G. Charpentier, éditeur (p. 328-329).

LXIX

Dans la nuit, au milieu des passants le suivant un instant des yeux, en ce long trajet du Cirque aux Ternes, Gianni marchait à côté de son frère, avec ce quelque chose d’automatique et de pétrifié, que montre par les rues de Paris, en plein jour, sur l’anéantissement de toute sa personne, l’accompagnateur d’un brancard s’acheminant vers l’hôpital.

Nello était monté dans sa petite chambre, et le chirurgien arrivait presque au moment où Gianni et les deux hommes de peine du Cirque venaient de le placer sur son lit.

La réduction fut horriblement douloureuse. Il fallut pratiquer l’extension du membre dont les os avaient légèrement remonté les uns sur les autres. Gianni dut aller réveiller un voisin, et l’on se mit à tirer à deux sur la jambe.

Nello ne laissait rien voir de ce qu’il souffrait que par des crispations de la figure, et au milieu des atroces douleurs, ses regards avec toutes sortes de tendres encouragements semblaient dire à son frère très pâle, de n’avoir pas peur de lui faire du mal.

Enfin les fragments de l’os du tibia ramenés à leur position, et les atèles posés, et le bandage commencé, le dur et peu sensible Gianni, qui s’était raidi jusque-là, tombait tout à coup en faiblesse, ainsi que ces militaires qui ont vu nombre de champs de bataille, et qui s’évanouissent devant une palette de sang tirée à leur femme pendant une grossesse.