Les Femmes célèbres contemporaines françaises/Daminois

, Alfred de Montferrand, Lesguillon
(p. 67-72).
Mme Daminois.

Mme DAMINOIS

(Angélique-Adèle)
NÉE À CLERMONT (OISE) LE 20 DÉCEMBRE 1795.
Fille de Jean HUVEY.

Il y a presque toujours deux stations dans la carrière littéraire d’une femme, deux mobiles successifs dans sa vocation.

D’abord, et bien jeune encore, elle se crée des travaux intellectuels, pour échapper aux premiers ennuis qui viennent à naître dans la vie. Lorsqu’une jouissance est effeuillée et qu’elle croit toutes les jouissances flétries, lorsqu’un espoir est déçu et qu’elle croit tous les espoirs trompeurs, lorsqu’un amour est terminé et qu’elle croit tous les amours anéantis, elle écrit pour cacher son front soucieux dans la solitude ; elle s’enferme là pour se séparer de tout ce qui la blesse ; elle chante ses notes plaintives pour bercer son cœur et l’endormir. Le principal dans sa condition est l’oubli de ce qui la possédait, la création est l’accessoire. On travaille pour soi, l’art occupe peu, et le public est oublié. La littérature n’est encore qu’un pis-aller, et, dans la faiblesse d’une vie qui s’isole et s’abandonne, un favorable point d’appui. Mais peu à peu, en vivant dans sa nouvelle destinée, on prend du goût pour Page:Nodier - Les Femmes celebres contemporaines.pdf/89 Page:Nodier - Les Femmes celebres contemporaines.pdf/90 sions, et l’anachronisme que forme la présence des maisons monacales dans un temps où les circonstances qui les avaient rendues si nécessaires et si puissantes ont entièrement cessé d’exister. Nous sommes heureux de savoir ce beau sujet entre bonnes mains.

En 1833, Me Daminois a été reçue membre de l’Athénée des Arts, établissement littéraire connu dès longtemps par l’esprit distingué et le ton plein de convenances qui s’y sont établis, et par cet amour des lettres qui les fait aimer pour elles-mêmes, sans but étranger, sans volonté de bouleverser le monde avec un couplet, de renverser un pouvoir avec une épigramme, et de faire d’un mot un poignard. Heureux enfant des arts, qui n’a que le sourire de la poésie, la douce émotion du roman ; et, de toutes les ambitions de la littérature, que le désir des jouissances qu’elle donne, qui, tandis que les positifs et vénals intérêts envahissent tout, se sauve de la politique, et lui montre de loin son léger drapeau qu’elle n’a pu inféoder à sa bannière.

Clémence Robert.