G. Charpentier, éditeur (p. 344-345).

LXXIV

— « Tu souffres, tu as encore souffert cette nuit, ? » — dit Gianni en entrant dans la chambre de son frère.

— « Non… fit Nello, se réveillant, — non… mais j’ai eu, je crois, une fièvre de cheval… puis des rêves imbéciles. »

Et Nello raconta le songe qu’il venait de faire à son frère.

« Oui, reprenait-il, figure toi… je me retrouvais assis là justement, dans cette place où j’étais, tu te souviens, le premier soir de notre arrivée à Paris… la place à gauche en bas tout contre la sortie… c’est singulier, hein ?… mais le curieux n’est pas cela… c’est quand tout ce monde rentrait dans l’intérieur du Cirque… il me regardait alors avec cet air, tu sais… l’air sérieux, sur leurs figures effacées, des gens qui veulent vous faire du mal dans les rêves… attends encore… et tous ces drôles de bonshommes, lorsqu’ils passaient tout près de moi, me montraient à demi, — ça durait un instant, — un espèce d’écriteau que je me penchais pour voir… et que je ne pouvais que très mal voir… mais que je vois maintenant… un écriteau où c’était moi dans mon costume de clown… avec les béquilles que tu m’as commandées hier. »

Et Nello s’arrêta brusquement dans son récit, et son frère resta, un grand et triste moment, sans trouver rien à lui dire.