Les Forces éternelles/Similitude

Comtesse de Noailles ()
Arthème Fayard & Cie, éditeurs (p. 342-343).

SIMILITUDE


Nous sommes surpris tous les deux
D’être nous deux, et d’être ensemble ;
Nous devinons que nos yeux tremblent,
Errant sur le calme des cieux,
Et nous croyons, dans la faiblesse
De notre bonheur ample et coi,
Que ce beau ciel aussi nous voit,
Et que sa suave tristesse
Avec compassion s’abaisse
Sur vous qui songez près de moi…
— Ce serait un sublime échange
De tout secret essentiel,
Si la musique, comme un ciel
Qui soudain délivre ses anges.
Jaillissait de nous tout à coup.
De mes talons jusqu’à mon cou,

Épandait son langage étrange,
Ce saint langage sensuel
Que seule donne la musique ;
Et notre ardeur serait unique,
Ô mon amour, ma passion,
Si dans nos rêves sans remède
Nous sentions venir à notre aide
Cette ineffable explosion !…