Les Forces éternelles/Deux êtres luttent…
DEUX ÊTRES LUTTENT…
Deux êtres luttent dans mon cœur,
C’est la bacchante avec la nonne,
L’une est simplement toute bonne,
L’autre, ivre de vie et de pleurs.
La sage nonne est calme, et presque
Heureuse par ingénuité.
Nul n’a mieux respiré l’été ;
Mais la bacchante est romanesque,
Romanesque, avide, les yeux
Emplis d’un sanguinaire orage.
Son clair ouragan se propage
Comme un désir contagieux !
La nonne est robuste, et dépense
Son âme d’un air vif et gai.
La païenne, au corps fatigué,
Joint la faiblesse à la puissance.
Cette Ménade des forêts,
Pleine de regrets et d’envies,
A failli mourir de la vie,
Mais elle recommencerait !
La nonne souffre et rit quand même :
C’est une Grecque au cœur soumis.
La dyonisienne gémit
Comme un violon de Bohême !
Pourtant, chaque soir, dans mon cœur,
Cette sage et cette furie
Se rapprochent comme deux sœurs
Qui foulent la même prairie.
Toutes deux lèvent vers les deux
Leur noble regard qui contemple.
L’étonnement silencieux
De leurs deux âmes fuse ensemble ;
Leurs fronts graves sont réunis ;
La même angoisse les visite :
Toutes les deux ont, sans limite,
La tristesse de l’infini !…