Traduction par Charles Bernard-Derosne.
Hachette (Tome 2p. 151-163).


CHAPITRE XIII.


« Cher garçon, et vous, ami de Pip, je ne vais pas aller par quatre chemins pour vous dire ma vie, comme une chanson ou un livre d’histoire, mais je vais vous la dire courte et facile à saisir ; je vais vous la raconter tout de suite en deux phrases d’anglais.

« En prison et hors de prison, en prison et hors de prison, en prison et hors de prison.

« Vous en savez tout ce qu’il y a à en savoir.

« Voilà ma vie en grande partie, jusqu’au jour où l’on m’embarqua, peu après que j’eusse fait la connaissance de Pip.

« On a fait de moi tout ce qu’il est possible, excepté qu’on ne m’a pas pendu.

« J’ai été enfermé aussi soigneusement qu’une théière d’argent.

« J’ai été transporté par-ci, transporté par-là.

« J’ai été mis à la porte de cette ville-ci ; j’ai été mis à la porte de cette ville-là.

« On m’a attaché à un chantier.

« On m’a fouetté, tourmenté et réduit au désespoir.

« Je n’ai pas plus d’idée de l’endroit où je suis né que vous, si j’en ai autant.

« D’aussi loin que je me souvienne, je me vois dans le comté d’Essex, volant des navets pour me nourrir.

« Quelqu’un m’avait abandonné, un homme, un chaudronnier. Il avait emporté le feu avec lui, et j’avais très-froid.

« J’ai su que mon nom était Magwitch, et mon nom de baptême Abel.

« Comment l’ai-je su ?

« De même, sans doute, que j’ai appris que les oiseaux dans les haies s’appelaient pinsons, pierrots, grives.

« J’aurais pu supposer que ce n’étaient que des mensonges ; seulement, comme il arriva que les noms des oiseaux étaient vrais, j’ai supposé que le mien l’était aussi.

« Je ne brillais ni par le dehors ni par le dedans ; et, de si loin que je puisse me souvenir, il n’y avait pas une âme qui supportât la vue du petit Abel Magwitch, sans en être effrayée, sans le repousser ou sans le faire prendre et arrêter.

« Je fus pris, pris et repris, au point que j’ai grandi en prison.

« On me fit la réputation d’être incorrigible.

« — Voilà un incorrigible mauvais sujet, » disait-on aux visiteurs de la prison, en me montrant du doigt. « Ce garçon-là, on peut le dire, est fait pour les prisons. »

« Alors ils me regardaient et je les regardais, et quelques-uns d’entre eux mesuraient ma tête : ils auraient mieux fait de mesurer mon estomac.

« D’autres me donnaient de petits livres religieux, que je ne pouvais lire, et me tenaient des discours que je ne pouvais comprendre.

« Ils parlaient sans cesse du diable, mais qu’est-ce que j’avais à faire avec le diable ?

« Il fallait bien mettre quelque chose dans mon estomac, n’est-ce pas ?

« Mais voilà que je deviens petit, et je sais ce qui vous est dû, mon cher enfant, et à vous aussi, cher ami de Pip, n’ayez aucune crainte que je sois petit.

« Tout en errant, mendiant, volant, travaillant quelquefois, quand je le pouvais, pas aussi souvent que vous pourriez le croire, à moins que vous ne vous demandiez à vous-mêmes si vous auriez été bien disposés à me donner de l’ouvrage. Un peu braconnier, un peu laboureur, un peu roulier, un peu moissonneur, un peu colporteur et un peu de toutes ces choses qui ne rapportent rien et vous mettent dans la peine, je devins homme.

« Un soldat déserteur, qui se tenait caché jusqu’au menton sous un tas de pommes de terre, m’apprit à lire, et un géant ambulant qui, chaque fois qu’il signait son nom, gagnait un sou, m’apprit à écrire.

« Je n’étais plus enfermé aussi souvent qu’autrefois, mais j’usais encore ma bonne part de clefs et de verrous.

« Aux courses d’Epson, il y a quelque chose comme vingt ans, je fis la connaissance d’un homme, auquel j’aurais fendu le crâne avec ce coutelas, aussi facilement qu’une patte de homard, si je n’avais craint d’en faire sortir le diable.

« Compeyson était son vrai nom, et c’est l’homme, mon cher enfant, que vous m’avez vu assommer dans le fossé, ainsi que vous l’avez raconté à votre camarade hier soir quand j’ai été parti.

« Il se posait en gentleman, ce Compeyson : il avait été au collège et avait de l’instruction. C’était un homme au doux langage, et qui était initié aux manières des gens comme il faut. Il avait bonne tournure et bon air.

« La veille de la grande course, je le trouvai sur la bruyère, dans une baraque que je connaissais déjà. Il était, ainsi que plusieurs autres personnes, assis autour des tables, quand j’arrivai, et le maître de la baraque, qui me connaissait et aimait à plaisanter, l’interpella pour lui dire en me montrant :

« — Je crois que voilà un homme qui fera votre affaire. »

« Compeyson m’examina avec attention, et je l’examinai aussi.

« Il avait une montre et une chaîne, une bague, une épingle de cravate et de beaux habits.

« — À en juger sur les apparences, vous n’êtes pas dans une bonne passe ? me dit Compeyson.

« — Non, monsieur, et je n’y ai jamais été beaucoup. »

« Je sortais en effet de la prison de Kingston pour vagabondage ; j’aurais pu y être pour quelque chose de plus, mais ce n’était pas.

« — La fortune peut changer ; peut-être la vôtre va-t-elle tourner, dit Compeyson.

« — J’espère que cela se peut. Il y a de la place, dis-je.

« — Que savez-vous faire ? dit Compeyson.

« — Manger et boire, dis-je, si vous voulez me trouver les choses nécessaires. »

« Compeyson se mit à rire, et m’examina scrupuleusement, il me donna cinq shillings, et prit rendez-vous pour le lendemain soir au même endroit.

« Je vins trouver Compeyson le lendemain soir au même endroit, et Compeyson me proposa d’être son homme et son associé.

« Et quelles étaient les affaires de Compeyson dans lesquelles nous devions être associés ?

« Les affaires de Compeyson, c’était d’escroquer, de faire des faux, de passer des billets de banque volés, et ainsi de suite. Tous les tours que Compeyson pouvait trouver dans sa cervelle, sans compromettre sa peau, et dont il pouvait tirer profit, et laisser toute la responsabilité à un autre : telles étaient les affaires de Compeyson.

« Il n’avait pas plus de cœur qu’une lime de fer. Il était froid comme un mort. Et il avait la tête de diable dont j’ai parlé plus haut. Il y avait avec Compeyson un autre homme qu’on appelait Arthur. Ce n’était pas un nom de baptême, mais un surnom. Il était à son déclin ; on aurait cru voir une ombre.

« Quelques années auparavant, lui et Compeyson avaient eu une mauvaise affaire avec une dame riche, et ils en avaient tiré pas mal d’argent ; mais Compeyson jouait et pariait, et il avait tout perdu. Arthur se mourait dans une horrible misère, et la femme de Compeyson (que Compeyson battait constamment), prenait pitié de lui quand elle pouvait, mais Compeyson n’avait pitié de rien, ni de personne.

« J’aurais pu prendre conseil d’Arthur ; mais je n’en fis rien, et je ne prétends pas que ce fût par scrupule ; mais à quoi cela m’aurait-il servi, mon cher enfant, et vous, cher camarade de Pip ?

« Je commençai donc avec Compeyson, et je fus un faible outil dans ses mains.

« Arthur demeurait dans le grenier de la maison de Compeyson (qui était près de Bentford), et Compeyson tenait un compte exact de son logement et de sa pension, pour le jour où il trouverait plus d’avantages à le trahir.

« Mais Arthur eut bientôt réglé lui-même son compte.

« La deuxième ou la troisième fois que je le vis, il arriva tout hors de lui, et avec toutes les allures de la folie, dans le parloir de Compeyson, à une heure très-avancée de la soirée, n’ayant sur lui qu’une chemise de flanelle et ses cheveux tout mouillés, il dit à la femme de Compeyson :

« — Sally, Elle est actuellement près de moi là-haut, et je ne puis me débarrasser d’elle ; elle est tout en blanc, avec des fleurs blanches dans les cheveux, et elle est horriblement folle, et elle tient un linceul dans ses bras, et elle dit qu’elle le jettera sur moi à cinq heures du matin.

« — Mais fou que vous êtes, dit Compeyson, ne savez-vous pas que celle dont vous voulez parler a une forme humaine ? et comment pourrait-elle être entrée là-haut sans passer par la porte, par la fenêtre ou par l’escalier ?

« — Je ne sais pas comment elle y est venue, dit Arthur en frissonnant d’horreur, mais elle est dans le coin au pied du lit, horriblement folle, et à l’endroit où son cœur est brisé, où vous l’avez brisé, il y a des gouttes de sang. »

« Compeyson parlait haut, mais en réalité il était lâche.

« — Monte avec ce radoteur malade, dit-il à sa femme ; et, vous, Magwitch, donnez-lui un coup de main, voulez-vous ?

« Mais, quant à lui, il ne bougea pas.

« La femme de Compeyson et moi, nous reconduisîmes Arthur pour le remettre au lit, et il divagua d’une manière horrible.

« — Regardez-la donc !… criait-il, en montrant un endroit où nous n’apercevions absolument rien, elle secoue le linceul sur moi !… Ne la voyez-vous pas ?… Voyez ses yeux !… N’est-ce pas horrible de la voir toujours folle ? »

« Puis il s’écria :

« — Elle va l’étendre sur moi !… Ah ! c’en est fait de moi !… Enlevez-le-lui ! enlevez-le-lui !… »

« Puis, tout en s’attachant à nous, il continuait à parler au fantôme et à lui répondre, jusqu’à ce que je crus à moitié le voir moi-même.

« La femme de Compeyson, qui était habituée à ces crises, lui donna un peu de liqueur pour calmer ses visions, et bientôt il devint plus tranquille.

« — Oh ! elle est partie, son gardien est-il venu la chercher ? dit-il.

« — Oui, répondit la femme de Compeyson.

« — Lui avez-vous dit de l’enfermer au verrou ?

« — Oui.

« — Et de lui enlever cette vilaine chose ?

« — Oui… oui… c’est fait.

« — Vous êtes une bonne créature, dit-il, ne me quittez pas, et quoi que vous fassiez, je vous remercie. »

« Il demeura assez tranquille, jusqu’à cinq heures moins cinq minutes.

« Alors il s’élança en criant, en criant très-fort :

« — La voilà ! Elle a encore le linceul… Elle le déploie !… Elle sort du coin !… Elle approche du lit… Tenez-moi tous les deux, chacun d’un côté… Ne la laissez pas me toucher… Ah !… elle m’a manqué cette fois… Empêchez-la de me le jeter sur les épaules !… Ne la laissez pas me soulever pour le passer autour de moi… Elle me soulève… tenez-moi ferme. »

« Puis il se souleva lui-même avec effort, et nous découvrîmes qu’il était mort.

« Compeyson vit dans ce fait un bon débarras pour tous deux.

« Lui et moi, nous commençâmes bientôt les affaires, et il débuta par me faire un serment (étant toujours très-rusé) sur mon livre, ce petit livre noir, mon cher enfant, sur lequel j’ai fait jurer votre camarade.

« Pour ne pas entrer dans le détail des choses que Compeyson conçut et que j’exécutai, ce qui demanderait une semaine, je vous dirai simplement, mon cher enfant, et vous, le camarade de Pip, que cet homme m’enveloppa dans de tels filets, qu’il fit de moi son nègre et son esclave.

« J’étais toujours endetté vis-à-vis de lui, toujours à ses ordres, toujours travaillant, toujours courant des dangers.

« Il était plus jeune que moi, mais il était rusé et instruit, et il était, sans exagération, cinq cents fois plus fort que moi.

« Ma maîtresse, pendant ces rudes temps… mais je m’arrête, je n’en ai pas encore parlé. »

Il chercha autour de lui d’une manière confuse, comme s’il avait perdu le fil de ses souvenirs, et tourna son visage vers le feu, et étendit ses mains dans toute leur largeur sur ses genoux, les leva et les remit en place :

« Il n’est pas nécessaire d’aborder ce sujet, » dit-il.

Et, regardant encore une fois autour de lui :

« Le temps que je passai avec Compeyson fut presque aussi dur que celui qui l’avait précédé. Cela dit, tout est dit.

« Vous ai-je dit comment je fus jugé seul pour les méfaits que j’avais commis pendant que j’étais avec Compeyson ? »

Je répondis négativement.

« Eh bien ! dit-il, j’ai été jugé et condamné. J’avais déjà été arrêté sur des soupçons, deux ou trois fois pendant les trois ou quatre ans que cela dura ; mais les preuves manquaient ; à la fin, Compeyson et moi, nous fûmes tous deux mis en jugement sous l’inculpation d’avoir mis en circulation des billets volés, et il y avait encore d’autres charges derrière.

« — Défendons-nous chacun de notre côté, et n’ayons aucune communication, » me dit Compeyson.

« Et ce fut tout.

« J’étais si pauvre, que je vendis tout ce que je possédais, excepté ce que j’avais sur le dos, afin d’avoir Jaggers pour moi.

« Quand on nous amena au banc des accusés, je remarquai tout d’abord combien Compeyson avait bonne tournure et l’air d’un gentleman, avec ses cheveux frisés et ses habits noirs et son mouchoir blanc, et combien, moi, j’avais l’air d’un misérable tout à fait vulgaire.

« Quand on lut l’acte d’accusation, et qu’on chercha à prouver notre culpabilité, je remarquai combien on pesait lourdement sur moi et légèrement sur lui.

« Quand les témoins furent appelés, je remarquai comment on pouvait jurer que c’était toujours moi qui m’étais présenté — comment c’était toujours à moi que l’argent avait été payé — comment c’était toujours moi qui semblais avoir fait la chose et profité du gain.

« Mais quand ce fut le tour de la défense, je vis plus distinctement encore quel était le plan de Compeyson ; car son avocat avait dit :

« — Milord et Messieurs, vous avez devant vous, côte à côte sur le même banc, deux individus que vous ne devez pas confondre : l’un, le plus jeune, bien élevé, dont on parlera comme il convient ; l’autre, mal élevé, auquel on parlera comme il convient. L’un, le plus jeune, qu’on voit rarement apparaître dans les affaires de la cause, si jamais on l’y voit, est seulement soupçonné ; l’autre, le plus âgé, qu’on voit toujours agir dans ces mêmes affaires, mène le crime au logis. Pouvez-vous balancer, s’il n’y a qu’un coupable dans cette affaire, à dire lequel ce doit être ? et, s’il y en a deux, lequel est pire que l’autre ? »

« Et ainsi de suite, et quand on arriva aux antécédents, il se trouva que Compeyson avait été en pension, que ses camarades de pension étaient dans telle ou telle position ; plusieurs témoins l’avaient connu au club et dans le monde, et n’avaient que de bons renseignements à donner sur lui.

« Quant à moi, j’étais en récidive et l’on m’avait vu constamment par voies et chemins, dans les maisons de correction et sous clef.

« Quand vint le moment de parler aux juges, qui donc, sinon Compeyson, leur parla, en laissant retomber de temps en temps son visage dans son mouchoir blanc, et avec des vers dans son discours encore ! Moi, je pus seulement dire :

« — Messieurs, cet homme, qui est à côté de moi, est le plus fameux scélérat… »

« Quand vint le verdict, ce fut pour Compeyson qu’on réclama l’indulgence, en conséquence de ses bons antécédents, de la mauvaise compagnie qu’il avait fréquentée, et aussi en considération de toutes les informations qu’il avait données contre moi.

« Moi je n’entendis d’autre mot que le mot : coupable !

« Et quand je dis à Compeyson :

« — Une fois sorti du tribunal, je t’écraserai le visage, misérable ! »

« Ce fut Compeyson qui demanda protection au juge et l’on mit deux geôliers entre nous.

« Il en eut pour sept ans, et moi pour quatorze, et encore le juge, en le condamnant, ajouta qu’il le regrettait, parce qu’il aurait pu bien tourner.

« Quant à moi, le juge voyait bien que j’étais un vieux pécheur, aux passions violentes, ayant tout ce qu’il fallait pour devenir pire… »

Provis était petit à petit arrivé à un grand état de surexcitation ; mais il se retint, poussa deux ou trois soupirs, avala sa salive un nombre de fois égal, et, étendant vers moi sa main comme pour me rassurer :

« Je ne vais pas me montrer petit, cher enfant, » dit-il.

Il s’était échauffé à tel point, qu’il tira son mouchoir et s’essuya la figure, la tête, le cou et les mains avant de pouvoir continuer.

« Je dis à Compeyson que je jurais de lui écraser le visage, et je m’écriai :

« — Que Dieu écrase le mien, si je ne le fais pas ! »

« Nous étions tous deux sur le même ponton, mais je ne pus l’approcher de longtemps, malgré tous mes efforts. Enfin, j’arrivai derrière lui, et je lui frappai sur l’épaule pour le faire retourner et le souffleter ; on nous aperçut et on me saisit. Le cachot noir du ponton n’était pas des plus solides pour un habitué des cachots, qui savait nager et plonger. Je gagnai le rivage, et me cachai au milieu des tombeaux, enviant ceux qui y étaient couchés. C’est alors que je vous vis pour la première fois, mon cher enfant ! »

Il me regardait d’un œil affectueux, qui le rendait encore plus horrible à mes yeux, quoique j’eusse ressenti une grande pitié pour lui.

« C’est par vous, mon cher enfant, que j’appris que Compeyson se trouvait aussi dans les marais. Sur mon âme, je crois presque qu’il s’était sauvé par frayeur et pour s’éloigner de moi, ignorant que c’était moi qui avais gagné le rivage. Je le poursuivis, je le souffletai.

« — Et maintenant, lui dis-je, comme il ne peut rien m’arriver de pire, et que je ne crains rien pour moi-même, je vais vous ramener au ponton. »

« Et je l’aurais traîné par les cheveux, en nageant, si j’en avais eu le temps, et certainement, je l’aurais ramené à bord sans les soldats, qui nous arrêtèrent tous les deux.

« Malgré tout, il finit par s’en tirer ; il avait de si bons antécédents ! Il ne s’était évadé que rendu à moitié fou par moi et par mes mauvais traitements. Il fut puni légèrement ; moi, je fus mis aux fers ; puis on me ramena devant le tribunal, et je fus condamné à vie. Je n’ai pas attendu la fin de ma peine, mon cher enfant, et vous, le camarade de Pip, puisque me voici. »

Il s’essuya encore, comme il l’avait fait auparavant, puis il tira lentement de sa poche son paquet de tabac ; il ôta sa pipe de sa boutonnière, la remplit lentement, et se mit à fumer.

« Il est mort ? demandai-je après un moment de silence.

— Qui cela, mon cher enfant ?

— Compeyson.

— Il espère que je le suis, s’il est vivant, soyez-en sûr, dit-il avec un regard féroce. Je n’ai plus jamais entendu parler de lui. »

Pendant ce temps, Herbert avait écrit quelques mots au crayon sur l’intérieur de la couverture d’un livre.

Il me passa doucement le livre, pendant que Provis fumait sa pipe, les yeux tournés vers le feu, et je lus :

« LE JEUNE HAVISHAM S’APPELAIT ARTHUR ; COMPEYSON EST L’HOMME QUI A PRÉTENDU AIMER MISS HAVISHAM. »

Je fermai le livre en faisant un léger signe de tête à Herbert, et je mis le livre de côté ; et sans rien dire, ni l’un ni l’autre, nous regardâmes tous les deux Provis, pendant qu’il fumait sa pipe auprès du feu.


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