Les Flûtes alternées/Aux Belles

Les Flûtes alternéesA. Lemerre (p. 79-80).


I

AUX BELLES


Belles, il faut aimer. Il faut être la proie
De l’amour. Sombre ou bleu, votre regard flamboie
Et verse des clartés en nos âmes, ainsi
Que midi rutilant dans les eaux miroitantes.
Belles, connaissez-vous le frisson des attentes ?
Avez-vous soupiré dans le bois obscurci ?

Il faut errer souvent dans la forêt profonde,
Écouter les chansons et vous mirer dans l’onde
Et répondre et sourire au passant inconnu,
Donner votre beauté comme on jette une aumône,
Imiter la Dryade éblouissant un Faune
Du rayonnement d’un sein nu.

 
Partout où la nature est vivace et docile,
Où bondit un chevreau comme aux monts de Sicile,
Où rêve un pâtre assis sur un hêtre abattu,
Où le taureau mugit et poursuit la génisse,
Ayez, filles des Dieux ! pour loi votre caprice,
La volupté pour règle et l’amour pour vertu.

Courez au grand soleil vers la fontaine antique,
Lasses des longs plaisirs, sur la toison rustique
Dormez ! Éveillez-vous, aimez, aimez toujours !
L’homme vole aux baisers comme aux fleurs les abeilles
Ô belles ! en riant laissez de vos corbeilles
Tomber les rapides amours.