Perrin et Cie, libraires-éditeurs (p. 80-135).

CHAPITRE IV

DIX-NEUVIÈME SIÈCLE

DEUXIÈME PÉRIODE

Influence de Heine et des écoles souabe

et autrichienne.

Adélaïde de Stolterfoth. — Ida Hahn-Hahn. — Ida de Düringsfeld. — Luise de Plönniès. — Élisabeth Kulmann. — Élise Ludwig — Karolina Dankelmann — Élisabeth et Catharina Dietz.

Betty Paoli. — Marie d’Ebner-Eschenbach. — Ada Christen. — Dilia Helena. — Mathilde Raven. — Luise Aston. — Emma de Halberg. — Amara George. — Émilie Ringseis. — Cécilie Zeller. — Hélène von Engelhardt. — Angelica von Herman. — Comtesse de Wickenburg-Almasy.

La célébrité de Henri Heine, qui, né à Düsseldorf, a chanté parfois les bords du Rhin, rénova l’admiration pour le vieux fleuve aux légendes mystérieuses dont la beauté, d’ailleurs, tantôt sauvage et grandiose, tantôt faite de charme mélancolique tout intime, est bien digne de servir de source inspiratrice à la poésie.

Adélaïde de Stolterfoth est l’une des muses des rives rhénanes.

Née en 1800 à Eisenach, elle vécut beaucoup sur les bords du Rhin, près d’un oncle, le baron de Zwierlein, qu’elle épousa plus tard.

Elle voyagea aussi en Suisse, en Angleterre, en Italie, puis séjourna assez longtemps à Munich où elle était allée voir la veuve de J.-P. Richter, ce romantique Jean-Paul, célèbre par les peintures de vie populaire et rurale de ses romans. Là elle connut quelques homme éminents de l’époque qui stimulèrent son activité littéraire.

Veuve peu de temps après son mariage, elle se voua à la poésie, ne quittant plus guère, dans la dernière partie de sa vie, la contrée du Rhin qu’elle aimait tant chanter dans ses vers.

Adélaïde de Stolterfoth est l’auteur de deux poëmes épiques et romantiques : Alfred (1834), en huit chants, et Burg Stolzenfels (1842). Le château ou burg de Stolzenfels est un des manoirs reconstruits des bords du Rhin, à peu de distance de Coblentz. Son nom signifie fier rocher ; il fut fondé au treizième siècle par l’archevêque de Trèves, Arnold, et détruit par les Français pendant la campagne du Rhin en 1688. La maison de Prusse l’a fait restaurer, et il appartient aujourd’hui à l’empereur Guillaume II.

Un cycle de Romances, Ballades et Légendes du Rhin, ainsi que des Chants et Récits du Rhin (1859) racontent encore, grâce à la plume d’Ad. de Stolterfoth, quelques-unes des traditions fabuleuses qui abondent dans ce pays.

Les vers, quoique estimables, ne donnent à l’auteur qu’une place secondaire parmi ses contemporaines. Le genre même de ces œuvres, imitations plus ou moins étroites des vieux âges épiques, ne laissait pas beaucoup d’essor à l’originalité et aucun de ces poèmes composés en l’honneur du Rhin n’est devenu célèbre, comme par exemple la Loreley, de Heine, inspirée par le même sujet.

Cependant, un charme de délicate rêverie, qui s’adapte fort bien à l’idée traitée, enveloppe de son voile flottant ces nouveaux /Viebelungen et peut plaire à l’imagination de certains lecteurs ainsi qu’on s’en convaincra par le fragment suivant :

LA VIE AU BORD DU RHIN

Sur le Rhin flotte la douce vie du vieux temps passé. — J’y vois planer des fantômes dans leur ancienne magnificence ; — J’entends résonner, ainsi que de longues salutations, des chants — que je dois répéter à voix basse et vivre de nouveau en les rêvant.

Je vois passer les oiseaux bien haut dans l’air bleu, — et les bateaux glisser dans un lointain nébuleux ; — Et cela est pour moi comme si, au vol, l’oiseau lançait un mot — auquel, en son cours rapide, — le bateau répond en écho.

Hors du léger flot mouvant — ici la voix des esprits chuchote — et là entoure le couvent dont le pélerin, jadis, pour se reposer, franchit la porte. — Et lorsque les cimes s’éclairent sous les calmes rayons lunaires — la danse des Elfes commence dans les guirlandes de pampres.

Puis je vois surgir les murs des burgs en ruines. — Un frisson contenu s’élève en ma poitrine — car dans les décombres déserts — bientôt, un bruit de tourmentes et de combats gémit. — Je l’entends se plaindre dans les airs — et glisser en souffles sourds dans les cachots des tours.

Tantôt l’airain et la pierre parlent du Passé ; — tantôt le nuage, au fleuve, redit les échos du temps effacé. — Nous héritons de ces récits et les croyons fidèles. — Et personne n’ose hasarder la question : « Disent-ils bien la vérité ?

Fidèlement aussi je transmets aux autres — ce que j’ai vu et entendu. — Celui qui ne me croirait pas n’a qu’à porter ici ses pas — et prêter l’oreille à la voix des abîmes et des hauteurs. — Le cœur peut toujours trouver — ce qu’il veut bien se donner la peine de chercher.

À part Annette de Droste-Hülshoff, il est évident, cependant, que la première moitié du siècle n’offre guère en poésie que des talents d’ordre moyen.

La littérature, même féminine, est plutôt occupée de la propagande rapide, frappante des idées par la prose, par le roman. Les femmes envient la gloire de George Sand, et quelques-unes ne sont pas sans talent. Malgré leur façon un peu lourde d’appuyer sur une thèse ou de faire étalage d’érudition, Fanny Lewald, la comtesse Hahn-Hahn, Ida de Düringsfeld ont donné des œuvres intéressantes.

On peut joindre aussi à ce groupe l’ardente et généreuse Charlotte Stieglitz, dont la popularité est surtout due à l’héroïsme de son amour. Pour sauver son mari, atteint de neurasthénie aiguë et à qui une violente émotion pouvait rendre l’équilibre physique et moral, elle se poignarda[1].

Parmi ces romancières, la comtesse IDA Hahn-Hahn et Ida de Düringsfel cultivèrent, en même temps que la prose, la poésie.

La comtesse Hahn-Hahn[2] fit paraître plusieurs recueils de vers, dont le plus connu a pour titre : Unserer lieben Frau (À la sainte Vierge), publié en 1851. L’œuvre, est-il besoin de l’ajouter, est d’inspiration spirituelle.

La vie comme les pensées de la comtesse Ida subirent des influences assez diverses, opposées même. Née à Mecklembourg, en 1805, de famille aristocratique protestante, elle eut Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/110 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/111 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/112 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/113 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/114 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/115 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/116 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/117 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/118 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/119 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/120 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/121 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/122 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/123 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/124 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/125 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/126 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/127 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/128 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/129 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/130 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/131 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/132 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/133 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/134 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/135 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/136 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/137 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/139 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/140 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/141 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/142 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/143 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/144 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/145 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/146 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/147 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/148 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/149 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/150 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/151 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/152 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/153 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/154 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/155 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/156 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/157 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/158 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/159 Page:Berger - Les Femmes poetes de l Allemagne.djvu/160

MUSIQUE DE TZIGANES

Ah ! qu’avec joie je te vois arriver, char des tziganes — aux folles boucles noires — aux ardents yeux sombres — quand, par la voix des violons et des cymbales — tu laisses frémir en un chant sauvage — l’âme du caprice, libre de jougs !

Ô tziganes, vos chants restent étrangers — à toute école ; — vos doigts, fantaisistes et sans contrainte, recourbés d’instinct comme la corde de la lyre, — savent si bien traduire vos accents à la fois confus et éclatants ! — Je sens que vous buvez à la même source — que les artistes les plus grands.

C’est comme lorsque je sème ici des fleurs — qui, grâce à l’art, sont l’ornement du jardin — et qui nécessitent tant de soins et de peines — tandis qu’à côté, soudain, éclosent des corolles sauvages, agrestes, — nées du sein même de la simple Nature et qui peuvent rivaliser de beauté avec les autres.

Et je me sens moi-même, inclinée vers le sol, — sur les jours de mon enfance ! — Au profond de moi quelque chose frémit et s’émeut. — Chacun de vos chants m’enveloppe d’un charme, — vision ou image qui, lentement, s’évanouit ; — un sombre ou un doux souvenir.

  1. Sur le roman de Charlotte Stieglitz, lire l’article de M. E. Faguet dans le Correspondant du 10 novembre 1909.
  2. Née en 1805, dans la province de Mecklembourg- Schwerin.