Les Flûtes alternées/Le Chant des Lavandières


XIII

LE CHANT DES LAVANDIÈRES


C’est le chant des lavandières
Dans le vallon parfumé.
Sous les branches printanières,
C’est le chant des lavandières
Qui s’envole au mois de Mai :

— Toi qui passes sur la route,
Pasteur de chèvres, viens voir.
Pan lui-même nous écoute
Et dit au bord de la route :
Salut, Nymphes du lavoir !

 
Vois ! L’onde mousseuse est blanche
Et fuit dans les verts canaux ;
Le linge est blanc sur la planche ;
L’onde mousseuse est plus blanche
Que la laine des agneaux.

Le ruisseau chante. Nous sommes
Les laveuses aux bras nus.
Nous sentons les jeunes hommes
Nous épier quand nous sommes
Sous les grands arbres chenus.

Car nos bras semblent plus roses
Dans l’eau blonde des bassins.
Sous les voiles peu moroses
S’épanouissent des roses
Aux deux pointes de nos seins.

Ô pasteur ! nous sommes lasses
D’être dès l’aube à genoux.
L’heure est chaude ; toi qui passes !
Les lavandières sont lasses,
Mais leurs sourires sont doux.

 
Les lavandières sont belles.
Un baiser sur le gazon
Incline les plus rebelles.
Les lavandières sont belles
Et les cœurs en floraison.