires au milieu de la flotte de bateaux de toutes dimensions évoluant sans cesse dans ce canal étroit.

Enfin il ne se trouve à Pauillac aucune installation pour le débarquement des marchandises et la descente à terre des passagers, qui s’entassent dans des allèges, afin de remonter à Bordeaux, où ils prennent le chemin de fer. Ils subissent ainsi un allongement de plus de 100 kilomètres, qui est bien fait pour accroître les ennuis d’une arrivée aussi peu confortable, alors qu’il serait si facile de leur procurer un accostage commode sur la rive même de l’Océan, à Royan, d’où ils gagneraient Paris en quelques heures.

La localité que nous venons de nommer possède un port d’échouage qu’il est question de compléter par une petite rade, en construisant une nouvelle jetée. Ce travail est compris dans le classement général des ouvrages maritimes, qui vient d’être soumis aux chambres par le ministre des travaux publics. Il offrirait incontestablement des facilités suffisantes au va-et-vient des bateaux à vapeur riverains, et assurerait un meilleur refuge aux chaloupes des pilotes et aux bateaux remorqueurs. Mais, fondé par des eaux peu profondes, en un point que sa trop grande proximité de la conche sablonneuse des bains expose à un fatal ensablement, cet établissement maritime ne saurait servir utilement à la grande navigation, ni fournir une station aux bateaux transatlantiques. C’est un simple port de cabotage que l’on créerait au prix de dépenses relativement considérables, sans qu’il soit permis d’espérer d’autres recettes que celles que peut donner le trafic local. Mais en se transportant à moins d’un demi-kilomètre de la ville, on trouverait de grandes profondeurs d’eau au pied même des falaises, où il serait possible de construire une gare maritime dans d’admirables conditions d’accès du côté du large, et de relations avec la voie ferrée du côté de la terre.

Ce n’est pas le lieu d’examiner ici le côté technique de la question ; nous ne pouvons que signaler à l’attention publique l’emplacement cité plus haut. Abrité de la plus grosse mer par le rocher de Cordouan, il est au point de jonction de deux grandes passes menant de la Gironde à la mer, de telle sorte qu’il se trouve sur la route directe des navires, quel que soit le point du large d’où ils atterrissent. S’il est trop exigu pour la création d’un vaste port de refuge, il est parfaitement approprié à l’escale que l’on fournirait aux paquebots en fondant parallèlement à la falaise une digue qui en serait distante de 200 mètres environ. Les courans de marée entretiennent en ce point une grande profondeur d’eau, à toucher le rivage même, si bien que c’est la situation la plus convenable pour une gare maritime qui se puisse trouver de Brest à Bayonne, sur notre côte occidentale si dépourvue de havres naturels. Nous n’étudierons pas non plus ici le coût de l’entreprise ; qu’il suffise de dire que la dépense atteindrait à peine la valeur d’un seul des précieux navires dont il s’agit de garantir la sécurité d’accostage. Le naufrage de la Louisiane, perdue avec sa riche cargaison, a englouti plus de millions qu’il n’en faudrait pour la fondation de ce môle. Les recettes d’un tel établissement seraient assurément à la hauteur de la dépense. La marine de première classe dont nous parlons paie pour être servie vite et bien. Rien ne saurait lui être plus onéreux que les ports francs, mais mal outillés, surtout lorsqu’ils sont d’un accès difficile et long.

Quelques améliorations que l’on puisse faire à la Gironde et à la Garonne, le port de Bordeaux n’attirera jamais les paquebots en escale jusqu’à ses quais ; il ne les forcera jamais à remonter à 100 kilomètres au loin des côtes, pour s’exposer à tous les risques d’une navigation fluviale et s’asservir aux lois de la marée.

Le commerce de Bordeaux peut trouver un aliment si précieux dans les importations et les exportations des navires en escale, qu’il y aurait de l’aveuglement de sa part à les violenter en ne leur offrant pas la meilleure hospitalité. Ce serait rajeunir le vieil apologue des membres et de l’estomac. Du reste l’absolue nécessité d’un port en avant-garde dans la Gironde est si évidente qu’il est question de faire à Pauillac des installations coûteuses mais peu efficaces, alors que ces dépenses peuvent être stérilisées par l’aggravation de l’état actuel du fleuve qui clôt tout passage aux grands navires durant la période de la basse mer.

En présence des deux projets qui vont être soumis aux chambres, dont l’un donnerait un port précaire à Pauillac et l’autre un port insuffisant vers la couche de Royan, il serait sans doute opportun de mettre également à l’étude la création d’une gare maritime, sous les falaises à l’ouest de cette ville. Un tel établissement accélérerait de près d’une journée le service postal et le trajet des voyageurs se rendant à Paris, en Angleterre ou en Allemagne. Il réduirait de plus de la moitié la durée des escales, qui est actuellement de deux jours environ pour les navires remontant à Pauillac. Le gain du temps, l’économie de charbon, et par-dessus toutes choses la sécurité plus grande, auraient pour conséquence naturelle un accroissement considérable du nombre des navires venant en relâche. Nos compagnies de navigation seraient les premières à bénéficier de cet établissement, qui deviendrait l’auxiliaire le plus précieux de Bordeaux, dont il resterait toujours le tributaire.

En résumé, l’amélioration de notre grande cité commerçante de l’ouest nous paraît comporter trois termes : perfectionnement du port et extension de ses communications par chemins de fer et par canaux avec les grands foyers d’activité industrielle du centre de la France, de la Suisse et de l’Alsace la regrettée, avec Limoges, Montluçon, Lyon, Saint-Etienne, Bâle et Mulhouse ; dégagement des accès vers la mer, création d’une gare maritime pour solliciter et favoriser les relâches des paquebots passant au large de notre côte de l’Océan. Tout en fournissant un utile appoint aux transactions commerciales de Bordeaux même, ces escales profiteraient à nos chemins de fer, et surtout à nos manufactures. Ainsi entendue, l’amélioration de Bordeaux est une œuvre que l’importance de la dépense et la grandeur des difficultés placent au premier rang dans le vaste programme de travaux maritimes dont le gouvernement propose aux chambres la graduelle exécution. Le perfectionnement de nos ports étant le complément logique de l’extension de nos voix ferrées et de l’achèvement de nos canaux, les deux entreprises doivent marcher de front, se prêtant un mutuel appui.

Au moment où les décrets d’utilité publique de ces travaux maritimes d’une grandeur sans précédent vont occasionner d’énormes dépenses, il est à propos de se rappeler qu’en Angleterre de telles œuvres sont presque partout opérées par des associations locales, aux frais du commerce maritime lui-même, sans charges notables pour le trésor. Il convient également d’appliquer en France un pareil système, avec les ménagemens nécessités par la différence des situations. La marine marchande devant recevoir des primes, l’explication, ou, si l’on veut, l’excuse de ces subsides fournis par l’état, ne peut se trouver que dans l’obligation imposée à cette industrie d’avoir à subvenir aux dépenses de travaux dont elle tire un avantage immédiat. Quoi qu’il en soit, ces primes sont un palliatif bien faible contre les graves causes du dépérissement de notre marine marchande : le dégoût de la vie à la mer, survenant avec la disparition de la voile et de ce mystérieux attrait caché dans ses replis ; l’existence devenue plus facile dans les rangs de ces administrations, chemins de-fer et autres, qui n’existaient pas autrefois ; la réduction des familles, et cette sorte d’épuisement de la race qui la désarme dans la lutte même pacifique contre ces rudes marins du nord, abordant nos côtes avec leurs immenses nefs, comme dans une nouvelle invasion des Normands.

Dès l’instant que les marines étrangères sont autorisées à venir faire dans nos propres ports une concurrence active à notre pavillon, il est juste que, selon la mode anglaise, elles participent par des taxes spéciales à l’éclairage et au balisage des côtes, à l’entretien des chenaux, à la construction des bassins, à l’installation de tout l’outillage des ports. C’est à cette condition seule que pourront se réaliser les vastes entreprises proposées à l’activité de la nation, et destinées à rester comme les utiles monumens de notre temps.


F. VIDALIN.

  1. Ce boisement du littoral, qui a parfaitement réussi au point de vue forestier, fait le plus grand honneur à notre administration des forêts. C’est à juste titre que les plans des pinières de la Pointe de la Coubre, qu’elle a exposés dans son pavillon du Trocadéro, ont excité la plus vive attention chez les visiteurs de notre exposition universelle. Commencés par M. l’inspecteur de Vasselot, ces ensemencemens sont continués avec autant de zèle que de savoir par M. l’inspecteur Carrière. Nulle part ce modeste protecteur de l’homme, le pin maritime, ne soutient une lutte plus acharnée contre le vent, la mer et les sables. Nulle part aussi il n’est secouru par des soins plus prévoyans.
  2. Ces études sont fondées sur les sondages périodiquement exécutés avec un soin extrême par les ingénieurs hydrographes. Les plus récentes et les plus importantes reconnaissances de la Gironde sont dues à MM. Manen et Héraud.