Les Facéties érotiques de Bebelius/60
60. — UNE LEÇON D’ARITHMÉTIQUE[1]
Un paysan avait épousé une pucelle confite en dévotions.
Dix-huit semaines après la noce, la pieuse jeune femme accouche d’un rougeaud qui ressemble étrangement au curé du village.
Notre paysan se fâche, et grogne :
— « Ce garçon ne peut pas être de moi. Je refuse de le reconnaître. »
Alors, le curé et le sacristain endoctrinent le trouble-fête :
— « Mais, malheureux, tu ne sais donc pas compter ? Et les nuits ? Récapitule sur tes doigts : dix-huit semaines diurnes, plus dix-huit semaines nocturnes, cela fait trente-six semaines. Ta sainte femme a porté neuf mois cet ange, et c’est toi qui en es le père ! »
Notre paysan est convaincu. En vain, sa mère proteste :
— « Imbécile ! Ne vois-tu pas qu’on se moque de toi ? Garde ta putain de femme, puisqu’elle a du bien, mais rend le môme à son véritable père ! Regarde-moi un peu cette trogne ! N’est-ce pas notre sac à vin de curé tout craché ? »
Le butor a écouté religieusement la leçon des fripons d’Église. Il n’en démord plus. Il réplique à l’impie :
— « Tais-toi ! Nous ne savons ni lire ni écrire. Ce n’est pas à nous d’en remontrer à des hommes qui parlent latin. En outre, j’ai réfléchi : le temps de la gestation est plus que complet. Dans la saison d’hiver où nous sommes, les nuits sont plus longues que les jours. Il n’y a pas de tromperie possible. Le garçon est amplement de moi ! »
- ↑ Livre III, 136. De eo qui puerum non suum accepit.