Les Fruits de la Paix

LES FRUITS DE LA PAIX.


Enfin l’aimable paix, ſi long-tems attenduë,
De ſon trône céleſte est vers nous deſcenduë.
Déja des malheureux elle ſèche les pleurs,
Et partout ſous ſes pas fait éclore les fleurs.
D’un tranquille avenir ô flateuſe eſpérance,
Tu charmes tous nos maux, tu ranimes la France !
On voit couler chés nous mille ruiſſeaux de vin ;
Nos ſoucis sont noyés dans ce nectar divin.
Les bergers, à l’envi, dans leurs danſes légeres,

Aux plaiſirs renaiſſans invitent les bergeres.
Tout reſpire la joye, & des plus tendres ſons
Chacun dans ce beau jour anime ſes chanſons.
Qu’un rimeur, à ſon gré, renverſe des murailles ;
Qu’échauffé de ſa verve il livre des batailles ;
Qu’entraînant aux combats nos rapides guerriers,
Il ſe couvre avec eux de ſang & de lauriers :
Pour moi, divine Paix, plus ſenſible à tes charmes
Qu’à l’immortel éclat qui ſignale nos armes,
Je veux, de ta préſence exaltant les effets,
Sur l’empire des Lys annoncer tes bienfaits.
Ton regne, de tout tems aux humains favorable ;
Deviendra chaque jour plus doux & plus durable,
Et bien-tôt de Louis ſecondant le grand cœur,
De cent monſtres affreux tu le rendras vainqueur.
Ô prodige ! À mes ſens l’avenir ſe découvre ;
Je lis dans les deſtins, je perce au fond du Louvre.
J’apperçois un Monarque humain pour ſes ſujets,
Et pour eux méditant les plus nobles projets ;
Monarque, qui gémit des malheurs de la guerre ;
Qui voudroit, s’il ſe peut, en preſerver la terre,
Plus content de régir ſes paiſibles États,
Que d’effrayer chés eux tant de fiers Potentats.
J’admire un Général chéri de la victoire,
Que l’on ne vit jamais enyvré de ſa gloire ;
Invincible Guerrier, dont les brillants exploits
Ont fixé de nos jours les intérêts des Rois.

Près du trône placés paroiſſent des Miniſtres,
Éternels ennemis de tous conſeils ſiniſtres,
De l’eſtime publique uniquement rivaux,
Au ſeul bien de l’État conſacrant leurs travaux.
Je vois un ordre ſage introduit aux finances,
Allegeant le fardeau des ſubſides immenſes ;
Les peuples pour toujours délivrés des Traitans,
Et les impôts rendus plus ſimples, plus conſtans.
Je trouve en nos Cités une exacte police,
Qui protege les bons, en pouſuivant le vice ;
Les abus par ſes ſoins en tous lieux réformés ;
Les Citoyens pervers, flétris et réprimés.
Tremble aujourd’hui pour toi, tremble, chicane horrible,
Plus que la guerre même au Royaume nuiſible.
Dans tes replis en vain tu prétens te cacher ;
Je vois à ta ruine un Héros s’attacher.
Pour vous qui cultivez & Phébus et Minerve,
Que ces Dieux de leurs dons ont comblés ſans réſerve,
Vos talens dans la paix par le Prince excités,
Vont produire au grand jour mille ouvrages vantés.
Le commerce & les Arts, plus libres, plus faciles,
Augmenteront bien-tôt la ſplendeur de nos Villes ;
Et dans peu, revenus de cent climats divers,
Nos Vaiſſeaux répandront les richeſſes des mers.
Pour mieux nous aſſûrer l’eſpoir de l’abondance

Du Prince & des Prélats l’heureuſe intelligence
Va retrancher partout tant de jours mal fêtés,
Et rendre à leurs travaux les Peuples enchantés.
Vous, hélas ! qu’aujourd’hui la miſere accompagne,
Habitans déſolés de la triſte campagne,
Conſolez-vous, Louis inſtruit de vos malheurs,
Touché de votre ſort, va calmer vos douleurs,
Et vous aurez enfin, que ce trait vous ſuffiſe,
L’aiſance que Henri vous avoit tant promiſe.

Faiguet, M. de P.