Les Forces éternelles/Tentation

Comtesse de Noailles ()
Arthème Fayard & Cie, éditeurs (p. 264-265).

TENTATION


La couleur onctueuse et suave du soir,
Où le soleil couchant répand une eau dorée,
Enveloppe le cœur d’une joie mesurée
Où s’insinue un vague et désirant espoir.

Espoir de quoi, pauvre être ? Oui, un orchestre tendre
Semble jouer au fond de l’horizon vibrant,
Comme ces violons secrets et murmurants
Qui dans des loggias masquées se font entendre.

Et je rêve, et j’espère, et ne sais point pourquoi.
L’espace sans défaut est une perle immense ;
Chaque fois que le soir est rêveur, clair et coi,
Il semble qu’un bonheur quelque part recommence.

— Le temps ne peut-il donc enseigner le plaisir
(Le dur plaisir, hélas ! stoïque et monotone),
De contempler l’espoir sans penser le saisir ;
D’aimer que le malheur n’ait plus rien qui étonne ;
De renoncer à vous, ouragan des désirs !
Et de savoir quitter ce qui nous abandonne…