Les Gaietés/Un Mot de plus, ou le Séducteur indécent


UN MOT DE PLUS,

OU LE SÉDUCTEUR INDÉCENT.


Air : Le mai, le mai, le joli mois de mai.


Ivre de punch et plein d’ardeur,
De Lise, un soir, j’assiégeais la pudeur :
— Sans froncer votre nez pointu,
Daignez, lui dis-je, entendre un impromptu.
On fait l’amour de cent manières ;
Mais chantons les moins ordurières.
— Ah ! dit Lison, vous devez le sentir,
Un mot de plus, monsieur, je vais sortir.

— Un mot de plus ! c’est qu’entre nous,
Puisqu’on les a, l’on doit suivre ses goûts ;
Que j’aime assez de nos catins
L’heureuse adresse et les tours libertins ;
Qu’il faut que la dame soit nue,
Que partout la main s’insinue…
— Ah ! dit Lison, peut-on plus mal agir ?
Un mot de plus, monsieur, je vais rougir.

— Un mot de plus ! c’est qu’entre nous,
Tout est plaisir dessus comme dessous ;

Qu’à l’aide du pivot mouvant,
Je vais, je viens, et derrière et devant ;
Qu’il faut que, servante ou princesse,
Lutte de force et de souplesse.
— Ah ! dit Lison, vous me faites souffrir !
Un mot de plus, monsieur, je vais mourir.

— Un mot de plus ! c’est qu’entre nous,
Plus nous limons, plus le jeu nous est doux ;
Qu’à ce jeu là j’obtiens le prix,
Mais que tricher ne convient qu’aux maris ;
Qu’il faut pour ne faire qu’une âme
Qu’ensemble l’on parte et se pâme !
— Ah ! dit Lison, quel feu vient me trahir !
Un mot de plus, monsieur, je vais jouir.

— Un mot de plus ! c’est qu’entre nous,
Je te défais de tout voile jaloux.
Te voilà nue entre mes bras,
Voyons, Lison, comment tu t’y prendras.
Dieu ! déjà mon affaire est faite…
C’est la fin de ma chansonnette.
— Ah ! dit Lison, pourquoi sitôt finir !
Répète-la, je veux m’en souvenir.